lundi 28 février 2022

DES NOUVELLES NOUVELLES TOUTES FRAÎCHES

Bonjour à tous ! J'espère que tout le monde va bien. Comme chaque Lundi, je vous invite à passer en revue les news comics qui ont retenu mon attention et qui retiendront peut-être la vôtre dans les prochains mois. Commençons sans attendre.

IMAGE COMICS :


L'éditeur annonce pour le mois de Mai le lancement d'une nouvelle série : Metal Society. Elle sera écrite par Zack Kaplan, qui a précédemment signé Eclipse et Port of Earth pour le label Top Cow, et qui continue à explorer le registre de la science-fiction.


L'histoire se situe donc dans un futur où après avoir épuisé les ressources naturelles de la Terre en confiant ce travail aux robots, l'humanité est renversée par les machines et réduite en esclavage. Mour se distraire, les robots les plus évolués organisent des tournois de lutte avec des humains et des machines programmées pour le combat. Une jeune femme va tenter sa chance dans l'arêne...


C'est le brésilien Guilherme Balbi qui signera les dessins.

VALIANT COMICS :


L'éditeur sort, de son propre aveu, de deux années difficiles, impacté par la pandémie. Et pour se rétablir, il relance donc ses franchises. En Juillet prochain pourtant, c'est une nouvelle série qui devrait faire parler d'elle chez Valiant : Book of Shadows.


Son auteur est le prolifique Cullen Bunn qui a eu l'idée de réunir dans une équipe les héros mystiques de Valiant pour en faire une sorte d'équivalent à la Justice League Dark de DC. On croisera donc dans ses rangs Shadowman, Dr. Mirage, Punk Mambo et le Guerrier Eternel. Le titre aura Riccardo Latina comme artiste régulier.


Puis en Septembre, ce sera au tour de Bloodshot d'être relancé avec le sous-titre Unleashed. Cette fois, le personnage le plus violent de l'univers Valiant va parcourir les Etats-Unis pour dézinguer des armes expérimentales du gouvernement, comme lui.


C'est le tandem Deniz Camp-Jon Davis-Hunt qui sera aux commandes de ce titre que l'éditeur annonce pour "mature readers".


Enfin, en Novembre, X-O Manowar aura droit à une deuxième série (en parallèle de celle écrite par Dennis Hopeless) sous-titrée Unconquered. Aric, le héros va repartir dans l'espace affronter une menace inconnue mais qui le poussera à réfléchir à ses origines.


Aux manettes, le tandem Becky Cloonan-Michael W. Conrad (Wonder Woman) pour le scénario et Liam Sharp pour les dessins. Ce sont de grosses prises pour Valiant (sans déconsidérer les autres auteurs précités) et le signe que l'éditeur mise gros sur cette série.


DC COMICS :


C'était entendu mais cette fois, c'est confirmé : le bail de Joshua Williamson sur Batman s'achèvera en Juillet prochain au n°124. La série la plus emblématique de l'éditeur va accueillir une nouvelle équipe créative, cette fois durablement.


Et il s'agira donc de Chip Zdarsky au scénario et Jorge Jimenez (qui revient donc sur le titre où il a accompagné James Tynion IV). DC fait donc confiance au scénariste de Daredevil, après lui avoir confié la mini-série Batman : The Knight (énième origin story) pour redonner des couleurs au dark knight. Cela commencera par un arc en six parties (à partir du #125), Failsafe, où Batman est hanté par des cauchemars sur un futur qu'il ne peut éviter - et pour cause : un ennemi mystérieux le tue avant !


Un autre projet, dans la ligne de Jurassic League, verra le jour en Juillet : DC Mech. Il s'agira d'une mini-série en six épisodes, située dans une réalité alternative, puisque, durant le seconde guerre mondiale, Darkseid attaque la Terre avec des robots géants, obligeant la Justice Society à battre à retraite. Grâce à l'arrivée d'un alien, Kal-El, qui dispose d'une technologie avancée, la riposte se met en marche avec d'autres robots géants...


Le dessinateur Baldemar Rivas dessinera le script de Kenny Porter, tandis que les designs des machines ont été confiés à Dan Mora.


Autre mini-série : Aquaman/Flash : Voidsong entraînera dans une même aventure Arthur Curry et Barry Allen (après que Curry ait fait équipe récemment avec Green Arrow dans Deep Target). Au menu, encore des aliens belliqueux qui veulent nous envahir pour drainer l'énergie de la planète...


Collin Kelly et Jackson Lanzing écriront cette histoire (et on remarquera qu'après Chip Zdarsky, voilà encore des auteurs Marvel qui trouvent du temps pour collaborer avec la Distinguée Concurrence).
 

