dimanche 24 janvier 2010

Critiques 126 : FABLES 5-8, de Bill Willingham et Mark Buckingham

Fables : The Mean Seasons rassemble les épisodes 22 et 28 à 33 de la série créée et écrite par Bill Willingham et dessinés par Tony Atkins et Mark Buckingham, publiés en 2004 et 2005 par DC Comics dans la collection Vertigo. On peut y lire une histoire où Cendrillon tient le premier rôle, deux autres relatant les exploits de Bigby durant la Seconde Guerre Mondiale, puis les conséquences de la tentative de conquête de Fabletown par "l'Adversaire" - mais aussi la naissance des enfants pour le moins surprenants de Snow White et Bigby !
*
- Cinderella Libertine (# 22) dévoile la double vie apparemment frivole menée par Cinderella (Cendrillon) et ses relations professionnelles avec Bigby Wolf (le grand méchant loup).- War Stories (# 28-29) revient sur les aventures de Bigby durant la guerre de 39-45 où, au sein de la Résistance, il est amené à combattre les nazis - en particulier un savant fou, inspiré par le Dr Frankenstein.- The Mean Seasons (# 30-33) se déroule après que Snow White (Blanche Neige) ait donné naissance à sept enfants dont la nature hybride va l'obliger à s'installer à la Ferme. Mais Bigby y est indésirable et choisit de s'exiler, après avoir - en vain - essayé de convaincre sa bien-aimée de le suivre. Les mois s'écoulent et Snow White rencontre son "beau-père" (guère proche de son fils), Mr North (le Vent du Nord). L'un de ses enfants, bien différent des autres, Snow White l'envoie à la recherche de Bigby.
*
The Mean Seasons comporte en tout sept chapitres, dont seuls ceux qui sont rattachés au titre de ce volume font directement suite aux évènements de La Marche des Soldats de Bois. Mais les autres épisodes font indéniablement parties des réussites de cette production dont le caractère atypique est toujours aussi divertissant.
Le récit avec Cendrillon n'a qu'une relation indirecte avec l'intrigue principale (on ne sait d'ailleurs pas trop quand il se situe dans la chronologie de la série : je dirai plutôt avant La Marche des soldats de bois). Bien que publiées après The Mean Seasons, Cinderella Libertine et War Stories ouvrent pourtant le livre comme si l'éditeur nous les servaient comme des amuse-bouches avant l'histoire principale. Bien que que l'aventure avec Cendrillon soit légère et avec un dénouement prévisible, elle n'en demeure pas moins distrayante : transformer ce personnage en espionne lui donne un relief inattendu (qui sera réutilisé plus tard), et permet en outre de mettre en scène Ichabod Crane (nom familier à ceux qui ont vu Sleepy Hollow, de Tim Burton - même si là, il n'a pas les traits de Johnny Depp...).
Plus conséquent et réussi est le récit de guerre en deux parties avec Bigby : le personnage gagne en profondeur, en épaisseur, en apparaissant dans cette mission militaire dans les années 40. Sans en dire trop, le titre figurant au sommaire, Frankenstein versus the Wolf Man, indique là aussi une rencontre avec une figure littéraire célèbre - et explique pourquoi la tête du monstre se trouve désormais dans le bureau de l'adjointe au maire, dans une cage voilée.
L'atout-maître de ces "apéritifs" est leur dessinateur : Tony Atkins, dans un style plus dépouillé que Buckingham, fait merveille. D'inspiration "cartoony" mais évoquant aussi le Paul Smith de Leave it to Chance, et magistralement encré par un des meilleurs à ce poste (Jimmy Palmiotti), son travail contribue pour beaucoup au plaisir de la lecture.
*
Pour le story-arc de The Mean Seasons proprement dit, Willingham emploie une astuce intéressante en ne montrant que quelques jours dans la vie des "Fables" au cours des quatre saisons de l'année suivant l'accouchement de Blanche-Neige. Ce déroulement du temps souligne l'essentiel de ce que traversent les principaux personnages de la série et donne une tonalité tranquille et nostalgique, bienvenue après les heures tumultueuses du précédent tome.
Le talent de Willingham est d'abord sa formidable inventivité : chaque protagoniste évolue, a un secret, et il l'exploite avec soin et subtilité, tirant le maximum de ce qu'il a mis en place en un minimum de pages. C'est un modèle de concision et de densité.
Il suffit de voir comment il traite l'affaire des meurtres mystérieux et comment nous ne devinons l'identité du tueur qu'à la toute fin pour saluer le brio de l'auteur.
Mais c'est aussi un nouveau visage de Fabletown que dessine cette histoire : en effet, le Prince Charmant accède au fauteuil de Maire et la Belle et la Bête remplacent Snow White et Bigby en qualité d'adjointe au maire et shériff - ce trio entre un séducteur invétéré, sous-estimant les responsabilités de son nouveau rôle, et un couple, qui était au bord de la rupture au début de la série, suggère déjà un jeu sentimental évident.
*
Comme d'habitude, on ne pourra que louer la beauté et la fluidité des planches de Mark Buckingham, notamment lorsqu'il doit restituer le passage des saisons ou traduire les émotions en reproduisant magnifiquement les expressions.
C'est du grand art et la paire Willingham-Buckingham est vraiment une des meilleures équipes artistiques des comics actuels.
*
La suite de cette fantastique fantaisie prouvera que l'exigence de ses auteurs n'est pas prise en faute, mais qu'au contraire elle entraîne le lecteur vers de nouvelles cîmes...


