jeudi 28 juin 2012

Critique 332 : KINGDOM COME, de Mark Waid et Alex Ross



Urban Comics, le label de Dargaud, qui détient maintenant les droits d'exploitation des comics DC en France, vient de rééditer début Juin un grand classique : Kingdom Come, écrit par Mark Waid et illustré par Alex Ross, publié à l'origine en 1996.
En Avril 2009, j'en avais écrit une première critique (ma 24ème), d'après l'édition proposée par Semic, et je ne vais donc pas y revenir. Mais, voici le lien qui y mène :  


Petit rappel des faits tout de même :

Kingdom Come est une version du crépuscule des dieux dans l'univers des super-héros DC.

L'action se déroule dans un contexte futuriste alternatif à la continuité traditionnelle, les justiciers classiques se sont retirés, supplantés par une nouvelle génération de métahumains aux méthodes plus musclées, dont le chef de file est Magog. Ce dernier a précipité la retraite de Superman après avoir abattu le Joker, coupable d'un énième attentat qui a coûté la vie à la rédaction du Daily Planet (et donc de Lois Lane, la compagne de l'homme d'acier), un acte salué par l'opinion il y a dix ans.
Mais lorsque le même Magog et sa bande dévastent le Kansas en essayant d'arrêter le Parasite, Wonder Woman va demander à Superman de revenir pour rassurer le monde et rééduquer (au besoin par la force, comme elle le suggère) cette nouvelle vague de redresseurs de torts.
A contrecoeur, l'homme d'acier reprend du service et reforme la Ligue de Justice pour l'aider à mater les récalcitrants, allant jusqu'à enfermer les plus incorrigibles dans un goulag. Ce choix suscite la méfiance de l'ONU et précipite les manoeuvres du Front de Libération de l'Humanité dirigé par Lex Luthor. Lequel reçoit une proposition d'alliance inattendue en provenance de Batman, qui a lui aussi tout un bataillon derrière lui, bien décidé à ne pas obéir à toutes les initiatives du kryptonien et de sa bande.
La situation va progressivement et rapidement dégénèrer, entre les doutes de Superman, l'autoritarisme de Wonder Woman, les manipulations de Batman et le terrible atout secret de Luthor...
Témoin de tout cela, Norman McCay, un pasteur ami du défunt Sandman, est sollicité par le Spectre, bras armé de la vengeance de Dieu, pour arbitrer la situation in fine.


Kingdom Come a connu plusieurs éditions en France : celles de Semic, puis de Panini (qui reproduisait la version "Absolute" pour fêter les 10 ans de la saga), et désormais celle de Urban Comics. Cette dernière reprend l'intégralité du matériel de l'Absolute, soit les quatre épisodes de la mini-série initiale, ses deux épilogues (Un an après..., où Superman et Wonder Woman se retrouvent avec Batman pour lui annoncer une grande nouvelle ; et L'avenir, le final de Justice Society of America #22, trois pages, 8 vignettes muettes dévoilant plusieurs dates du futur de cet univers) et près de 100 pages de bonus - constitués de précisions sur la conception de la série par Mark Waid, des notes renvoyants aux planches pour en identifier tous les acteurs et repérer tous les clins d'oeil, la galerie complète des sublimes croquis des personnages - redesignés majoritairement par Alex Ross, plus Tony Akins, Barry Crain, Dave Johnson... - , un arbre généalogique géant de tous les héros et vilains, les couvertures des diverses éditions, les posters et images promotionnels... N'en jetez plus, la coupe est pleine !

De quoi rassasier le plus exigeant des fans et instruire le plus ignare des néophytes ! Le tout dans un album de 336 pages, impeccablement traduit par Jean-Marc Lainé, avec une couverture rigide, une impression exemplaire, une présentation à la fois sobre et élégante... Et pour seulement 28 E (là où Panini vendait le même contenu pour plus de 50 E) !


C'est, indiscutablement, un des plus bels albums de bande dessinée de super-héros dont on puisse rêver, et Urban Comics l'a fait, pour un prix défiant toute concurrence. La qualité de l'oeuvre est à la mesure de l'édition proposée, et sa relecture permet d'estimer pleinement la richesse impressionnante et l'influence qu'a eu ce projet sur les comics de son époque et depuis (on pense bien sûr à sa meilleure prolongation, approuvée et conduite par Alex Ross, dans l'arc Thy Kingdom Come de Justice Society of America, co-écrit par Geoff Johns, mais aussi à Civil War, de Mark Millar et Steve McNiven, chez Marvel).
Ross et Waid, dans une moindre mesure (même si les deux hommes se sont plus ou moins brouillés ensuite à cause de la "sequel", The Kingdom, écrite par le second sans l'assentiment du premier, et d'ailleurs progressivement négligée depuis), ambitionnaient de réaliser un ouvrage qui pourrait siéger aux côtés de classiques comme Watchmen d'Alan Moore et Dave Gibbons ou The Dark Knight returns de Frank Miller (tout en étant une sorte de réplique aux comics "gim'n'gritty" issus de ces deux séries).
16 ans après, le temps a jugé et confirmé l'accomplissement de ce souhait. Kingdom Come est effectivement devenu un "must-have", un incontournable, narrativement impressionnant et visuellement prodigieux.


