samedi 8 mai 2010

Critique 147 : ARROWSMITH - UNITE D'ELITE AERIENNE, de Kurt Busiek et Carlos Pacheco



Arrowsmith est une série en six épisodes écrite par Kurt Busiek et illustrée par Carlos Pacheco, publié par Wildstorm, une filiale de DC Comics, en 2003.
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L'histoire se déroule dans une réalité alternative : les Etats-Unis d'amérique s'y appellent les Etats-Unis de Columbia, la magie y a largement cours, et la première guerre mondiale voit s'affronter des soldats mais aussi des dragons, des sorciers, des vampires et tout un tas de créatures fantastiques.
Nous suivons l'initiation de Fletcher Arrowsmith, jeune homme idéaliste qui prend part à l'effort de guerre du côté des alliés, apprend les rudiments de la sorcellerie, découvre l'amour et combat l'ennemi Prussien.
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Arrowsmith est un merveilleux comic book, ce genre de bande dessinée où les auteurs sont au meilleur d'eux-mêmes en évoluant en dehors du registre des super-héros.
Les comics peuvent être un fabuleux médium pour ce type d'histoires fantastiques pour peu qu'on ait à faire à des créateurs de talent, à l'aise avec cet univers, ses codes, tout en étant capables de faire preuve d'originalité. C'est aussi l'occasion de se changer les idées tout en restant dans le domaine de l'extraordinaire.
La réussite d'Arrowsmith ne doit rien au hasard puisqu'il s'agit d'une oeuvre produite par deux grands artistes, d'un côté Kurt Busiek (qui a déjà exploré, quoique différemment, ce répertoire avec ses Conan) et de l'autre Carlos Pacheco : ce tandem a aussi signé une des meilleures histoires des Vengeurs, le classique Avengers Forever.

