SEULS : LA DISPARITION est le premier tome de la série, écrit par Fabien Vehlmann et dessiné par Bruno Gazzotti, publié en 2005 par Dupuis.
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Du jour au lendemain, tous les adultes et adolescents disparaissent de la cité de Fortville, et sans doute du monde entier. 5 enfants, d'âges, d'origines et de conditions différentes, se rencontrent : Dodji, un orphelin noir qui cache ses fêlures sous un air de dur à cuire ; Leïla, une jeune maghrébine douée pour les sciences et la technologie ; Terry, le plus jeune du groupe et fils d'un couple divorcé ; Camille, une blondinette première de la classe mais peu sûre d'elle ; et Yvan, un geek timide.
Ensemble, ils essaient à la fois de survivre face à cette situation extraordinaire et de comprendre ce qui s'est passé...
Les héros de SEULS : (de gauche à droite)
Terry, Yvan, Dodji, Camille et Leïla.
Depuis sa création, la série imaginée par Fabien Vehlmann est devenue un petit phénomène d'édition : le scénariste l'a lancé à une période charnière de sa carrière, après diverses difficultés rencontrées sur d'autres projets antérieurs (qui, malgré des qualités évidentes, ne rencontraient pas toujours le succès espéré).
L'argument est à la fois simple, doté d'un fort potentiel et efficacement développé. Les références à une série télé comme Lost sont évidentes et assumées, la situation de départ évoque spontanément celles des rescapés sur leur île déserte mais incapables de comprendre ce qui leur arrive et obligés de s'organiser pour faire face à mille épreuves (de la plus élémentaire - subsister - à la plus complexe - savoir ce qui s'est passé).
Mais Vehlmann ne s'est pas contenté de livrer une sorte de version jeunesse de Lost : son histoire possède une identité forte, une intrigue et des rebondissements accrocheurs, des personnages attachants. Ces derniers évitent les clichés souvent liés à l'enfance telle que représentée dans la bande dessinée, avec des héros naturellement manichéens : ici, nous avons cinq protagonistes aux tempéraments bien campés et très divers, issus de milieux très variés, et réagissant à ce qu'ils rencontrent avec ce qu'il faut de naturel et de ressource.
Il semble que le souci de Vehlmann ait d'abord consisté à écrire d'abord de bons personnages puis ensuite à les confronter à un problème devant lequel ils sont aussi décontenancés que le lecteur : en progressant dans le récit au même rythme que les héros, notre attention est captée et retenue sans problème, au gré de péripéties tour à tour spectaculaires (les animaux échappés du cirque) et ordinaires (conduire une voiture, préparer un repas). Tous ces éléments sont très bien gérés, par un scénariste qui donne le meilleur de lui-même, à l'évidence plus à l'aise dans le cadre de cette histoire qu'il a lui-même bâtie que dans celui de travaux de commande (comme sur la série Spirou et Fantasio, où ses prestations sont plus inégales, comme s'il ne parvenait pas à s'approprier tout à fait ces icônes de la bd belge) : rien de que très normal, même si on peut attendre plus de facilité de la part d'un narrateur aussi expérimenté (malgré son jeune âge, Vehlmann est un auteur très productif, évoluant dans plusieurs registres).
On pourrait presque reprocher le côté "united colors" de ce groupe de jeunes héros si on ne sait pas que Vehlmann et son dessinateur n'avaient pas initialement décidé, par exemple, de faire de Dodji un noir, ce qui donne un relief particulier non seulement au personnage mais aussi à la série (plus que rares sont en effet les bd franco-belges - et même d'ailleurs - avec un premier rôle échappant au gentil petit blanc de type occidental). C'est l'autre force de Seuls que d'imposer ce casting sans que cela paraisse artificiel.
La seconde qualité tient à l'aspect surnaturel, qui n'est jamais surjoué : ce premier épisode tient parfaitement son rôle en étonnant le lecteur face à cette situation mais sans le noyer sous des effets fantastiques spectaculaires. La disparition de tous les adultes suffit amplement à nous accrocher. L'exploitation de ce qui suit est au diapason et Vehlmann sait parfaitement doser les moments d'émotions que traversent ses héros (la détresse, l'incompréhension, la curiosité, la nécessité d'être unis) en ménageant quelques traits d'humour subtils (amenés par le jeune Terry ou par une scène comme celle où Camille et Yvan font cuire du riz).
Bruno Gazzotti est l'autre gagnant de l'entreprise : pour dessiner Seuls, il a choisi d'abandonner une production dont le succès lui assurait un plus grand confort (Soda, écrit par Tome, d'abord mis en images par Warrant, désormais par Dan). Et il a été inspiré de prendre ce risque car il est impeccable.
Non seulement il soigne ses décors (dès les premières pages, la vue d'ensemble sur Fortville est impressionnante, très crédible), aussi bien en ce qui concerne les extérieurs (les rues de la ville, le quartier pavillonnaire, la fontaine, le cirque installé dans le parc, la maison des parents d'Yvan) que les intérieurs (abondants de détails inspirés, comme en témoigne là encore le mobilier de chez Yvan). Il sait aussi représenter les véhicules avec talent (le cabriolet de la mère d'Yvan).
Mais c'est surtout sa manière de visualiser les enfants qui fait mouche : chacun a un physique propre, mémorable et crédible, un habillement réaliste, des attitudes et expressions qui sont justes. Gazzotti sait capter aussi bien la joie qui s'empare du groupe quand il s'amuse dans la fontaine que le découragement qui saisit l'un ou plusieurs de ses membres.
Le découpage est classique, mais cela n'empêche pas l'artiste de bonifier le script grâce à des vignettes intelligemment disposées et dans lesquelles se glisse une trouvaille plus efficace qu'un dialogue (ainsi lorsqu'on découvre que Dodji a allumé les lampes de certains bureaux dans l'immeuble où travaille le père d'Yvan pour qu'on puisse lire dans la nuit les lettres S-O-S sur la façade).
Voilà une autre série, qui comme le Esteban de Matthieu Bonhomme, est devenu, et c'est mérité, un des fleurons du journal de Spirou : la qualité de son écriture, la maîtrise de ses dessins, l'originalité de son sujet et l'efficacité de son traitement fonctionnent aussi bien sur la cible visée (un lectorat jeune) que pour des amateurs de bonne bande dessinée, quelle que soit leur génération.
3 commentaires:
J'ai beaucoup aimer ce premier tome, comme ceux d'après d'ailleurs. Je trouve que cette série est sympa à lire et on a franchement envie d'en savoir plus...
PS : Il y a moyen de te contacter par mail ?
Me contacter me paraît compliqué car il faudrait que je donne mon adresse mail directement dans cette réponse.
Mais merci pour le commentaire (je sais par blogger combien de gens me lisent mais j'apprécie quand on me laisse un petit message en réaction à ce que j'écris).
D'accord...
Car moi aussi j'ai un blog BD : http://criticomicsleblog.blogspot.fr/
Et je me demandais si tu voulais rédiger des articles pour nous, faire parti de l'équipe du blog. Je lis tes critiques et je les trouves très bien, je me demandais si ça te plairait d'écrire sur Criticomics.
Si ça t'intéresse n'hésite pas à me contacter ici : criticomics.leblog@gmail.com
C'est un plaisir, continue comme ça !
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