Fables : Homelands rassemble les épisodes 34 à 41 de la série créée et écrite par Bill Willingham, et illustrés par David Hahn, Mark Buckingham et Lan Medina, publiés en 2005 par DC Comics dans la collection Vertigo.
*
- Jack Be Nimble (# 34-35) est une suite de dix séquences au cours de laquelle on retrouve Jack Horner, qui s'établit à Hollywood et y produit un film. C'est le début du spin-off de Fables, la série intitulée Jack of Fables.
- Homelands (# 36-38 et 40-41) relate le périple de Boy Blue dans les Royaumes où il est parti, sans prévenir les "Fables", pour découvrir qui est "l'Adversaire" et le tuer, mais aussi récupérer Red Riding Hood (le Châperon Rouge).- Meanwhile (# 39) s'arrête brièvement sur ce qui se passe dans Fabletown durant l'absence de Boy Blue, avec l'arrivée en ville de Mowgli, invité par le Prince Charmant pour une mission spéciale.
*
Dans ce livre, l'identité du fameux "Adversaire", responsable de l'exil des créatures des contes et légendes hors de leurs royaumes, nous est enfin révèlée. Il est intéressant de savoir que le grand méchant prévu à l'origine par Bill Willingham n'est pas celui que nouus découvrons ici : en effet, l'auteur voulait faire de Peter Pan le vilain ! Mais le personnage n'étant pas dans le domaine public en Europe, c'est sur un autre personnage que s'est porté son choix - une idée finalement meilleure selon lui (le lutin de Neverland n'a pas joué que des tours à Fables puisque Filles Perdues d'Alan Moore a bien failli ne jamais être lu en chez nous, pour la même raison...). Quoiqu'il en soit, Willingham a su transformer cette difficulté en atout car son "Adversaire" est aussi surprenant que bien conçu : conquérant diaboliquement intelligent et ambitieux, il a pris le contrôle des royaumes en écrasant ses ennemis tout en prétendant sauver les vies de ses sujets et rester dans l'ombre, avec une puissante alliée.
Mais avec ce nouveau tome, la série emprunte aussi une voie plus politique, qui peut dérouter, voire décevoir - en tout cas, elle me semble dispensable. L'histoire possède un évident parallèle avec la véritable histoire de notre monde. La Diaspora des "Fables" évoque celle des Juifs au XXème siècle et colore d'une nuance plus sombre cette production. Cette comparaison est audacieuse mais moins subtilement amenée qu'on pouvait l'espérer de la part d'un auteur à la plume aussi aiguisée : ça ne suffit pas à gâcher le plaisir de la lecture, mais ça n'ajoute rien non plus aux qualités déjà présentes de cette oeuvre.
*
Les dessins de Mark Buckingham complètent toujours aussi bien, par contre, le récit. J'aime particulièrement les élégantes bordures dont il orne ses planches, comme celles où l'on voit l'oiseau en cage, et qui sont discrètement éloquentes. Les nombreuses scènes d'action prouvent également que l'artiste est aussi à l'aise dans ce registre que dans les moments plus intimistes.
Ce volume compte également deux autres histoires distinctes : d'abord, une avec Jack Horner à Hollywood où Willingham délivre une savoureuse parodie de la mecque du 7ème art, un peu cliché certes mais piquante, et agrémentée par les illustrations épurées de David Hahn. Ce récit souligne la thèse de l'auteur selon laquelle un personnnage, quels que soient ses efforts, ne peut échapper à sa vraie nature.
Ensuite, au milieu du périple de Boy Blue, on a droit à un bref interlude où Mowgli rencontre le Prince Charmant pour une mission qui sera relaté dans un prochain tome. C'est l'occasion pour Lan Medina, le premier artiste de la série, de revenir signer quelques planches : un petit plaisir qui ne se refuse pas.
*
Bref, la série ne déçoit toujours pas (ou si peu). De quoi combler le fan de la première heure et conquérir des profanes.