Arrowsmith joue sur un habile décalage avec l'Histoire que nous connaissons : la première guerre mondiale sert de contexte mais la magie y est couramment pratiquée et change donc la physionomie du conflit.
De la même manière, le monde décrit par Busiek et Pacheco détourne à peine la géographie du nôtre : l'Albion remplace l'Angleterre, la Gallia la France, la Lotharingia la Belgique et la Hollande et la Muscovy la Russie, unies contre la Prussia (Allemagne), Tyrolia-Hungary (Autriche-Hongrie) et l'Empire Ottoman.
Au centre de l'intrigue se trouve un héros auquel on peut facilement s'identifier en partageant ses rêves de justice puis ses doutes, un jeune "américain" du nom de Fletcher Arrowsmith qui s'engage comme volontaire dans cette unité d'élite aèrienne qui utilise des dragons pour les combats dans le ciel de l'Europe.
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Ces six épisodes doivent beaucoup au fabuleux dessin de l'espagnol Carlos Pacheco, qui produit des planches somptueuses quand il s'agit d'en mettre plein la vue, mais qui est également capable de la même excellence dans des scènes plus intimistes où son sens des expressions et de la gestuelle fait merveille.
Il y a là des séquences à couper le souffle, où on prend plaisir à s'arrêter, comme lorsque les trolls prussiens attaquent les lignes alliées dans les premières pages, jusqu'à la destruction de ce village ennemi par de gigantesques salamandres enflammées.
Mais, comme je l'ai dit plus haut, Pacheco est aussi bon lorsqu'il illustre des plages plus calmes, dessinant merveilleusement les émotions qui saisissent Fletcher, Grace, Rocky le colossal troll de pierre, et tous les seconds rôles.
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Busiek emploie tous les clichés de l'histoire de guerre, et c'est peut-être la seule faiblesse de la série si on veut se montrer difficile. Avec, par exemple, un film comme Il faut sauver le soldat Ryan de Spielberg, notre vision de ce genre de récit a considérablement évolué car nous avons compris qu'il n'y a aucune beauté dans la représentation de la guerre.
Dans un monde où la magie fait partie du tableau, il est donc encore plus délicat pour Busiek de nous convaincre de l'horreur de la guerre car la magie, le merveilleux qu'elle suggère, joue en quelque sorte contre le postulat anti-guerre du projet. Le lecteur est plus ébloui par les prodiges de la sorcellerie que dégoûté par ses ravages. Lorsque dans le 5ème épisode, les salamandres sont jetées sur le village prussien, c'est à la fois une référence explicite au bombardement de Dresde durant la guerre de 39-45, mais c'est surtout une séquence époustouflante, d'une beauté qui dépasse l'horreur qu'elle raconte. Bien que Busiek nous dise (et comment ne pas être d'accord ?) que la guerre, c'est l'enfer sur terre, il se piège en écrivant des scènes où nous sommes plus éblouis qu'accablés à cause de ces créatures magiques.
Néanmoins, ce qui confère à ce livre un intérêt supérieur à celui d'un divertissement esthétiquement épatant, c'est la manière dont Busiek emploie le genre fantastique comme métaphore. La première guerre mondiale est la période où le "monde moderne" fut créé. C'est aussi un conflit où la notion de "combat noble" a disparu, avec les tranchées, les attaques chimiques, le bombardements. 
Ce que fait Busiek fait via l'angle magique de son histoire, c'est mettre en évidence la tension entre l'ancienne génération de soldats et la nouvelle. Fletcher "s'en-va-t-en-guerre" avec l'insouciance de sa jeunesse mais il est formé par des hommes qui ont déjà connu l'horreur des batailles (en premier lieu, le troll Rocky qui lui raconte comment il a dû quitter son pays et qu'il retrouvera plus tard), tout comme Grace Hilliard qui devient infirmière sans se douter que cette expérience va profondèment la bouleverser.
Ces jeunes gens ne douteront de la justesse de leur engagement et de leur lutte qu'après avoir fait l'expérience physique de la guerre. Mais c'est un voyage dont on ne revient pas indemne psychologiquement. La boîte de Pandore est ouverte, ceux qui auront fait face aux démons des champs de bataille resteront marqués à vie : c'est la fin de l'innocence. Le monde merveilleusement redessiné par la magie est en vérité dominé par l'horreur, la barbarie, la désillusion. Dans le feu de l'action, Fletcher voit (ou croit voir) les dieux se détourner des hommes à cause de leur folie.
Busiek est un auteur dont les oeuvres sont toujours empreintes de nostalgie et ici, cette affection pour le passé est encore plus manifeste dans la mesure où son propos est que ce qui a disparu avec le passage du monde à la modernité a cessé d'être pour toujours, en premier lieu un certain esprit chevaleresque. Pourtant, cette nostalgie n'est pas du passéisme dans la mesure où l'auteur ne nous dit pas qu' "avant c'était forcèment mieux" mais plutôt que le progrès n'améliore pas toujours la condition humaine. D'ailleurs, même après avoir beaucoup perdu en combattant, Fletcher n'a pas envie de rentrer chez lui. Il a compris qu'il devait dépasser sa douleur, ses regrets, ses remords. La magie et la guerre ont refaçonné le monde et Fletcher veut faire de ce monde un monde meilleur.
Busiek et Pacheco ont créé un univers où de grands évènements sont décrits du point de vue d'un homme ordinaire : c'est une histoire enchanteresse et touchante, pleine de dynamisme sur un thème pourtant dramatique (la nostalgie de l'innoncence perdue), un récit initiatique en forme de fable, un livre d'images mémorables. Mais au-delà de l'aventure, il y a surtout une réflexion élégante sur la guerre, le passé sur lequel elle naît et le futur qu'elle engendre.

vendredi 7 mai 2010

Critiques 146 : REVUES VF MAI 2010

ULTIMATE AVENGERS 1 :

- Ultimate Avengers (vol. 1) : La jeune génération (1 & 2/6).
Tout d'abord, on notera encore une étrange traduction puisqu'en vo, cela s'appelle The next generation (soit : la génération suivante ou la nouvelle génération) - après A jamais X-Men pour X-Men forever ou Dark Reign : The list (carrèment laissé tel quel), ça fait beaucoup.

Bon, ensuite, je vais m'acheter le tpb car je n'aurai pas la patience d'attendre 6 mois pour lire la fin, et surtout j'aurai le plaisir d'avoir l'intégralité des couvertures puisque Panini coupe celle du premier épisode en deux et n'édite même pas celle du second à l'intérieur de cette revue. Là aussi, ça commence à faire !

Maintenant, le contenu.

