lundi 29 août 2011

Critique 258 : FABLES 12 - THE DARK AGES, de Bill Willingham, Mark Buckingham, Mike Allred, David Hahn et Peter Gross

Fables : The Dark Ages est le 12ème recueil de la série créée et écrite par Bill Willingham, rassemblant les épisodes 76 à 82, publiés en 2008 et 2009 par DC Comics dans la collection Vertigo. Mark Buckingham dessine les épisodes 77 à 81, Michael Allred l'épisode 76, David Hahn l'épisode 82, et Peter Gross la back-up story en cinq parties (Return to the Jungle Book).
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- Around The Town (#76) : Pinocchio fait visiter Fabletown à Gepetto après sa défaite et son amnistie. Mais le voisinage réserve un accueil hostile à celui qui les a obligés à s'exiler tandis que le marionnettiste n'a aucun remords.

- The Dark Ages (#77-81) : L'inquiétant et puissant sorcier Mr Dark, incarnation de tous les cauchemars, est libéré accidentellement du coffre où il était enfermé dans son château du royaume de Tiabrut par les deux mercenaires Freddy et Mouse. La magie délivrée ainsi provoque un séisme qui détruit la mairie de Fabletown, dont profite Baba Yaga pour s'enfuir et qui oblige les Fables à partir s'installer à la Ferme. Frau Totenkinder est incapable de déterminer la cause exacte de ce trouble. Et Boy Blue se meurt lentement, après avoir été blessé durant la guerre contre l'Adversaire, plongeant Rose Red dans une profonde dépression.

- Waiting For The Blues (#82) : Le décés de Boy Blue affecte les Fables et l'arrivée des citadins à la Ferme exacerbe les tensions avec les résidents habituels de l'endroit qui s'interrogent sur cette cohabitation.

- Return To The Jungle Book (1-5) : Bigby envoie Mowgli et Baghera en mission dans les royaumes pour y surveiller les Trolls. Accompagnés des frères loups de Bigby, ils rencontrent Lord Mountbaten, un tigre mécanique, dernier survivant des Fables hindous.
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Autant vous prévenir tout de suite, il s'agit sans aucun doute de la suite d'épisodes la plus triste de la série : et pour cause, on y assiste à la mort d'un de ses plus attachants héros. Son agonie est traîtée de manière poignante par Bill Willingham, qui ne laisse pas espérer une résurrection (quand bien même, elle n'est pas non plus exclue, et que les Fables doivent une partie de leur existence aux auteurs qui les utilisent dans leurs récits et aux lecteurs qui suivent leurs aventures).
Le sort tragique du jeune trompettiste fendra littéralement le coeur à ceux qui ont lu la série depuis le début, tant le personnage faisait partie du paysage (jusqu'à tenir le premier rôle du recueil Homelands), formant avec Pinocchio et Flycatcher les "three compadres", et ayant subi plusieurs revers amoureux cruels (avec le Chaperon Rouge puis Rose Red).
Parallèlement à cela, Willingham traite des conséquences de la guerre entre les Fables exilés et Gepetto. Le bilan n'est pas si glorieux que ça pour les vainqueurs : en accordant l'amnistie à Gepetto, le ressentiment des Fables éclate au grand jour contre ce dernier, mais se pose aussi rapidement - et dramatiquement - la question de la situation des Royaumes à l'abandon depuis la chute de l'Adversaire. Désormais aux mains de mercenaires et pillards comme Freddy et Mouse, sans Gepetto, l'anarchie règne et le diable ne va pas tarder à sortir de sa boîte.
Ce nouvel ennemi est l'énigmatique Mr Dark, personnification de tous les cauchemars, d'une puissance magique considérable (au point d'effrayer Frau Totenkinder), et dont le réveil provoque en plus la libération de Baba Yaga, qui croupissait dans une cellule souterraine de la mairie de Fabletown.
La destruction du Hall est, à l'évidence, une référence directe aux attentats du 11-Septembre (2001), frappant les Fables en plein coeur : l'office disparaît subitement, avec son trésor (annonçant donc la ruine financière des exilés), et la population est obligée de se déplacer jusqu'à la Ferme, ce qui va engendrer rapidement de vives tensions entre les résidents de l'endroit, sans oublier la dépression qui accable Rose Red après la mort de Boy Blue (et met un terme à son couple, récemment formé avec Sinbad). The Dark Ages mérite donc parfaitement son nom : après War and pieces où on pouvait espérer une embellie, la situation semble plus compromise que jamais. Il est encore trop tôt pour savoir si ce nouvel adversaire va offrir une opposition aussi rude que Gepetto (bien que ce nouveau cycle sera moins long), mais Willingham ne lésine pas sur les moyens et on achève la lecture de ce 12ème tome avec appréhension.
L'histoire qui boucle ce recueil est une back-up de la série régulière, ce qui explique qu'elle ne soit pas numérotée : c'est un récit sympathique avec Mowgli, où nous faisons connaissance avec Lord Moutbaten, mais surtout avec les frères loups de Bigby, dont les pouvoirs métamorphes sont surprenants.
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Mike Allred revient illustrer un épisode de la série - le tour du quartier de Gepetto avec Pinocchio. Sa contribution est excellente, comme d'habitude, quand bien même il est déroûtant de voir Pinocchio représenté comme un véritable enfant, et non comme un pantin aux traits rudimentaires.
Puis Mark Buckingham (encré par Andrew Pepoy) dessine l'arc principal. La colorisation de Lee Loughridge ajoute à l'aspect sinistre du récit, avec des tons mats, dominés par des teintes brunes. Une séquence comme l'effondrement du Hall ou les funérailles du Prince Charmant offrent de nouveaux exemples du talent immense de "Bucky".
David Hahn dans un style naïf et séduisant met en images l'épilogue de The Dark Ages, et Peter Gross avec un trait un peu frustre mais pas désagrèable s'occupe de l'histoire avec Mowgli.
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Prochaine étape : un crossover ! Fables va partager la suite de son histoire avec son spin-off, Jack Of Fables, et une mini-série originale, The Literals, pour une saga ambitieuse en 9 parties.

vendredi 26 août 2011

Critique 257 : CHINAMAN, TOMES 4 & 5 & 6 - LES MANGEURS DE ROUILLE & ENTRE DEUX RIVES & FRERES DE SANG, de Serge Le Tendre et Olivier Taduc

CHINAMAN,
tome 4 : Les Mangeurs de Rouille (2000).

Chinaman est mêlé aux rivalités entre ouvriers chinois et irlandais sur le chantier du Transcontinental. Ces luttes entre les deux clans sont observées par le régisseur du Central Pacific. Mais le drame se noue lorsque Li, le cuisinier, s'éprend d'une jeune prostituée qu'il veut arracher des griffes de son souteneur, Sing...

Ce nouvel épisode bénéficie encore une fois d'un cadre spectaculaire, fournissant des séquences mémorables avec ces ouvriers suspendus depuis une falaise comme des acrobates, trimant dans des conditions de travail épouvantables qui rappellent comment les chinois (et autres immigrés) étaient traîtés par des employeurs impitoyables.

Chinaman est autant une série d'aventures classiques à l'époque du western que la relation de la construction de ce pays à une époque où l'Ouest était encore sauvage. Mais les péripéties historiques n'étouffent pas la trame traditionnelle et encore une fois, le héros va se trouver au centre d'un conflit dans lequel il devra prendre position, s'attirant de nouveaux ennuis. Son amitié avec le cuisinier et son affrontement avec Sing prouvent que ce solitaire en cavale est aussi un justicier au sens noble. Le Tendre narre une nouvelle fois tout cela avec beaucoup d'efficacité.

Quant à Taduc, ses planches sont également d'un niveau qui jamais ne faiblit : il n'a pas peur d'illustrer des scènes exigeant une figuration abondante tout en sachant équilibrer les compositions de ses plans, et les séquences d'action restent un modèle de dynamisme, avec un trait qui sait à la fois être clair et vif. De la belle ouvrage.
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CHINAMAN,
tome 5 : Entre deux rives (2001).

Bien que son ami Chow ait raconté l'avoir tué, Chinaman est reconnu par des chasseurs de primes et capturé. Il réussit pourtant à leur échapper et croise la route d'Ada Waters quand celle-ci est attaquée par une bande de brigands. Il l'en débarrasse, provisoirement, et entreprend sur une radeau de descendre le fleuve en plein coeur du territoire des indiens Paiutes pour rallier Blue Hill où la jeune femme veut s'installer comme institutrice. La traversée ne sera pas de tout repos...

Le Tendre a visiblement revu Rivière sans retour d'Otto Preminger, avec Robert Mitchum et Marilyn Monroe, avant de rédiger son scénario car le périple auquel il soumet Chinaman et Ada en est quasiment le décalque. Mais c'est une bonne référence et son histoire en a retenu le meilleur, aboutissant à une aventure palpitante, peut-être la meilleure depuis le début de la série.

Encore une fois aussi, le récit se déroule en extérieurs et laisse peu de répit aussi bien aux protagonistes qu'aux lecteurs : c'est un pur régal et on dévore ce tome. Taduc y démontre une vraie virtuosité en imprimant à son découpage un tempo trépidant, où il joue avec le décor de manière magistrale. Alternant plongées vertigineuses et enchaînement de vignettes de taille moyenne ou plus grandes, on est littéralement à bord du radeau avec Chinaman et Ada. Mais l'artiste sait aussi exploiter les plages plus calmes et suggérer avec subtilité l'intimité qui s'installe entre eux.

L'album est donc important car à son terme Chinaman n'est plus un "lonesome hero" mais un homme ayant trouvé un nouvel amour et s'apprêtant à vivre à Blue Hill.
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CHINAMAN,
tome 6 : Frères de Sang (2002).

Chinaman vit paisiblement à Blue Hill avec la belle Ada. Le couple s'est lié d'amitié avec des voisins, Charlie et Lalu (chinoise elle aussi). La voie ferrée doit passer non loin et à Longview, Hopper traite de nouvelles affaires avec le successeur de Wu Fei, Zi Ding, qui a pour garde du corps Chen. Ce dernier retrouve Chinaman et bientôt les deux amis vont s'allier à nouveau pour éliminer Hopper qui cherche à escroquer Zi Ding en rachetant les terres d'un certain Dood...

Ce 6ème tome marque la fin d'un cycle (même si ce n'est pas explicitement déclaré) : en effet, Chen et Chow (Chinaman) s'y retrouvent et vont règler son compte à Hopper, l'homme par lequel tout a commencé au début de la série, à San Francisco. C'est donc une histoire de retrouvailles et de vengeance, au terme de laquelle la situation est totalement retournée et le sort de Chinaman révisé.

