jeudi 14 mars 2024

ET DONC...

Avec mes retours de lecture de Fables #162 et The Immortal Thor s'achèvent les critiques de cette semaine sur ce blog. 

Les autres comics que je me suis procuré sont Helen of Wyndhorn #1 (Tom King / Bilquis Evely), Batman / Dylan Dog #1 (Roberto Recchioni / Gigi Cavenago et Werter Dell'Edera), Black Widow and Hawkeye #1 (Stephanie Phillips / Paolo Villanelli) et The One Hand #2 (Ram V / Lawrence Campbell).  

Vous pourrez retrouver les critiques de ces titres sur mon nouveau directement :

FOR COOL CATS & HIP CHICKS

Dans la mesure où ce sont tous des débuts de série ou mini-série, il m'a en effet paru plus logique de les réserver à ce qui sera bientôt l'espace unique où je m'exprimerai. J'en ai également profité pour déplacer ici les critiques des premiers épisodes de The One Hand - The Six Fingers, les deux séries qui n'en font qu'une puisque leur parution s'étaleront jusqu'en Juin et qu'à ce moment-là, Mystery Comics aura tiré sa révérence.

Merci à tous ceux qui ont déjà eu la curiosité de passer une tête pour voir à quoi ressemblait mon nouveau blog et bienvenue à ceux qui le feront prochainement.

RDB

THE IMMORTAL THOR #8 (Al Ewing / Ibraim Roberson)


Où Thor a un entretien, musclé, avec sa mère Gaïa, en Norvège. Elle lui apprend comment la guerre entre les Titans a cessé avec la naissance de son premier fils et abouti à ce que les anciens dieux, comme Toranos se cachent jusqu'à ce qu'elles les libèrent récemment...


Commençons par la nouveauté de cet épisode : Martin Coccolo a eu besoin de souffler après avoir enchaîné sept épisodes d'affilée. On peut juger que ce n'est pas tant que ça mais aussi répondre que chaque artiste a son rythme et que, par les temps qui courent, sept épisodes de suite, ce n'est vraiment pas rien, surtout avec le niveau affiché par Coccolo.


Il est donc remplacé pour cette fois par Ibraim Roberson, et je dois dire que j'appréhendais un peu le résultat car je connais mal cet artiste. En vérifiant les archives de ce blog, la seule fois où j'ai pu apprécié son travail, c'était sur l'épisode 7 de Old Man Hwakeye où il suppléait Marco Checchetto. Et le résultat ne m'avait pas convaincu.


D'où ma surprise quand j'ai lu ces planches pour The Immortal Thor 8 où il est méconnaissable. Entre temps, son style a évolué, muri et n'a plus rien à voir avec ce que je connaissais. C'est d'une épatante qualité, avec une puissance ahurissante, qui correspond idéalement au contenu de ce numéro, qui convoque des scènes du passé très spectaculaires. Franchement, si Roberson doit rester le remplaçant de Coccolo chaque fois que ce dernier aura besoin de faire une pause, je signe tout de suite.


Depuis le début de ce nouvel arc narratif, après le premier qui mit en scène l'affrontement contre le terrifiant Toranos, Al Ewing a placé ses pions. Il existe d'anciens dieux qui menacent la Terre et Asgard (et l'ensemble des autres royaumes). Tornaos n'était en quelque sorte qu'un avant-goût. Mais où étaient passés ces anciens dieux ? Et pourquoi se manifestent-ils à nouveau maintenant ?

Les réponses à ces questions, le scénariste nous les fournit dans cet épisode dont on pouvait craindre qu'il soit basiquement et lourdement explicatif mais qui s'avère très épique en plus de clarifier les choses. On a aussi la confirmation que Ewing voit loin et surtout voit grand avec une intrigue sur le long terme, quelque chose qui prétend (et a toutes les chances de) rivaliser avec les histoires les plus grandioses de Kirby.

Visuellement, comme je l'ai dit plus haut, c'est tout à fait saisissant, à l'image de l'apparence effrayante de Gaïa, la mère de Thor. Quand elle explique à Thor ce qui est en train de se jouer et va continuer à de développer, on plonge dans une lointaine époque où les Titans s'affrontaient sans répit au mépris de la Terre, dont Gaïa est la gardienne, mais pour plaire au Démiurge, le créateur de toutes choses.