Fables : Arabian Nights (and Days) rassemble les épisodes 42 à 47 de la série et écrite par Bill Willingham et illustrés par Mark Buckingham et Jim Fern, publiés en 2005-2006 par DC Comics dans la collection Vertigo.
*
- Arabian Nights (and Days) (# 42-45) raconte comment une délégation des "Fables" arabes, conduite par Sinbad, arrive à Fabletown pour négocier une alliance contre "l'Adversaire".- The Ballad of Rodney and June (# 46-47) est la relation d'une romance apparemment maudite, celle de deux membres des forces de "l'Adversaire".
*
Boy Blue de retour des Royaumes, les "Fables" possèdent désormais de précieuses informations sur "l'Adversaire" et ses troupes. Dans ce contexte, le Prince Charmant, nouveau maire de Fabletown, a, par l'entremise du héros du Livre de la Jungle, Mowgli, convié ses homologues des mythes arabes pour discuter de la meilleure manière de lutter contre leur ennemi commun. C'est pour Bill Willingham un moyen d'explorer le problème du langage et des divergences culturelles entre les habitants occidentaux de Fabletown et orientaux des contes et légendes arabes : c'est la partie la plus réussie de l'entreprise, donnant lieu à de nombreses scènes humoristiques, avec des dialogues merveilleusement troussés. C'est aussi le prétexte pour poursuivre la thématique politique entamée dans Homelands : la méfiance que suscite le conseiller de Sinbad, qui a emporté dans ses bagages un génie surpuissant, est là pour évoquer la polémique des fameuses "armes de destruction massive", à l'origine du conflit entre l'Irak et la coalition menée par les Etats-Unis à l'époque de la publication de cette saga. Willingham greffe, plutôt lourdement, à son récit une charge contre cette guerre fabriquée de toute pièce : la manoeuvre est maladroite, pour ne pas dire grossière. Mieux vaut n'en retenir que la façon, plus malicieuse, dont nos héros déjouent les plans de Yusuf (encore une fois, après avoir neutralisé Baba Yaga dans March of the wooden soldiers, Frau Tottenkinder sera d'un précieux secours - et d'une rare férocité !)...
Intéressant aussi est le retour en force du personnage de King Cole, l'ancien maire de Fabletown, à peine traité jusqu'à présent : Willingham en fait un interprète aussi bonhomme qu'efficace, et à travers lui nous dit que la sagesse passe par l'ancienneté, l'expérience, et même une roublardise certaine. En tout cas, il s'avère un partenaire essentiel à son successeur, toujours aussi dépassé dans son rôle de dirigeant. Il est aussi remarquable de voir comment le scénariste créé des "subplots", des intrigues secondaires vouées à être développées ultérieurement, comme celui qui forme le triangle amoureux entre le Prince Charmant, la Belle et la Bête ; ou le bannissement à la Ferme de Boy Blue ; ou enfin comment le Châperon Rouge commence à s'intégrer dans la communauté des "Fables" en s'appuyant sur le meilleur ami de Blue, Flycatcher.
Le livre se termine par une histoire en deux chapitres à l'intérêt moindre mais pas sans qualité : on y fait la connaissance de deux créatures que "l'Adversaire" rend humains pour qu'ils puissent s'aimer... En échange de quoi ils seront ses espions à Fabletown. C'est doux-amer, romantique et cruel. Mais les dessins désincarnés de Jim Fern peuvent rebuter.
*
En revanche, Mark Buckingham affiche toujours la grande forme, son travail gagnant même encore en qualité avec l'encrage d'Andrew Pepoy qui remplace Steve Leialoha dans les derniers épisodes de l'histoire principale. L'artiste est encore une fois remarquablement à l'aise au moment de représenter les visiteurs arabes et dessine un génie à la fois inquiétant et fascinant avec une belle maestria.
*
Fables: Arabian Nights (and Days) est un nouveau succès (malgré la réserve émise sur la métaphore politique) et donne indéniablement envie de continuer l'aventure. Laquelle va arriver à son cinquantième épisode au prochain volume !