6 tomes pour boucler un cycle, ce n'est pas si long dans le cadre d'une série franco-belge et on saura gré à Le Tendre de ne pas avoir étiré plus que de raison cette arche narrative, tout en ayant fait voyagé son héros comme ses lecteurs. La facilité avec laquelle se lit Chinaman est son meilleur atout là où trop de productions s'enlisent dans une mythologie assommante et une décompression qui tue tout suspense.

Le récit de Frères de sang est, comme toujours, plaisant, peu avare en rebondissements, alternant intelligemment des moments calmes et des plages d'action. Taduc tire le meilleur encore une fois du décor, moins spectaculaire que dans des tomes précédents. Ses personnages sont expressifs, bougent bien. C'est un dessin complet, jamais tape-à-l'oeil et qui, même s'il se lit rapidement, vous en donne pour votre argent.

Une excellente série, atypique et référentielle à la fois, et vraiment addictive.

mardi 23 août 2011

Critique 256 : CHINAMAN, TOMES 1 & 2 & 3 - LA MONTAGNE D'OR & A ARMES EGALES & POUR ROSE, de Le Tendre et Taduc

CHINAMAN est une série créée en 1998 par Serge Le Tendre et Olivier Taduc, sur une idée originale de ce dernier, d'abord publiée par Les Humanoïdes Associés puis Dupuis (dans la collection "Repérages").
Serge Le Tendre écrit les scénarios, Olivier Taduc les dessins.
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CHINAMAN,
tome 1 : La Montagne d'Or (1997).

Chen Long Anh débarque aux Etats-Unis en 1850 comme homme de main au service de Wu Fei, représentant des doyens de Canton, membre des Triades chinoises. Il est accompagné de son meilleur ami, un autre tueur comme lui, Chow. Progressivement, celui que les recenseurs locaux ont débaptisé en John Chinaman découvrent que son maître est en affaires avec Hopper, riche propriétaire américain, sur la route duquel se dresse la famille de la belle Kim qui exploite une "bonanza", une mine d'or. Trahi par Wu Fei, perdant Kim, Chen doit s'enfuir pour sauver sa peau, mais désormais Chow est à ses trousses...

C'est un western original dont le dessinateur Taduc a eu l'idée : le héros n'est pas un énième cowboy mais un tueur chinois qui va découvrir en même temps les magouilles de son maître, également responsable de la mort de son père, et cette Amérique en pleine ruée vers l'or, dont les natifs méprisent tous les étrangers.
En lieu et place des duels traditionnels et des oppositions entre pistoleros et indiens, le kung-fu s'invite dans ce cadre archi-connu. Ce mélange produit un résultat très efficace et ce premier tome est mené sur un rythme soutenu, avec une intrigue dense et palpitante, où la duplicité des méchants a raison de la romance naissante entre le héros et la jeune fille dont il s'est épris.
Le Tendre est un auteur qui connaît parfaitement son boulot et tire le meilleur des arguments que lui fournissent personnages et décors. Si les dialogues ne sont pas d'une folle originalité, remplissant leur rôle fonctionnel et informatif sans personnalité (même si on évite les expressions toutes faîtes et passablement ridicules comme "par les griffes du mandarin" et autres clichés du même tonneau), l'usage de la voix off est d'une remarquable sobriété.

Graphiquement, la série démarre sur les chapeaux de roue : le trait de Taduc est très affirmé, son découpage est classique mais intelligent, et les scènes d'action sont de toute beauté. On sent qu'il y a apporté un soin particulier en étudiant les films d'arts martiaux, d'ailleurs il dédie Chinaman à Chang Cheh et Tsui Hark, deux maîtres du genre. Les décors sont aussi très ouvragés, que ce soit la représentation de San Francisco, encore à l'état d'un grand village, des extérieurs environnants, ou des intérieurs. A tous points de vue, c'est une réussite.

Un premier volume très accrocheur.
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CHINAMAN,
tome 2 : A Armes Egales (1998).

Chinaman a fui San Francisco après avoir tué son maître, Wu Fei, impliqué dans des magouilles avec le riche Hopper et le meurtre de sa bien-aimée Kim. Il sait que son ami Chow est à ses trousses avec des mercenaires blancs et croise la route d'une caravane. Ses talents de chasseur lui permettent de gagner le respect des voyageurs, à l'exception d'Aaron, un bigot, qui se déplace avec sa femme et sa fille. Mais les choses vont également se compliquer lorsqu'un marshall et son prisonnier se joignent au convoi...

Ce 2ème tome ne déçoit pas et fait voyager aussi bien le héros que le lecteur : le thème de la caravane évoque des albums célèbres de Lucky Luke et permet à Le Tendre de broder un récit où les relations entre les personnages ont la part belle. Comme Chinaman apprend à découvrir le pays et ses colons, ceux-ci font aussi connaissance avec ce chinois ombrageux et mélancolique contre lequel se brisent leurs préjugés racistes. L'usage de la voix-off est ingénieux, complétant plus les dialogues que commentant l'histoire ou détaillant les états d'âme du héros.

Les dessins de Taduc sont merveilleux : il est aussi doué pour représenter les paysages sauvages que traversent les personnages que pour animer les protagonistes auxquels ils donnent de l'expressivité sans exagération. Les scènes d'action sont toujours aussi réussies. L'artiste sait dessiner ce western sans singer Jean Giraud (Blueberry) ou Hermann (Comanche) : c'est louable.

A la fin de ce tome, Chen et Chow ont une explication qui bouleverse totalement leur situation et va affecter durablement la série, preuve que les auteurs n'entendent pas se reposer sur une trame convenue et entraîner Chinaman plus loin qu'une simple et longue vengeance.

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CHINAMAN,
tome 3 : Pour Rose (1999).

Après l'Orégon, Chinaman s'aventure dans la région hostile des Rocheuses au coeur d'un hiver rugueux. Il devient un trappeur et demeure plus seul que jamais, quand bien même Chow a cessé de le traquer. C'est alors que sa route croise celle d'un vieux couple et de leur petite fille, Rose, que son autre grand-père, un riche affairiste de la ville, veut récupérer. Chinaman choisit son camp et va dénouer une situation compromise au risque de sa vie...

La série continue d'attirer les louanges : elle est, il faut le dire, parfaitement exécutée par un scénariste qui met tout son savoir-faire pour en exploiter les ressorts tout en s'inspirant de récits évocateurs. ici, il est évident que la référence est le film de Sidney Pollack, Jeremiah Johnson, avec Robert Redford, avec le héros qui devient un trappeur et le décor enneigé.

Néanmoins, Le Tendre ne se contente pas de plagier et construit une intrigue très habile et nerveuse, au suspense efficace. Le personnage, toujours délicat, de la petite fille ne sombre jamais dans le cliché ni dans l'émotion facile : de fait, la réussite de Chinaman, c'est sa faculté, à partir de poncifs, de codes éprouvés dans le genre du western, à développer des situations aussi inattendues que celle d'un ancien samouraï reconverti en cowboy-justicier malgré lui.

Toujours excellent, Taduc fait encore preuve d'une maîtrise étonnante et livre des planches somptueuses, au découpage fluide qui rend la lecture très facile. Il restitue magnifiquement l'ambiance hivernale en soignant les décors naturels, un exercice qui n'est pas si simple. A ce stade, ce n'est plus une révélation mais la confirmation d'un artiste qui propose une vision aboutie d'un genre où pourtant de grands dessinateurs se sont exprimés.

lundi 22 août 2011

Critique 255 : THE LAST FANTASTIC FOUR STORY, de Stan Lee et John Romita Jr

The Last Fantastic Four Story est un récit complet écrit par Stan Lee et dessiné par John Romita Jr, publié en 2007 par Marvel Comics.
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Envoyé sur Terre par le Tribunal Cosmique, le Juge, une créature immense et surpuissante, annonce à l'humanité qu'elle n'a plus qu'une semaine à vivre car elle a prouvé ses incompétences à vivre en paix et en harmonie avec son environnement. Les Quatre Fantastiques interviennent pour tenter d'éviter cette funeste issue mais s'avèrent aussi impuissants que les Vengeurs, les X-Men ou les Inhumains. Reed Richards demande alors, via le Surfeur d'Argent, l'aide de Galactus, tout aussi impuissant. Mais lorsque le Tribunal Cosmique est menacé par les Décimateurs, conquérants insensibles au pouvoir mental de l'autorité galactique, les FF n'hésitent pas à voler à leur secours. Cela suffira-t-il à annuler la condamnation pesant sur la Terre ?
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La perspective de lire une histoire, qui serait qui plus est "la dernière histoire des FF", écrite par l'homme qui a co-créé ces héros ressemble de prime abord à la réponse du berger à la bergère, la version de Stan Lee à la mini-série Fantastic Four : La Fin écrite et dessinée par Alan Davis. Ou alors, plus simplement, c'est l'adieu d'un scénariste à ses créatures.
Mais alors que sa collaboration récente avec l'artiste Marcos Martin sur Spidey Sundays Spectacular a été une réussite exceptionnelle, une merveille d'humour, ce récit complet d'une cinquantaine de pages est bien moins convaincant, ou du moins plus curieux.
L'histoire est conduite avec habileté et sur un rythme assez soutenu, le coup de théâtre au coeur du récit qui voit les FF partir à la rescousse du Tribunal Cosmique qui a condamné la Terre est simple mais malin, et la team-up FF-Galactus (et Silver Surfer) rappelle la trêve convenue entre le quatuor et le dévoreur de mondes dans le run mythique du meilleur héritier de Stan Lee et Jack Kirby, John Byrne.
Ce qui est beaucoup plus déroutant, c'est la raison pour laquelle les FF décident de raccrocher avant et après cette ultime aventure : la reconnaissance ne suffit plus aux héros, ils aspirent au calme et à une rétribution pour leurs efforts. Si Stan Lee n'était pas lui-même un fieffé filou fortuné, on jurerait que l'auteur de ce scénario a rédigé une note d'intention. Mais c'est vrai que, quand même, dans l'affaire, les 4F perdent beaucoup de leur superbe en prenant leur retraite pour des questions de gros sous et de lassitude.
En comparaison avec FF : La Fin d'Alan Davis où étaient convoqué pratiquement tout le Marvelverse (ou en tout cas toute la "FF Family") dans une saga foisonnante jusqu'à l'excés, cette Last Fantastic Four Story est finalement faussement grandiose. D'une certaine manière, bien qu'on mette souvent en garde l'amateur de ne pas juger un livre à sa couverture, tout est résumé ici dans le fait que le nom des auteurs est aussi gros que le titre, ce qui trahit un problème d'égos aussi bien chez ceux qui ont conçu l'ouvrage (auteurs comme éditeurs) que chez les personnages...
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Jack Kirby n'étant plus là (et sachant qu'il est resté fâché avec Lee jusqu'à sa mort, pas sûr qu'il aurait accepté d'illustrer ce récit), John Romita Jr était un (des) choix évident(s) pour dessiner cette histoire. Pourtant là encore, on reste un peu sur notre faim...
La démesure de certaines scènes, l'envergure de la menace, tout cela convient parfaitement à JR Jr qui s'empare de ces éléments avec une aisance unique. Il bénéficie en outre d'un bon encrage (Scott Hanna, avec lequel il a réalisé de nombreux épisodes de Spider-Man période JMS) et d'une mise en couleurs soignée (Morry Hollowell, partenaire de Steve McNiven ou Ed McGuiness).
En revanche, comme souvent maintenant, Romita Jr ne fait aucun effort sur l'expressivité des personnages, leur gestuelle. Le découpage est aussi des plus sommaires, ce qui est encore plus frustrant de la part d'une pointure comme lui, capable de dynamiser pratiquement n'importe quel script.
A sa décharge, comme il l'expliqua lui-même (dans une interview donnée au magazine "Comic Box"), il n'a jamais été en contact avec Lee, qui a travaillé selon la méthode "Marvel way" (un synopsis séquencé, mis en images par l'artiste et ensuite dialogué par le scénariste) ! C'était déjà le cas quand Romita Jr avait dessiné Les Eternels de Neil Gaiman, mais le matériau était plus riche et le résultat plus inspiré.
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En l'état, c'est donc surtout une curiosité pour fans (de Marvel, des FF, de Lee, de Romita Jr, au choix ou dans l'ensemble), lisible en vf dans le #50 de "Comic Box".