Thor n'est ni le seul, encore moins le premier fils de Gaïa, qui mit au monde Atum, dont la puissance mit fin au conflit des Titans (cela donne une idée de sa force), mais dont le double, Démogorgon, attend son heure dans l'ombre. L'émergence de ces deux créatures a motivé les anciens dieux à se cacher à Utgard comme le fit Utgard-Loki (rencontré dans le précédent épisode), dont la clé de la porte est la propriété de Gaïa. 

A partir de là, il n'est pas difficile de deviner qui a libéré Toranos récemment. Reste à comprendre pourquoi et je ne vais spoiler mais vous déduirez que ce qui se profile n'est pas très encourageant pour la Terre, ses habitants et Thor, qui en est le protecteur...

Ce qui est captivant, c'est que plus la série avance, plus elle se révèle et plus le lecteur prend conscience de son ampleur folle. C'est un procédé que maîtrise Al Ewing, comme il l'a prouvé dans Immortal Hulk, S.W.O.R.D., Les Gardiens de la Galaxie, X-Men Red (pas forcément de longues séries, mais des séries denses, qui ont profondément rebattu les cartes de certains personnages), où, à pas comptés, un ou plusieurs méchants complotent discrètement avant de lancer son assaut et mettre franchement en difficulté le(s) héros. Ainsi, si ce héros sort victorieux, son mérite et son prestige n'en seront que plus grands.

Pour réussir cet exercice narratif, il faut avoir des munitions et prendre le temps de les tirer, ce qui implique une progression dramatique parfois syncopée, où on accélère et décélère brusquement. Mais quand ça fonctionne, quand le lecteur est accroché, alors le spectacle est total, la jubilation éclatante. Et de ce point de vue, je trouve que The Immortal Thor est admirablement construit par un auteur qui sait où il va après des années où des auteurs semblaient surtout bâtir leurs runs par accumulation, par coups d'éclat, mais sans une direction aussi claire.

Pour moi, il ne fait donc guère de doute que The Immortal Thor ne va cesser de nous surprendre et en bien.

mercredi 13 mars 2024

FABLES #162 (Bill Willingham / Mark Buckingham)


Où l'on dit adieu à la Forêt Noire et aux Fables...


Oui, c'est sans doute le résumé d'un épisode le plus court que j'ai jamais fait, mais je ne vais pas spoiler (même si les planches d'illustration vous fourniront quelques indices sur le sort de certains personnages). Ce qu'il faut retenir, c'est que c'est la fin d'une aventure éditoriale de 22 ans.
 

Car, oui, il serait tout à fait incroyable qu'on lise un jour de nouveaux épisodes de Fables, à moins que DC ne relance la série avec un nouvel auteur, ce qui semble tout aussi improbable. Bill Willingham ne travaillera plus jamais pour DC avec lequel il s'est définitivement fâché durant la publication de ces derniers épisodes (j'ai évoqué ce psychodrame grotesque dans une précédente critique, je ne vais pas revenir dessus). 
 

Tout ça fait que le lecteur, a fortiori le fan de longue date, de Fables voit sa série se terminer d'une bien curieuse manière et cela, il ne peut en faire abstraction, en tout cas pas complètement en ce qui me concerne. La parution de ces douze derniers épisodes, que nul n'attendait au demeurant, a été chaotique, avec de nombreux retards (dus à l'engagement de Mark Buckingham sur un autre titre, Marvelman, chez Marvel), ce qui a encore compliqué les choses.


Mais bon, les délais, tout ça, ce n'est pas grave en soi. Certains lecteurs poussent des cris d'orfraie en râlant sur la lenteur des artistes et c'est vrai que, dans ces cas-là, même si ce n'est pas une réplique satisfaisante, j'ai envie de leur répondre : "faîtes-en autant, livrez vingt pages chaque mois et si vous y arrivez, on en reparle". Parfois aussi, mais bizarrement, ça, on le mentionne moins souvent pou alors on le pardonne plus facilement, il arrive aussi que les retards soient le fait de scénaristes peu disciplinés ou qui écrivent trop de séries à la fois. 