La partie graphique sera assurée par Vasco Georgiev, dont c'est le premier boulot pour un des Big Two, et qui, à mon avis, ne va pas en rester là...


C'est par cette image que Tom Taylor a annoncé sur ses réseaux sociaux le troisième (et, promet-il, le dernier) volume de sa saga DCeased. Son amie, la scénariste Gail Simone, s'est fendue d'un tweet très drôle pour le supplier d'arrêter de tuer tous les héros (et vilains) DC, estimant qu'ils méritaient un peu de repos (et les lecteurs aussi)...


Pas de date de sortie pour l'instant, ni d'artiste (même si on peut parier que Trevor Hairsine reviendra terminer le travail).


Enfin, comme on s'en doutait, la mini-série The Human Target de Tom King et Greg Smallwood va s'interrompre pour laisser à l'artiste le temps nécessaire de produire les six derniers derniers épisodes. Ce break interviendra à partir du mois d'Avril (après la sortie du n°6) et s'achèvera en Septembre. Ce même mois sortira à la fois le 7ème épisode et le premier recueil compilant les six premiers chapitres de la série. Il faudra être patient, mais, à tout prendre, je préfère ça que de voir un fill-in soulager Smallwood pour tenir les délais.

MARVEL COMICS :


Alors qu'il est actuellement la vedette d'une mini-série à son nom (écrite par Walter Mosley et dessinée par Tom Reilly), la Chose va continuer ses aventures dans Clobberin' Time (son expression favorite pour signifier à ses adversaires qu'il va les défoncer) à partir de Juin.


Ecrite et dessinée par Steve Skroce (qui revient donc pour l'occasion chez Marvel), cette mini-série en cinq parties verra à chaque épisode Ben Grimm lutter aux côtés d'un autre héros. Et ça commence fort puisqu'il fera d'abord équipe avec Hulk.


Au rayon "projet con", en voilà un qui se pose là : Deadly Neighborhood Spider-Man ! Le Tisseur va, dans cette mini-série en cinq numéros, à partir de Juin, partir pour San Francisco affronter L'Ours Démon, adversaire historique des New Mutants.


Spider-Man dans un récit horrifique... Mouais... Mais là où on hallucine, c'est que ce machin sera écrit par Taboo, l'un des membres de Black-Eyed Peas, et son ami B. Earl. Seul intérêt de tout ça ? Les dessins seront assurés par Juan Ferreyra (qui fait à présent tout et n'importe quoi, en passant de DC à Marvel).


Il y a quelque temps maintenant, Marvel annonçait le retour de Moon Girl and Devil Dinosaur. On s'attendait donc à un relaunch des aventures de l'Inhumaine la plus intelligente du monde, Lunella Lafayette, et de son T-Rex. Mais ça ne sera pas vraiment le cas... Puisqu'il s'agira d'une mini-série à partir de Juin, où elle fera équipe à chaque épisode avec un héros différent (comme dans Clobberin' Time de Skroce).


Le n°1 la verra donc associée à Miles Morales, sous la plume de Mohale Mashigo et le crayon de Ig Guara. Oui, je sais, ça ne vend pas du rêve. Je suis très déçu, j'attendais mieux, surtout après l'excllent run de Amy Reeder, Brandon Montclaire et Natacha Bustos.


Encore une mini-série ? Soyez exaucés avec Iron Cat, suite de la série Black Cat, annulée en Septembre dernier, et qui mettra en scène Felicia Hardy utilisera une armure volée à Tony Stark. 


Condamné à sauter d'une mini-série à une autre mini-série, Black Cat se dénature de plus en plus, malgré les efforts louables du scénariste Jed MacKay, qui s'investit pourtant pour en faire un personnage important et qu'il aime. Pour ces cinq numéros, qui paraîtront à partir du mois de Juin, il sera accompagné du dessinateur Pere Pérez. Avant peut-être une nouvelle histoire pour la belle voleuse, plus en conformité avec les idées initiales de l'auteur ?


N'allez pas croire que je bégaie, mais, si, si, Marvel publiera encore une autre nouvelle mini-série en Juin ! Genis-Vell : Captain Marvel vient de revenir d'entre les morts dans la série Captain Marvel (de Kelly Thompson) et va pouvoir briller à nouveau pendant cinq mois dans son propre titre.


Peter David écrira cela, avec au moins la satisfaction de ne pas avoir à situer son histoire dans le passé ou le futur, comme on le lui demande régulièrement. Malheureusement, encore une fois, il n'est pas franchement gâté sur le plan graphique puisque Marvel n'a trouvé que Juanan Ramirez pour dessiner cette mini.