dimanche 21 août 2011

Critique 254 : FABLES 11 - WAR AND PIECES, de Bill Willingham, Mark Buckingham et Niko Henrichon

Fables : War and Pieces est le 11ème recueil de la série créée et écrite par Bill Willingham, rassemblant les épisodes 70 à 75, publiés en 2008 par DC Comics dans la collection Vertigo. Les dessins sont signés Niko Henrichon pour l'épisode 70 (Kingdom Come) et Mark Buckingham pour les épisodes suivants (#71-72 : Skulduggery et #73-75 : War and Pieces).
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- Kingdom Come (#70) : A la Ferme, à la veille du début de la guerre entre les Fables exilés et l'Empire, Boy Blue avoue à Rose Red (Rose Rouge) qu'il l'aime. Mais elle ne partage pas ses sentiments et préfère qu'ils restent amis. Boy Blue, déçu, rassemble alors les habitants de la Ferme pour leur faire part de l'offre émise par Flycatcher (Gobe-Mouche) de gagner son royaume de Haven pour ceux qui ne souhaite pas combattre. A Fabletown, les préparatifs de la guerre battent leur plein et la Belle apprend qu'elle est destituée de son poste d'adjointe au maire...

- Skuldugerry (#71-72) : La meilleure espionne des Fables exilés, qui doit aussi s'acquitter d'une dette envers Frau Totenkinder, est envoyée en mission en Terre de Feu, au Sud extrème de l'Amérique du Sud : Cinderella (Cendrillon) doit y récupérer Pinocchio et elle devra affronter plusieurs obstacles pour cela, dont Hansel mais aussi Rodney et June Greenwood, les espions de l'Adversaire...

- War and Pieces (#73-75 + Epilogue) : La guerre est déclarée sur trois fronts : le premier voit le vaisseau volant, la Gloire de Bagdad, détruire tous les portails entre l'Empire et la Terre, avec à sa tête le Prince Charmant (qui a rendu son poste de maire de Fabletown à King Cole) et Sinbad ; le deuxième se joue à Fort Bravo, la base tenue par Bigby Wolf (le grand méchant loup) et ses troupes pour protéger le haricot magique menant au royaume des nuages ; et enfin le troisième se situe au coeur même de la cité impériale où Briar Rose (la Belle au bois dormant) est infiltrée. Pour assurer le relais entre ces trois fronts, Boy Blue utilise la cape magique. Le dénouement comptera des pertes dans les deux camps opposés...
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Avec ce 11ème tome, Bill Willingham achève tout un pan de l'histoire de la série en concluant un cycle entamé au tout début : les Fables exilés des Royaumes ont déclaré la guerre à l'Adversaire et son Empire et cette fois, la victoire de l'un ou l'autre sera totale, définitive. March of the Wooden Soldiers (Fables 4) constituait le premier acte de cette lutte, puis Wolves (Fables 8) le deuxième. War and Pieces marque la fin de la partie.
Le titre de l'arc principal et du recueil fait évidemment allusion au roman de Léon Tolstoï, War and Peace (Guerre et Paix), publié entre 1865 et 1869, en jouant sur la sonorité similaire de "Peace" (la Paix) et de "Pieces" (les morceaux, les gravats, les décombres, bref le paysage désolé après la bataille). Et, de fait, autant prévenir tout de suite le lecteur, cette guerre-là aura ses morts et son lot de dévastation : ce n'est nullement une banale saga épique riche en explosions et combats divers, où la poussière finira cachée sous un tapis (fusse-t-il volant), mais un authentique récit où il ya des morts, du sang, des larmes et des dégats considérables dans chaque camp. Après War and Pieces, rien ne sera vraiment jamais plus comme avant dans Fables.
Le premier chapitre donne le ton : Boy Blue, amoureux de Rose Red, découvre qu'elle n'a pas les mêmes sentiments pour lui. C'est rempli d'amertume, déçu et humilié, que le jeune trompettiste part à la guerre, se moquant alors certainement d'y périr. Quand les manoeuvres seront engagées, Boy Blue sert de messager entre les diverses armées des Fables exilés et narre par le détail toutes les étapes du conflit, sur un ton qui n'incite pourtant pas à l'optimisme, quand bien même ses amis remportent des succès décisifs ou résistent vaillamment. Ce procédé - la relation distanciée de Boy Blue et le déroulement des actions - permet à Willingham de ménager habilement le suspense, le lecteur craignant jusqu'au bout sinon une issue défavorable aux héros en tout cas un sort funeste pour un ou plusieurs protagonistes. Ce segment est illustré par l'artiste canadien Niko Henrichon, dont la prestation sans être indigne est décevante par rapport à celle de son chef-d'oeuvre (Pride of Baghdad, écrit par Brian K. Vaughan).

Puis, on entre, si je puis dire, dans le vif du sujet. D'abord, avec le dyptique Skulduggery (tricherie, manigance) où l'on retrouve la super-espionne la plus sexy et implacable des Fables, Cinderella (Cendrillon). Ce prélude ultime à la guerre est mené tambour-battant, avec là encore un emploi épatant de la voix-off (par l'héroïne elle-même), commentant froidement sa mission tout en la menant avec une détermination sans failles. Pinocchio est au centre de cette intrigue où Hansel puis Rodney et June Greenwood mènent la vie dure à Cendrillon. Mark Buckingham (qui dédicace son travail sur cette partie à plusieurs de ses confrères qui l'ont inspiré : Duncan Fegredo, Charlie Adlard, Mike Oeming entre autres) découpe le script avec une redoutable efficacité, avec des planches très nerveuses, le plus souvent en 4 cases. C'est remarquable.

Mais, évidemment, le plat de résistance arrive avec les 4 chapitres de War and Pieces, soit 100 pages éblouissantes, où Willingham maintient une tension de chaque instant, alterne des séquences dans les trois sites principaux de la guerre (à bord de la Gloire de Bagdad dans le ciel de l'Empire, à Fort Bravo, dans la cité impériale) et enchaîne les morceaux de bravoure. Des séquences comme la charge des dragons, l'endormissement et l'envahissement végétal de la cité impériale, le duel entre l'Adversaire et Bigby Wolf, le sacrifice du Prince Charmant bénéficient des meilleures planches de Buckingham, qui utilise abondamment un découpage inattendu composé de cases verticales comme des volets sur des doubles-pages qui parfois éclatent pour devenir des fresques dignes de Kirby : magistral !
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Pour agrémenter royalement cet album exceptionnel, des bonus sont servis comme digestif : d'abord une postface par Willingham, qui promet qu'il a encore bien des choses à raconter avec les Fables ; ensuite un sketchbook magnifique de Buckingham, où l'on découvre les designs de vaisseaux, accessoires et costumes pour cet arc ; et enfin une galerie de pin-ups réalisées par des fans prestigieux comme Eric Powell (The Goon), Kevin Nowlan (Batman), ou Darwyn Cooke (La Nouvelle Frontière).
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Après cette lecture jubilatoire, une pause s'impose. Mais bientôt, il sera temps de parler du nouvel acte des Fables...

jeudi 18 août 2011

Critique 253 : FABLES 10 - THE GOOD PRINCE, de Bill Willingham, Mark Buckingham et Aaron Alexovich

Fables : The Good Prince est le 10ème recueil de la série créée et écrite par Bill Willingham, rassemblant les épisodes 60 à 69, publiés en 2007 et 2008 par DC Comics dans la collection Vertigo. Mark Buckingham signe les dessins, à l'exception de l'épisode 64 (The Birthday Secret) illustré par Aaron Alexovich.
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- The Good Prince (#60-63, 65-69) : Flycatcher (Gobe-Mouche), l'humble balayeur de la mairie de Fabletown, a reçu du Père Noël un cadeau cruel : il se souvient de la mort de sa bien-aimée lors de l'exil des Fables. Depuis, il est prostré, terrassé par le chagrin et Red Riding Hood (le Chaperon Rouge), qui s'est éprise de lui, ne supporte cet accablement. Cependant, le singe volant Bufkin, qui veille sur les pièces administratives de la mairie, brise l'armure pendue du Chevalier Parjure après qu'elle lui ait adressé la parole. Flycatcher sort de sa torpeur pour aller demander à Boy Blue, à la Ferme, de lui apprendre à se servir de la cape magique et de l'épée Vorpale avec lesquelles il compte à son tour retourner dans les Royaumes défier l'Adversaire. Mais il se heurte au refus de son ami. Peu après, Flycatcher en découvrant les débris de l'armure du Chevalier Parjure voit apparaître le fantôme de son porteur, Lancelot, qui lui offre de l'initier. Ensemble, ils gagnent l'Empire par le puits magique où ont été jetés les Fables maudits après la marche des soldats de bois. A la tête de cette armée de morts, Flycatcher redevenu le Prince Ambrose restaure son domaine de Haven et attire l'attention de l'Adversaire. Contre toute attente, il défait toutes les hordes venant tenter de le soumettre et porte même un rude coup à l'ennemi, tandis que, via le miroir magique, les Fables à New York suivent ses aventures et continuent de préparer la guerre...