Après Ultimatum et les dégâts énormes provoqués par Magneto, un commando de l'A.I.M. est surpris par Captain America et Hawkeye en train de cambrioler le Baxter building. A la tête de cette opération : Crâne Rouge qui après avoir mis une dérouillée à Cap lui révèle qu'il est son fils !
Steve Rogers décide de traquer son rejeton sans l'accord des autorités, ce qui conduit Carol Danvers, à la tête du S.H.I.E.L.D., à demander l'aide de Nick Fury pour rassembler un groupe et ramener le héros...

Mark Millar revient jouer dans son jardin et y retrouve immédiatement ses marques avec ces deux premiers épisodes riches en action et en révèlations. Il réanime le projet d'une équipe de Vengeurs pour des "blacks ops", comme il l'avait imaginé dans la seconde partie du premier volume des Ultimates (avec déjà Hawkeye, la première Black Widow, Quicksilver et Scarlet Witch) - Panini, très inspiré, donne déjà la compo de cette nouvelle formation dans la preview du prochain numéro à la dernière page...
Le scénariste écossais que l'on adore détester ou qu'on accepte d'apprécier pour sa capacité à produire des récits survitaminés ne faillit pas à sa réputation et continuera donc de ravir ses fans (et d'horripiler ses détracteurs) avec des scènes too much, de la baston spectaculaire et des anti-héros cyniques. Mentions spéciales à la séquence de sauvetage de Cap par Hawkeye et au flash-back sur l'origine de Crâne Rouge.
En tout cas, ces Ultimate Avengers confirment l'obsession de Millar (après Wanted, Kick Ass et avant Nemesis) pour explorer la violence (ce qui l'engendre, ce qu'elle provoque) sans prendre de gants - sa signature, qui le distingue du tout-venant.

Habitué à collaborer avec des pointures, l'écossais est cette fois illustré par l'espagnol Carlos Pacheco, transfuge de DC.
Sa prestation est parfois hésitante, inégale, mais il réussit les morceaux de bravoure sans décevoir et son sens de la composition des images, le dynamisme de son découpage, restent admirables.
Il est simplement dommage qu'on lui ait adjoint un encreur aussi surcôté que Danny Miki et que Justin Ponsor n'ait pas été plus sobre sur les couleurs et quelques effets numériques qui n'améliorent en rien le dessin d'un artiste d'une telle classe.

Après le redémarrage d'USM, cette série prouve que la gamme Ultimate a encore de bonnes choses à offrir grâce au retour d'un de ses animateurs-phares.
X-MEN EXTRA 79 :

- A Jamais X-Men (Alpha 1 + 1 à 5).
Je n'avais jamais acheté cette revue mais la publication en vf de la série X-Men Forever (judicieusement traduite par... A Jamais X-Men !), écrite par Chris Claremont, m'a convaincu de dépenser 5,60 E.
Inutile de le cacher, il y a du sentimentalisme dans cet achat puisque j'ai découvert les comics de super-héros avec "Spécial Strange" et les X-Men de Claremont, Cockrum et Byrne : une découverte qui a littéralement changé ma vie et m'a procuré de grands moments de lecture pendant plus de dix ans.
Le projet X-Men Forever s'apparente aux "Elseworlds" de DC : c'est ce qui aurait pu (dû) se passer si les orientations de Claremont pour la série avaient été approuvées en 1991. Ces aventures n'ont donc aucun impact sur la continuité actuelle mais prolongent ce qu'avait imaginé le scénariste il y a presque vingt ans.
Je resterai volontairement vague sur ce qui se passe dans ces 120 et quelques pages car c'est à la fois très riche, très dense, et que je préfére laisser aux amateurs le plaisir de la découverte.

Cependant j'affirme qu'il se passe plus de choses intéressantes dans cet arc que dans bien des épisodes récents des X-Men (même si tout n'est pas à jeter - j'ai bien aimé les sagas Deadly Genesis et Rise and Fall of the Shi'ar Empire écrites par Ed Brubaker, par exemple).
Claremont nous offre une leçon d'écriture : l'action y est quasi-permanente sans que le traitement des personnages soit sacrifié (au contraire, ils évoluent au fur et à mesure des évènements), le sort réservé aux héros (en particulier Wolverine et Tornade) est d'une vraie audace, et l'art du "subplot" de Claremont (comme avec le mystérieux Cartel) est intact tout comme sa manière de rédiger des dialogues.

