La publication de S.W.O.R.D. reprend son cours normal après avoir été impactée par l'event King in Black. Al Ewing consacre ce numéro au cas de Fabian Cortez, tué lors de cette saga, et qui va confronter le conseil de Krakoa à une question concernant une de ses lois fondamentales. L'épisode est une fois encore excellent, et pour une des dernières fois, superbement dessiné par Valerio Schiti.
Fraîchement ressucité, Fabian Cortez est reçu par le conseil de Krakoa comme le lui avait promis Magneto. Celui-ci a convié Abigail Brand et Peeper du SWORD. A l'ordre du jour, suggéré par le revenant : le droit de tuer des humains, pourtant interdit par une des trois lois principales de la Nation X.
Cortez fait valoir ses arguments en soulignant que les homo sapiens n'ayant pas comme les mutants trouvé le moyen de ressuciter sont par nature des êtres mortels, donc inférieurs. S'ils ont maltraité ou tué des mutants, les mutants devraient pouvoir tuer les humains.
Mais Magneto démonte le raisonnement de Cortez en relevant qu'il cherche plus à se venger des humains qui s'en sont pris à sa famille, de souche noble, et en comparant les affres qu'elle a subis à ce que, lui, rescapé des camps de la mort nazis a enduré et surmonté.
Cortez s'énerve et menace le conseil en faisant valoir son importance cruciale pour le programme spatial mutant. Mais, Brand lui a trouvé une remplaçante. La séance est levée. Magneto raccompagne Brand au Pic tandis qu'elle lui explique avoir résolu une guerre de succession galactique...
S.W.O.R.D. est une série un peu à part, à la marge dans la franchise X. Ses héros ne vivent pas sur Krakoa et leur chef, Abigail Brand est mi-mutante, mi-alien, sans compter qu'elle n'est pas aux ordres du conseil de l'île mais seulement une collaboratrice. Son équipe est par ailleurs constitué majoritairement d'anciens mauvais mutants, et c'est justement l'un d'eux qui occupe le devant de la scène dans ce cinquième épisode.
Tué par "Kid" Cable sous l'emprise de Knull, dieu des symbiotes, dans le précédent numéro, Fabian Cortez avait précédemment sollicité auprès de Magneto, qui lui avait montré peu de considération jusque-là, une audience devant le conseil de Krakoa. Ressucité, il obtient ce qu'il avait demandé et interroge le gouvernement de l'île sur une de ses lois fondamentales : l'interdiction de tuer des humains.
Il y a d'abord toute une affaire de mise en scène dans cet épisode et Valerio Schiti a soigné sa copie car Cortez, tout juste revenu à la vie, est donc nu comme un ver. Comme Jean Grey lui fait remarquer que le conseil lui accorde une faveur exceptionnelle en le recevant, pas le temps de se doucher ni de s'habiller, et donc il se présente devant les membres du conseil toujours nu. On va vite comprendre que c'est une manière sinon de l'humilier en tout cas de le remettre à sa place, de ne pas lui accorder plus d'importance qu'il n'en a vraiment.
Cortez est effectivement un type arrogant, qui s'offusque d'abord de la situation, d'autant plus que Abigail Brand mais aussi Peeper, sa chef et un des collègues, sont conviés au débat, puis il affronte le regard de cette assemblée, crânement, en comptant les embarrasser autant qu'il l'a été. Schiti fait véritablement des merveilles pour traduire de manière très expressive les réactions de Cortez et des membres du conseil. On peut parfaitement lire sur le visage de chacun ce que leur inspire ce moment, et c'est jubilatoire.
Mais ce n'est pas le seul tour de force de Schiti car, comme SWORD est une série tout public, elle se dit ne pas montrer les organes génitaux sous peine d'être classée comme une BD pour adultes, devant alors être vendue sous blister, hors de portée d'un public mineur dans les comics shops. Le dessinateur doit alors ruser pour cacher ce sexe qui ne saurait être vu, même si, hypocritement, tout le monde sait que Cortez est nu, la bite et les fesses à l'air devant tout le monde. Schiti a bien rigolé sur Twitter en prétendant qu'il avait sur son ordinateur des fichiers de ses planches sans les ombres qui préservent les yeux des plus chastes lecteurs. On aurait presque envie de créer un hashtag #releasetheschitcut pour lire cette version...