Comme le conclut Norman McKay : Amen !

lundi 25 juin 2012

LUMIERE SUR... DARWYN COOKE (2)

Déjà Vu,
écrit et dessiné par Darwyn Cooke
(publié dans Solo #5, puis Batman : Ego and Other Tails,
DC Comics)














Cette courte histoire de 12 pages est un hommage à l'épisode Night of the Stalker, écrit par Steve Engelhart et dessiné par Sal Amendola et Dick Giordano  paru dans les années 70, qui a nourri la passion de Cooke pour le personnage et les comics en général.
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Dr Fate,
écrit et dessiné par Darwyn Cooke
(publié dans JSA All-Stars, DC Comics)







Cette courte histoire est parue comme back-up de JSA All-Stars #5 (Challenging The Fate).   
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Avec mes remerciements à Joe Bloke et son blog : http://www.grantbridgestreet.blogspot.com/

Critique 331 : BATMAN - EGO AND OTHER TAILS, de Darwyn Cooke et Paul Grist, Bill Wray, Tim Sale



Batman : Ego and Other Tails est un recueil de plusieurs histoires, de différents formats, publiées en 2000, 2002, 2004 et 2005 par DC Comics. Darwyn Cooke a écrit et dessiné Batman : Ego, Selina's Big Score et Déjà Vu ; il a écrit Date Knight dessiné par Tim Sale, The Monument dessiné par Bill Wray ; et a dessiné Here Be Monsters écrit par Paul Grist.
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Batman : Ego démarre par une course-poursuite entre Batman et un ganster en cavale après un braquage. Alors qu'il est sur le point d'être arrêté, le malfrat préfère se suicider. De retour à la Batcave, Batman est hanté par cet échec : c'est le début d'une longue nuit où il va devoir faire face à son double, ses choix de justicier, son passé et son avenir. A terme, continuera-t-il à incarner le protecteur de Gotham ?

Dans ce roman graphique de 65 pages, qui a été son premier comic-book pour DC Comics, Darwyn Cooke orchestre un face-à-face entre Bruce Wayne et Batman, apparaissant comme une créature difforme, gigantesque, surgi de son esprit. Leur dialogue sert d'instrospection pour Wayne qui vient de voir mourir sous ses yeux un malfaiteur alors qu'il tentait de le capturer.
Cooke joue sur le fait que Wayne est blessé, a perdu du sang, est fatigué : il rentre d'une ses patrouilles nocturnes, elle a mal tourné, et il est évident qu'il est victime d'une hallucination. Dans le même temps, le Batman qui vient le harceler possède une forme impressionnante, cauchemardesque, qui est à la fois son double et peut-être une entité qui a attendu que Wayne devienne son hôte après la perte de ses parents et sa décision, plus tardive, d'appliquer la justice sous le masque et la cape du Dark Knight. 
Le récit est ponctué par des splash-pages qui servent à souligner les étapes de l'existence à la fois de Bruce Wayne (le meurtre de ses parents dont il a été témoin, avec au passage un retour sur l'origine du collier que portait sa mère la nuit du drame) et de ses actions en tant que Batman (où les questions sont posées de savoir si la présence du justicier provoque la naissance des criminels de Gotham ou encore s'il ne devrait pas adopter des méthodes plus radicales pour réellement mettre fin au banditisme de la ville - ce qui renvoie au Batman des débuts, quand le personnage portait des pistolets).
Les figures de Harvey Dent/Two-Face (le procureur playboy défiguré et devenu fou, comme un autre double de Wayne/Batman), de Robin (le sidekick du héros qui n'est, après tout, qu'un gosse entraîné dans de dangereuses aventures), du père (Thomas Wayne, un médecin qu'une fois Bruce a vu échouer à sauver un patient) et bien sûr du Joker (dont Batman a provoqué l'état alors qu'il le poursuivait quand ce n'était qu'un vulgaire voyou sous le casque de Red Hood - Cooke adresse un clin d'oeil à The Killing Joke, d'Alan Moore et Brian Bolland) sont convoqués pour cet examen de conscience douloureux.

