Où l'on dit adieu à la Forêt Noire et aux Fables...
Oui, c'est sans doute le résumé d'un épisode le plus court que j'ai jamais fait, mais je ne vais pas spoiler (même si les planches d'illustration vous fourniront quelques indices sur le sort de certains personnages). Ce qu'il faut retenir, c'est que c'est la fin d'une aventure éditoriale de 22 ans.
Car, oui, il serait tout à fait incroyable qu'on lise un jour de nouveaux épisodes de Fables, à moins que DC ne relance la série avec un nouvel auteur, ce qui semble tout aussi improbable. Bill Willingham ne travaillera plus jamais pour DC avec lequel il s'est définitivement fâché durant la publication de ces derniers épisodes (j'ai évoqué ce psychodrame grotesque dans une précédente critique, je ne vais pas revenir dessus).
Tout ça fait que le lecteur, a fortiori le fan de longue date, de Fables voit sa série se terminer d'une bien curieuse manière et cela, il ne peut en faire abstraction, en tout cas pas complètement en ce qui me concerne. La parution de ces douze derniers épisodes, que nul n'attendait au demeurant, a été chaotique, avec de nombreux retards (dus à l'engagement de Mark Buckingham sur un autre titre, Marvelman, chez Marvel), ce qui a encore compliqué les choses.
Mais bon, les délais, tout ça, ce n'est pas grave en soi. Certains lecteurs poussent des cris d'orfraie en râlant sur la lenteur des artistes et c'est vrai que, dans ces cas-là, même si ce n'est pas une réplique satisfaisante, j'ai envie de leur répondre : "faîtes-en autant, livrez vingt pages chaque mois et si vous y arrivez, on en reparle". Parfois aussi, mais bizarrement, ça, on le mentionne moins souvent pou alors on le pardonne plus facilement, il arrive aussi que les retards soient le fait de scénaristes peu disciplinés ou qui écrivent trop de séries à la fois.
Revenons à Fables, je m'égare. et posons-nous la bonne, la vraie question : la fin de la série est-elle réussie ?
Je vais répondre comme un normand, que je ne suis pourtant pas : oui et non.
Oui, parce que Willingham a résisté à sa vilaine manie (qu'il partage avec Brian K. Vaughan) de sacrifier quelques personnages chers au coeur des fans juste pour le plaisir cruel de prouver que personne n'est à l'abri (encore moins quand il est furax après son éditeur). Et il a également résisté (là aussi comme BKV) à nous asséner une de ses opinions politiques discutables et exagérément simplistes pour prouver que Fables est une savante métaphore de son cru sur les réalités du moment (on sait que l'auteur a longtemps défendu l'idée que Fables était sa vision du conflit israélo-palestinien et que Israël pouvait faire ce qu'il voulait pour se défendre - une logique manichéenne qui s'accommode mal de la réalité bien plus complexe, surtout à la lumière des événements du 7 Octobre dernier. Je dis ça et pourtant je suis pro-Israël (pas pro-Nethanyaou !) dans cette situation parce que je n'oublie pas les atrocités commises par le Hamas, ses appels répétés à un cessez-le-feu que ces terroristes ne respectent jamais et la complaisance d'un partie de civils gazaouis quand ces salopards exhibaient leurs otages après les attentats.
Mais non, parce que, bien que Willingham ait affirmé avoir écrit l'intégralité de son script avant la réalisation des planches de Buckingham, le dénouement de sa saga est d'une rare faiblesse. D'ailleurs, la toute dernière page de cet ultime épisode est mal découpée, sans aucune émotion, comme si vraiment le scénariste en avait marre et même pire, qu'il expédiait des subplots avec une désinvolture assez insultante.
C'est vraiment dommage parce qu'avec un arc en douze épisodes, il aurait dû soigner tout ça, quel que soit son état d'esprit alors. Déjà, le retour de Fables, après 150 épisodes, m'avait surpris, mais tout à ma joie de retrouver cet univers pour un nouveau round, je ne m'étais pas laissé aller à des hésitations oiseuses. Et puis l'intrigue démarrait bien, établissant de nouveaux personnages, en présentant d'autres dans des rôles initialement imaginés bien avant (comme Peter Pan dans le rôle du méchant), renouant avec des protagonistes emblématiques (Bigby Wolf, Blanche Neige, Cendrillon).
Mais c'est vrai que DC s'y est mal pris : l'éditeur savait que Mark Buckingham dessinait déjà Marvelman et ne pourrait donc pas livrer tous les douze épisodes en temps et en heures. Au lieu, comme c'est souvent le cas pour les mini-séries du DC Black Label, d'interrompre la publication à mi-chemin, le temps pour l'artiste de souffler (ou dans le cas présent, de travailler sur son autre projet), DC s'est entêté à sortir les épisodes avec du retard, mais sans break. Du coup, le lecteur voyait dans les sollicitations de numéros prévus pour sortir tel mois puis être repoussé souvent sine die. Le rythme de lecture s'en est trouvé complètement cassé et il fallait souvent relire le dernier épisode paru pour se remettre dans le bain.
Quand tout ça sera réédité en recueil, il sera alors temps pour relire l'intégralité de l'arc The Black Forest et l'apprécier différemment, mieux. Mais je doute que ça rattrape cette fin ratée, d'où toute émotion est absente, qui semble avoir été écrite par un auteur n'en ayant plus rien à faire ou alors prévoyant peut-être un nouvel arc après celui-ci (mais qui ne verra jamais le jour). C'est vraiment dommage.
Mon conseil : si vous ne vous sentez pas de replonger dans Fables pour ces douze derniers numéros, ne vous forcez surtout pas. Ils n'ajoutent rien de fondamental à la série (ils n'enlèvent rien non plus à ses nombreuses qualités). Mais si vous ne voulez pas rater cette extension ultime, ne vous privez tout en sachant que vous serez certainement très frustré et sans doute déçu.
La variant cover de Mark Buckingham.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire