La semaine dernière, dans son dernier n° de X-Men, Jonathan Hickman nous laissait dans l'expectative au moment de tirer le feu d'artifices concluant le gala du Club des Damnés. Gerry Duggan lève le voile sur cette scène dans ce Planet-Size X-Men #1 qui porte vraiment bien son nom. Pour l'assister, il dispose des dessins de Pepe Larraz, qu'il connaît bien et qui livre un épisode de 40 (!) pages absolument grandiose.
Quatre jours avant le gala. Magneto rencontre sur Arakko Isca l'imbattable au sujet d'un esclandre provoqué par un de ses semblables au Japon. Pour résoudre ce problème qui risque de dégénèrer en crise internationale, Magneto propose une issue honorable...
Trois jours avant le gala. Magneto rejoint Kitty Pryde, Emma Frost et Sebastian Shaw qui lui expliquent que la récente destruction de leurs plantations médicinales en Terre Sauvage contrarie fortement l'activité commerciale de la Hellfire trading company. Il sait comment y remédier...
Deux jours avant le gala. Cyclope rencontre Captain America dans le parc abandonné de l'ancien institut Xavier. L'expansion de la population mutante ces derniers mois inquiète en haut lieu partout. Cyclope va y réfléchir et donne rendez-vous à Captain America au gala...
La veille du gala. Magneto réunit un groupe composé de Iceberg, Hope, Jean Grey, Proteus, Elixir, Quentin Quire, Exodus, et Vulcain pour une opération d'envergure. Monarch est appelé en renfort ensuite...
Avec le concours de trois Arakki, Magneto dirige les grandes manoeuvres. Direction : Mars pour solutionner le problème des mutants voisins de Krakoa. Tornade intègre l'équipe qui se met à terraformer la planète rouge...
Depuis le gala, alors que les festivités se terminent, Emma Frost sollicite l'attention de tous pour le feu d'artifice final. L'assemblée lève les yeux au ciel puis est invité à traverser un portail dimensionnel pour découvrir la surprise du chef...
Tout d'abord, je dois dire que je me suis retenu pour ne pas illustrer cette critique avec les images les plus spectaculaires de l'épisode car je tenais à ce que, en temps et en heure pour chacun, vous ayez le même plaisir ébahi à les découvrir. Croyez-moi quand je vous affirme que vous serez stupéfait car c'est sans doute un numéro qui va rester dans les annales pour tout fan des X-Men et marquera d'une pierre blanche la refondation de la franchise depuis que Jonathan Hickman est aux commandes.
Pourtant, ce Planet-Size X-Men n'est pas écrit par la "Head of X" mais par Gerry Duggan, qui est le chef d'orchestre de l'event Hellfire Saga. On assiste en quelque sorte à un passage de relais avant de lire X-Men #1 le mois prochain puisque Hickman a dit "adieu" au titre avec le n°21 de la semaine dernière. Une fois lues ces quarante pages, on se dit que Duggan a mis la barre très haut, s'est hissé à la hauteur de la situation et surtout s'inscrit dans les pas de Hickman par la démesure de ce chapitre.
Ce qui frappe par ailleurs, c'est la cohérence de la démarche. Depuis House of X - Powers of X puis la période Dawn of X et maintenant celle de Reign of X, rien n'a été laissé au hasard, même si le nombre de séries, d'épisodes produits et les deux ans qui se sont écoulés depuis ce reboot peuvent donner l'impression que, parfois, certaines choses ont surgi de nulle part, ont pris des directions folles, ou que Marvel n'a pas pu se retenir de développer cet univers qui était moribond avant que Hickman ne le redéfinisse.