Revenons à Fables, je m'égare. et posons-nous la bonne, la vraie question : la fin de la série est-elle réussie ?

Je vais répondre comme un normand, que je ne suis pourtant pas : oui et non.

Oui, parce que Willingham a résisté à sa vilaine manie (qu'il partage avec Brian K. Vaughan) de sacrifier quelques personnages chers au coeur des fans juste pour le plaisir cruel de prouver que personne n'est à l'abri (encore moins quand il est furax après son éditeur). Et il a également résisté (là aussi comme BKV) à nous asséner une de ses opinions politiques discutables et exagérément simplistes pour prouver que Fables est une savante métaphore de son cru sur les réalités du moment (on sait que l'auteur a longtemps défendu l'idée que Fables était sa vision du conflit israélo-palestinien et que Israël pouvait faire ce qu'il voulait pour se défendre - une logique manichéenne qui s'accommode mal de la réalité bien plus complexe, surtout à la lumière des événements du 7 Octobre dernier. Je dis ça et pourtant je suis pro-Israël (pas pro-Nethanyaou !) dans cette situation parce que je n'oublie pas les atrocités commises par le Hamas, ses appels répétés à un cessez-le-feu que ces terroristes ne respectent jamais et la complaisance d'un partie de civils gazaouis quand ces salopards exhibaient leurs otages après les attentats.

Mais non, parce que, bien que Willingham ait affirmé avoir écrit l'intégralité de son script avant la réalisation des planches de Buckingham, le dénouement de sa saga est d'une rare faiblesse. D'ailleurs, la toute dernière page de cet ultime épisode est mal découpée, sans aucune émotion, comme si vraiment le scénariste en avait marre et même pire, qu'il expédiait des subplots avec une désinvolture assez insultante.

C'est vraiment dommage parce qu'avec un arc en douze épisodes, il aurait dû soigner tout ça, quel que soit son état d'esprit alors. Déjà, le retour de Fables, après 150 épisodes, m'avait surpris, mais tout à ma joie de retrouver cet univers pour un nouveau round, je ne m'étais pas laissé aller à des hésitations oiseuses. Et puis l'intrigue démarrait bien, établissant de nouveaux personnages, en présentant d'autres dans des rôles initialement imaginés bien avant (comme Peter Pan dans le rôle du méchant), renouant avec des protagonistes emblématiques (Bigby Wolf, Blanche Neige, Cendrillon).

Mais c'est vrai que DC s'y est mal pris : l'éditeur savait que Mark Buckingham dessinait déjà Marvelman et ne pourrait donc pas livrer tous les douze épisodes en temps et en heures. Au lieu, comme c'est souvent le cas pour les mini-séries du DC Black Label, d'interrompre la publication à mi-chemin, le temps pour l'artiste de souffler (ou dans le cas présent, de travailler sur son autre projet), DC s'est entêté à sortir les épisodes avec du retard, mais sans break. Du coup, le lecteur voyait dans les sollicitations de numéros prévus pour sortir tel mois puis être repoussé souvent sine die. Le rythme de lecture s'en est trouvé complètement cassé et il fallait souvent relire le dernier épisode paru pour se remettre dans le bain.

Quand tout ça sera réédité en recueil, il sera alors temps pour relire l'intégralité de l'arc The Black Forest et l'apprécier différemment, mieux. Mais je doute que ça rattrape cette fin ratée, d'où toute émotion est absente, qui semble avoir été écrite par un auteur n'en ayant plus rien à faire ou alors prévoyant peut-être un nouvel arc après celui-ci (mais qui ne verra jamais le jour). C'est vraiment dommage.

Mon conseil : si vous ne vous sentez pas de replonger dans Fables pour ces douze derniers numéros, ne vous forcez surtout pas. Ils n'ajoutent rien de fondamental à la série (ils n'enlèvent rien non plus à ses nombreuses qualités). Mais si vous ne voulez pas rater cette extension ultime, ne vous privez tout en sachant que vous serez certainement très frustré et sans doute déçu.
   
La variant cover de Mark Buckingham.

dimanche 10 mars 2024

NOUVEAU BLOG !