Fables : Wolves rassemble les épisodes 48 à 51, plus une carte des territoires des Fables et le script intégral du 50ème épisode, écrits par Bill Willingham et illustrés par Mark Buckingham et Shawn McManus, publiés en 2006 par DC Comics dans la collection Vertigo.
*
- Wolves (# 48-49) relate les recherches de Mowgli pour retrouver Bigby et lui délivrer un message provenant de Fabletown.
- Happily Ever After (# 50) marque le grand retour de Bigby et sa mission consistant à rencontrer "l'Adversaire" pour le dissuader d'attaquer à nouveau Fabletown. Puis ce sont les retrouvailles tant attendues avec Snow White et enfin leur mariage.
- Big and Small (# 51) dévoile une nouvelle mission menée par Cinderella au Royaume des Nuages où elle devra soigner un géant malade pour qu'il signe une alliance avec les "Fables".
*
Ce huitième tome est l'occasion pour Bill Willingham de narrer plusieurs missions et de conclure des "subplots" entamés depuis quelque temps : à l'évidence, un cycle s'achève pour la série. Tout d'abord, nous suivons la traque de Bigby par Vincent Jagatbehari, alias Mowgli, sur ordre du Prince Charmant - en échange de quoi il lui a promis de libérer Bagheera, incarcéré depuis l'insurrection d'Animal Farm. Le grand méchant loup débusqué, il lui soumet le marché conçu par le nouveau maire de Fabletown : il s'agit de mener des représailles en territoire ennemi, jusqu'à un face-à-face avec "l'Adversaire". Ayant accompli ce travail avec l'efficacité dont il est coutumier, Bigby peut enfin retrouver Snow White et leurs enfants - le sort du septième rejeton est résolu par la même occasion. Ce couple atypique mais irrésistible va s'installer dans la vallée autrefois occupée par les géants, en marge à la fois de la Ferme et de Fabletown.
Enfin Cendrillon résout avec habileté un problème diplomatique avec les royaumes des nuages, en jouant les infirmières.
*
Mark Buckingham, Steve Leialoha et Andrew Pepoy nous livrent une nouvelle fois de formidables planches. Le voyage de Mowgli au pays des loups est riche en images magnifiques : le découpage des pages en quatre cases permet aux artistes de dessiner les paysages danns toute leur beauté sauvage, et le style évoque de manière indiscutable celui de Jack Kirby - Mowgli ressemblant comme un jumeau brun à Kamandi.
*
La mission proprement dîte de Bigby contre "l'Adversaire" est ingénieuse et spectaculaire : elle prouve que les "Fables" exilées sont déterminés à organiser une résistance efficace pour ne plus subir de nouvelle tentative d'invasion. En revanche, il est toujours déplorable que Willingham nous assène ses opinions discutables et encombrantes sur la position d'Israël auquel la communauté des "Fables" est comparée. Cet aspect belliciste aura pollué la série sans finesse : c'est sans doute ce qui sépare le génie narratif d'un Alan Moore, capable de rédiger une uchronie métaphorique autrement plus puissante et intelligente (avec V pour Vendetta), et un conteur malin mais sommaire comme Bill Willingham. Cette faute de goût est atténuée par l'épilogue sentimental et attendu de la romance entre Bigby et Snow White : parents de sept enfants, ils officialisent leur union longtemps contrariée tout en choisissant de garder leurs distances avec leurs semblables. En les rassemblant puis en les tenant quand même à l'écart, Willingham leur conserve une aura unique.
*
Le chapitre final avec Cendrillon clôt ce volume sur un ton plus léger. Les dessins de Shawn McManus sont en deçà de ceux de Buckingham mais sympathiques tout de même.
*
Toutefois, le livre aurait sans doute gagné à ne pas compter ce 51ème épisode, d'autant que l'éditeur a eu la bonne idée de reproduire le script intégral du numéro : un bonus (trop) rare et très appréciable pour juger l'écriture de l'auteur. On peut évaluer à quel point le scénariste "pèse" sur la conception du comic-book et quelle est la marge de manoeuvre de Mark Buckingham. C'est un document finalement très fourni et qui démontre que l'expérience de graphiste de Willingham lui sert encore à élaborer la mise en page et le découpage.
*
Une page se tourne avec ce tome (l'aventure continue toujours et a dépassé les 90 numéros) - mais déjà, avec ces huit volumes, vous aurez de quoi bien voyager !