- The Birthday Secret (#64) : Au milieu du périple de Flycatcher, les Fables exilés continuent de s'organiser en vue de la guerre contre l'Adversaire. Rose Red (Rose Rouge) et Boy Blue s'occupent de la formation de soldats à la Ferme. Dans la Vallée des Loups, Bigby Wolf (le grand méchant loup) et Snow White (Blanche Neige) décident pour l'anniversaire de leur progéniture de leur révèler l'existence de leur 7ème enfant...
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C'est une saga inattendue et de grande ampleur (pas moins de neuf épisodes !) qu'entreprend Bill Willingham avec ce 10ème tome de sa série. Inattendue car le scénariste donne le premier rôle à un personnage jusqu'à présent secondaire, Flycatcher, et de grande ampleur car l'histoire propose une voie alternative au conflit qui continue de se préparer entre les Fables exilés et l'Adversaire.
En marge de l'aventure de Flycatcher, les manigances dans les deux camps des belligérants continuent de plus belle et le Prince Charmant roule de manière savoureuse Hansel dans la farine, tout d'abord en jouant le jeu de la diplomatie courtoise avant de l'envoyer, lui et par conséquent Gepetto, dans les cordes avec un ultimatum qui confirme qu'il n'y aura pas de quartier. Les Fables de Bagdad sont également mis à contribution et Bigby officie comme un général pour former des troupes qui devront être prêtes rapidement, en achetant les services de militaires humains. Cette partie du scénario est un vrai régal et en même temps souligne deux points importants : d'abord, les Fables sont déterminés à en découdre, leur affrontement contre l'Adversaire sera impitoyable et définitif, on sent que la série va tourner une page, que vraiment plus rien ne sera comme avant ; et ensuite, Willingham adresse à l'évidence un clin d'oeil appuyé à Astérix en racontant que les Fables exilés n'ont rien de gentils gaulois isolés mais sont devenus une force ayant gagné en grandeur (avec leurs homologues orientaux), dont les méthodes se sont radicalisées.
Le récit principal se focalise donc sur Flycatcher dont la métamorphose est sidérante et marque là encore un bouleversement dans la continuité de la série. L'aspect de cette intrigue évoque bien sûr Homelands (Fables 6) et le voyage de Boy Blue, mais en vérité Willingham va plus loin cette fois-ci car Flycatcher retourne pour s'installer à nouveau dans l'Empire et faire de son domaine une place forte aussi importante que celle de l'Adversaire, des Fables de New York ou de Bagdad.
The Good Prince est l'histoire d'une résurrection, celle d'un homme qui avait tout oublié de son douloureux passé, qui accepte d'y faire face, de reprendre son titre (celui du Prince Ambrose), d'accorder une seconde chance à ses semblables qui se sont fourvoyés et ont été punis pour cela, et enfin d'aimer à nouveau une femme (le Chaperon Rouge).
Willingham emprunte au récit de chevalerie en convoquant Lancelot du Lac, chevalier tombé en disgrâce pour avoir trahi le roi Arthur et qui a fini par se donner la mort pour s'excuser. Les péripéties sont autant d'étapes classiques du genre : la traversée du pays des morts, la renaissance du domaine de Haven, la reconnaissance de traîtres dans les rangs du héros, la succession de défis relevés face aux hordes envoyées par l'Adversaire, l'usage de la malice et de la magie comme armes imparables. Il y a des trouvailles poétiques comme lorsque Flycatcher/Ambrose chasse ses ennemis avec les esprits de ses partisans ou quand il vainc les soldats de bois en les retransformant en arbres, condamnant ainsi le bois sacré de Gepetto.
Bref, cette fresque est passionnante de bout en bout, d'une inventivité épatante, et influençant clairement le cycle en cours. Même l'intermède de l'épisode 64 passe comme une lettre à la poste, offrant une respiration amusante et bienvenue (jusque dans le graphisme déroutant d'Aaron Alexovich).
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Les 9 épisodes de The Good Prince sont illustrés par Mark Buckingham (encré par Steve Leialoha et Andrew Pepoy, sans que le résultat n'en souffre - bel exploit). L'artiste y affiche une forme olympique, excellant aussi bien dans les scènes dominées par le dialogue que dans de véritables tableaux ponctuant le voyage de Flycatcher. C'est alors l'occasion de splendides doubles-pages, à la figuration et aux décors conséquents.
Mais les morceaux de bravoure de la saga résident réellement dans les séquences de bataille, en duel ou contre des troupes entières : l'influence de Jack Kirby dans le trait de Buckingham est alors manifeste et donne lieu à des planches épiques, avec force trolls, géants et monstres mémorables.
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Un des story-arcs les plus ambitieux de la série, qui tient toutes ses promesses. La suite des évènements s'annonce aussi grandiose et va conclure un pan entier de l'oeuvre de Willingham.

mercredi 17 août 2011

Critique 252 : FABLES 9 - SONS OF EMPIRE, de Bill Willingham, Mark Buckingham et Mike Allred

Fables : Sons Of Empire est le 9ème recueil de la série créée et écrite par Bill Willigham et rassemble les épisodes 52 à 59, publiée par DC Comics dans la collection Vertigo en 2006 et 2007. Les illustrations sont signées Mark Buckingham (#52-56) et Mike Allred (#57-58) ; Gene Ha, Joshua Middleton, Inaki Miranda,et M.K. Perker, Jim Rugg, Andrew Pepoy, Joëlle Jones, D'Israeli, Jill Thompson, David Lapham, John K. Snyder, Eric Shanower et Barry Kitson ont dessiné les intermèdes entre les quatre chapitres de Sons of Empire et l'épisode 59, Burning Questions.
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- Sons of Empire (#52-55) : Après l'opération commando menée par Bigby Wolf contre le repaire de Gepetto (l'homme derrière l'Adversaire des Fables), ce dernier réunit ses alliés des Royaumes : Lumi la reine des neiges, l'inquisiteur Hansel, le chevalier Bright Day (ou ce qu'il en reste, c'est-à-dire sa tête sur un plateau), Sir Rodney Greenwood et Pinocchio. Après que Lumi ait exposé son plan pour détruire Fabletown et le reste de la Terre, Pinocchio, tiraillé entre sa fidélité envers son créateur et son amitié pour les Fables exilés, pointe les faiblesses de ces manoeuvres et explique par quels moyens leurs ennemis riposteront...

- Jiminy Christmas (#56) : Le Père Noël dépose ses cadeaux et rencontre un des fils de Bigby Wolf. Il rend aussi forme humaine à Flycatcher (qui était devenu une grenouille après avoir découvert le relooking de Red Riding Hood) mais aussi ses souvenirs (sa famille a été décimée par l'Adversaire) lors de l'exil des Fables...

- Father and Son (#57-58) : Comme il l'a promis à Noël à Snow White (Blanche Neige), Bigby Wolf (le Grand Méchant Loup) emmène sa femme et leurs enfants chez son père, Mr North. Les retrouvailles sont tendues : Bigby veut que North aide les Fables en vue de la guerre contre l'Adversaire et les enfants doivent affronter les monstres qui rôdent autour du château de leur grand-père...

- Burning Questions (#59) : Quelques réponses aux questions que se posent les fans de la série sur les personnages, de premier ou second plans...
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J'avais cessé de lire Fables au 8ème album, après une cinquantaine d'épisodes, car j'avais été dérangé par les comparaisons politiques que Bill Willingham établissait entre la situation de ses héros et le conflit israëlo-palestinien. Ces allusions alourdissaient maladroitement une histoire dont l'intérêt résidait justement dans son universalité. A bien des égards, Fables était une version réussie et alternative des X-Men, mettant en scène une communauté où aucun des protagonistes n'était négligé, au coeur d'intrigues passionnantes. En y injectant des métaphores politiques, Willingham en orientait la lecture et en atténuait la portée. C'était d'autant plus frustrant qu'en dehors de ces considérations malheureuses, les aventures de ces héros demeuraient remarquablement efficaces.
Et puis, récemment, en m'iformant sur les previews des productions du label Vertigo, je me suis rendu compte que la série avait dépassé les 100 numéros (un exploit pour un titre aussi décalé, dans un marché en crise et la restructuration sauvage de DC). L'équipe créative était toujours en place et les planches aperçues magnifiques. J'ai craqué et replongé -mais j'ai aussi massivement investi pour acquérir les 7 volumes (et 50 autres épisodes !) édités depuis.
Sons of Empire commence immédiatement après la fin de Wolves (Fables 8) : le refuge de Gepetto et sa réserve de bois magique a été détruite par Bigby Wolf (qui a ensuite épousé Snow White, avec laquelle il s'est installé dans la vallée voisine de la Ferme). Le créateur de Pinocchio, qui vit désormais avec lui, allait-il en rester là ?
La réponse est "non" et Gepetto veut non seulement se venger mais cette fois définitivement terrasser les Fables exilés. Il confie à la reine des glaces la préparation d'une offensive radicale et Willingham consacre à l'exposé de ces attaques (en quatre phases : pestilence, feu, hiver, et famine) un chapitre entier.

La représentation de cet apocalypse permet à Mark Buckingham (co-encré par Steve Leialoha et Andrew Pepoy et mis en couleurs par Lee Loughridge) de produire des planches saisissantes.

Tout aussi impressionnants sont les chapitres consacrés au passé d'Hansel (grâce auquel on apprend pourquoi Gretel n'est pas à ses côtés), inquisiteur fanatique et inquiétant, et aux explications de Pinocchio concernant les parades que mettront en oeuvre les Fables, d'une envergure au moins égale sinon supérieure à ce qu'a imaginé Lumi.
Aucun doute n'est plus permis, et ce bien que Sons of Empire est clairement un tome de transition avant le véritable début des hostilités, la série rebondit de plus belle et le scénario annonce des bouleversements profonds pour la suite, encore plus sérieux que la Marche des Soldats de Bois (Fables 4).

