jeudi 8 juin 2023

THE AMBASSADORS #6, de Mark Millar et Matteo Scalera


Et c'est avec ce sixième épisode (à la pagination augmentée) que s'achève The Ambassadors. Ou plus exactement le Volume 1 de ce titre comme on l'apprend à la dernière page. Le projet de Mark Millar ne m'aura guère convaincu et son dénouement (provisoire), s'il est plus satisfaisant, ne rattrape pas vraiment les erreurs du scénariste (et de sa méthode). Matteo Scalera produit, comme d'habitude, de pages fabuleuses, s'élevant sans difficultés au-dessus du lot.



Les Ambassaodrs sont appelés sur une zone menacée par un tsunami et Choon-He Chung interrompt une discussion avec son assistante Oksana Petrov pour assister son équipe. Mais il s'agit d'un piège tendu par son ex-mari, Jin-Sung, qui a rassemblé autour de lui son propre groupe de surhommes...


Si, comme moi, vous êtes abonnés à la newsletter de Mark Millar, alors vous avez reçu dans votre boîte mail la dernière en date hier pour promouvoir les sorties de The Magic Order 4 #5 et de The Ambassadors #6, disponibles cett semaine. C'est aussi l'occasion pour l'auteur de revenir sur la parution, le mois prochain du premier numéro de Big Game, premier crossover du MillarWorld, dessiné par Pepe Larraz, dans lequel on retrouvera notamment les Ambassadors.
 

Mais, outre la promo de ses publications comics (et aussi de sa chaîne YouTube, de la série The Chosen One sur Netflix dans quelque temps, et quelques mots sur le film The Flash), ce qui est intéressant dans ce courriel, c'est ce que dit Millar à propos de sa manière d'écrire depuis une dizaine d'années.


On a peu d'opportunités de lire la méthode d'un auteur pour produire ses scripts, imaginer ses histoires, dont c'est intéressant, quoiqu'on pense de Mark Millar. En l'occurrence, c'est particulièrement intéressant de lire ce qu'il dit à ce sujet avant ou après avoir lu The Ambassadors #6.


Il faut préciser que, comme il en a l'habitude désormais, ce numéro compte une pagination augmentée (une quarantaine de pages), et que cela a été possible grâce au dessinateur Matteo Scalera, un collaborateur fidèle de Millar (Space Bandits, King of Spies), qui, contrairement à tous les autres artistes ayant oeuvré sur ce titre, est très rapide et a bouclé cet épisode sans exploser les délais.

Le format de l'épisode permet à Millar de consacrer en ouverture plusieurs pages à un dialogue entre Choon-He Chung et son assistante Oksana Petrov au cours duquel elle évoque le premier prix en sciences qu'elle a gagné très jeune, battant celui qui allait devenir son mari, Jin-Sung, puis leurs noces, et leur séparation, puis les accusations qui lui ont valu d'être incarcéré à la place de son époux, puis sa revanche avec la création du projet Ambassadors.

Le reste tranche avec cette scène rétrospective et calme et donne à Millar et Scalera l'opportunité de produire un épisode très spectaculaire, bourré d'action, parfois très violent, avant une conclusion plus tranquille. Du classique, rondement mené, par deux professionnels, sûrs de leur coup et de leur talent. C'est d'ailleurs agréable à lire, plus que la moyenne de la série jusqu'à présent, car, enfin, on sort du moule de la présentation d'un candidat au projet Ambassadors, de l'acquisition de ses pouvoirs, de sa première mission, de sa rencontre avec les autres recrues. Pour la première fois, on lit ce à quoi la série aurait dû ressembler si Millar n'avait pas choisi de décompresser autant en consacrant un numéro pour chaque personnage et en développant à peine, en tout cas paresseusement, un subplot sans relief.