J'y pensais depuis le début de cette année et finalement j'ai sauté le pas : j'ouvre un nouveau blog qui sera d'abord alimenté en parallèle à celui-ci et certainement voué ensuite à le remplacer. Mais d'abord voici le lien de ce nouveau blog :

FOR COOL CATS AND HIP CHICKS

Comme je le reconnaissais récemment dans une critique, initialement Mystery Comics était pensé comme un espace pour la critique de comics et de bandes dessinées, et aussi de romans. Puis j'ai fini par y intégrer des articles sur des séries télé et des films. Il y a même eu des périodes, un peu comme celle que je traverse actuellement, où il y eût plus de critiques de films que de comics et de BD.

Mais cela ne m'a jamais pleinement satisfait. Ce que je veux dire, c'est que j'aimais écrire tous ces articles, quelque soit le type d'oeuvres concernées, mais je craignais en permanence que ce mélange des genres ne déconcerte et même fasse fuir des lecteurs (même si je n'écris pas pour flatter un quelconque lectorat). De 2013 à 2017, j'avais même cumulé les emplois en alimentant à la fois Mystery Comics et un autre blog exclusivement consacré au cinéma (Cinemagic) avant d'abandonner ce dernier, épuisé.

Fin 2023, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, j'ai pris conscience d'une lassitude certaine quant à la manière dont je tenais Mystery Comics et je voulus prendre de bonnes résolutions pour tenter de ranimer la flamme. Mais force est de reconnaître aujourd'hui que ce fut un échec : je ne suis pas content de moi et j'ai donc entrepris d'aller vers des mesures plus drastiques.

Pour être clair, je vais dorénavant poster mes critiques de films et de séries sur For Cool Cats and Hip Chicks afin qu'elles ne perturbent plus ceux qui viennent ici pour lire des critiques sur les comics et la bande dessinée. Mais surtout, Mystery Comics fermera à terme ses portes - je n'ose dire définitivement tant je sais qu'il ne faut jamais dire jamais. Mon objectif est de faire de mon nouveau blog quelque chose qui ne sera pas limité à son titre : Mystery Comics comporte le mot comics et aurait dû s'y tenir. Avec un blog sans titre qui le définit aussi strictement, je peux parler de tout ce dont j'aurai envie et ceux qui y passeront une tête ne seront donc pas choqués par l'offre à leur disposition.

Idéalement, ainsi, je critiquerai majoritairement les comics par arc et non plus par épisode mensuel, je passerai d'un comic-book à un film à une série sans me soucier de l'ordre. Il n'y a que deux domaines que je m'interdis de traiter : la musique, que je respecte mais pour laquelle je n'ai aucun talent de critique, et la politique, car je préfère garder mes opinions pour moi en la matière. En revanche, peut-être reparlerai-je de roman car j'essaie à nouveau de me libérer du temps pour en lire.

Reste à savoir quand je vais arrêter Mystery Comics. Je me suis fixé le mois de Mai qui coïncidera avec la fin de G.O.D.S. de Jonathan Hickman et Valerio Schiti, mon titre préféré du moment. C'est aussi ce mois-là, si j'ai bien compté que se termineront les X-Men de l'âge de Krakoa ou le binôme récent The One Hand / The Six Fingers. D'autres titres que je suis seront également bouclés à cette date. Pour ceux qui ne le seront pas, je les reprendrai sur For Cool Cats and Hip Chicks mais pas avant qu'un nouvel arc complet soit publié (par exemple pour The Immortal Thor). Mais sinon, ça me (nous) donne quelque temps pour se retourner et conclure ce chapitre sans précipitation.

Pour l'instant, sur For Cool Cats and Hip Chicks, ce sera surtout un mélange de rééditions (avec le transfert de critiques de films et de séries récentes) et d'articles inédits sur des longs métrages et des séries en streaming. Pas de comics ni de BD ni de roman (a priori en tout cas) avant Mai prochain. Je n'ignore pas que je vais sans doute perdre des plumes dans cette aventure, des fidèles de Mystery Comics ne me suivront pas et je ne vous en veux pas. Il y a beaucoup de blogs consacrés aux comics, à la BD, beaucoup de Youtubeurs signent aussi des vidéos sur ces sujets (et moi-même j'en suis certains comme Max Faraday, Comics Code, Le Commis des Comics), sans parler des forums (même si pour ma part je ne les fréquente plus), et je n'ai pas la prétention de croire que ce que j'écris soit au-dessus de la mêlée. Bref, ce que j'offrais n'a rien d'unique.