Pour permettre à Buckingham de tenir les délais, chaque épisode a une pagination légèrement inférieure (19 pages contre 22), mais l'artiste nous en donne pour notre argent et ses planches sont fabuleuses.

Et donc, pour agrémenter chaque chapitre, nous avons droit à de brèves séquences, le plus souvent humoristiques, illustrées par des invités (mention spéciale à la prestation de Joshua Middleton avec les trois souris aveugles). Attention, ces bonus ne sont pas que décoratifs : le segment à la fin du 3ème épisode (A Thorn in their side ?), dessiné par Mike Allred, met en scène un des rares humains à connaître et vivre au sein des Fables et le personnage de Kevin Thorn sera déterminant plus tard.
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Après le plat de résistance, le menu compte encore un épisode king-size (33 pages) spécial Noël, Jiminy Christmas (#56), qu'il ne faut pas non plus mésestimer car il va transformer radicalement le sort de Flycatcher, jusqu'ici simple balayeur du hall de la mairie de Fabletown et qui sera le premier rôle du tome suivant.

Le dyptique Father and son (#57-58), à nouveau illustré par Mike Allred, est un régal. La relation orageuse entre Bigby et son père, l'engagement de ce dernier à aider les Fables, mais aussi le spectacle de Bigby secourant ses enfants contre les monstres du voisinage, constituent des scènes mémorables, qui nous rappellent l'étrangeté de certains des héros et la complexité de leurs liaisons.

Enfin Burning Questions (#59) donnent les réponses aux questions des lecteurs se posaient et offrent de savoureuses surprises si vous voulez voir comment le miroir enchanté répond à ceux qui l'interrogent, qui a récupéré le bouquet de mariée de Snow White, ce que tricote Frau Totenkidder, qui fut le premier amour du Prince Charmant, etc.
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Un retour gagnant : Fables possède le charme puissant et irrésisitible de séries atypiques mais addictives tout en conservant la qualité des meilleures productions de son label.

samedi 13 août 2011

Critique 251 : X-MEN VS THE AVENGERS, de Roger Stern, Tom DeFalco, Marc Silvestri et Keith Pollard

X-Men vs. The Avengers est une mini-série en quatre épisodes, publiée en 1987 par Marvel Comics. Roger Stern a écrit et Marc Silvestri a dessiné les trois premiers épisodes, Tom DeFalco et Keith Pollard le dernier.
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Les Vengeurs (composés de Captain America, Dr Druid, Captain Marvel II, Thor, Black Knight et She-Hulk) évitent qu'une pluie de météores s'abattent sur une zone habitée. La nouvelle parvient jusqu'aux oreilles de Magnéto qui se repose avec quelques X-Men (Wolverine, Malicia, Dazzler, Tornade, et Havok) dans une calanque isolée de l'Atlantique. Le maître du magnétisme, qui a renoncé à ses activités terroristes, est convaincu que parmi ces météores se trouvent des vestiges de l'astéroïde M, son ancienne base orbitale, et part récupérer des pièces tombées au Cambodge. Il est successivement pris à parti par les Vengeurs et les Super-Soldats Soviétiques (Darkstar, Vanguard, Ursa Major, l'Homme de Titanium, et la Dynamo Pourpre) qui veulent l'arrêter pour ses crimes passés, mais les X-Men s'interposent et l'aident à fuir. Après une course-poursuite qui passe par Singapour, Magnéto accepte de se rendre et un procès est rapidement organisé à Paris. Mais le verdict de cette cour spéciale va surprendre tout le monde et créer la polémique...
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Il y a deux manières de critiquer cette mini-série. La première consiste à analyser l'histoire elle-même : imaginée et conduite par Roger Stern avant d'être conclue par Tom DeFalco, elle est encore aujourd'hui d'une redoutable efficacité. Malgré un casting fourni d'une quinzaine de personnages répartie sur les trois équipes impliquées, on n'est jamais perdu, les rebondissements s'enchaînent à toute allure et les coups de théâtre abondent jusqu'à la fin. Au centre de l'intrigue, le thème de la méfiance envers les mutants cristalisée par le passé criminel de Magnéto est intelligemment traîté et l'on voit les attitudes tour à tour des Vengeurs, des Super-Soldats Soviétiques et des X-Men évoluer au gré des actions équivoques du maître du magnétisme.

Le graphisme de Marc Silvestri puis de Keith Pollard est également un régal : le premier, alors au sommet de sa forme et qui illustrait la série Uncanny X-Men écrite par Chris Claremont, insuffle une énergie formidable au récit ; le second dans un registre plus classique assure le final avec professionnalisme, sans démériter. Bien que Joseph Rubinstein ait un encrage toujours un peu lourd et qui convient moins que Dan Green à Silvestri, il donne à la série une unité bienvenue, même si le dernier chapitre voit défiler à ses côtés Bob McLeod, Al Milgrom et Al Williamson, ce qui fait quand même beaucoup de monde pour 28 pages...
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La seconde approche concerne l'histoire dans l'histoire car X-Men vs. The Avengers a connu une réalisation chaotique comme en témoigne ses crédits. Brian Cronin sur le site http://www.comicbookresources.com/ dans le n°251 de sa rubrique Comic book revealed a consacré un article à ce sujet, et Roger Stern a donné une autre explication. Pourquoi, en effet, le scénariste n'a-t-il pas écrit la fin de ce récit ?
Selon Stern, l'épilogue qu'il avait prévu montrait explicitement que Magnéto avait renoué avec ses vieux démons et redevenait un super-vilain (comment cela se traduisait-il narrativement, ça, par contre, Stern ne le dit pas. Peut-être que Magnéto fuyait le tribunal ou ne se rendait pas à Captain America...). Cette idée déplût à Mark Gruenwald, Ann Nocenti (les editors de la série) et Jim Shooter (le superviseur du projet) qui jugeait que cette issue chamboulait trop de choses dans la série Uncanny X-Men. Stern se serait alors retiré de son propre chef, sans discuter et Tom DeFalco, qui allait ensuite remplacer Shooter comme editor de UXM, se chargea donc de réviser la copie de Stern et la fin telle que nous la connaissons n'est guère convaincante car capillotractée. C'est une sorte de happy end forcée qui ménage la chêvre et le chou, Magnéto étant encore aussi haï par la foule que les X-Men, tenus responsables de l'accepter dans leurs rangs.
Selon Cronin, quand Stern a vu son idée rejetée, il l'aurait beaucoup moins accepté, refusant de la réécrire, et aurait été débarqué sans ménagement, DeFalco venant jouer les pompiers de service, le tout sur fond de lutte de pouvoir avec la tête de Shooter dans la ligne de mire. Shooter soutenait-il Stern ? Mystère. Ce qui est certain, c'est que c'était un editor interventionniste (Chris Claremont et John Byrne avaient des relations tendues avec lui à cause de ça) mais aux décisions souvent intelligentes (il avait imposé que les méfaits de Jean Grey/Phénix ne restent pas impunis à la fin de la saga mythique du Phénix Noir). Et, à cette époque, où les X-Men était la série la plus populaire de Marvel, le siège d'editor était sûrement très convoîté, donc un faux pas était le prétexte idéal pour éjecter Shooter.
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Quoiqu'il en soit, X-Men vs. The Avengers demeure une production abâtardie, une de ces histoires percutantes mais qui aurait certainement pu l'être encore plus. Chris Claremont avait raison quand il râlait sur les crossovers qu'on imposait trop fréquemment aux X-Men, les mutants en profitaient rarement, et le scénariste emblématique de la franchise saura en tirer la leçon quand, en 1988, il donnera aux fans une saga bien plus aboutie avec Mutant Massacre.

vendredi 12 août 2011

Critique 250 : MARVEL LES GRANDES SAGAS 7 - CAPTAIN AMERICA, de Mark Waid et Andy Kubert

Marvel : Les Grandes Sagas 7 rassemble les épisodes 9 à 12 du volume 3 de la série Captain America, écrits par Mark Waid et dessinés par Andy Kubert, et l'Annual de 1998, Iron Man/Captain America, écrit par Mark Waid, d'après un synopsis de Kurt Busiek et Roger Stern, et dessiné par Patrick Zircher, publiés par Marvel Comics en 1998 et Janvier 1999.
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Le Cauchemar Americain (Captain America, vol. 3, 9-12) raconte comment Cauchemar, le maître des mauvais rêves, possède plusieurs personnalités symbolisant l'idéal américain pour les pervertir. Il jette son dévolu sur Captain America et tente alors de déclencher une nouvelle guerre mondiale. Le Vengeur étoilé réussira-t-il à résister à cette emprise et sauver le monde d'un conflit nucléaire ?
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Après la saga Heroes Reborn, Marvel confie à sa vedette Rob Liefeld les commandes de la série Captain America. Malgré la popularité de cet auteur (dont la réputation a depuis été, fort heureusement, révisée), c'est une levée de boucliers (facile, certes, mais véridique) de la part des fans qui réclament - et obtiennent le retour du scénariste Mark Waid.
Waid avait en effet repris en main le titre quelque temps avant, en compagnie du dessinateur Ron Garney, et Captain America, dont les ventes étaient médiocres, était redevenu un best-seller.
Les épisodes présentés dans cet album sont donc issus du run de l'auteur et donnent à voir le héros dans des situations très différentes de celles explorées aujourd'hui par Ed Brubaker. Waid embarque en effet Captain America dans une aventure trépidante, dans une veine fantastique, où il n'affronte pas des nazis ou d'autres sinistres comploteurs en relation avec son tortueux passé, mais Cauchemar, qu'on est plus habitué à croiser dans les pages de Dr Strange ou Defenders.
Treize après leur parution, ce récit produit un effet étrange chez le lecteur qui, comme moi, a vraiment appris à apprécier le héros avec ce qu'en a fait Brubaker : ce n'est pas désagrèable à lire mais c'est déroutant. La briéveté de cet arc, ses rebondissements, l'alternance des séquences dans la dimension de Cauchemar et la notre, l'association de Cap avec Sharon Carter (qui donne à l'histoire l'aspect d'une team-up comme dans The Brave and The Bold), tranchent radicalement avec les spy-stories introspectives qu'on lit aujourd'hui dans la revue "Marvel Icons".
J'aime beaucoup Waid, mais je crois que je préfère quand même la version Brubaker, plus noire et réaliste, et certains éléments cosmétiques et narratifs rendent ces épisodes un brin datés, vestiges d'une époque où les comics étaient en pleine mutation après avoir traversé une grave crise commerciale et artistique.