Critiques 125 : FABLES 1-4, de Bill Willingham et Lan Medina, Mark Buckingham...

Fables est une série créée et écrite par Bill Willingham, et publiée par DC Comics dans la collection Vertigo depuis 2002.
Cette production traite de différents personnages issus des contes de fées et du folklore : ils se nomment eux-mêmes les «Fables» et ont été chassés de leurs royaumes par le mystérieux «Adversaire», un impitoyable conquérant au mobile aussi inconnu que son identité (jusqu'au tome 6). Depuis, les Fables ont voyagé dans le monde et se sont rassemblés pour former une communauté clandestine dans un quartier de New York, Fabletown. Mais une partie des Fables (telles que des monstres et des animaux anthropomorphiques) vivent à l'écart dans "la Ferme", située hors de la ville et à l'abri des regards.
Bill Willingham propose une réinterprétation à la fois subversive et souvent drôle de nombreux personnages parmi les plus connus : ainsi il met en scène Snow White (Blanche Neige) en femme de tête, adjointe au maire de Fabletown, et le Prince Charmant dans le rôle d'un insatiable coureur de jupons et arriviste. L'autre héros de la série est Bigby Wolf, le Grand Méchant Loup, shérif de la communauté des Fables qui a gagné la possibilité de prendre l'apparence humaine.
Chaque histoire adopte la forme d'un genre différent : Legends in exile est une enquête policière, Animal farm un thriller conspirationniste, etc. Dans le 7ème volume, Arabian nights (and days), Willingham s'est explicitement servi de sa série pour défendre sa position politique pro-israélienne. A ce sujet, il s'est expliqué en ces termes : « il ne faut pas avoir peur du fait qu'il ya des personnages qui ont de vrais centres moraux et éthiques, et nous n'allons pas nous en excuser. " Cela dit, que l'on partage ou non cette opinion, Fables demeure surtout une fantaisie.

Différents artistes ont travaillé sur le titre. Jusqu'à l'épisode 82, les couvertures sont réalisées par James Jean, remplacé ensuite par João Ruas. L'artiste le plus régulier concernant les pages intérieures reste Mark Buckingham, qui n'est pourtant arrivé sur la série qu'au deuxième story-arc (épisode 6). Régulièrement, Fables a accueilli d'autres dessinateurs pour des récits annexes, parmi lesquels : Bryan Talbot, Lan Median, P. Craig Russel, Mike Allred, Craig Hamilton, Linda Medley, Tony Atkins, Shawn McManus...

