jeudi 1 décembre 2011

Critique 288 : AVENGERS-DEFENDERS WAR, de Steve Englehart, Bob Brown et Sal Buscema

Avengers-Defenders War est un crossover entre les séries Avengers (#115-118) et Defenders (#8-11), écrit par Steve Englehart et dessiné par Bob Brown (pour les épisodes d'Avengers) et Sal Buscema (pour les épisodes des Defenders), publié en 1973 par Marvel Comics.
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L'intrigue se joue autour du plan du démoniaque Dormammu pour conquérir l'univers. Sachant qu'il ne pourra manoeuvrer sans être repéré par le Dr Strange, il requiert l'aide de Loki, devenu aveugle après un énième combat contre Thor.
Pour réaliser son projet, Dormammu, profitant de l'infortune du Chevalier Noir, pétrifié par l'Enchanteresse et dont l'esprit erre dans l'au-delà, fait croire au Dr Strange, qui a localisé l'âme du héros, que pour le sauver, il doit rassembler les six pièces d'un instrument magique, l'Oeil du Mal.
Les Défenseurs se dispersent pour récupérer les artefacts mais doivent affronter les Vengeurs qui croient que le Chevalier Noir est prisonnier de Strange et que l'équipe de ce dernier entreprend de dominer le monde grâce à l'Oeil du Mal...
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En 1973, Steve Englehart est aux commandes des séries consacrées aux Vengeurs et aux Défenseurs, et c'est durant un voyage en moto avec sa fille qu'il a l'idée de ce crossover. Roy Thomas, le mythique scénariste des Vengeurs dans les années 60, devenu editor, va superviser cet ambitieux projet, sorte de matrice pour toutes les grandes sagas comme Marvel en produit désormais annuellement (Fear Itself étant la dernière en date).
La différence majeure entre hier et aujourd'hui est que ces six épisodes sont "self-contained", et qu'il suffit de deux courts prologues de quatre pages, issus des deux séries, pour savoir où on est et où on va. A la fin de l'aventure, pas de grande révolution (si ce n'est quelques Défenseurs qui quittent l'équipe, mais leur départ était déjà dans l'air avant). On peut justement déplorer que les crossovers actuels n'aient pas conservé cette suffisance...

L'argument du récit n'est qu'un vague prétexte pour opposer quatorze personnages, mais la qualité et la diversité des combats constituent un régal. Nous avons ainsi droit à Dr Strange contre la Panthère Noire et Mantis dans un champ de maïs dans l'Iowa ; la Vision et la Sorcière Ecarlate contre le Surfeur d'Argent au coeur d'un volcan ; Iron Man contre Oeil-de-Faucon à Monterrey au Mexique.
Mais les deux meilleurs face-à-face sont entre Swordsman et Valkyrie dans un hommage évident au film de cape et d'épée, et Hulk contre Thor dans un clash dévastateur en centre ville.
Bien entendu, à la fin, les héros comprennent qu'on s'est joué d'eux et s'allient contre Dormammu, après que Loki, lui-même abusé, s'est retourné contre son partenaire (le dieu asgardien du mensonge n'a finalement pas mauvais fond : dans Siege, il permettra aussi aux gentils de tenir tête à Sentry...).

Cependant, l'ultime chapitre (l'épilogue) est bizarrement plus faible et gâche un peu le climax de l'histoire, même si Englehart a tenu (et c'est tout à son honneur) à "régler" le problème du Chevalier Noir.

Cela étant dit, cette saga fait quand même son âge et trahit l'époque à laquelle elle a été conçue : les dialogues sont souvent grâtinés, émaillés de ces exclamations impossibles que tous les scénaristes donnaient aux héros (la palme revenant à "par les hordes hirsutes d'Hoggoth" prononcée par le Dr Strange). Le rythme est infernal, sans aucun temps mort, ce qui est à la fois un avantage (car on ne s'ennuie pas et que certains raccourcis risibles passent mieux - comme lorsque le Surfeur d'Argent est incommodé par l'irruption d'un volcan, alors qu'il a dû subir bien pire quand il était le héraut de Galactus...) et une faiblesse (car cette succession de scènes intenses tourne à la surenchère absurde - ainsi voit-on Thor et Hulk, s'empoignant et suant à grosses gouttes avant que Vengeurs et Défenseurs surgissent pour leur faire comprendre que leur combat n'a pas lieu d'être. Cet enragé de Hulk n'y trouve pas à redire !).
La décompression narrative moderne a au moins eu le mérite de donner à ce genre de récits un découpage un peu plus nuancé.
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La partie graphique est assurée par deux dessinateurs, qui, sans être de grands artistes, ont été des artisans efficaces et aux styles similaires, ce qui donne à la saga une certaine unité esthétique.
D'un côté, nous avons donc Bob Brown, moins inspiré que sur ses épisodes (plus tardifs) de Daredevil, mais qui a le privilège de s'occuper de deux des segments les plus intenses (le duel Swordsman-Valkyrie et la bataille des deux formations contre Dormammu).
De l'autre, il y a Sal Buscema, le légendaire dessinateur de Hulk et Rom le chevalier de l'espace, qui rend une copie pleine de vivacité, conforme à ce qu'on connaît de lui.
C'est également visuellement un peu daté, mais en même temps le graphisme (et ce qu'on en attend) a considérablement évolué.
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Une saga historique, dont certains aspects kitsch ne doivent pas occulter l'énergie et le sens du spectacle.

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