La partie graphique est donc assurée par Andy Kubert, encré par Jess Delperdang. Je n'ai jamais été très fan des fils du légendaire Joe Kubert, même si Andy a un style efficace, qui convient bien au caractère échevelé du script de Waid. Les personnages y sont bondissants, toujours saisis dans l'effort, le trait flirte avec la caricature avec des expressions tour à tour figées et exagérées. Là encore, on sent la marque des 90's, l'école Image, avec des héros musclés, des filles outrageusement sexys et pourtant aussi "couillues" que leurs partenaires, sans parler de méchants grotesques, dont la moindre attitude est outrée.
Tout ça est un poil too much, et n'a pas l'élégance cartoony d'un Wieringo.
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L'Annual met également en scène Cap' avec un partenaire, Iron Man, mais malgré sa prestigieuse réunion de scénaristes - idée de Busiek et Stern (le duo gagnant d'Avengers Forever) et traitement de Waid - l'histoire est très décevante - et le choix de Paninicomics de la présenter très contestable puisque des élements nécessaires à sa bonne compréhension appartiennent plus à Iron Man qu'à Captain America (un comble).
Historiquement, son seul véritable intérêt réside dans le fait qu'elle apprendra aux amateurs que les dissensions philosophiques entre les deux Vengeurs ne datent pas du crossover Civil War, Iron Man y apparaissant déjà comme un manipulateur sécuritariste prononcé et Cap' comme le défenseur absolu des libertés individuelles. Mais sinon, c'est très dispensable.

Les dessins de Patrick Zircher, encrés par Randy Emberlin, sont quant à eux très moyens, à l'image de cet artiste capable de produire des planches parfois fantastiques, parfois affreuses - là, c'est juste quelconque, pas inspiré.
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Un album mitigé, dans une collection qui, elle-même, jusqu'à présent, a été très inégale, mal conçue pour initier des néophytes. Heureusement, le prochain numéro est un vrai grand classique : l'arc Renaissance de la série Daredevil par le mythique tandem Frank Miller-David Mazzucchelli !

lundi 8 août 2011

LUMIERE SUR... DAVE JOHNSON (2/2)




Dave Johnson : designer.






Ben 10 : AXLR (XLR8) Ben 10 : Sauvage (Wild Mutt)

Ben 10 : Le Dard (Stink Fly)


Ben 10 : La Mâchoire (Rip Jaw)




Ben 10 : Inferno (Heat Blast)


Ben 10 : Le Tétard Gris (Grey Matter)



Ben 10 : Spectral (Ghost Freak)



Ben 10 : Quad (Four Arms)



Ben 10 : Incassable (Diamond Head)




Ben 10 : Boulet de canon (Cannonball)

L'autre grand talent de Dave Johnson s'exprime dans le design. C'est ainsi que j'ai découvert sa contribution à la série de dessins animés réalisée par le collectif Man of action (formé par Joe Kelly, Duncan Rouleau, Steven Seagle et Joe Casey) et diffusé aux Etats-Unis sur Cartoon Network (en France sur France 3).
Johnson a conçu avec Duncan Rouleau aux designs d'une dizaine de créatures aliens, les alter-ego du héros de la série, le jeune Ben Tennyson qui a découvert un bracelet d'une technologie alien.
Ben 10 compte quatre saisons et 49 épisodes. Une suite, avec le même héros devenu adolescent, et des avatars supplémentaires, intitulée Ben 10 : Alien Force a été produite, ainsi que des adaptations "live" (avec notamment Lee Majors, l'ex-Bionic Man/L'Homme qui valait trois milliards dans le rôle de Max, le grand-père de Ben).
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Le site de Man of action : http://www.manofaction.tv/
Le site de Ben 10 : www.ben10.net

LUMIERE SUR... DAVE JOHNSON (1/2)


Dave Johnson : cover-artist.
























Naissance aux Etats-Unis.
Dessinateur, encreur, coloriste, designer, cover-artist... Et révérend !
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Le blog de l'artiste : http://www.666devilpig.blogspot.com/
La page Deviant Art l'artiste : http://www.devilpig.deviantart.com/

lundi 1 août 2011

Critiques 249 : CRUX, de Mark Waid, Chuck Dixon et Steve Epting

Crux est une série créée et écrite par Mark Waid en 2001 et publiée par CrossGeneration Comics. A partir du #13, Chuck Dixon remplace Waid comme scénariste. Steve Epting signe les dessins (avec des fill-in assurés par Paul Pelletier, Andy Smith et Paul Ryan). La série compte trente épisodes, mais seuls les 18 premiers ont été collectés en trois albums (deux autres avaient été annoncés mais n'ont jamais été publiés), et a été interrompue en 2004, suite à la banqueroute de l'éditeur.
Crux, Volume 1 : Atlantis Rising.

Les Atlantes vivent à l'abri des regards humains dont ils se sont auto-proclamés les protecteurs et guides, en raison de leurs supériorités physique, technologique et scientifique. Ce peuple se prépare à un rituel, la "transition", censé accéler encore leur évolution. Mais le processus déraille et la civilisation atlante est détruite. Un mystérieux étranger réveille six d'entre eux, qui découvre que dix mille ans se sont écoulés, que la race humaine a disparu, que des monstres les pourchassent et que la Terre est devenu un parc touristique exploité par la compagnie Terra Cognito. Alors qu'ils ne sont pas des guerriers, Capricia (une métamorphe), Tug (un colosse télékinésiste), Zephyre (dôtée d'un hypermétabolisme lui permettant de se déplacer et d'apprendre à grande vitesse), Galvan et Gammid (deux jumeaux maîtrisant le spectre électromagnétique) et Verytin (un gamin médium) tentent de comprendre ce qui s'est passé...
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Parmi toutes les séries éditées par CrossGen, Crux était la plus proche du registre super-héroïque et il n'est donc pas étonnant que ce soit une création du scénariste Mark Waid, auteur rompu à ce genre (on lui doit entre autres de fameux runs sur Flash pour DC Comics ou Fantastic Four pour Marvel Comics). La série est un team-book avec son lot de personnages dôtés de pouvoirs extraordinaires, issus d'une civilisation avancée et exotique (les Atlantes), obligés de s'allier pour faire face à une menace de grande ampleur.
Le style de Waid est reconnaissable : il excelle à camper des héros qui sont davantage des aventuriers, des explorateurs, des savants, que de purs justiciers, aux caractères affirmés et avec une dynamique de groupe très vivante. Une autre des originalités de Crux vient du fait que le leader de l'équipe est une femme (Capricia) qui apprend à diriger ses compagnons au fil de leurs aventures, en commettant des erreurs, et ignorant que l'étranger à qui elle doit, comme ses partenaires, son réveil est en fait son ancien compatriote Danik.
Waid utilise le personnage de Geromi, employé de la compagnie Terra Cognito, comme un point d'ancrage pour le lecteur, un individu normal auquel chacun peut s'identifier, qui prête assistance au groupe tout en n'en sachant guère plus qu'eux sur les raisons du cataclysme s'étant abattu sur la Terre. Le procédé n'est pas nouveau mais efficace, à l'image de l'entreprise.
Car, en vérité, Crux, si elle n'est pas une série désagrèable à lire, ne décolle pas vraiment (un comble pour un volume inaugural qui s'intitule Atlantis Rising, soit l'ascension d'Atlantis). Ces six premiers épisodes posent beaucoup de questions mais n'apportent aucune réponse (ou si peu) : comme exposition, c'est un peu long, même si on ne s'ennuie pas trop. Alors que Waid n'est pas un adepte de la narration décompressée, son écriture ici tourne au ralenti. C'est un mélange curieux de mythologie, de folklore, de fantastique et de super-héroïsme, mais où les combats d'usage sont rares, l'introspection domine (au point qu'un épisode entier s'attarde sur les pertes subies par chaque membre à cause de la "transition"). Tous ces éléments ne produisent pas vraiment d'éclats, manquent un peu de nerf et de relief, même si c'est juste assez intriguant pour continuer. En vérité, on a l'impression d'une série et d'un auteur qui s'économise... En attendant de grandes manoeuvres pour la suite ?
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Steve Epting dessine les cinq premiers chapitres, encré par Rick Magyar et mis en couleurs par Frank D'Armata : l'artiste livre des planches magnifiques qui sont pour beaucoup (l'essentiel même) dans l'intérêt qu'on peut accorder à Crux. Les personnages ont cette allure propre aux créatures d'Epting, inspiré par des classiques comme Alex Raymond, Nick Cardy, John Bellamy, ou John Buscema. Les décors sont également sompteux, donnant lieu à des double-pages mémorables. Et le découpage est à la fois simple et très élaboré, avec des compositions très intelligentes. Paul Pelletier assure une prestation digne du titulaire au 6ème numéro, plus sobre que ses récents (et indigestes) travaux.
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Comme souvent avec les productions CrossGen, c'est visuellement épatant mais narrativement plus incertain. Néanmoins, Crux est assez atypique pour faire l'effort de lire la suite, pour savoir si le projet tient ou non les promesses avancées par une équipe créative de premier plan.  
Crux, Volume 2 : Test of Time.