HoX-PoX a été une réécriture rétroactive radicale mais nécessaire pour justifier ce que Hickman voulait raconter. Le fait que Moira McTaggert devienne une mutante s'étant réincarnée plusieurs fois et expérimentant à chaque renaissance pour trouver un moyen de préserver la communauté à laquelle elle appartient a pu froisser des lecteurs de longue date, furieux qu'on modifie autant un personnage à cette fin. Mais en même temps c'était, à mon sens, un mal nécessaire car les X-Men, en tant que franchise, était devenu comme un poulet sans tête, continuant à avancer mais sans plus savoir où il allait. On aurait pu continuer comme ça longtemps mais pour quel résultat ? Les mêmes fans avaient déjà eu peur que les Inhumains ne remplacent à un moment les X-Men lorsque Disney et la Fox se disputaient les droits d'exploitation cinématopgraphique des mutants. Il ne faut pas se le cacher : les X-Men étaient dans l'impasse, sans architecte, sans vision à long terme, ressassant les mêmes clichés. Il fallait soigner ce patient avec un remède de cheval. Et c'est ce que Hickman a fait.
Dawn of X a été un redémarrage parfois laborieux avec des séries qui ont mal démarré puis se sont ressaisies, ou l'inverse, des titres morts-nés (qui se souvient de Fallen Angels ?). La série-mère X-Men n'était même pas le team-book ramenant une équipe classique; Hickman et compagnie jouaient avec nos nerfs. Certains se sont sentis floués parce que les immenses promesses contenues dans HoX-PoX ne débouchaient sur rien de digne. Pour ma part, j'ai bien aimé certaines séries, suis resté indifférent ou imperméable à d'autres, mais je suis resté patient parce que j'avais confiance.
X of Swords a été un event/crossover controversé à cause de sa construction en deux actes dont le second versait dans un délire qui pouvait laisser perplexe (en lieu et place d'un tournoi d'épéistes, on a eu droit à des épreuves pour le moins farfelues). Mais on ne pouvait guère prétendre que ça ne sortait pas de l'ordinaire et le dénouement a rebattu profondément les cartes de l'univers mutant. Etait-ce trop long ? Oui (et encore une fois on peut le reprocher au staff éditorial qui a rendu le projet obèse). Mais est-ce que ça sortait de nulle part et n'aboutissait à rien de valable ? Non, car les graines de cette saga avaient été plantées durant Dawn of X (dans X-Men et Excalibur surtout) et que le statu quoi de Krakoa en sortait très changé.
Reign of X est un titre un peu trompeur dans la mesure où, plus que montrer la domination effective des mutants, on a surtout assisté ces derniers mois à la percée de crises consécutives à X of Swords et même de situations antérieures (notamment avec le cas de Mystique mais aussi la concrétisation de Nimrod). Marvel a imposé de nouveaux titres, toujours sans grand discernement (je ne donne pas cher de Children of Atom, X-Factor s'achève au #10, Cable baisse aussi le rideau - mais volontairement là - , et SWORD va devoir apprendre à exister sans toujours devoir composer avec des events extérieurs). Mais en parallèle, Hickman a encore semé avec ses Giant-Size X-Men, l'apparition de Arakko, le retour des Enfants de la Voûte, et pris tout le monde par surprise en annonçant qu'il quittait X-Men en confiant la série à Gerry Duggan pour se consacrer à Inferno, un autre event arrivant très vite après celui du Hellfire Gala.
Planet-Size X-Men sort exactement à mi-chemin de la parution du gala du Club des Damnés et, évidemment, cela ne doit rien au hasard. Si, dans l'ensemble, finalement, les séries X peuvent se lire dans le désordre durant cet event, X-Men #21 et Planet-Size X-Men #1 sont les deux épisodes pivots qu'il est impossible de découvrir autrement qu'à la suite l'un de l'autre, parce que dans l'un on assiste à l'éléction de la nouvelle équipe de X-Men et dans l'autre à une sorte d'événement dans l'event avec ce qu'il advient des Arakki.
Car Gerry Duggan pose dès la première page la question de leur situation. Depuis qu'ils sont devenus les voisins de Krakoa, les Arakki ont non seulement fait bondir le nombre de mutants sur Terre mais sans (vouloir) apprendre à vivre autrement que comme ils l'ont toujours fait. Il convient de rappeler à ce moment-là que les Arakki sont tous des mutants de niveau Oméga, les plus puissants de l'espèce donc, et c'est un élément inédit pour les X-Men de Krakoa qui ne compte qu'une dizaine d'élements de cette valeur. Croire que les Arakki allaient gentiment rester sur leur île ou se balader sur Terre en composant avec les humains de manière diplomatique, c'était bien sûr illusoire.