Et, pour terminer, hé oui, je vous le donne dans le mille, encore une autre mini-série ! Cette année, Ant-Man a 60 ans et Marvel va fêter ça au mois de Juin. Oh, pas quelque chose d'énorme non plus, quatre épisodes. Mais avec cette fois une belle équipe créative et une surprise.


En effet, c'est l'excellent Al Ewing qui va organiser l'anniversaire en consacrant une rétrospective mettant en scène Hank Pym, Eric O'Grady et Scott Lang... Et un nouveau personnage qui va devenir Ant-Man ! Du coup, on peut espérer que cette mini ne soit qu'un amuse-bouche avant soit une série régulière, soit l'intégration de ce nouvel Homme-Fourmi dans un titre exposé (qui serait toujours écrit par Ewing).


Les dessins seront signés par Tom Reilly, qui a également designé le costume de ce Ant-Man nouvelle génération. J'aime bien ce look, épuré et classe, et Reilly enchaîne après la mini-série The Thing, ce qui est plutôt encourageant pour lui.

Et ce sera tout pour cette fois ! N'hésitez pas à laisser un commentaire si une info vous inspire. En attendant de vous retrouver pour de nouvelles entrées, prenez soin de vous et de ceux que vous aimez.

samedi 26 février 2022

BLACK HAMMER : REBORN #9, de Jeff Lemire et Caitlin Yarsky


Black Hammer : Reborn entre dans son dernier quart et Jeff Lemire retrouve sa dessinatrice Caitlin Yarsky avec qui il avait débutée cette série. Mais le retour de l'artiste ne change pas grand-chose car  la qualité est intacte et la folie de l'histoire aussi. Encore une fois on a droit à un épisode plein de rebondissements, qui aboutit sur un cliffhanger ahurissant. La régalade n'est pas terminée.
 

Lucy Weber et Skulldigger se sont échappés de leurs cellules dans la prison de Spyral City 2 grâce au colonel Weird - qui s'est aussitôt volatilisé. Ensemble, ils retrouvent le Dr. Andromeda et le libèrent. Ils prennent la fuite, sous le feu nourri des geôliers, à bord du dirigeable de Skulldigger.


Le trio revient à l'observatoire d'Andromeda. Skulldigger veut détruire le portail interdimensionnel pour empêcher l'arrivée de l'Anti-Dieu mais le Sherlock Frankenstein de Spyral City 2 l'en dissuade car il lui signale que le vrai Andromeda est enchaîné dans la pièce.


Qui a usurpé l'identité d'Andromeda ? Le Barbalien de Spyral 2 ! Skulldigger et Sherlock Frankenstein le neutralisent rapidement. Andromeda est délivré et explique que le véritable méchant de l'histoire n'est pas Sherlock Frankenstein.


Joseph Weber, le père de Lucy, traverse le portail interdimensionnel dans l'observatoire. Dans son monde, après avoir repoussé l'Anti-Dieu, il a survécu mais perdu femme et enfant. Il souhaite à présent que Lucy le reconnaisse comme son père et devienne sa complice pour dominer cette dimension !

Lire Jeff Lemire, c'est, je l'ai souvent écrit, savourer le talent extraordinaire d'un conteur. Avec lui, tout semble permis tant que c'est divertissant. Mais ça ne s'arrête pas là car l'auteur canadien, on le sait, dans ses creator-owned en particulier, ajoute un commentaire à ses intrigues, comme s'il livrait au lecteur les clés méta-textuelles de son oeuvre. On est donc à la fois dans la salle et dans les coulisses.

Pourtant, et c'est là que la magie opère, rien n'est prévisible. A trois épisodes de son terme, il est impossible de savoir comment finira Black Hammer : Reborn. Le titre même de la série porte son projet : c'est la renaissance de Black Hammer et c'est à la fois familier et inédit, le scénariste manipule des éléments narratifs qu'on reconnaît et d'autres qui nous retournent complètement.

Ce neuvième épisode joue beaucoup sur ce ressort : il y a à plusieurs reprises des visages et des situations qu'on croit maîtriser, identifier. Et puis, en fait, non, rien n'est aussi simple. Sans qu'on l'ait vu venir, untel n'est pas celui qu'on croit, un autre réserve une surprise énorme, et encore un autre attend son heure car son retour est annoncé.