Avec l'aide de Geromi, l'employé de Terra Cognito, les sept Atlantes découvrent la présence d'humains en Australie. Ces derniers construisent un portail censé leur permettre d'accomplir la "transition". Mais les soldats de Negation sont toujours dans les parages et mènent la vie dure aux héros. Finalement, Gammid suit les humains tandis que ses camarades capturent un des soldats de Negation. Interrogé par Tug, il réussit à s'échapper après avoir collecté des informations sur les Atlantes...
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Ce deuxième tome ne vient, hélas ! pas redresser le cap du premier. L'histoire piétine, quand bien même Mark Waid évoque à plusieurs reprises un "grand plan" dont Capricia serait un des rouages essentiels, et qui, par conséquent, suggèrerait que la série suit aussi une direction pré-établie et de grande envergure. Il semble évident pourtant que le scénariste navigue à vue, manque d'inspiration et que son récit souffre d'un manque de souffle.
Un curieux intermède, à l'épisode 11 (dessiné par Andy Smith), sépare le tandem Verytin-Danik pour un retour dans le passé où Waid laisse entrevoir une sorte de révision de toute l'aventure, mais c'est un subterfuge qui ne fait que ralentir le déroulement de l'action. Or, Crux a déjà un gros problème de rythme et le dénouement de ce volume ne relève pas l'intérêt du lecteur.
Waid va d'ailleurs quitter le titre au terme de ce 12ème épisode. J'ignore les raisons de cette défection, même s'il est connu que plusieurs auteurs et artistes ont déserté CrossGen à cause de la personnalité de Mark Alessi, son co-fondateur. En tout cas, Waid a échoué à donner de l'intérêt à ce projet qui était pourtant son oeuvre et correspondait à ce qu'il sait si bien faire : un team-book d'aventures fantastiques. C'est Chuck Dixon, qui a écrit le magnifique El Cazador chez le même éditeur, qui le remplacera - mais on en reparlera avec le tome 3.
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La partie graphique est elle toujours impeccable et Steve Epting porte littéralement la série, même si, du coup, on a l'impression frustrante de lire un beau livre d'images plus qu'une bande dessinée digne de ce nom. Ses planches sont remarquablement ouvragées, et même la colorisation trop sombre et uniforme de Frank D'Armata ne suffit pas à gâcher le plaisir (pas plus que le fill-in très quelconque d'Andy Smith).
Dommage toutefois que Steve Epting n'ait pas collaboré avec un Mark Waid plus inspiré : un tel dessinateur avec un scénariste de ce calibre ressemblait à une de ces dream-team comme les comics en offrent parfois...
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A suivre avec les 6 derniers volets collectés en tpb, et un nouvel auteur aux commandes. 
Crux, Volume 3 : Strangers in Atlantis.

Les Atlantes rencontrent Aristophanes, qui est leur ancêtre, un moine-guerrier déterminé, et Thraxis, le dernier survivant d'une race extra-terrestre ayant combattu Aristophanes et ses troupes dans le passé. Avec ses renforts, Capricia et ses amis vont-ils pouvoir ranimer leurs semblables ? Cependant, Geromi se réfugie dans un village de style western, restauré par Terra Cognito, où il invite Zephyre et Verytin, mais où les attendent aussi Danik et deux mystérieux indigènes, aux projets inquiétants...
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C'est à partir de ce troisième tome que Chuck Dixon remplace donc Mark Waid à l'écriture de la série : dans un premier temps, son arrivée redynamise le récit où il introduit les personnages d'Aristophanes et Thraxis et dévoile un pan entier des origines des Atlantes. Mais le soufflé, en vérité, retombe vite et l'histoire sombre dans des directions fumeuses, ajoutant de nouvelles énigmes à celles initiées par Waid sans apporter de solutions, et surtout sans que le rythme soit plus trépidant, la narration étant aussi (sinon plus) décompressée.
La fin de ce volume est intriguante avec ce décor de western, franchement décalé après l'arrière-plan plus traditionnellement fantastique de la série jusqu'ici, et c'est un peu frustrant de ne pas savoir où cela va mener. En effet, comme je l'ai dit au début de ces critiques, les derniers épisodes de Crux n'ont jamais été collectés en albums (deux recueils supplémentaires furent annoncés sans avoir été publiés, et bien que Marvel ait récemment relancé certains titres CrossGen, rien n'indique que des rééditions soient envisagées)... Mais en fin de compte, j'ai été trop déçu par l'expérience pour aller plus loin ( j'ai acquis ces trois livres d'un seul coup, pour un prix modique, mais en ignorant alors que je n'aurai pas tous les épisodes : c'est une leçon à retenir - toujours se renseigner sur le contenu avant de sauter sur une occasion).
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La réunion de Steve Epting avec son scénariste d'El Cazador s'avère donc moins satisfaisante que pour leur histoire inachevée de pirates. Néanmoins, l'artiste produit encore sur ces épisodes des planches de toute beauté, au découpage plus simple (voire plus sommaire, avec de plus grandes cases, plus de splash et double-pages).
Le chapitre 17 est dessiné par Paul Ryan, encré par le vétéran Pablo Marcos, pour un résultat, en comparaison avec le travail d'Epting, très décevant.
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Crux est donc une déception : la preuve qu'une équipe créative prometteuse ne suffit pas forcèment à produire une oeuvre à la hauteur du talent de ses créateurs. Heureusement, depuis, Waid et Epting ont prouvé que cette étape n'était qu'un faux pas, mais cela résume finalement bien ce qu'a donné CrossGen : des bandes dessinées souvent séduisantes mais pas forcèment mémorables, encore moins indispensables.

Critiques 248 : REVUES VF AOÛT 2011

X-Men 6 :


- X-Men Legacy 238-239 : Collision (1 & 2/4). Après la rude bataille qui a opposé les mutants à la super-sentinelle Bastion et son armée de Nemrods, Cyclope confie à Malicia le soin d'accompagner Indra en Inde où ses parents le réclament pour qu'il épouse la fille promise à son frère, mystérieusement tombé dans le coma. Sur place, Magnéto détecte des anomalies électro-magnétiques lorsque surgit une certaine Luz, poursuivie par les Enfants de la Crypte, résidant dans une dimension parallèle...




Mike Carey entame un arc en quatre parties qui entraîne le lecteur en Inde, un décor exotique parfait pour organiser la rencontre avec ses mutants favoris (le couple Malicia-Magnéto et quelques-uns de leurs élèves) avec des adversaires apparus il y a déjà quelque temps (dans des épisodes illustrés par Chris Bachalo et Clayton Henry). Legacy est un titre à part dans la galaxie mutante, qui possède une vraie voix, et dont les protagonistes ne sont pas les vedettes habituelles (Wolverine, Cyclope, Emma Frost...). Le décor, l'intrigue qui se met en place, les acteurs promettent une histoire originale (dont la fin sera publiée dès le mois prochain, avec les deux derniers actes).




Clay Mann revient au dessin et livre de très belles planches, traversées par de superbes créatures féminines (il est l'un des plus brillants dans cet exercice avec Cliff Chiang). Son style évoque celui d'Olivier Coipel, avec un trait plus épuré et un peu plus raide, bien mis en valeur par l'encreur Jay Leisten.


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- X-Men 530 : Quarantaine (1). Simultanèment, quatre récits sont exposés : dans le premier, Emma Frost avec Kitty Pryde et Fantomex exfiltrent Sebastian Shaw d'Utopia pour s'en débarrasser (mais Kitty s'oppose à son éxécution) ; dans le deuxième, une épidémie grippale touche Utopia et oblige Cyclope à mettre l'île en quarantaine ; dans le troisième, un homme multiple chinois commence à réorganiser le racket à Chinatown; et enfin, dans le quatrième, John Sublime donne à cinq cobayes des pouvoirs semblables aux premiers X-Men.




Pour son dernier arc sur la série (avant de passer le relais à Kieron Gillen), Matt Fraction étale ses défauts récurrents : ça part dans tous les sens, en proposant des idées majoritairement téléphonées (le lien entre l'épidémie et John Sublime est évident) ou prétexte à éloigner des personnages (Kitty s'opposant à Emma sur le sort de Shaw). Quant à ce mutant chinois, on se demande bien ce qu'il fait là, la barque étant déjà chargée. Le problème est qu'en multipliant les pistes, aucune d'elles ne vous accroche vraiment : qui trop embrasse, mal étreint...




Les illustrations outrancièrement photoshopées et colorisées lourdement (par Justin Ponsor) de Greg Land, avec ses éternelles personnages souriant comme des demeurés même dans des situations critiques et ses décors sans âme, ne font qu'ajouter à la médiocrité.


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- Les Nouveaux Mutants 16 : La Chute (2). Le général Ulysses, après de longues années en enfer (littéralement), revient tracasser les mutants. Il a déjà capturé Pixie et formé une équipe de soldats pourvus de pouvoirs...




Comme je n'ai pas acheté la revue le mois dernier, et donc pas lu le premier épisode de cet arc, je suis entré difficilement dans celui-ci où les héros de la série n'apparaissent pas. Zeb Wells a l'air d'avoir mis sur pied une idée intéressante, sans être renversante d'originalité, mais la suite nous dira s'il transforme l'essai.




Leonard Kirk illustre ça efficacement : ce dessinateur inégal a retrouvé du poil de la bête, il s'encre à nouveau lui-même (même s'il est meilleur quand un autre s'en charge) et la colorisation des studios Guru FX est soignée.


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Bilan : pas dit que je renoue avec la revue sur le long terme puisque seul Legacy m'a vraiment motivé à acheter ce numéro. Mais j'en serai encore le mois prochain pour la fin de Collision, et la suite de New Mutants.


X-Men Universe 6 :




- X-Men 4 : La Malédiction des Mutants (4). Wolverine a été vampirisé par Jubilé et a donc rejoint les rangs de l'armée de Xarus qui s'apprête à soumettre San Francisco et Utopia, l'île où résident les mutants. Cyclope refuse la proposition d'alliance que lui fait Xarus : les hostilités peuvent commencer...

Ce nouveau volet de la saga X-Men vs Vampires laisse aussi indifférent que les précédents. Ce n'est pas désagrèable à lire, mais c'est aussi vite oublié, et pour tout dire c'est assez grotesque quand on s'amuse à examiner certains éléments narratifs. Un exemple est éloquent : Wolverine possède un facteur auto-guérisseur, qui l'a à de maintes reprises sauvé par le passé d'agressions particulièrement grâtinées (comme d'être infecté par les Broods, des aliens - épisodes de Claremont et Smith), et de super-sens. Mais il est incapable de résister au vampirisme et avant cela de détecter la contamination de Jubilé ! Visiblement, Victor Gischler n'a pas du réviser ses classiques...

Les dessins de Paco Medina ont le mérite de ne pas s'inscrire dans la veine hyper-réaliste tellement à la mode aujourd'hui, mais il n'empêche que l'expressivité de ses personnages est très limité et que la colorisation de Marte Gracia n'arrange rien. C'est, au mieux, moyen.


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- X-Force 1 : La Solution Apocalypse (1). Wolverine, Archangel, Psylocke, Fantomex et Deadpool forment une équipe pro-active, résolue à régler certaines menaces contre les mutants par tous les moyens nécessaires - et ce bien que Cyclope ait défendu ses membres de mener leurs missions. Mais quand Archangel, grâce à Deadpool, est convaincu qu'Apocalypse, responsable de la transformation de ses pouvoirs, est sur le point de resurgir, la X-Force repart faire le ménage...



