Il n'est pas courant qu'une série avec un seul mois d'existence doive déjà composer avec un event, mais c'est ce qui arrive à S.W.OR.D.. Comme pour ses Guardians of the Galaxy pourtant, Al Ewing ne semble pas contrarié par ce challenge et il en tire un épisode brillant, drôle et efficace, qui est un véritable régal. Ajoutez-y les dessins, formidables, de Valerio Schiti et c'est parti !
Knull a plongé la Terre dans ses ténèbres. Les communications avec la station du Pic sont coupées et Abigail Brand prend les choses en main pour non seulement renouer avec les mutants de Krakoa mais règler son compte à cette menace qu'elle avait dans le viseur.
Elle envoie sur Krakoa, via un des portails entre l'île et la station, Frenzy, Fabian Cortez et Paibok (l'ambassadeur de l'alliance kree-skrull). Puis elle prend à part Mentallo pour lui ouvrir temporairement son esprit. Il découvre l'existence du mystérieux Protocole V...
Sur Krakoa, Frenzy, Paibok et Cortez trouvent Magneto, le Hurleur et Sunfire en plein combat contre un dragon des ténèbres. Blessé, Sunfire voit ses pouvoirs boostés par Cortez et il élimine la créature avant de créer un soleil artificiel qui déchire l'emprise de Knull et soulage les mutants.
Ecartés des combats, les Cinq aimeraient pourtant aider leurs amis mais Hope leur rappelle qu'ils sont essentiels à la communauté mutante pour les résurrections. C'est alors qu'ils sont rejoints par Mentallo à bord d'un tank et l'ordre de les évacuer...
Le bonheur, c'est simple, parfois, comme un épisode de comics. Et la preuve nous est apportée cette semaine par le numéro 2 de S.WO.R.D. qui fait feu de tout bois. C'est un de ces moments où on dévore chaque page du mensuel avec le sourire au lèvres du début à la fin.
Comme la semaine dernière avec Guardians of the Galaxy, Al Ewing doit composer avec la saga King in Black de Donny Cates qui impacte directement sa série. Impliquer SWORD demeure logique puisque la menace de cet event est de nature cosmique et que justement les héros de la série s'occupent des menaces de cet ordre. N'empêche, Ewing s'occupe d'un titre qui ne compte qu'un numéro et déjà il lui faut intègrer une intrigue qui n'est pas la sienne.
Alors que les autres séries "X" produisent des numéros spéciaux pour l'occasion afin de ne pas déranger le cours de leurs histoires, Ewing semble embrasser cette contrainte avec plaisir, car les intérêts sont communs. Et il le fait vraiment magistralement et sans attendre : dès la première (double) page, les agents du Pic constatent la crise en cours et se mettent en ordre de marche pour la résoudre.
Les différents départements de la station ont tous une tâche spécifique mais on constate que le responsable de la sécurité, Cable, est absent et injoignable. Abigail Brand déploie ses forces à la manière d'un leader qui ne semble pas particulièrement inquiète mais tout de même sucieuse qu'on lui obéisse rapidement. A partir de là, Ewing en profite à la fois pour ponctuer son récit avec des data pages rédigées par Brand au sujet de ses recrues, en des termes souvent mordants, et les missions qu'ell assigne aux uns et aux autres. Elle rembarre prestement Cortez quand il s'étonne que Wiz Kid ne soit pas directement sollicité et on voit alors le jeune technicien à l'oeuvre, tuant un dragon des ténèbres qui allait attaquer le Pic.
Dans le premier épisode, on avait déjà pu remarquer que la station comptait un équipage complet dont on ne nous présentait que les membres les plus éminents (le premier cercle autour de Brand en quelque sorte). Ewing prend soin de ne pas en rester là et continue de peupler cet endroit en introduisant Mentallo. Une fois encore, voilà un personnage de second plan et peu recommandable, ce qui donne au SWORD des allures de ramassis de mutants outlaws que seule une femme comme Brand peut diriger. Elle dévoile à Mentallo l'existence du procédure secrète, visiblement dangereuse mais efficace.
Pendant ce temps, sur Krakoa, la bataille fait rage et Ewing fait des étincelles. Le personnage de Cortez est manifestement un acteur qu'il aime : son pouvoir est utile autant que sa personnalité est abjecte, mais cette canaille donne un relief irrésistible à chaque scène où il figure. La présence de Paibok, l'ambassadeur de l'alliance kree-skrull, rappelle aussi que Ewing n'entend pas en rester là dans une affaire secondaire (le cas de la Sorcière Ecarlate, qui est la mère de Hulkling, l'empereur de l'alliance, mais aussi une ennemie déclarée des mutants).
Le script est tellement bien ficelé qu'il retombe toujours sur ses pattes comme l'atteste la réapparition de Mentallo auprès des Cinq, mais aussi celle de Cable dans un état inquiétant. Vraiment, c'est jubilatoire : la gestion du casting, les péripéties, leurs conséquences, le mix entre action et caractérisation, tout est parfait.
Mais ajoutez à cela un dessinateur lui-même en apesanteur et alors là, le plaisir de la lecture est doublé. Valerio Schiti est d'une telle régularité depuis plusieurs années qu'on peut sans problème affirmer qu'il est un des meilleurs artistes actuels.
Ce qui est réjouissant avec l'italien, c'est que, comme Immonen en son temps, il donne l'impression de savoir tout faire facilement et donc quand on lit ses planches, tout est séduisant, tout est beau, tout est bon. Il compose ses plans avec une justesse imparable, découpe avec une habileté formidable, anime les personnages avec finesse.
Mentallo, par exemple, est illustré comme un pleutre sans scrupules mais aussi sans manières (quand Brand le contacte, il est aux WC et cela le fait ricaner de partager cette situation avec sa chef - qui, elle, ne rigole pas). A la différence de Cortez qui cherche du pouvoir et de la reconnaissance en lèchant les bottes de Magneto dès qu'il le peut, Mentallo n'est motivé que par l'opportunité de manipuler autrui et d'en tirer un profit rapide et facile. Mais ses désirs se heurtent au paradigme inédit mis en place par les autorités de Krakoa et du SWORD, où l'argent ne sert plus les individus mais la communauté et où les chefs ont des dossiers sur tout le monde pour contrôler les éléments les plus vicieux.
Schiti, concrétement, dessine Mentallo ou Cortez comme des personnages qui portent sur eux, leurs visages, leurs gestes, leurs postures, les vices de leur passé : ce sont des individus fuyants, mesquins, mmais qu'on se prend à adorer pour la manière dont ils l'assument. Ils dynamisent les scènes et mettent en valeur leurs partenaires, écoeurés par leur comportement (Frenzy toise avec mépris Cortez, Brand commande avec fermeté Mentallo qui est l'objet des plaisanteries de Random). Là encore, c'est brillant car sans un dessin aussi expressif, on perdrait la moitié de ce que le script veut exprimer.
En tout cas, SWORD #2 est un exemple de ce qu'un auteur inspiré et un dessinateur en pleine bourre peuvent tirer d'un maximum de contraintes pour les convertir en une pépite. Formidable épisode, formidable série.
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