Malgré de bonnes idées, une ambiance intense et un rythme trépidant, Cooke ne parvient cependant pas complètement à convertir son argument en une vraie bonne bande dessinée. Techniquement, c'est irréprochable, même si son dessin n'a pas encore atteint la maturité fabuleuse de ses oeuvres-phares (comme La Nouvelle Frontière ou les Parker), les influences de Bruce Timm et de Mike Mignola sont visibles.
Le souci est plus narratif car cet échange entre Batman et son essence en quelque sorte n'a pas la puissance, la profondeur souhaitées : Cooke n'est pas un auteur cérébral comme Neil Gaiman ou Alan Moore où le propos compte presque plus que les personnages, il est (et il est resté) un adepte du "character driven", jamais plus à l'aise que dans une histoire où le(s) héros conduisent l'intrigue, avec des personnalités fortes, iconiques.
Ici, il a voulu sonder l'âme de Batman, imaginer une discussion entre le héros et son esprit, mais leur débat ne dépasse jamais l'inventaire, les lieux communs, les clichés. Rien de ce à quoi Cooke aboutit ne remet en cause la détermination, le fondement ou la futur de Batman et/ou Bruce Wayne. C'est plus une sorte de mise à jour, de confrontation ponctuelle, dont le héros et l'homme sortent renforcés, dans leurs convictions, leurs comportements, qu'une histoire qui relancerait le personnage dans une direction surprenante.

Bref, Ego ne manque pas d'allure, mais d'envergure, même si visuellement on assiste au surgissement d'un futur maître-és storytelling, avec des fulgurances esthétiques prometteuses.
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Selina's Big Score est l'autre morceau de choix de ce recueil, Darwyn Cooke le présente même dans son introduction comme son travail favori (à l'époque de son inclusion dans l'ouvrage).
Chronologiquement, cette histoire de 87 pages se situe avant Catwoman: The Dark End of the Street, lorsque Cooke dessinait la série écrite alors par Ed Brubaker. Mais l'auteur utilise davantage le personnage de Selina en civil qu'en costume (elle n'apparaît en tenue que dans quelques images et une pleine page, en flash-back).

Selina Kyle, après un cambriolage foireux au Maroc, revient à Gotham.





Elle profite du fait que tout le monde la croit morte mais a besoin de se refaire et, grâce à un ami fourgue, Swifty, accepte le gros coup que lui propose une prostituée, Chantel : un casse audacieux où il faut intercepter 24 millions de dollars appartenant à la pègre, convoyés dans un train. Elle obtient le concours de son ex-amant et mentor, Stark, et d'un autre complice, Jeff. Mais l'affaire va se compliquer quand Falcone, le mafieux qui possède Chantel, découvre qu'elle l'a trahi, et que le détective Slam Bradley, engagé par le maire de Gotham pour enquêter sur la disparition de Selina, découvre qu'elle n'est pas morte et mêlé à ce fameux casse...

Ce graphic novel mérite une relecture : la première fois que je l'ai lu (en vf, dans l'album Batman : Ego, chez Panini), il m'avait déçu (comme la première histoire), surtout pour le style frustre du graphisme. J'ignorai alors sa place, dans l'oeuvre, sinon dans le coeur, de Cooke, et en comparaison avec La Nouvelle Frontière, le résultat me semblait bien inférieur.
Replacé dans son contexte, Le Gros Coup de Selina apparaît en vérité comme une sorte de brouillon - mais quel brouillon ! - de ce que son auteur accomplira plus tard avec ses adaptations des Parker de Richard Stark/Donald Westlake. D'ailleurs, la mention à Stark avec le personnage du mentor de Selina explique déjà l'inspiration de Cooke, féru de séries noires au moins autant (sinon plus) que de super-héros.
De manière plus générale, Cooke connaît d'ailleurs bien ses ses classiques,et  l'hommage est parfaitement exécuté. Il truffe son récit de clins d'oeil savoureux (comme Chantel qui a le physique de l'égérie de la blaxploitation Pam Grier ou Stark qui a l'aspect de Lee Marvin, qui incarna Parker dans le film Le Point de Non-Retour de John Boorman). Le casse lui-même est superbement imaginé, spectaculaire, découpé avec une maestria bluffante.

Graphiquement, Cooke a incroyablement développé son style depuis Ego, mais l'aspect brut de son dessin pourra déconcerter ceux qui ne connaissent que La Nouvelle Frontière ou Parker. Il a utilisé des feutres, des markers, et le pinceau pour des à-plats noirs massifs.
La colorisation de Matt Hollingsworth accentue encore ce look "primal", avec une gamme chromatique réduite (des bleus foncés constratant, dans les scènes de jour, avec une palette très basique). C'est audacieux mais d'une vivacité remarquable, comme une sorte de super-storyboard, où le passé de Cooke dans l'animation (à l'époque de Batman Beyond, de Bruce Timm) est évident.