Après un prologue tout à fait dispensable (et au dessin affreux, signé Leonardo Manco), la nouvelle version d'X-Force débute donc ses aventures sous la direction de Rick Remender, le scénariste de l'épatant FrankenCastle. C'est clair qu'on n'est pas là pour rigoler, cette fois (quand bien même le personnage de Deadpool semble être là pour injecter de l'humour au projet), et cette équipe de black-ops met encore à l'honneur Wolverine (déjà présent dans X-Men, Uncanny X-Men, Avengers, New Avengers, X-Force donc et sa propre série: n'en jetez plus ! Cette surexploitation du personnage devient absurde, quand bien même on n'est pas obligé de tout lire, comment fait-il pour être partout ?). Mais ce premier épisode est accrocheur, à la hauteur de ses très bons échos.

Il faut dire que le choix de Jerome Opena pour illustrer ce titre contribue énormèment au plaisir de sa lecture : l'artiste s'y révèle un storyteller redoutablement efficace et sa collaboration avec le coloriste Dean White est une réussite exceptionnelle (étonnant quand on compare ce que ce dernier commet sur Avengers par exemple). Visuellement, c'est tout à fait bluffant.


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- Facteur-X 210 : Effacer le passé. Monet aide une cliente, hantée par ses souvenirs sur le front militaire, à se débarrasser de ses cauchemars - mais elle ignore qu'elle a libéré du même coup une mutante criminelle à la recherche de généraux ayant trafiqué sa mémoire. Pendant ce temps, Rictor accompagne Rahne Sinclair à son échographie - mais l'examen aboutit à une curieuse (et plutôt inquiètante) surprise pour les parents.



Peter David opère un break inattendu dans l'histoire qu'il avait commencé, délaissant les personnages de son équipe en mission (et en fâcheuse posture) à Las Vegas, pour s'intéresser à trois autres membres, restés en arrière. Les deux récits qu'il traite ici sont à l'évidence destinés à être développés dans le futur. C'est dans les deux cas intriguant, et la partie avec Rahne et Rictor est émaillée de dialogues vraiment bien troussés.

Valentine De Landro illustre cet épisode, dans un style proche de Maleev, avec visiblement des photos retouchées, au rendu pseudo-réaliste statique. C'est beaucoup moins attrayant que ce que fait Emanuela Lupacchino, même si ça convient à ce chapitre plus calme et introspectif.


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- X-Men 526 : Reconstruction. Tandis que les mutants s'affairent à des travaux de réparation sur Utopia, Magnéto apprend que Wiccan et Speed, deux des Jeunes Vengeurs, sont peut-être ses petits-fils...

Ces 9 pages sont en fait une back-up de la série Uncanny X-Men (série qui paraît dans la revue ... "X-Men" - une nouvelle excentricité éditoriale de Panini !). Ecrit par Allan Heinberg, ce segment préfigure la mini-série Young Avengers : Children's Crusade (qui sera, elle, publiée dans "Marvel Top" 4 !), et malgré sa briéveté, il est plus captivant que tout ce que j'ai pu lire de Matt Fraction sur les mutants !

Mais, là encore, c'est son dessinateur qui fait la différence : en effet, Olivier Coipel revient animer, brièvement, mais ô combien superbement, les mutants, et ses planches sont magnifiques. Ah, quel dommage que le français ne revienne pas nous gratifier d'un arc ou d'une mini-série avec les X-Men, comme lorsqu'il fit équipe avec Claremont ou Bendis (pour House of M)...


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- Rocket : Le Malentendu. Voilà un autre bouche-trou qui porte bien son titre car je me demande bien ce qu'il fait là et comment même Marvel a pu accepter de publier ces 9 pages écrites, dessinées, colorisées et lettrées par un certain Corey Lewis dont j'ai du mal à croire qu'il soit payé pour ça.


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Bilan : cette revue a des allures d'auberge espagnole avec son sommaire hétéroclite. Mais rien que pour la back-up d'Heinberg et Coipel, X-Force et Facteur-X, ça vaut l'achat.

Marvel Stars 7 :


- Les Vengeurs Secrets 8 & 9 : Les Yeux du Dragon (3 & 4). Pour capturer le fils de Zheng Zu, John Steele, Max Fury et les soldats du Conseil de l'Ombre attirent Steve Rogers et ses acolytes dans un piège, permettant d'enlever Sharon Carter pour l'échanger avec Shang-Chi. Tandis que le passé commun de Rogers et Steele se révèle, la recontre entre les deux super-soldats aboutit à un combat âpre et violent, qui tourne à l'avantage de Steele. Mais Rogers n'a pas dit son dernier mot et ce, même si Shang-Chi est désormais aux mains de son père, qui compte le sacrifier...


Ed Brubaker propose deux nouveaux épisodes magistraux où il manie des ingrédients dont il est friand, avec des coups de théâtre, des intrigues, des révèlations sur le passé de ses protagonistes. La série affiche des liens directs avec Le Projet Marvels, sa mini-série sur les origines des premiers super-héros, et donne donc une perspective épatante à tous les titres écrits par le scénariste, articulés autour de Steve Rogers.


Mike Deodato illustre ces deux chapitres (à l'exception des deux dernières planches du n° 9, par Will Conrad) avec maestria, excellant particulièrement dans les scènes d'action spectaculaires à souhait. La colorisation de Rain Breredo donne un grain magnifique à cette production, avec notamment des flashbacks sur fond sépia.


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- Thunderbolts 150 : Les Retrouvailles (1). Excédé par l'indiscipline de l'équipe, Luke Cage décide, après une dernière mission, de rendre son tablier. Il écarte Moonstone et embarque le Fléau, le Fantôme et Crossbones pour une virée en compagnie de Thor, Iron Man et Steve Rogers. Le Fantôme profite du voyage pour s'échapper avec ses partenaires mais expédie tout le monde dans une dimension parallèle...



Jeff Parker poursuit dans le registre délirant qu'il a imprimé à la série depuis le début de l' "Heroic Age" et invente une nouvelle aventure improbable à la mesure des coups tordus que jouent ses affreux jojos à leur boss. C'est, disons-le tout net, du grand n'importe quoi, mais c'est plutôt drôle.

Quel dommage alors que la série ne bénéficie pas d'un dessinateur à la hauteur ! Kev Walker reprend le crayon, après le brillant intérim de Declan Shalvey, avec toujours les mêmes faiblesses : expressivité réduite des personnages (sans parler d'une gestuelle limitée), absence de décors, découpage sommaire... Regrettable, vraiment, car avec un bon artiste, ce titre serait fantastique.



(A noter que ce 150ème épisode est stupidement coupé en deux par Panini : c'est vrai qu'il aurait été dommage de se priver des Secret Warriors...)

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- Secret Warriors 22 : La Nuit (3). J'ai survolé cet épisode dont le dessin (de Vitti) est toujours un vrai repoussoir (exception faîte des trois dernières pages, même si elles ne sont pas extraordinaires non plus). Comment j'ai appris à me méfier d'Hickman et que ni cette série ni cette histoire ne m'ont accroché, autant zapper.


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Bilan : positif - Secret Avengers reste remarquable, T-Bolts manque d'un dessinateur à la hauteur, et plus que 6 épisodes à supporter pour Secret Warriors (mais d'ici là, j'aurai sûrement cessé d'acheter la revue).


Marvel Icons 7 :


- Les Nouveaux Vengeurs 6 : Possession (6). C'est l'heure de vérité pour nos héros : Wolverine défie Agamotto dans le plan astral pour un combat à mort dont dépend la survie de notre dimension. Mais la situation, comme on pouvait le redouter, dégénère rapidement car le mutant est malmené et surtout Daniel Drumm, le frère fantôme du Dr Vaudou, se mêle à leur duel et oblige le sorcier suprême à s'engager à son tour. Tout ça ne va pas bien finir...

Retour au grand spectacle avec cet ultime chapitre de l'histoire écrite par Brian Bendis : les personnages de Wolverine et Dr Vaudou sont mis en avant et l'issue du match déjoue les règles de la happy end. En effet, le scénariste conclut son récit avec la promesse d'un troisième round magique et d'une vengeance. On pourra trouver que cet arc ait été un peu long (un épisode en moins n'aurait pas été plus mal) et mais ceux qui auront goûté à Search for the sorcerer supreme (NA, vol. 1, #51-54) et à cette Possession seront impatients d'assister à la "belle".


Stuart Immonen illustre sa partie avec sa classe habituelle, traduisant parfaitement l'aspect épique et tragique de l'affrontement. Laura Martin et Rain Breredo (le partenaire de Deodato) se sont partagés le soin de mettre cet épisode en couleurs, la contribution du brésilien étant visible dans la partie qui se déroule dans le plan astral.


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- Captain America 610 : Sans issue (5). Là où il avait affronté le premier Baron Zémo et péri durant le seconde guerre mondiale, Bucky retrouve le fils de son ennemi pour un nouveau duel. Mais le méchant cherche moins à vaincre physiquement le héros qu'à lui prouver son illégitimité à être Captain America, a fortiori depuis le retour de Steve Rogers...



Ed Brubaker revient sur les lieux du crime et impose à Bucky Barnes un véritable test qui est finalement plus éprouvant moralement que physiquement : le mobile de Zémo est de démolir psychologiquement le héros et la fin de l'épisode, où le méchant s'échappe, ne marque assurèment pas le terme des ennuis qui attendent le nouveau Captain America. C'est brillant et cela promet beaucoup pour la suite (qui sera publié dans un HS, Panini ayant chamboulé ses publications en prévision de la saga Fear Itself cet automne).

Butch Guice, encré par Rick Magyar, illustre avec beaucoup d'énergie cet épisode, dont le trait, le découpage sont clairement influencés par John Buscema (à l'évidence, l'artiste a voulu rendre hommage au maître dans cet arc, quitte à livrer une copie peu personnelle).


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Et après ? "C'est le drame..."

Parlons peu, parlons bien : je n'ai pas lu Iron Man, je ne lis plus cette série depuis de longs mois, le dessin me rebute, et même en feuilletant l'épisode, j'ai l'impression que rien ne s'y passe, en tout cas, ça ne ressemble pas à un comic-book, aucun méchant identifiable, aucune bataille digne du genre. Je ne sais pas ce que c'est, mais ça n'est pas le Iron Man que j'ai aimé.

Et Fantastic Four : là aussi, c'est mochissime, et j'en veux énormèment à Hickman d'avoir défiguré cette série que j'ai tant aimé, celle avec laquelle Byrne m'émerveillait, Waid et Wieringo m'enchantaient.


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Bilan : partagé, forcèment - New Avengers et Captain America sont les deux seules raisons qui motivent l'acquisition de la revue. Le reste est une insulte aux séries et aux auteurs qui les ont sublimés jadis.