Etablir une biographie de tous les protagonistes de la série mériterait plusieurs articles et une connaissance aiguisée et supérieure à la mienne. Aussi la sagesse indique-t-elle de se rapporter à ce lien Wikipedia concernant la Liste des personnages dans Fables.
On peut donc constater que la plupart appartiennent au domaine public, ce qui permet leur utilisation et la publication du titre (là où Alan Moore avec La ligue des gentlemen extraordinaires ou Filles perdues a connu - et connaît encore - bien des difficultés) : issus du folklore, de la mythologie et la littérature, ils sont choisis par Bill Willingham davantage pour ce qu'ils lui inspirent que parce qu'ils sont libres de droit - de fait, on ne peut que saluer l'intelligence et l'inventivité malicieuse avec lesquelles l'auteur a su s'en emparer. En outre, ces héros sont connus majoritairement aux Etats-Unis comme en Europe, ce qui rend la lecture accessible et agréable.
Fables : Legends In Exile rassemble épisodes 1 à 5 de la série créée et écrites par Bill Willingham et dessinés par Lan Medina, publiés en 2002 par DC Comics dans la collection Vertigo.
*
Cette histoire commence comme un polar, mais se déploie rapidement pour devenir un récit plus global sur la population et les coutumes du quartier de Fabletown, cet endroit où les personnages légendaires (les "Fables") voisinent avec les New-Yorkais ordinaires (les "mundanes"). On apprend qu'il ya des plusieurs années ses habitants ont fui leurs royaumes distincts, répartis dans une centaine de mondes magiques, après avoir été envahi et conquis par l'énigmatique "Adversaire". Tout commence très rapidement lorsque la disparition de la sœur de Snow White (Blanche Neige), Red Rose (Rose-Rouge), est signalée par un de ses amants, Jack Horner, au shérif Bigby. Celui-ci se rend chez elle et découvre l'appartement couvert de sang. Un examen de l'endroit le conduit à arrêter Jack, mais l'enquête ne fait que débuter. Bientôt, d'autres suspects sont interrogés parmi lesquels le Prince Charmant (entretenant une liaison avec GoldieLocks-Boucles d'Or) et Blue Beard (Barbe-Bleue), qui avait signé un contrat de mariage très particulier avec la "victime"... Mais Rose Red est-elle vraiment morte ?
*
Avec une redoutable habilité et sur un tempo soutenu, Bill Willingham utilise l'enquête de Bigby pour présenter aux lecteurs la population de Fabletown et quelques-uns de ses habitants les plus remarquables. Dans cet exercice, il excelle à dresser une galerie de portraits savoureuse au gré de situations où les héros des contes de fées ont des moeurs pour le moins dissolues : cela aboutit à une comédie de moeurs grâtinée sous couvert d'une intrigue policière auu suspense efficace (on devine progressivement les tenants et aboutissants de l'affaire jusqu'au dénouement dans la plus pure tradition "agatha-christienne" avec réunion des protagonistes et discours du détective exposant comment il a tout résolu). L'aspect "polar" est en vérité un prétexte pour croquer tout ce petit monde : contraints de se fondre dans la masse des humains ordinaires, les "Fables" en ont souvent adopté les travers et hérité des tracas. Leur vie sexuelle mais aussi leurs problèmes domestiques (difficultés conjugales de la Belle et la Bête - ce dernier se transformant en monstre dès que son épouse ne l'aime plus - , magouilles du Prince Charmant, réputation de longue date de Barbe-Bleue, jeu d'attraction-répulsion entre Snow White et Bigby, observations amusées du Flycatcher et Boy Blue sur ce manège...) permettent à Willingham de rédiger des dialogues plein d'humour, et d'opérer un travail de caractérisation tranchant. Malgré le flot d'informations important que dispose le récit, on n'est jamais perdu : ce souci de lisibilité est essentiel dans le plaisir qu'on retire de la découverte de ce monde à la fois si proche du nôtre et pourtant si étrange.
*
La partie graphique est assurée par Lan Medina et, au poste d'encreur, Steve Leialoha (remplacé par Craig Hamilton le temps du chapitre 4). Le trait est élégant, le découpage classique mais l'ensemble est très soignée (mention aux décors, intérieurs comme extérieurs) : Medina brille particulièrement lorsqu'il s'agit de dessiner des femmes (sa Snow White est superbe), mais Mark Buckingham peaufinera les personnages masculins (de façon notable avec Bigby dont la physionomie gagnera en originalité).
*
Pour un début, c'est une totale réussite : l'histoire est prenante et divertissante, le casting est établi, et c'est un plaisir pour les yeux. Tous les ingrédients sont déjà là pour une oeuvre qui tiendra toutes ses promesses de singularité et d'inventivité. (NB : un court texte en prose, A Wolf in the Fold, relatant comment Bigby Wolf et Snow White se sont installés dans notre monde, clôt l'ouvrage. Il permet de découvrir que Willingham est aussi un illustrateur. Un bonus amusant.) Fables : Animal Farm rassemble les épisodes 6 à 10 de la série créée et écrite par Bill Willingham et dessinés par Mark Buckingham, publiés en 2002 et 2003 par DC Comics dans la collection Vertigo.