Cependant, je mentirai si je n'espérai pas que vous ayez la curiosité de voir à quoi va ressembler For Cool Cats and Hip Chicks - une expression que j'ai trouvée dans le livret d'un album de Salamon Burke et que, depuis, je rêvais de caser quelque part.

RDB  

jeudi 7 mars 2024

X-MEN #22 (Gerry Duggan / Phil Noto)

 

Où l'on assiste au grand retour de Ilyana Rasputin /Magik, infectée par des nanites et mourante mais désireuse de liquider quelques sbires d'Orchis tout en libérant des mutants détenus dans un goulag de l'organisation anti-mutante...



Je ne vais pas vous mentir : je n'ai pas aimé cet épisode, et pourtant j'adore Ilyana Rasputin / Magik, et pourtant il y a quelques très bonnes scènes. Mais ça n'a pas pris comme j'aurai aimé. En vérité, je trouve que Fall of X n'en finit pas de finir et que Gerry Duggan fait n'importe quoi - sans doute parce qu'il lui faut bien écrire d'ultimes épisodes avant que ne soit bouclé l'ère de Krakoa.


En fait, on pourrait dire que Marvel, une fois de plus, s'est tiré une balle dans le pied. En annonçant des mois à l'avance la fin de l'âge de Krakoa, l'éditeur a rendu des fans inconsolables et ceux qui n'ont pas aimé cette période à la fois excités et dubitatifs pour la suite. Et ce n'est pas la gestion de Fall of the House of X et Rise of the Powers of X (les deux mini qui n'en font - soi-disant - qu'une mais qui sont surtout également médiocres) qui a arrangé les choses.


La fin de l'âge de Krakoa précédera, on le sait, une sorte de reboot qui ne dit pas son nom et sans doute un changement de cap. Tom Brevoort, un vétéran de Marvel avec plus de trente ans de service, va s'asseoir dans le fauteuil de Jordan White, qui n'a pourtant pas démérité mais qui s'en va parce que Brevoort est plus haut placé dans l'organigramme. Et Brevvort a déjà laissé entendre qu'il n'entendait pas réduire la voilure en éditant au moins autant de titres X, même s'il y aurai certainement pas mal de nouveaux auteurs et artistes sous ses ordres (Gail Simone, malgré ses dénégations, va certainement écrire une grosse série mutante).
 

Fall of the House of X raconte en parallèle de la série X-Men l'échec des mutants contre Orchis et notamment le règne des machines (Moira X, Nimrod et la sentinelle oméga en tête), tandis que Rise of the Powers of X suggère, sans nuances, via un voyage temporel, comment la franchise mutante va être rebootée. Et c'est bien là le problème comme l'illustre ce X-Men 22.

En effet que ce soit dans Fall of the House of X ou dans X-Men, on suit désormais des X-Men qui sont déterminés à rendre coup pour coup contre Orchis. L'objectif central qui est de libérer Cyclope dont la mascarade de procès se tient actuellement est complètement noyé par ces assauts dont j'ai toute la peine du monde à comprendre la logique. Mais ce n'est pas grave puisque on sait déjà comment tout sera pardonné (en tout cas pour le monde de la Terre 616) et oublié (grâce au fameux voyage temporel destiné à effacer toute la dixième vie de Moira et donc l'existence même de Krakoa comme nation).

Du coup, on assiste à un spectacle étrange et perturbant où tout ce qui se passe compte en fait pour du beurre mais qui écorne quand même considérablement l'image des X-Men. Car il y a ce qu'oubliera le monde dans les comics et il y a ce dont se souviendront les lecteurs, et ça, voyez-vous, ce n'est pas pareil. 

A quoi assiste-t-on et qui entache nos héros ? On voit des X-Men procéder à une vendetta sanglante contre Orchis. D'un côté, le fan de base se dit : "Hé, ce sont les méchants, s'ils meurent, ce n'est pas grave, et puis même, ils l'ont mérité". De l'autre, on se dit, et chez moi, c'est ce qui l'emporte : "Hé, les X-Men sont en train d'assassiner des hommes et des femmes qui certes ont conspiré pour les éliminer, mais quand même les X-Men TUENT !".