L'efficacité du récit trouve un écho parfait dans la partie graphique assurée par Tom Grummett, dont le souci n'est pas de faire de jolies images mais d'illustrer avec le plus d'énergie possible ce que son scénariste raconte.
Le dynamisme de l'ensemble (renforcé par le fait que la série paraît tous les quinze jours en vo) évoque celui qui animait un comic-book comme les Thunderbolts période Busiek-Bagley : droit au but, sans fioritures ni temps mort. Et vous savez quoi ? C'est BON !

Bien qu'il faudra attendre Novembre prochain pour lire le prochain arc (dont quelques chapitres seront signés du duo mythique Claremont-Paul Smith), Panini a eu une excellente idée en éditant cette série - qui devrait inspirer Matt Fraction pour produire des épisodes aussi vigoureux !

X-MEN 160 :

- X-Men 514 : Utopia (4).
Le crossover entre les X-Men et les Dark Avengers suit son cours après avoir démarré le mois dernier dans les pages de cette revue - et en se propageant ce mois-ci dans celles de la revue Dark Reign. N'achetant plus cette dernière, c'est l'occasion de tester la qualité du résumé pour savoir ce qui se passe d'un mensuel à l'autre.

Simon Trask a déclenché des émeutes à San Francisco en exigeant un contrôle des naissances mutantes. Rapidement dépassés, les X-Men, dont certains sont partis affronter les partisans de cette proposition de loi, voient débarquer les Vengeurs Noirs de Norman Osborn. Emma Frost se voit confier la direction d'une équipe de mutants, les Dark X-Men, chargés d'aider à ramener le calme.
Cependant, des mutants ont déjà été arrêtés et incarcérés dans les sous-sols de la prison d'Alcatraz où ils sont soumis à un traitement les privant de leurs pouvoirs.
La tension est donc à son comble : Cyclope organise la riposte, les Dark X-Men entrent en action, Frisco est en feu...
Matt Fraction restitue bien l'ambiance de guerilla urbaine mais sa saga manque de souffle et souffre parfois de confusion. Vouloir agréger les mutants au "Dark Reign" relève d'une intention louable mais le traitement n'est pas à la hauteur.
Le nombre, très élevé, de belligérants, divisés en plusieurs équipes, n'aide pas à l'efficacité de l'histoire qui aurait gagné à se concentrer sur moins de personnages pour que leurs actions soient plus efficacement disposées. Entre Osborn en retrait, Emma Frost et son gang au premier plan, et entre les deux Cyclope et compagnie, le scénario tient parfois plus du zapping, avec une prime aux bastons, qu'à une narration digne de ce nom.

Terry Dodson fait ce qu'il peut pour donner un semblant d'allure au récit, mais le sentiment qui domine est que l'artiste n'est guère inspiré par ce qu'il doit dessiner. Il est loin de son meilleur niveau, tout comme sa femme, Rachel, à l'encrage : les X-Men ne leur vont tout simplement pas, et ce n'est pas le peu d'épisodes qu'ils ont réalisé qui va modifier cette impression.
Dommage : ce n'est pas désagréable à regarder, Dodson réussissant toujours à dessiner de superbes super-héroïnes, mais ce n'est pas suffisant.

- X-Men Legacy 227 : Tir de suppression (1 & 2).
Le bilan est encore plus triste avec ce titre dont l'action se situe également durant les évènements d'Utopia, au coeur de la bataille, avec des personnages comme Malicia et Gambit, d'un côté, et Ms Marvel et Arès, de l'autre.

Mike Carey enchaîne les séquences comme d'autres enfileraient des perles, sans jamais parvenir à nous intéresser au sort de ses héros qui affrontent des Vengeurs Noirs censés rétablir l'ordre mais préférant visiblement casser du mutant dès qu'ils en voient un.
C'est plutôt affligeant et aussi vite lu qu'oublié.

Graphiquement, Dustin Weaver propose des planches tantôt franchement quelconques, tantôt carrèment laides, cadrées sans aucun souci, avec des personnages aux expressions limitées au strict minimum et dans des postures d'une rigidité désolante.

- New Mutants (vol.4) 3 : Le retour de Légion (3).
Toujours aux prises avec David Haller et ses multiples personnalités, qui sont toutes plus hostiles et dangereuses les unes que les autres, les Nouveaux Mutants doivent composer avec une équation délicate : tuer leur adversaire, c'est également tuer leur partenaire Karma, prisonnière de l'esprit de Légion. Dani Moonstar et Illyana Rasputin vont cependant décider de passer à une offensive plus musclée, malgré ce risque...