Quand un problème, a priori minime, intervient, Magneto endosse son costume de diplomate et s'engage à trouver une solution. Mais d'autres ennuis sont à règler. A moins qu'ils puissent tous être résolus d'un seul coup, lors d'une manoeuvre complexe et spectaculaire, qui procurerait en prime un feu d'artifice mémorable pour le gala...
Durant les quatre jours qui précédent les festivités sur l'île des Mykines dans l'archipel des Feroë, acquise par Emma Frost auprès de Namor par l'entremise de Magneto, on découvre donc une liste d'affaires urgents que prend en main le maître du magnétisme. Le rôle lui va comme un gant puisqu'il est dans l'action et la solution, et Gerry Duggan respecte la caractérisation qu'a donné Hickman à Erik Lensherr, plus calme, plus posé, qui anticipe comme un joueur d'échecs. Cette partie-là de l'épisode est simplement jouissive car elle pose des enjeux incroyables tout en ne disant rien (ou alors à mots couverts) de comment ils vont être dissous.
La suite est tout simplement extraordinaire et devient extatique. Parce que derrière, il y a Pepe Larraz et quand un scénariste dispose d'un dessinateur pareil, au sommet de son art et de sa forme, il sait qu'il peut tout se permettre, ça passera crème. Larraz est devenu avec HoX le nouvel artiste de premier plan comme aime à les mettre en avant Marvel (quitte, souvent, à les essorer en leur confiant des events). Mais Larraz a su ne pas se disperser depuis sa collaboration avec Hickman, au point même d'être très discret, presque absent (en dehors des couvertures de la série Black Cat et de deux-trois panouilles par-ci, par-là). On comprend maintenant qu'il s'entraînait pour le show de l'année.
Pendant 40 pages, l'espagnol va vous en mettre mais plein la face. C'est éblouissant, un truc de ouf comme j'en ai rarement vu. pas seulement du tape-à-l'oeil, des splash ou des double pages pour épater la galerie, montrer les muscles sans rien raconter. Mais bien des planches soufflantes, avec un découpage d'une intelligence rare, des compositions magnifiques, rehaussées par les couleurs superbes de Marte Gracia.
Larraz a la charge de convertir en images des scènes pour lesquelle il faut avoir une technique infaillible mais surtout un regard, une vision. Pas question de tout donner d'un coup et de finir sur les genoux, il faut tenir la distance, maintenir la pression, bluffer le lecteur du début jusqu'à la fin. Comme courir un marathon en sprintant. On parle là de mutants qui terraforment Mars pour en faire une planète viable, et il ne s'agit pas d'aligner des cases avec des explosions, des effets blast, mais bien de dessienr, de représenter la (re)naissance d'un monde, le déplacement d'une population, la (re)création d'un écosystème. Imaginez le fameux épisode de Watchmen avec le Dr. Manhattan sur Mars qui y érige sa citadelle mais sur quarante putain de pages avec une équipe de mutants pour en faire le refuge des Arakki.
Impossible de ne pas être impressionné par le résultat, la beauté, l'ampleur des planches de Larraz, mais aussi du projet de Duggan, adoubé par Hickman. Non, il ne s'agit certainement pas de se débarrasser des Arakki en les déplaçant ainsi loin de la Terre, un an après X of Swords. Pour moi, je suis prêt à le parier, c'est une ouverture vers de futures histoires cosmiques, qui sont dans l'ADN des X-Men, et qui, en somme, permettent déjà de faire dévier de nombreux futurs visités par Moira McTaggert quand, au final, avec l'avènement des machines, les mutants sont soit reclus sur l'astéroïde K, soit reconvertis comme main d'oeuvre de l'empire Shi'ar (avec lequel, on l'a vu précédemment, des liens diplomatiques inédits se sont noués grâce au sauvetage de l'héritière au trône, Xandra, par Tornade).
Effectivement, comme l'assurait Emma Frost à la fin de X-Men #21, le feu d'artifice du Hellfire Gala serait un moment que personne ne voudrait avoir loupé; On n'imaginait simplement pas à quel point et dans quelles proportions - elles sont épiques.
On se revoit vite pour la suite avec X-Corp #2 et New Mutants #19...
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