La série est clairement entrée dans son deuxième acte avec la révélation publique par Superman de sa double identité. Brian Michael Bendis doit composer avec ce nouveau statu quo et il le fait en exposant les réactions de l'entourage du héros, sans écarter aucune question (et Dieu sait que les fans sont pointilleux sur le sujet...). Il peut compter sur Ivan Reis, en grande forme, pour le soutenir dans cette direction.
Perry White a convoqué Clark Kent et Lois Lane dans son bureau du "Daily Planet", en compagnie de Jimmy Olsen qui immortalise la scène. Mais les assurances ont exigé le renvoi du journaliste, craignant que Superman ne mette en danger le quotidien.
Pourtant, Perry réengage aussitôt Kent parce qu'il a saisi, comme le propriétaire du journal, l'avantage publicitaire d'avoir Superman dans son personnel. Clark conserve donc son poste, à certaines conditions : ne plus se cacher derrière son double comme source de ses infos. Et livrer ses articles avant tout le monde.
Il faut ensuite observer les réactions de la rédaction. Trish Q, la commère du "Daily Planet", présente ainsi ses excuses à Clark et Lois pour avoir entretenu la rumeur d'une liaison entre cette dernière et Superman. Les autres journalistes soutiennent le couple.
Superman a l'occasion de mesurer à quel point les citoyens de Metropolis ont la même attitude que ses collègues quand il survole les rues de la ville sous les vivats. Puis il se rend au Hall de Justice où ses pairs super-héros se sont réunis pour débattre de la situation.
Loin de là, une délégation des Planètes Unies présente un monde inhabité à des apatrides. Mais la visite est interrompue par Mongul qui refuse l'autorité de cette nouvelle organisation. Superman intervient mais reçoit une correction. Personne ne bouge et Mongul de pointer l'hypocrisie générale...
Les deux tiers de l'épisode sont donc consacrés à l'analyse des conséquences de ce qui s'est joué dans le précédent numéro. Superman a avoué au monde entier qu'il était le journaliste Clark Kent car il en avait assez de jouer cette comédie et qu'il était convaincu que cela simplifierait sa vie mais aussi ses rapports aux autres.
En abattant cette carte, Brian Michael Bendis, comme souvent dans sa carrière, a divisé le lectorat. D'abord parce qu'il a déjà fait le coup, avec Daredevil (même si Matt Murdock n'a officialisé son outing que lors du run de Mark Waid, donc bien après). Même si le scénariste s'en est tiré très favorablement (y compris selon ses détracteurs) à l'époque, l'impact est tout de même différent avec un personnage de l'envergure de Superman.
Il faut aussi compter avec le fait que la double identité de Superman a été précédemment dévoilé (par Lois Lane durant l'ère "New 52" par exemple), mais DC a enterré cela par la suite. Bendis a eu, lui, carte blanche pour mettre en scène ce scoop, de manière à ce qu'il ne soit pas atténué ou effacé : il est acquis que la situation va durer.
Il n'empêche que, pour beaucoup, tout cela est une nouvelle preuve que "Bendis veut détruire Superman" (allez donc sur YouTube, vous verrez que c'est en ces termes que d'aucuns résument l'entreprise du scénariste sur la série). Il a déjà modifié considérablement Jon Kent (en le faisant vieillir précocement puis en l'envoyant au XXXIème siècle) - peut-être pas son idée la plus inspirée (surtout vu l'intérêt relatif pour l'instant de Legion of Super Heroes), il est vrai.
En tout cas, en opérant de la sorte, Bendis doit affronter désormais une foule de questions car Superman sorti du placard, ce sont des principes déontologiques de son métier de journaliste et un positionnement comme super héros au sein de la Justice League qui doivent être examinés. Ce mois-ci, Bendis revient donc sur la place de Kent au sein du "Daily Planet" et il s'en sort très habilement. Pour ce qui est de la Ligue de Justice, cela sera détaillé dans un numéro spécial (un autre sera consacré aux réactions de ses ennemis).
Pour cette partie, Ivan Reis doit faire face à deux défis graphiques : d'abord, il met en scène le quatuor Kent-Lane-White-Olsen dans l'intimité (relative) du bureau du rédacteur en chef du "Planet". L'artiste brésilien prouve une nouvelle fois qu'il est excellent dans ce genre de scènes, en représentant merveilleusement les expressions des personnages. C'est un aspect qu'on sous-estime chez Reis, mais il est vraiment à son aise quand il doit se concentrer sur les émotions : l'enthousiasme de White, les doutes de Clark, l'assurance tranquille de Lois, les interventions décalées de Jimmy Olsen, tout est parfaitement dessiné.
Puis Reis passe à des pages très fournies, trois doubles pages en fait, d'affilée, où son génie du détail est toujours impressionnant : la salle de rédaction du "Planet", les rues de Metropolis, la salle de réunion du Hall de Justice. Sur cette dernière (voir plus haut), il montre une assemblée ahurissante de super-héros qu'on peut facilement identifier et qui réserve quelques surprises (Harley Quinn en bonne place, mais aussi le Doctor Fate).
Enfin, dans le dernier tiers de l'épisode, Reis donne l'impression de lâcher les chevaux car Bendis utilise son graphisme dans toute sa puissance. L'affrontement entre Superman et Mongul rappelle la (longue) bagarre entre le kryptonien et Rogol Zaar (Mongul est aussi un malabar qui ne fait pas dans la dentelle et l'issue de ce premier combat se solde par la défaite de Superman), à la différence que Mongul a une apparence plus aboutie que Zaar (dont le design, signé Jim Lee, était médiocre).
La réaction des spectateurs de l'affrontement permet à Bendis et Reis d'indiquer que "la Vérité" ("Truth", le titre de cet arc) va être sondée à plusieurs niveaux, notamment concernant l'organisation des Planètes Unies, rassemblée derrière Superman, mais inerte, pétrifiée, effrayée quand il est rétamé par Mongul (qui ne manque évidemment pas d'en souligner l'hypocrisie).
Comme je le disais, on entre dans le deuxième acte du run de Bendis et l'histoire qu'il entame est très prometteuse (alors que, dans le même temps, j'ai totalement lâché Action Comics, qui a sombré dans du grand spectacle bourrin, affreusement dessiné par Romita Jr).
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