Zeb Wells s'est engagé dans un scénario à la construction complexe, qui exige une attention certaine du lecteur. Pourtant, ce nouvel épisode conserve un tempo soutenu et offre une action sans temps mort, mélangeant spectaculaire et bizarrerie (le pouvoir de Légion résumant ces deux points).
Les dernières pages promettent un dénouement musclé.

Au dessin, Diogenes Neves alterne des planches à la fois élégantes et percutantes (soutenues par un bel encrage de Cam Smith) et d'autres plus approximatives, notamment quand il s'agit des expressions des personnages.
Mais autant il peut être frustrant quand il se rate, autant il dégage une vraie énergie quand il réussit son coup.

Bilan : un numéro guère enthousiasmant, dont la saga se concluera le mois prochain. Néanmoins, les Nouveaux Mutants continuent de valoir le détour.
Tout d'abord, avant de rédiger la critique de cette revue, il faut dire qu'elle a été éditée par des gens qui, visiblement, n'ont pas lu ce qu'ils publient. Pourquoi ? Parce que toutes les histoires relatent des faits se déroulant dans plusieurs mois par rapport à la diffusion en vf des séries auxquelles elles font référence : c'est donc une cascade de spoilers qui attend le lecteur mal informé. La logique aurait voulu que cette revue sorte en Août, mais Panini fait encore une fois preuve d'un amateurisme affligeant... Tout en vendant cela 5,40 E : à défaut de bon sens, ces gens-là ne perdent pas de vue leurs finances !

DARK REIGN HORS SERIE 1 : LA LISTE. (Le traducteur n'a pas non plus jugé utile de traduire le titre...)
- Les Vengeurs : Ordre de mission + Secret Warriors : Double jeu + Punisher : Un beau rêve + Wolverine : Tout ce qu'on veut, c'est le monde et tout ce qui va avec + Wolverine : Un homme bien.

Sur ces cinq "one-shots", il faut encore préciser que le dernier n'a rien à voir avec le thème récurrent du recueil (la liste dressée par Norman Osborn de héros à neutraliser/tuer) - mais on n'est plus à ça près : il fallait vendre 104 pages à plus de 5 E, donc autant rajouter n'importe quoi pour faire le compte...
Le bilan est mitigé à l'issue de la lecture de ces cinq histoires, réalisées par une équipe créative différente à chaque fois.
Le bouche-trou de la fin (Un homme bien) est affligeant et affreusement illustré : on peut le zapper sans problème.
Avant cela, le segment avec Wolverine (en fait moins présent que Marvel Boy et Fantomex) n'est guère meilleur : écrit par Jason Aaron (un scénariste pourtant côté), il n'aborde pas du tout l'élimination de Wolverine et Esad Ribic produit des dessins très moyens, où les décors sont le plus souvent oubliés.

Le chapitre avec le duel opposant les forces de H.AM.M.E.R., Daken et le Punisher a le mérite de ne pas tromper le lecteur sur la marchandise : c'est un affrontement d'une sauvagerie ahurissante, barbare, entre un psychopathe humilié et un vigilant lancé dans un baroud d'honneur, désespéré.
Rick Remender n'a pas dû s'épuiser à écrire ceci. De toute façon, le principal mérite revient à John Romita Jr qui, sans être dans une grande forme, découpe (au propre comme au figuré...) cela avec une énergie toujours bluffante. Dommage que la colo de Dean White ne soit pas très soignée et que Klaus Janson ait bâclé les finitions - on espère que ce trio sera plus en forme pour le retour des Avengers (les previews sont encourageantes).

Mais les deux meilleures pièces sont incontestablement celles mettant en scène Clint Barton/Ronin et Nick Fury : le premier, on le sait si on suit les Nouveaux Vengeurs, est si exaspéré par Osborn qu'il est devenu obsédé par l'idée de le tuer, ce qui provoque un schisme a sein de son équipe. Il finit donc par mettre sa menace à exécution, une nuit, seul.
Son raid sur la tour des Vengeurs Noirs est une sortie suicidaire et pleine de panache : on voit que, finalement, Barton est meilleur combattant que Frank Castle, mais que son désir de venger l'honneur des siens est voué à l'échec.
Brian Bendis écrit cette partie en restituant parfaitement les états d'âme de son héros, la tension au sein des New Avengers : c'est le récit le mieux construit, rythmé, le plus dense. Il est de surcroît illustrée de fort belle manière par Marko Djurdjevic, encré ici par Mark Moralès et mis en couleurs par Marte Garcia.