C'est vraiment une histoire de Selina Kyle et non de Catwoman, comme un segment parallèle à la série que Cooke illustrait à l'époque. Mais cet appendice possède un réel intérêt et une qualité à part entière, qui mérite d'y revenir.
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Le reste du programme est constitué d'histoires courtes, d'une pin-up (de Catwoman - superbe) et de deux couvertures (Batman : Gotham Adventures #45 & #50 - cette dernière dans le plus pur style Bruce Timm).

*Here be monsters, écrit par Paul Grist, paru dans Gotham knights #23, compte 8 pages et oppose Batman à Madame X, une terroriste évoquant à la fois Two-Face (elle est défigurée) et Scarecrow (elle inflige à Batman des hallucinations grâce à des fumigènes).

Réalisée pour la série Batman : Black and White (#23), à la demande de Mark Chiarello, un éditeur qu'apprécie beaucoup l'artiste, c'est son traitement graphique qui le distingue : le découpage est très influencé par les cartoons de Bruce Timm, et Cooke l'a illustré en utilisant un crayon, un feutre et de l'encre pour les surfaces noires.   

 *The monument, écrit par Cooke et dessiné par Bill Wray, paru dans Gotham Knights #33, est un pastiche savoureux dans lequel Batman assiste à l'édification d'une statue à sa gloire - statue qu'il se fera un malin plaisir de détruire en arrêtant Hugo Strange.

Le dessin de Wray exagère celui de Frank Miller dans The Dark Knight Returns tandis que le script de Cooke se moque de manière croustillante du "über-Batman" durant 8 pages.

*Date night, écrit par Cooke et dessiné par Tim Sale, paru dans Solo #1, compte 9 pages : Batman surprend Catwoman lors d'un cambriolage, mais il s'agit d'un leurre pour la minette qui entraîne le justicier dans une folle série de cascades dans Gotham.

Bien avant Superman : Kryptonite, Cooke avait rédigé ce récit pour Sale : ironiquement, comme il l'avoue dans la préface, le texte a été conçu selon la méthode Marvel, soit un vague pitch sur lequel a brodé le dessinateur. C'est très beau et la chute est pleine de malice.

*Enfin, Déjà vu, écrit et dessiné par Cooke, paru dans (le collector introuvable) Solo #5, est une exceptionnelle nouvelle dans laquelle Batman traque un gang après un braquage qui s'est soldé par la mort de deux innocents.

C'est un hommage à une histoire (Night of the Stalker) de Steve Englehart, Sal Amendola et Dick Giordano, publiée dans les années 70 qui compte 12 pages et Cooke l'avait d'abord proposé à Bruce Timm pour un épisode du dessin animé Batman : The Animated Series, avant de la retravailler. Le héros n'y prononce pas un mot mais c'est une fantastique capture du personnage, hanté par ses origines, d'une efficacité implacable, à l'ambiance puissante. Le plus souvent découpé en gaufrier de 8 cases, ce chapitre est un vrai résumé du génie de Cooke pour la mise en images, une leçon à étudier pour n'importe quel aspirant dessinateur.
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Ce recueil propose donc un programme varié et d'une qualité indéniable, prouvant encore le talent impressionnant de Darwyn Cooke. Mon seul regret est de n'avoir pas pu me procurer l'édition comprenant l'intégralité de Solo #5, considéré comme un des sommets de l'oeuvre de son auteur mais introuvable aujourd'hui en fascicule, et qui avec Batman : Ego et Selina's Big Score étaient le troisième élément incontournable de cet album.

samedi 23 juin 2012

LUMIERE SUR... MASSIMO CARNEVALE

Massimo Carnevale

Clint Eastwood dans Gran Torino (de C. Eastwood)

Jane Seymour dans Barry Lyndon (de Stanley Kubrick)

Tom Cruise dans Collateral (de Michael Mann)

Sharon Tate dans Le Bal des Vampires (de Roman Polanski)

Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut (de Stanley Kubrick)

Chloe Moretz dans Kick-Ass (de Matthew Vaughn)

Max et les Maximonstres (de Spike Jonze)

Norah Jones et Jude Law dans
My Blueberry Nights (de Wong-Kar Wai)

Michael Madse dans Reservoir Dogs (de Quentin Tarantino)

Marilyn Monroe dans Certains l'aiment Chaud (de Billy Wilder)

Jeff Bridges dans True Grit (de Joel et Ethan Coen)

Patricia Arquette dans True Romance (de Tony Scott)

Clint Eastwood dans Impitoyable (de C. Eastwood)

Anna Karina dans Vivre sa Vie (de Jean-Luc Godard)
Clint Eastwood/Le Bon...

Lee Van Cleef/La Brute...

Eli Walach/... Et Le Truand (de Sergio Leone)

Naissance en Italie en 1967.
Dessinateur, cover-artist, peintre.
couverture de Y The Last Man #50
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Le blog de l'artiste : http://www.sketchesnatched.com/