Au XVIIème siècle, le Japon ferme complètement ses frontières après l'Edit de Sakoku de 1635. La mère de Mizu est violée par trois européens et donne naissance à une fille métisse aux yeux bleus, qui fait d'elle une paria dans la société. Harcelée par d'autres enfants, elle rentre chez elle pour s'y cacher jusqu'au jour où elle trouve la maison de sa mère en flammes. Elle est alors recueillie par mâitre Eji, un forgeron aveugle, qui en fait son apprenti et la laisse s'entraîner au maniement su sabre la nuit. Mizu jure alors de se venger des violeurs de sa mère.
Les années passent. Mizu, s'estimant prête pour sa mission et grimée en samouraï, quitte maître Eji. Dans une auberge, elle aborde un proxénète armé d'un pistolet et lui demande qui le lui a fourni en le mutilant. Elle part ainsi à la recherche de Heigi Shindo en compagnie de Ringo, le cuisinier sans mains de l'auberge qui veut devenir un épéiste. Cependant, Akemi, fille unique du seigneur Daïchi Tokunobu, convainc ce dernier de la laisser épouser Taigen, la plus fine lame du shogunat.
L'entretien de Mizu avec le frère de Shindo se passe mal : plusieurs gardes sont tués en voulant l'éconduire et Taigen, appelé en renfort est humilié. Cet exploit parvient jusqu'à Heiji Shindo et Abijah Fowler, un irlandais, resté clandestinement au Japon pour s'emparer du shogunat en important secrètement des armes à feu d'Angleterre, qui envoient les Quatre Crocs, des tueurs aux trousses de Mizu.
Taigen, lui aussi, se lance à la poursuite de Mizu pour prendre sa revanche mais les circonstances vont le pousser à devenir son allié tandis qu'Akemi, abandonnée, est présentée au second fils du shogun pour l'épouser, Elle fugue en compagnie de son précepteur, Seki, pour trouver Taigen. Les trajectoires de Mizu, Ringo, Taigen, Akemi, et Fowler vont converger lorsque la vie du shogun sera en danger et qu'une opportunité de vengeance se présentera lors du grand incendie de Tokyo en 1657...
Comme j'ai pu avoir l'occasion de le dire en rédigeant des critiques de comics ou de bandes dessinées, je ne lis pas de manga. Il m'est arrivé cependant d'essayer et un auteur comme Naoki Urasawa aurait pu me faire franchir le pas avec Billy Bat ou Monster, mais je n'ai pas persévéré. Idem pour les films d'animation : je n'ai jamais tenté les productions Ghibli, alors qu'enfant j'étais un téléspectateur assidu des aventures de Goldorak, Albator ou Cobra.
Je n'ai jamais vraiment cherché à m'expliquer cette aversion pour le manga. Mais en même temps la lecture des comics et des BD m'a toujours accaparé et je n'ai donc pas pris le temps de creuser la question. Pourtant, la culture japonaise m'intéresse, et plus particulièrement tout ce qui a trait aux samouraï (cela doit dater de la première fois où, il y a longtemps, j'ai vu Soleil Rouge, de Terence Young, avec Charles Bronson, Alain Delon et Toshiro Mifune). Donc, logiquement, j'avais prévu de visionner cette première saison (une deuxième est d'ores et déjà commandée) de Blue Eye Samurai.
J'ai appris que la co-créatrice de cette série, Amber Noizumi, était la mère d'une fillette aux yeux bleus, comme Mizu, l'héroïne du show, et c'est ce qui l'a inspirée, avec Michael Green l'autre showrunner, à développer cette revenge story historique. Cela lui donne une puissance dramatique indéniable, une sorte de chair supplémentaire, qui circule dans les veines de cette histoire intense et puissante.
L'Edit de Sakoku est un fait réel : le Japon a bien fermé toutes ses frontières durant le XVIIème siècle, chassant tous les étrangers et empêchant quiconque de pénétrer sur l'île. Les enfants métisses étaient réellement considérés comme des monstres , des sangs mêlés, des impurs, condamnés à se cacher. En ajoutant à la naissance de Mizu le viol qu'a subi sa mère, on a là le terreau fertile d'une vengeance mais aussi celui de la détermination sans faille, quasi-surhumaine, de l'héroïne, qui part à la recherche des fripouilles qui on souillé sa génitrice et ont fait d'elle une paria.