Hormis une chute décevante et nébuleuse, Jonathan Hickman et Ed McGuiness livrent aussi une copie réussie, où c'est bien Nick Fury (et non les Secret Warriors, totalement absents) qui tient la vedette et se joue d'Osborn, confirmant en vérité ce que tout le monde sait : il est un tacticien bien supérieur à son ennemi, dont il se moque du début à la fin.
Les dessins de McGuiness, encrés par le vétéran Tom Palmer (qui s'est retenu de tout refaire), sont une excellente surprise : il fait preuve d'invention dans les cadrages, adressant même un élégant clin d'oeil à Will Eisner au début !

D'autres épisodes de cette Liste seront bientôt publiés, avec Spider-Man, Daredevil, Hulk et les X-Men : s'il est prévisible que les résultat reste inégal, je reste curieux de lire ça. A suivre, donc...
MARVEL ICONS 61 :

- Les Nouveaux Vengeurs 55 : Panne sèche (1).
Ce nouvel arc débute par un énième affrontement entre les Nouveaux Vengeurs et le gang mené par the Hood. Les héros préférent se replier mais leurs adversaires trouvent sur le champ de bataille du matériel appartenant à Stark industries : il s'agit d'un engin endommagé mais qui ne fois réparé peut devenir un atout-maître...
Avant cela, le projet de Clint Barton de supprimer Norman Osborn créé des tensions au sein du groupe de justiciers pour qui se pose la question de neutraliser un ennemi pouvant un jour dominer les évènements...

Cet épisode est à marquer d'une croix blanche car la série voit arriver un nouvel artiste, et pas n'importe lequel puisqu'il s'agit du génial Stuart Immonen. Le dessinateur du cultissime Nextwave retrouve donc Brian Bendis, après leur run jubilatoire sur Ultimate Spider-Man - et avant de piloter le futur volume 2 des New Avengers.
D'entrée de jeu, Immonen entraîne le titre à des sommets qu'il n'avait graphiquement jamais atteint : le découpage est d'une fluidité et d'une énergie électrisante, l'expressivité des personnages est extraordinaire... C'est tout bonnement enivrant, chaque page est un pur régal : il suffit d'observer une séquence toute simple comme celle où Spidey dialogue avec Jessica Jones pour constater ce que peut faire un dessinateur en pleine possession de son art pour bonifier une série passée entre des mains aussi diverses que celles de David Finch à Billy Tan en passant par Steve McNiven, Frank Cho, Mike Deodato, ou Leinil Yu.

Bendis n'est pas en reste : il déconstruit la narration pour mieux alterner séquences d'action et plages dialoguées, moments de tension et traits d'humour. Bien entendu, les allergiques n'y goûteront guère, mais les autres apprécieront cette manière inégalable de mettre en scène des héros dans des saynètes à la fois conventionnelles (bastons explosives) et décalées (débats éthiques et stratégiques).
Vivement le mois prochain !

- Captain America 600 : Un an après.
La série fête son anniversaire en reprenant sa numérotation originale (même si, en vérité, il y a eu plus de 600 aventures du Cap' depuis sa création en 1941) et examine la situation un an après (dans le "temps marvelien") la mort de son héros.

Ed Brubaker nous propose une succession de courts chapitres, adoptant à chaque fois un point de vue (et un artiste) différent(s) : c'est l'occasion de faire le point avec Sharon Carter (qui va faire une découverte bouleversante), "l'autre Steve Rogers", les criminels Crossbones, Sin et Crâne Rouge, la jeune Nomad, et enfin les Nouveaux Vengeurs.

L'exercice échappe au gadget grâce à l'écriture toujours fabuleuse d'Ed Brubaker, qui a vraiment donné au personnage et son univers une identité à la fois unique et référentielle. La facilité avec laquelle on lit cela est aussi fascinante que la densité et la singularité du propos.

Visuellement, mis à part le segment d'Howard Chaykin et, dans une moindre mesure, celui de Rafael Albuquerque, les planches sont magnifiques : Butch Guice (dans un mix de Jim Steranko, Jim Holdaway et Joe Kubert) , David Aja, et Mitch Breitweiser assurent leur partie avec brio.