De manière éloquente, l'épisode démarre par une évasion, on suit Skulldigger et Lucy Weber qui s'échappe de la prison de Spyral City 2, et le lecteur comme les personnages espèrent sortir d'un cauchemar (cauchemar de la détention, de la fin du monde imminente). L'espoir est d'autant plus grand que les fugitifs retrouvent le Dr. Andromeda, dont Skulldigger a garanti qu'il était le seul capable d'empêcher le cataclysme. Le trio Lucy-Skulldigger-Andromeda s'envole dans le dirigeable du deuxième. Ouf ?

Bien entendu, ce n'est pas si simple. Si ça l'était, alors Skulldigger détruirait le portail interdimensionnel et empêcherait l'Anti-Dieu de revenir dans notre dimension. Mais voilà Sherlock Frankenstein qui surgit (celui de Spyral City 2) et l'en dissaude fermement. Pour convaincre le justicier, il lui montre un autre Dr. Andromeda enchaîné dans l'observatoire. C'est donc qu'il y a un usurpateur dans le groupe.

Jeff Lemire ose tout et c'est même à ça qu'on le reconnaît, si j'ose dire. Mais comme il a du talent, son audace passe crême. Le scénariste rend même le prévisible imprévisible et nous faisons connaissance d'un Evil Barbalien, rapidement neutralisé. Ce n'est pas encore lui le vrai méchant de l'histoire. D'ailleurs, quand on parle du loup...

L'oeuvre de Jeff Lemire est traversée par la figure du père et c'est donc logique que Joseph Weber, le premier Black Hammer, resurgisse. Sauf qu'il s'agit du Joe Weber d'une Terre parallèle, qui a survécu à la bataille contre l'Anti-Dieu mais a perdu sa femme et sa fille. Il projette donc de conquérir notre réalité grâce au retour de l'Anti-Dieu et de renouer avec le bonheur familial avec notre Lucy Weber. Pour cette dernière, renouer avec ce père qui n'est pas le sien pose un dilemme terrible car elle a perdu son mari et ses enfants. Mais cela mérite-t-il de sacrifier son monde ?

On peut dire, sans que cela lui soit reprochée, que la série retombe un peu sur ses pieds après les précédents épisodes complètement barrés et vertigineux. La conclusion est proche, il faut donc lever le pied sur le délire. Mais affirmer que la série s'assagit, c'est franchir un pas que je ne ferai pas, car, je le répéte, il est impossible de savoir comment cela va finir. Et même ce que va réserver le prochain épisode le mois prochain. La preuve que même quand Lemire freine un peu, il tient le lecteur en haleine, contrôle ce qu'il lui communique et le rend incapable de deviner ce qu'il a concocté.

Malachi Ward et Matthew Sheean partis, après un fill-in de grande classe, Black Hammer : Reborn retrouve sa dessinatrice initiale, Caitlin Yarsky. Elle revient pile au bon moment, quand l'action renoue avec ses basiques. Et surtout la série conserve une qualité esthétique tout à fait exceptionnelle.

Yarsky est très doué pour l'expressivité des personnages et comme le script ménage son lot de péripéties et d'émotions fortes aux héros, le résultat est formidable. Lorsqu'un personnage s'avère ne pas être celui qu'on croit, la surprise est totale car insoupçonnable. 

Contrairement à Ward et Sheean, Yarsky est sans doute plus faible sur les décors. Son trait précis et appliqué rend les environnements un peu froids, désincarnés. En même temps, les personnages évoluent dans des cadres impersonnels, comme la prison au début ou l'intérieur de l'observatoire d'Andromeda ensuite. Il n'y a pas dans ces intérieurs des éléments qui reflétent la personnalité des héros, ce sont des lieux de fonction, et seule les couleurs de Dave Stewart les "ambiancent". Il faut donc accepter cette contrainte pour comprendre la relative déception relative à cet aspect graphique.

Néanmoins, la force de Black Hammer : Reborn, c'est de nous entraîner dans une cascade émotionnelle, une spirale de rebondissements. Les fondamentaux sont intacts et le plaisir aussi. Impossible de ne pas vibrer, jubiler en tournant les pages. Quel pied !

vendredi 25 février 2022

ELEKTRA : BLACK, WHITE & BLOOD #2, de Peter David et Greg Land, Al Ewing et Rod Reis, Greg Smallwood


Comme promis, voici ma critique du deuxième numéro de l'anthologie Elektra : Black, White & Blood. Le principe est inchangé : trois histoires courtes par des auteurs inspirés par la tueuse ninja d'origine grecque. Cette nouvelle collection d'épisodes est pourtant bien supérieure à la précédente, plus originale, plus intense, et esthétiquement plus aboutie. Et avec le fameux récit retouché de Greg Smallwood...