Le découpage permet aussi d'apprécier le talent de Schiti pour tourner autour des protagonistes et de jouer sur la valeur des plans mais aussi sur l'aspect arêne de la salle du conseil, avec en son centre Cortez. Le dessinateur use notamment de "gaufriers" mais parfois en découpant un plan en deux, suggérant une continuité graphique, très fluide. Quand, à l'inverse, il procède à un montage plus cut pour se concentrer sur les visages, Schiti veille à varier les angles, avec des plongées, des contre-plongées, des profils, des faces, des 3/4 faces, et souligant de manière volontiers comique les mimiques de certains (Mr. Sinistre est comme toujours une véritable attraction, visiblement très amusé par tout ça et en même temps avec cet air constamment béat, voir abruti, en constrate avec la gravité de Magneto).
Formidable dessiné, l'épisode est aussi fabuleusement écrit, dialogué : Al Ewing transforme cette joute verbale en un exercice réthorique fascinant où les arguments de Cortez se disqualifient eux-mêmes, puisqu'il n'est pas tant question de débattre du droit de tuer des humaisn que d'entendre un mutant réclamer justice contre des humains qui ont causé le déclin de sa famille. L'opinion qu'a Cortez des homo sapiens confirme tout ce qu'on pouvait devniner chez cette crapule maniérée, cachant derrière des ronds de jambe une haine profonde : les homo superior ont vaincu la mort, gagnant ainsi sur les sapiens qui sont donc, pour lui, des morts en sursis. Les tuer reviendrait presque à un geste de bonté pour abréger leur existence minable ou les punir pour leurs crimes.
Puis Ewing fait basculer la discussion de manière subtile via Peeper. Celui-ci demande à Cortez son nom de mutant, en relevant que tous autour de la table (sauf Brand, qui est métisse) en a un, signe de son intégration à la communauté et signe identitaire. Cortez est désarmé, il n'a pas à prendre un pseudo bidon pour prouver sa mutanité, il est Cortez et c'est suffisant. Mais cela scelle son sort car cette suffisance explique à elle seule son sentiment de supériorité sur les humains. Magneto enfonce le clou alors.
Le maître du magnétisme a tué, souvent, et sans scrupules. Il l'a fait parfois pour se venger lui aussi, ayant subi des atrocités. Et des atrocités bien pires que celles endurées apr Cortez puuisqu'il a survécu aux camps de la mort nazis. Pourtant il a renoncé au meurtre désormais pour épouser une cause plus grande que lui (la fondation de Krakoa, sa reconnaissance comme nation). S'il devait tuer à nouveau, ce serait pour défendre son peuple, sinon, il le sait, il risquerait d'être puni comme Dents-de sabre (voir House of X #6) ou le bannissment de Krakoa. Cortez croit-il mériter plus de liberté que Magnéto en réclament le droit de tuer des humains pour se venger (et non pour défendre Krakoa, son peuple) ? Bien entendu que non.
La fin du débat est pathétique : Cortez menace le conseil, prétendant que ses pouvoirs sont essentiels pour son programme spatial. Mais en coulisses, Brand et Magneto ont déjà agi et lui ont trouvé une remplaçante (une Arakki qui plus est). C'est fini. La séance est levée.
En tant que tel, donc, l'épisode est déjà impeccable, brillant, formellement superbe. Mais il va plus loin car Ewing et Schiti ont ponctué le récit de scènes brèves dans l'espace. On ne comprend qu'à la toute fin leur sens et c'est assez vertigineux. Ne serait-ce que parce que, par ce biais, Ewing prouve une fois de plus que SWORD assume sa place à part dans la franchise X, en s'occupant d'autre chose que du programme spatial mutant. Et le scénariste vient de confirmer que cette direction se confirmerait cet été à l'occassion d'un crossover entre deux séries qu'il écrit (l'autre étant Guardians of the Galaxy).
Reste qu'alors SWORD aura perdu Valerio Schiti (qui va dessiner un nouveau titre, écrit par Leah Williams). Il ne sera pas simple de le remplacer, et cela, je dois être franc et transparent, conditionnera si je continuerai à lire SWORD ou si j'arrêterai avec le départ de son artiste. J'aime bien cette série, mais si elle tombe aux mains d'un artiste vraiment moins bon et avec la perspective du crossover, étant donné que j'ai arrêté de suivre Guardians of the Galaxy, ça me suffirait pour stopper les frais.
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