samedi 16 mars 2019

WINTER SOLDIER #4, de Kyle Higgins et Rod Reis


Pénultième chapitre de Winter Soldier, ce quatrième épisode tient toutes ses promesses après le cliffhanger du mois dernier. Kyle Higgins en profite pour sonder la figure du père et offrir à son récit une profondeur insoupçonnée, tandis que Rod Reis tire profit de cette ambiance étrange où l'histoire de Bucky Barnes et RJ devient plus trouble.


Shelbyville, Indiana. RJ a donc été retrouvé par son père biologique. Mais Bucky est perplexe et demande à Sharon Carter d'enquêter sur lui. Elle apprend qu'il a passé une dizaine d'années en prison pour un braquage.


RJ est curieux de savoir comment son père, Richie Doyle, a pu le retrouver et le reconnaître après l'avoir brièvement vu dans un reportage aux côtés de Bucky. Son père lui présente une photo que lui avait envoyé sa femme, avant sa mort d'un cancer.


Mais Richie prévoit maintenant de vivre avec RJ et pour l'argent, il va plumer aux cartes un joueur. Cela déplaît au garçon, surtout que d'anciens camarades de prison surgissent pour réclamer de l'argent à son père parce qu'ils l'ont protégé derrière les barreaux.


Bucky intervient pour que la dette soit effacée puis pour donner de nouvelles identités et une résidence sécurisée à RJ et son père. Ce dernier n'a pourtant pas renoncé à son arnaque.


Et lorsque Sharon Carte découvre que Richie a reçu la visite en prison de Mr. Colt, l'homme qui recruta RJ pour l'Hydra, Bucky s'interpose. Le ton monte entre les deux hommes et ils en viennent aux mains. Bucky blesse alors gravement Richie...

J'ignore si cette mini-série s'est bien vendue jusqu'à présent, mais elle le mériterait. Kyle Higgins a su parfaitement s'approprier le personnage du Winter Soldier et lui donner un rôle bien défini tout en ne négligeant pas son passé. Au contraire même puisque Bucky Barnes, qui a eu droit à une seconde chance, offre le même présent à d'autres désormais.

Toute l'intrigue procède ainsi par un effet-miroir : RJ a été modelé par l'Hydra pour ressembler à Bucky, physiquement et moralement (Bucky fut un assassin manipulé par les soviétiques), le père de RJ est un ancien voyou qui a passé plusieurs années en prison et a donc été absent pour son fils (qui a trouvé en Mr. Colt un père de subsitution) avant de recevoir la visite opportune d'un recruteur de l'organisation terroriste.

Trois générations d'hommes se croisent dans cet épisode et chacun traîne derrière lui un lourd passif. La tension n'a aucun mal à grimper, tant et si bien que le dénouement du chapitre est à la fois logique et tragique (Bucky vient-il de tuer accidentellement Richie Doyle ?).

La justesse des dialogues d'Higgins est aussi percutante qu'un échange de coups. L'émotion s'installe de manière subtile et efficace, comme dans cette jolie scène où RJ prend la photo que lui tend son père où il est dans les bras de sa mère disparue : l'attitude défensive du garçon fait place à des larmes de regret poignantes. Soudain, ce petit tueur, qui a grandi sans parents, redevient un gamin mesurant tout ce qui lui a manqué et tout ce qu'il a perdu. Le comportement pathétique de Richie Doyle, confirmant toute la méfiance de Bucky, achève de convaincre le lecteur de la précarité affective de RJ.

Il y a quelque chose de très simple, désarmant même, dans la façon dont Higgins a mis en place son histoire et qui explique pourquoi elle sonne juste, pourquoi elle convient si bien au Winter Soldier. Le format de la mini-série densifie le propos, même si le cadre pourrait supporter une série régulière (avec les missions de Bucky).

Pour illustrer cela, le style de Rod Reis convient parfaitement. C'est un dessinateur à qui on peut reprocher un manque de souplesse, de dynamisme dans la mise en images, mais pas de bien servir le texte.

Comme l'épisode est pauvre en action, il s'évertue à souligner les effets des dialogues, mais en veillant à ne pas les faire surjouer. D'où le choix d'un découpage privilégiant les "gaufriers", les champs-contre-champs, les plans serrés sur les visages (l'effet "talking heads"). C'est sobre, limite austère, mais approprié.

La colorisation, effectuée par Reis, mise sur des ambiances très contrastées avec le bleu comme teinte dominante pour les scènes avec Bucky (reflétant son attitude méfiante) et rouge-orange pour celles avec RJ et son père (correspondant à des retrouvailles chaleureuses mais aussi aux lumières artificielles des intérieurs comme un restaurant, un bar). On est tout de suite dans le bain. Encore une fois un parti-pris élémentaire mais payant.

La conclusion de cette mini-série promet beaucoup, en fonction du sort réservé à Richie Doyle. Mais c'est déjà une réussite dont on imagine mal comment les auteurs la gâcheraient. 

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