- Cut and Run. (Ecrit par Peter David, dessiné par Greg Land.) - Patch (Logan) demande à Elektra de trouver et sauver une jeune femme enceinte sous la coupe d'un gangster violent, peut-être encore plus dangereux que la tueuse...


- Vérité. (Ecrit par Al Ewing, dessiné par Rod Reis.) - Deux policiers enquêtent sur le meurtre d'un avocat lié au Caïd. Grâce aux caméras de vudéo-surveillance disposées sur la scène du crime, ils identifient l'assassin... Hélas ! pour eux...


- Yokaï. (Ecrit et dessiné par Greg Smallwood.) - Elektra arrive dans un village japonais pour y résoudre une série de rapts d'enfants...

Comme je l'ai déjà dit pour le n°1 de Elektra : Black, White & Blood, la qualité des histoires est très variable à cause de différents facteurs. Il faut que les auteurs sachent maîtriser le format court, mais aussi s'adapter au personnage singulier entre tous d'Elektra, à la fois tueuse à gages implacable et justicière, le tout avec la contrainte d'un dessin en noir et blanc rehaussé de rouge.

Si le premier n° s'avérait inégal, celui-ci est nettement plus relevé grâce à des créatifs plus inspirés. On commence avec Peter David, scénariste illustre bien qu'étrangement relégué désormais par Marvel à des séries de second rang (une honte quand on sait ce que le bonhomme a apporté aussi bien sur Hulk que X-Factor par exemple). Il situe son histoire dans le passé, lorsque Logan (Wolverine) évoluait à Madripoor sous le pseudo de Patch (en référence au bandeau qui masquait un de ses yeux), profitant qu'on croyait les X-Men morts (suite au Massacre Mutant). Pour protéger sa couverture, il fait appel à Elektra pour secourir une jeune femme d'un homme violent et dangereux. Elektra est montrée en réelle difficulté, ce qui donne du piment à l'affaire. 

Dommage que David ait dû composer avec Greg Land comme dessinateur. Celui-ci, depuis plusieurs années maintenant, comme Salvador Larroca, reproduit des photos sur lesquelles il redessine. Ce procédé aboutit à des attitudes figées, parfois grotesques (car Land pioche allègrement dans des magazines "de charme"). Le combat au coeur du récit est mal fichu, et les expressions des protagonistes donnent l'impression qu'ils jouent faux. De plus Land plaque des à-plats rouges sur un dessin à la ligne, sans surfaces noires pour lui apporter de la profondeur ou de la texture, ce qui donne un rendu trop lisse.

Heureusement la suite est bien meilleure à tous les niveaux. Al Ewing se prête à l'exercice avec beaucoup de brio : on ne voit en effet pratiquement pas Elektra et pour cause, toute l'intrigue tient sur le fait qu'elle est trop rapide pour être captée par des caméras de vidéo-surveillance. Les deux filcs, pugnaces, qui mènent l'enquête, vont en payer le prix fort. C'est formidablement bien foutu, jusqu'au final, terrifiant.

Pour ne rien gâcher, Ewing est associé à l'excellent Rod Reis au dessin. L'artiste se joue avec maestria des contraintes d'un tel récit, largement vu à travers des écrans de contrôle. Connu pour ses talents de coloriste, Reis s'accommode magistralement du noir et blanc et les quelques traces de rouge sont lâchées avec parcimonie et justesse. C'est tout simplement un chef d'oeuvre.

Enfin, on a droit à l'épisode réalisé par Greg Smallwood, qui a motivé mon achat. J'ai parlé (dans ma rubrique Des Nouvelles Nouvelles Toutes Fraîches) du travail de "correction" de sagouin que Marvel a fait subir à quelques cases de l'artiste au prétexte qu'il aurait pu offenser le public asiatique. Non seulement, ça a été mal fait mais des artistes asiatiques sont montés au créneau pour défendre Smallwood et se plaindre des retouches effectuées par Marvel, qui, elles, sont vraiment offensantes (pour Smallwood mais aussi pour le public visé).

J'ai lu l'épisode sur papier et en numérique pour comparer, puisque Marvel n'a pas retouché les scans mis à disposition sur les plateformes. C'est juste hallucinant parce que les retouches concernent très peu de plans, mais effectivement le type qui s'en est chargé a fait n'importe quoi. Les dessins de Smallwood sont magnifiques, aucunement offensants. Cette affaire est lamentable.

Pour ce qui est de l'histoire, en revanche, pas de débat : c'est une merveille. Smallwood produit des planches muettes, un challenge narratif car l'histoire doit dès lors se comprendre sans aucun texte. Le pitch est simple et superbement mené. Le génie de Smallwood éclate à tous les niveaux : le découpage est une leçon de rythme, avec une variété d'enchaînements de cadres bluffante, une tension permanente, un combat âpre. Il y a un côté fable, conte dans ce récit, par sa concision et sa beauté.