Tout au long des huit épisodes, contrairement au résumé que j'en fais, le passé, ou plutôt les étapes les plus saillantes des origines de Mizu, sont montrées quand elle n'est pas en état de se battre. A la fois songes et souvenirs, on découvre son enfance misérable, son apprentissage de forgeron et d'épéiste, son premier départ de chez maître Eji, son premier combat perdu et la blessure grave qui a failli avoir raison d'elle, ses retrouvailles avec sa mère (qui n'avait pas péri comme elle le pensait dans l'incendie de leur cabane), son couple éphémère avec un ronin qui la trahira, puis le début de sa quête féroce et sanglante.
Les auteurs avaient visiblement l'intention de développer leur saga sur plusieurs saisons puisqu'ils se concentrent sur les efforts de Mizu tout au long des huit épisodes pour mettre la main sur Abijah Fowler, l'un des agresseurs de sa mère et donc, par conséquent, peut-être son père. Pour l'atteindre, elle va devoir affronter bien des adversaires, à commencer par elle-même, déjouer bien des pièges. Et la route sera semée d'embûches. Amber Noizimu et Michael Green n'épargne pas le samouraï aux yeux bleus qui, malgré ses talents extraordinaires d'épéiste et d'acrobate, sa volonté de fer, ne sort pas indemne de tous ses combats. Elle manque d'y laisser sa peau à plusieurs reprises, ce qui l'humanise, même si, évidemment, elle nous impressionne aussi dans des moments hors du commun, se relevant de coups qui en auraient achevés d'autres, de situations périlleuses, etc.
Mais Blue Eye Samurai se distingue aussi par la densité de ses intrigues secondaires car la vengeance de Mizu n'est pas le seul argument du récit. Les auteurs situent l'histoire à une époque précise, entre l'Edit de Sakoku (1635) et le grand incendie de Tokyo (1657), et la peuplent d'une foule de personnages qui croisent tous à un moment, et parfois pour longtemps, la route de Mizu. Ainsi, il y a le cuisinier sans mains, Ringo, sorte de sidekick à la Sancho Panza, admiratif du courage de cet épéiste ; Taigen, samouraï humilié qui prend le parti d'aider son ennemi juré pour avoir le privilège d'une revanche sur lui ; la princesse Akemi, fille unique et gâtée mais prête à des sacrifices insensés pour ne pas être dépossédée d'elle-même par un père ambitieux ; et enfin Fowler, cette crapule épaisse, violente, brutale et sournoise - un méchant qu'on adore détester.
Narrativement donc, c'est déjà une exceptionnelle réussite, on ne s'ennuie pas, on est étonné, choqué - les affrontements sont très sanglants et intenses, le sexe y est montré crument, la question de la différence traitée sans détour, l'isolationnisme politique du Japon interrogé avec beaucoup de documentation.
Mais là où Blue Eye Samurai s'élève au-dessus du lot, c'est par la qualité magistrale de son animation. La production est rien moins que somptueuse : la fluidité des mouvements, l'expressivité des personnages, la magnificence des décors, le mélange harmonieux entre 2D et 3D, tout est porté au plus haut niveau de perfection possible. On est littéralement ébloui par la beauté de certains plans et de manière générale par la splendeur absolu de chaque épisode, leur rythme, leur inventivité visuelle, l'élégance graphique.
L'équipe technique et artistique a accompli une oeuvre qui laisse pantois. Les standards de ce show sont si élevés qu'on a à vrai dire non seulement du mal à lui trouver des équivalents mais aussi à s'en remettre une fois le dernier épisode terminé. Le temps sera long, forcément, ne serait-ce que pour conserver cette exigence, mais surtout pour voir de nouveaux épisodes. En même temps, c'est le prix à payer pour ne pas être déçu et finalement c'est une métaphore du destin de Mizu qui a su s'armer de patience pour atteindre ses objectifs.
Enfin, pour ne rien gâcher, le casting vocal est royal : Kenneth Branagh en tête, qui s'est amusé comme un fou à camper l'horrible Fowler. Brenda Strong incarne la princesse Akemi. Ming-Na Wen donne à la maquerelle Madame Kaji une suavité formidable. Darren Barnet prête de la hargne et du trouble à Taigen. Masi Oka rend Ringo très attachant et drôle sans jamais être lourd. Et après sa prestation formidable dans Mr. & Mrs. Smith, quel plaisir d'entendre à nouveau la voix de Maya Erskine dans le rôle de Mizu.
Je ne le dis pas souvent, mais regardez Blue Eye Samurai. C'est un chef d'oeuvre, et cette fois, le terme n'est pas exagéré.
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