- Captain America 600 : La persistance des souvenirs.
Mark Waid et Dale Eaglesham nous gratifie d'un épisode-hommage au héros étoilé : articulé autour d'une vente aux enchères, c'est un élégant résumé des faits d'armes de Captain America, ainsi qu'un chapitre malicieux sur l'exploitation des idoles.
La conclusion à double détente, avec d'un côté Tony Stark et de l'autre un collectionneur déterminé à ce qu'on ne salisse pas le souvenir du justicier, est habile.

Eaglesham, transfuge de DC, signe de très belles pages avant de succèder à Hitch sur les FF - et de retrouver Steve Rogers pour une future mini-série écrite par Brubaker.

- Iron Man 15 : Dans la ligne de mire (8).
Toujours d'une effrayante mocheté, je n'ai même pas réussi à tenir jusqu'à la dernière page de ce nouvel épisode.

Effrayant de voir où est tombé Iron Man en comparaison de Captain America... Et Panini nous prive des FF de Millar et Hitch !

Bilan : le très bel anniversaire de "Cap" et l'arrivée d'Immonen suffisent à me combler. Un numéro enthousiasmant !

mercredi 5 mai 2010

Critique 145 : PLANETARY, VOLUME 4 - SPACETIME ARCHAEOLOGY, de Warren Ellis et John Cassaday



PLANETARY : SPACETIME ARCHAEOLOGY rassemble les épisodes 19 à 27, les derniers de la série créée et écrite par Warren Ellis et dessinée par John Cassaday, publiés entre 2004 et 2006 puis en 2009 par DC Comics dans la collection Wildstorm.
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Planetary a révèlé progressivement les éléments d'une vaste conspiration opposant le groupe des Quatre (une version maléfique des Quatre Fantastiques) et l'équipe formée par Elijah Snow, un homme né en 1900 et pourvu de pouvoirs extraordinaires (comme d'autres personnages de l'univers Wildstorm) : les premiers voulaient dominer le monde, en ayant apparemment obtenu leurs facultés paranormales contre un marché avec des puissances d'un autre monde ; les seconds voulaient les en empêcher en cherchant et en protégeant les vestiges de l'Histoire secrète du monde.

Les membres de Planetary (Elijah Snow, Jakita Wagner et le Batteur) localisent un engin spatial très spécial et y envoient des anges pour l'inspecter. L'un des Quatre, Jacob Greene, débarque à son tour et va être neutraliser sans avoir eu le temps de réagir. C'est après William Leather, le deuxième membre de son groupe à être piègé par Planetary : le ton est donné, Elijah et ses acolytes ont décidé de prendre leur revanche et vont s'y employer méthodiquement.
Puis Elijah Snow consulte Melanchta, une espèce de shaman, qui va lui révèler la véritable nature de son rôle sur Terre : tous les "enfants du siècle" comme lui ne sont pas là par hasard et ont une mission précise à remplir.
De nouvelles révélations sur le passé, et par ricochet un moyen supplémentaire et décisif pour Elijah de vaincre Randall Dowling et Kim Süskind, ses deux derniers (et plus redoutables) adversaires, font surface.
Les circonstances du sauvetage et du recrutement du Drummer lorsqu'il était enfant sont dévoilées et c'est une nouvelle occasion de découvrir une faille pour dominer ce qui reste des Quatre. tout comme le fait que la composition de l'équipe de terrain de Planetary ne doit rien au hasard - pas plus que la la position de leur leader.
La duplicité de John Stone, puis l'heure du châtiment pour Dowling et Süskind n'est plus loin. Ne reste plus qu'à boucler la boucle et à se charger d'Ambrose Chase, disparu mais peut-être pas mort...

En Avril 1999 paraissait le premier numéro de Planetary. Dix ans et sept mois plus tard, en Octobre 2009, l'une des meilleures séries modernes se termine après 27 épisodes. Les neuf derniers chapitres de cette saga sont aujourd'hui dans ce quatrième volume dont le titre est une synthèse parfaite : Spacetime Archaeology (l'archéologie de l'espace-temps).
Une page se tourne donc. Mais la conclusion est-elle à la hauteur de ce qui a précédé ?