Surtout, Smallwood maîtrise visuellement son affaire. Il nuance le noir et blanc de niveaux de gris, et joue avec le rouge de manière experte. Quel gâchis que Marvel ait cru bon de retoucher ses vignettes en pensant bien faire... Mais il est certain que Smallwwod va y réfléchir à deux fois la prochaine fois que l'éditeur lui proposera une nouvelle commande (j'espère que DC va lui faire signer un contrat d'exclusivité comme à Jorge Fornés, ça fera les pieds à la "maison des - mauvaises - idées" !).

C'est donc un lot de short stories de très bon niveau (on a frôlé le sans-faute, à cause de Greg Land et des retouches sur Smallwood). Du coup, je vais guetter le prochain numéro avec curiosité.

jeudi 24 février 2022

ELEKTRA : BLACK, WHITE & BLOOD #1, de Charles Soule et Mark Bagley, Leonardo Romero, Declan Shalvey et Simone d'Armini


Je me suis procuré les deux premiers numéros de cette anthologie alors que je ne prévoyais que d'acheter le deuxième (qui comporte une histoire par Greg Smallwood). Suivant le même principe que pour d'autres projets (impliquant Wolverine, Deadpool, et chez DC Superman ou Wonder Woman), il s'agit pour des auteurs de produire de courts récits illustrés en utilisant seulement trois couleurs. Cette fois, c'est Elektra qui a inspiré les scénaristes et dessinateurs.


- Red Dawn. (Ecrit par Charles Soule, dessiné par Mark Bagley.) - Dans cette histoire, Elektra est vaincue par un groupe de vampires et désormais contaminée, elle doit consentir à l'ultime sacrifice...


- Not The Devil. (Ecrit et dessiné par Leonardo Romero.) - Dans cette histoire, Elektra traque un membre de la pègre, Shigeru Ono, qui tente de fuir New York. Mais elle découvre qu'il emmène avec lui sa fille, qu'elle se refuse à exécuter...


- The Crimson Path. (Ecrit par Declan Shalvey, dessiné par Simone d'Armini.) - Elektra vient au secours d'une jeune fille poursuivie par des tueurs. Au terme de la bataille, elle comprend qu'elle a hérité du titre de la cible comme assassin ultime...

Or, donc, j'étais parti pour acquérir le n°2 de Elektra : Black, White & Blood pour lire l'histoire qu'a écrite et dessinée Greg Smallwood (et dont j'avais parlé dans ma rubrique Des Nouvelles Nouvelles Toutes Fraîches). Et je suis revenu avec le n°1 en plus parce que Leonardo Romero était au générique...

D'habitude, je suis pas client de ces anthologies trichromatiques, que ce soit chez DC ou Marvel. Je n'ai rien contre, et même au contraire, ça peut être intéressant de voir comment des auteurs se débrouillent avec un format court et des contraintes graphiques. Mais en revanche je suis beaucoup plus perplexe sur le fond de l'affaire qui consiste surtout à mettre en avant des personnages réputés pour leur violence (en tout cas chez Marvel) sous couvert d'exercices esthétiques (tandis que chez DC, pour Superman et Wonder Woman, le spectre des histoires est plus large, même si la forme est gadget).

Mais, donc, Greg Smallwood et Leonardo Romero, deux artistes dont je suis fan, et qui m'ont convaincu de débourser quelques Euros. Pour quel résultat ?

Dans ce premier numéro, on a droit à trois récits. L'héroïne est donc Elektra. Noir, blanc et sang sont des couleurs qui lui correspondent sans problème. La création de Frank Miller reste un personnage qui conserve un pouvoir de fascination intacte, comme si rien ne pouvait l'abîmer. Pourtant Marvel semble souvent ne pas savoir quoi faire d'elle : véritable méchante, ou créature plus équivoque, éternelle femme fatale dans le sillage de Daredevil, elle fut même un temps membre des Thunderbolts (durant le bref run de Daniel Way et Steve Dillon) ! Elle a subi des relookings souvent hasardeux puis on lui a rendu son look d'origine, indépassable. Et si en fait Elektra résistait à tout ?

Partant de là, quel risque court-on de l'animer dans une anthologie consacrée à ses "exploits" ? Au moins, cela présente l'avantage de l'écrire et de la dessienr hors de toute continuité et au gré de la fantaisie de chacun. Si elle tombe entre de mauvaises mains, ce sera vite oublié. Si elle est bien dirigée, ce sera un bon point de plus à son palmarès.