Mais revenons à la méthode Millar, telle qu'il l'explique dans sa newsletter. Il raconte que depuis une dizaine d'années, il a pris l'habitude de commencer à concevoir ses histoires en partant de la fin, afin d'y mettre de quoi combler le lecteur, avec des coups de théâtre, de l'action, du grand spectacle. Une fois qu'il a établi où son récit allait aboutir, il remonte le cours des événements et s'assure que tout tient debout, en créant des protagonistes haut en couleurs, des situations inattendues, un pitch à la fois simple et efficace.

Si l'on considère cela, on peut se demander quelle mouche a piqué Millar de construire The Ambassadors en livrant tous les quinze jours un épisode qui n'offrait rien de plus que l'introduction d'un personnage intégrant une équipe. Compte tenu de la relative originalité des profils de ces héros, il aurait pu soit corriger cela en leur inventant des parcours plus toniques et singuliers, soit composer l'équipe plus vite. Mais la vérité, c'est que Millar s'est enfermé tout seul dans son concept, qui se situe hors du champ narratif stricto sensu.

Millar a voulu se faire plaisir et épater la galerie en écrivant une mini-série dont les vrais super-héros seraient en fait les artistes conviés à la dessiner, et comme il a réuni une formation digne des Avengers des dessinateurs de comics avec Frank Quitely, Karl Kerschl, Travis Charest, Olivier Coipel, Matteo Buffagni et Matteo Scalera, il avait une main gagnante. Rien que pour avoir réussi à faire dessiner vingt pages par Charest, ça vaut le détour, vu que ce dernier ne l'avait plus fait depuis vingt ans.

Mais c'est un beau gâchis car donner un machin aussi quelconque, générique à de telles virtuoses, n'a rien qui puisse combler ni les fans de Millar, ni ceux des dessinateurs concernés, ni mêmes ceux des comics en général. Et pourtant, cette idée, toute bête mais accrocheuse, d'une équipe de super-héros ambassadeurs, intervenant comme des secouristes et non comme des justiciers, était séduisante. Sauf que le casting n'a pas été à la hauteur. Car ces Ambassadors ne sont rien d'autre qu'une bande de Néo dans Matrix puisant dans une banque de super-pouvoirs pour remplir leurs missions, missions qui n'ont rien de palpitant.

Il aura fallu attendre le dernier épisode pour avoir enfin droit à quelque chose de digne de Millar, de Scalera, du concept, de l'attente générée par tout ça, avec l'affrontement entre le groupe de Choon-He et Jin-Sung Chung. La baston tient ses promesses et Matteo Scalera nous en met plein les mirettes, avec des pages explosives, aux cases généreuses, avec une colorisation splendide de Lee Loughridge (qui a peint directement sur les dessins de Scalera). On a droit à des twists, à du sang, des boyaux, l'issue est incertaine jusqu'au bout. Millar fait du Millar, mais il le fait bien, stimulé par ce que son dessinateur va en tirer et Scalera est prodigieux sur ce plan-là.

Oh, il n'y a guère de surprise sur le nom du vainqueur, mais même dans l'épilogue Millar glisse quelques ultimes surprises qui nous font saisir que les Ambassadors sont loin d'être une équipe parfaite, que certains de ses membres sont susceptibles de la faire imploser, que sa fondatrice est loin d'avoir achevé son projet. 

Reste à savoir maintenant comment cela évoluera, dans le fond comme dans la forme. Les Ambassadors vont donc participer à l'event Big Game dès Juillet. Et ils auront droit à un Volume 2, mais qui ressemblera à quoi ? Millar va-t-il réunir une nouvelle équipe de super-artistes pour chaque épisode (on imagine mal qu'il fasse à nouveau appel à Quitely ou Charest sauf si ce vol. 2 sort dans cinq ans) ? Dans sa newsletter, le scénariste n'en dit rien, sauf pour assurer ses fans qu'il achève l'écriture des séries MillarWorld à venir en 2024 (et j'espère qu'on aura enfin droit à la suite de Empress) - et ça, c'est sans compter avec son projet Superman qu'il va livrer à DC...

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