Le premier commentaire qui s'impose une fois le livre terminé concerne le travail de John Cassaday qui est absolument magnifique. Le dessinateur remercie à la fin du volume son scénariste pour avoir fait de lui un meilleur artiste et c'est vrai que Planetary n'a pas seulement valu de nombreuses récompenses à Cassaday : elle en a réellement fait un de ces graphistes qui marque une vie de lecteur, un fabuleux faiseur d'images, qui bonifie toute une histoire, donne à une tell entreprise une qualité que seuls les grands comics possèdent.

On notera encore une fois son don exceptionnel pour concevoir des appareillages merveilleux et des décors enchanteurs qui transporte le lecteur dans un monde où le merveilleux existe.

C'est aussi un maître de l'expressivité et grâce à cela on s'est attaché à ses héros, on a vibré avec eux, au point qu'ils sont devenus des figures aussi familières que les plus fameuses icônes : John Cassaday est un magicien.

Cet illustrateur a réussi le tour de force de donner vie à un univers d'une incroyable richesse, aux objets les plus improbables, aux théories les plus échevelées et aux concepts les plus hallucinants de son scénariste : tout va de soi grâce à une mise en image à la fois sophistiquée, intelligente et d'une simplicité admirables.
Grâce à Cassaday, le lecteur renoue avec un monde enchanteur.

Le scénario est quant à lui tout à fait à la mesure de l'immense attente générée par les précédents tomes : le défi était de taille mais Warren Ellis s'est surpassé, livrant son oeuvre la plus aboutie, la plus palpitante, la plus poétique, la plus personnelle aussi sans doute tant elle résume toutes ses merveilleuses lubies. Et dans le même temps, il réussit à nous surprendre en révélant la nature plus trouble qu'on ne pouvait s'y attendre de ses héros, échappant ainsi aux clichés.

La manière dont l'auteur est parvenu à conclure tous les faisceaux de ses intrigues sans céder à la facilité, sans négliger le moindre détail, devrait servir de modèle à ses confrères (et l'inciter peut-être aussi à moins se disperser pour produire moins mais mieux).

Tout ce qui séduit dans Planetary est là : les références au passé, aux genres (avec en particulier un détour somptueux par le western, qui figure déjà comme un classique de la série), aux codes narratifs, mais avec une puissance encore supérieure à ce qu'il avait déjà imaginé (et pourtant, après le troisième tome, on doutait qu'il puisse faire mieux).

Plus particulièrement, Warren Ellis a intensifié tout en les densifiant ses concepts fêtiches empruntés à la science-fiction (qui l'inspire plus et mieux que le genre super-héroïque) et ses théories sur la structuration de la réalité (ou devrai-je dire des réalités).

Qu'importe que vous adhériez ou non à ses délires, leur pouvoir de divertissement vous entraîne et vous transporte très loin, très haut : Planetary, c'est aussi cela, un grand huit, un trip sidérant, où si l'on s'y abandonne on prend un immense plaisir.

Warren Ellis a de toute évidence voulu terminer "proprement" et clairement son histoire en en résolvant les mystères, en offrant à ses héros et ses fans une conclusion efficace, positive et ambitieuse. Il ne s'est donc pas contenté de clore le dossier des Quatre mais d'éclaircir les liens entre les protagonistes pour mieux les réunir.

L'ultime épisode offre même par ricochet une sorte de réhabilitation au chapitre contenu dans le (plutôt décevant) hors-série Crossing Worlds/D'un monde à l'autre où l'on découvrait une version alternative et sombre de Planetary dominant le monde et affrontant la JLA (ou du moins sa "sainte trinité") : ici aussi, l'organisation finit par régir la terre mais en lui offrant des progrés prodigieux, et lorsqu'elle emploie ses richesses dans un but plus égoïste, le lecteur ne peut cette fois que l'approuver...

Les révélations et les rebondissements sont multiples dans ce dernier volume mais, d'une part, la série continue de miser sur l'intelligence de ses protagonistes (plutôt que sur leur capacité à détruire - même si Elijah Snow n'est pas un tendre au moment de se venger), et d'autre part, elle s'appuie sur la volonté de ses créateurs de nous enchanter.

Série exceptionnelle de bout en bout, reposant sur un scénario à la fois rigoureux et inventif, et bénéficiant d' illustrations sensationnelles, Planetary n'a pas raté sa sortie... Même si on la quitte avec un pincement au coeur.