On a une bonne idée avec ce premier numéro de ce à quoi peuvent ressembler ces expérimentations. Prenez Charles Soule et Mark Bagley : le premier a scénarisé Daredevil mais, curieusement, sans s'être vraiment servi d'Elektra (sinon dans un très bref arc), et le deuxième n'a, à ma connaissance, ajmais dessiné la tueuse au cours de sa longue carrière. Leur récit est étrange, funèbre, et pourtant envoûtant. Bagley est étonnamment bon sur ce coup et Soule très sobre. Ce n'est pas renversant mais intéressant.

Leonardo Romero leur succède et se montre très inspiré. Il puise à la source de Frank Miller en évoquant la période où le personnage d'Elektra est apparu et où le lecteur ne la situait pas du tout. Elle assassine plusieurs membres de la pègre et traque un asiatique qui veut fuir New York à la suite de ces carnages. En s'apercevant qu'il emmène avec lui sa fille, Elektra ne se résoud pas à la tuer mais complètera quand même son contrat. C'est cruel, hyper dynamique, et visuellement magnifique. Romero mériterait vraiment une seconde chance, lui qui m'avait ravi sur le run de Kelly Thompson avec Hawkeye et qui, depuis, vivote d'éditeur en éditeur.

Enfin, Declan Shalvey raconte un dernier segment métaphorique sur le thème de l'assassin ultime. C'est violent, sanglant, et étrangement beau malgré tout. Dommage qu'il n'ait pas dessiné également (mais il est fort occupé par ailleurs). C'est donc à Simone d'Armini, un artiste italien encore méconnu, qu'échoît la partie visuelle. Le résultat ne manque pas de style mais souffre parfois d'un manque de lisibilité, ce qui ne pardonne pas quand on travaille avec seulement trois couleurs. Toutefois, belle idée de colorer la tenue d'abord virginale d'Elektra avec le sang de ses adversaires pour qu'elle soit écarlate telle qu'on la connaît.

L'ensemble se lit donc bien, même si, sans surprise pour ma part, Leonardo Romero domine les débats. Un constat qui se confirmera avec le deuxième numéro. Mais ça, je vous en parlerai demain...

CATWOMAN #40, de Tini Howard et Nico Leon


L'arrivée de Tini Howard comme scénariste de Catwoman avait bien démarré le mois dernier et pour son quarantième numéro, la série confirme qu'elle est entre de bonnes mains. Ce premier arc sera court (quatre épisodes) et il est nerveux, prenant. Au dessin, Nico Leon confirme lui aussi ses bonnes dispositions, soutenu par les couleurs de Jordie Bellaire.


Selina Kyle découvre que Kristi, une des danseuses qui l'a aidée à affronter Black Mask la veille au soir, a été assassinée dans la chambre d'hôtel où elle devait être en sécurité. C'est un avertissement lancé par la pègre de Gotham. Mais Selina décide de répliquer vite et fort.


Elle sait qu'un meurtre commandé comme celui-ci n'est possible que grâce à Don Tomasso. Elle cible le fils de ce parrain italien, Dario, pour trouver les assassins en échange d'une information cruciale pour ce dernier : Don Tomasso veut confier sa succession à Noah Goddard, son conseiller.


Après avoir châtié les assassins, Catwoman comprend que Dario est l'amant de Noah Goddard. Pour réfélchir à la suite, Selina visite de nuit un musée qui expose le plus gros diamant du monde. Valmont l'y rejoint, toujours aussi mystérieux sur son agenda personnel.
 

C'est alors que Noah Goddard se présente avec des hommes armés. Catwoman l'attaque mais la situation lui échappe quand elle reçoit un tir en pleine poitrine... Lorsqu'elle reprend connaissance dans le repaire de Valmont, celui-ci lui montre les cadavres de Goddard et ses sbires.

Comme je l'indiquai en préambule, le premier arc écrit par Tini Howard pour Catwoman sera bref : quatre numéros. C'est un calcul intelligent car cela ne décourage pas le lecteur, toujours méfiant lorsqu'un nouvel auteur reprend une série, surtout après un précédent run convaincant. Quatre épisodes, c'est malgré tout un challenge narratif car il faut aller vite sans être expéditif, sans bâcler son affaire.

En réintroduisant Catwoman dans la haute société de Gotham, Tini Howard a un objectif clair : la faire renouer avec la cambriole mais sans qu'elle renonce à son activité bien particulière philosophiquement de justicière. En effet, l'équilibre du personnage tient dans cette position : elle n'est pas une criminelle comme le Joker, Double-Face, le Pingouin ou le Sphinx, mais elle se bat avec les armes de ses adversaires, sans se soucier de la légalité (contrairement à Batman).