Et ça, hé bien, pour moi, c'est n'importe quoi, c'est vraiment tout ce que ne sont pas les X-Men, ces héros persécutés, mais qui ne répondent jamais en suivant la loi du talion. Wolverine tue, mais c'est presque à part, et d'ailleurs les meilleurs scénaristes savent souligner qu'il paie le prix fort pour ça. Mais voir, comme ici, Magik et Shadowkat et Emma Frost et Polaris zigouiller des membres d'Orchis, même pas les pontes de l'organisation, non de simples trouffions dans cette armée, franchement, ça ne me plait pas.

Et, attention, quand je dis qu'ils tuent, c'est pas comme ça en passant, mis en scène de manière suggestive, subtile. Non, c'est un putain de bain de sang, ça gicle de partout, c'est limite écoeurant. On peut avoir des héros qui pètent les plombs, et ça peut aboutir ensuite à d'autres histoires où ils sont confrontés à ces exactions commises en état de crise. Mais là, on sait que tout ça va être effacé des tablettes, que personne dans le monde des comics ne s'en souviendra (à part peut-être les X-men eux-mêmes, mais j'en doute - je crois que le reboot va les rendre tous amnésiques par un tour de passe-passe, un bon lavage de cerveau, peut-être par Xavier lui-même, ce ne serait pas la première fois).. Bref, tout ça restera impuni. Et c'est peut-être bien ça, le pire.

Parce que quand les séries relancées par Brevoort et compagnie débuteront, comme je le disais plus haut, le fan lui se souviendra ce qu'on fait les X-Men, il se rappellera du sang versé par eux, de leur acharnement, de leur absence totale de retenue et de scrupules, de leur absence totale d'héroïsme en fait. Et alors comment, à ce moment-là, pourrons-nous les considérer comme de sympathiques héros mutants ? J'ignore si les auteurs exploiteront ça et si oui, comment, mais là encore, j'en doute.

Je ne pense vraiment pas que Jonathan Hickman aurait fait les choses comme ça. Il voulait montrer l'avènement et la chute de l'empire mutant, c'est certain. Mais je ne crois absolument pas qu'il aurait bouclé ça dans un bain de sang, avec tellement de haine, de violence, et en ayant recours à un coup de tablette magique pour laisser la place à de nouveaux créateurs. C'est là qu'on mesure la perte qu'a représenté le départ de Hickman, qui n'a jamais été remplacé par un auteur supervisant les grandes lignes de Destiny of X et Fall of X. Peut-être que si Al Ewing avait pris sa relève, ça aurait pu marcher, mais vraisemblablement Jordan White et Marvel n'ont pas souhaité remplacer Hickman comme "head of X", et du coup chacun a fait son truc de son côté, Duggan, Gillen Percy, Ewing. Et aujourd'hui, il faut finir le boulot, mais c'est mal fait.

Phil Noto dessine encore cet épisode, qui aurait pourtant parfaitement convenu à Joshua Cassara (qui se contente de signer la couverture - je pense que Cassara se prépare pour quelque chose, qui sera annoncé prochainement parce que c'est trop bizarre qu'un artiste mis en avant comme ça auparavant se limite en ce moment à faire des couvertures). Et bon, j'aime bien Noto, mais franchement, il n'est pas en forme actuellement. On sent qu'il travaille à l'arrache, et que ce qu'il a à dessiner ne l'inspire pas. Il ne se foule pas et en plus, comme dans cet épisode précis, l'action domine, il n'est pas dans son élément. Il y a des angles de prise de vue maladroits, des compositions foirées, des moments qui tombent à plat.

Gerry Duggan ramène Lockheed et on a droit à une scène embarrassante de nullité quand le dragon est ramené à Kitty et Ilyana : on vient d'assister à un véritable massacre commis par les deux filles et tout d'un coup, le scénariste nous sort une scène tchoupi avec le dragon. "On vient d'éviscérer tout un bataillon d'Orchis mais on est trop contentes en plus de retrouver Lockheed". Non, c'est pas possible de tomber autant à côté de la plaque.

Je sens que la fin de Krakoa va être péééééééééniiiiiiiiiiible.