Le mois dernier, Catwoman faisait un point sur la situation de la haute ville de Gotham où elle n'évoluait plus depuis un moment et avec elle, nous avons identifié les familles du grand bnaditisme local. Un invité s'est présenté à la table en la personne de Roman Sionis/Black Mask, un vilain avec qui Catwoman a un lourd et vieux contentieux.

Conséquence rapide : dès l'ouverture de cet épisode, Selina Kyle découvre le cadavre encore chaud de Kristi, une danseuse qui l'a aidée à fuir Black Mask dans le précédent numéro. Elle pensait l'avoir mise à l'abri dans un hôtel luxueux mais ça n'a pas suffi. Tini Howard lance donc un avertissement aussi bien à Catwoman qu'au lecteur : la chasse est ouverte, le temps des repérages et des mises en garde est révolu.

Catwoman contre-attaque donc, mais sans pour autant frapper aveuglèment. Tini Howard s'inscrit donc dans les pas de Ram V en continuant d'envisager son héroïne comme une femme intelligente, qui sait anticiper les coups, montrer à l'ennemi qu'elle n'a pas peur. Malgré tout, contrairement à Batman et au run de Ram V, Catwoman est ici plus seule, elle ne s'appuie pas sur des alliés occasionnels ou permanents (comme les Strays de Alleytown). Son seul compagnon semble être ce mystérieux Valmont mais la fin de l'épisode révèle une part sombre et inquiétante de cet individu (qui n'hésite pas à tuer de sang froid).

L'épisode est donc coupé en deux parties : d'abord la riposte, efficace, express, spectaculaire de Catwoman. Tini Howard l'écrit avec beaucoup d'adresse et accroche le lecteur avec une suite de scènes rapides, des dialogues piquants, et même une dose d'humour. Puis il y a le retour de Valmont, la bagarre contre Goddard et ses sbires, et le cliffhanger final. Là aussi, ça ne perd pas de temps, mais le dialogue occupe plus de place, la tension entre Catwoman et Valmont est intéressante. Les deux segments se répondent bien, ça fonctionne parfaitement. Et en fait on devine que ce premier arc ne se conclura pas simplement, il va sûrement servir de tremplin pour une saga plus longue, impliquant toute la pègre gothamite et Catwoman, avec Valmont dans le rôle de la wild card - une structure finalement proche de ce que Howard avait établi sur la série Excalibur où on comprenait que tout servait le plan d'Apocalypse pour renouer avec Arakko (et qui a abouti au crossover X of Swords).

Visuellement, la série a gagné avec Nico Leon un dessinateur qui montre son envie d'en découdre. Longtemps cantonné aux seconds rôles chez Marvel, baladé de série en série, il y a chez l'artiste une volonté de faire ses preuves, de montrer au lecteur (et à son nouvel éditeur) ses compétences.

On peut lui reprocher néanmoins, non pas cette surmotivation, mais un trait un peu froid. Le dessin numérique a ses avantages mais quand on ne peut pas s'appuyer sur un style fort, cela peut vite devenir un peu impersonnel. Si dans les scènes d'action, Leon fait preuve d'une belle technique, et si le découpage a une belle variété, qui assure une lecture entraînante, on aimerait volontiers un peu d'effets de matière, de texture, car l'ensemble reste très lisse.

Cette impression est soulignée par les couleurs de Jordie Bellaire. Leon a expliqué avoir convenu avec cette dernière d'une palette et la consigne semble avoir été d'aller vers quelque chose d'assez uniforme et encore une fois un peu froid. Cela va jusqu'à parfois des cases et même des planches entières avec une seule nuance, de gris, très appliquée. C'est étonnant. D'autant qu'à côté, Bellaire oppose des sources de lumière contrastées comme le rose des phares de la moto de Catwoman ou le jaune-oranger dans le repaire de Valmont. En dehors de ça, ça manque un peu, sinon de fantaisie, en tout cas de diversité. Comme l'action est essentiellement nocturne, c'est limite monotone. A voir donc si Leon et Bellaire vont persister dans cette direction ou quand même un peu plus éclairer leur affaire.

Quoi qu'il en soit, malgré ses réserves, on passe vraiment un bon moment et surtout on reste curieux de savoir où Tini Howard et ses partenaires vont nous emmener. On le sait, cette scénariste n'aime pas abattre ses cartes trop vite, mais elle avance avec un plan sur le long terme. Comme ça démarre bien, on lui accorde un vote de confiance.