*
La "Ferme" se situe hors de New York et c'est là où vivent les "Fables" à l'aspect trop curieux pour habiter en ville. Rose Red y est envoyée après avoir tenté de se faire passer pour morte (dans le tome précédent), et Snow White l'accompagne pour expliquer sa venue aux occupants de l'endroit. Ce que les deux soeurs ignorent, c'est que la Ferme est a bord de l'insurrection : à cause de GoldieLocks et des trois ours, les animaux ont décidé qu'ils ne voulaient plus vivre à l'écart de la société humaine. Gare à ceux qui oseront s'interposer pour contrarier leur projet indépendantiste !
*
Si vous avez lu La Ferme des Animaux de George Orwell, l'histoire de cet album vous rappellera quelque chose : en choisissant d'intituler son récit ainsi, Bill Willingham ne cache pas son intention d'en écrire une variation, moins politique, mais très efficace. Ces nouveaux épisodes confirment l'ambition de la production tout en se gardant de prendre trop fermement (si j'ose dire...) position : il faut sans doute y voir une volonté de l'auteur de rester dans le divertissement en développant la recette qui a si bien fonctionné dans le volume précédent, avec des personnages humains cette fois placés au centre d'une intrigue où des animaux familiers ont la vedette (les trois Cochons, le Renard, Shere Khan le tigre, la panthère Baghera, la famille Ours, le Dragon...). C'est encore l'occasion pour Willingham de croquer, comme il sait si bien le faire, une galerie de portraits hauts en couleurs, réinterprétant avec malice et irréverence, des héroïnes comme Boucles d'or en passionaria révolutionnaire.
Difficile de ne pas être réjoui par l'exercice quand il est si bien exécuté. C'est aussi un bon prétexte pour traiter de la sororité et des rapports qu'entretiennent Snow White et Rose Red, cette dernière souffrant de la popularité de son aînée. En la tirant d'affaire lors de ce coup d'état raté, Rose Red tient sa revanche et saura en profiter : la voilà désormais régisseuse de la Ferme aux côtés de Weyland Smith. Loin d'écarter le personnage, cette situation va lui donner une épaisseur et une singularité dont Willingham saura se servir par la suite. Snow White qui voulait donner une leçon à sa soeur doit désormais la considérer comme son homologue dans l'enclave de la Ferme. Le scénariste affiche donc une nouvelle fois son brio dans la caractérisation et son habileté pour construire une histoire à la fois simple et accrocheuse, menée sur un rythme soutenu.
*
Le nouveau duo artistique formé par Mark Buckingham, qui va véritablement donner son identité esthétique à la série dans un style évoquant à la fois l'énergie d'un Jack Kirby et l'élégante imagination d'un Winsor McCay, et l'encreur Steve Leialoha accomplit un superbe travail. Le découpage est nerveux mais fluide, la faune et le décor de la Ferme et ses environs sont admirablement rendus, avec un souci du détail immédiatement séduisant. En outre, ce livre offre de beaux bonus tels que les premières esquisses des personnages par Bill Willingham, d'autres sketches par Buckingham et les évolutions graphiques des couvertures (sublimes !) réalisées par James Jean.
*
Toutes les promesses entrevues dans le tome 1 sont confirmées : la série est désormais lancée et conserver un niveau que bien des productions peuvent lui envier.
*

Fables : Storybook Love rassemble les épisodes 11 à 18 de la série créée et écrite par Bill Willingham, publiés en 2003 par DC Comics dans la collection Vertigo. A la différence des deux précédents volumes, le programme présente plusieurs récits de tailles diverses, illustrés par un artiste différent à chaque fois : Bryan Talbot pour Bag O' Bones qui ouvre ce recueil, Linda Medley pour Baleycorn Brides qui le clôt, Lan Medina revient pour le dyptique A sharp operation-Dirty business, et enfin Mark Buckingham est en charge de l'histoire principale qui donne son titre à l'ouvrage et fait directement suite à Animal farm.
*
- Bag 'O Bones (# 11) relate une aventure située durant la Guerre de Sécession américaine au cours de laquelle Jack Horner découvre une manière inattendue de tromper la mort.

- A Two-Part Caper (# 12-13) révèle comment les "Fables" réagissent lorsqu'un journaliste découvre leur secret - une ruse sophistiquée qui s'achèvera de manière radicale.

- Storybook Love (# 14-17) dévoile le complot ourdi par Blue Beard (Barbe-Bleue) et GoldieLocks (Boucles d'or) pour se débarrasser de Bigby Wolf (le grand méchant loup) et Snow White (Blanche Neige) . Cependant, le Prince Charmant décide de briguer la place de maire de Fabletown - et lui non plus ne reculera devant rien pour assouvir ses ambitions.

- Barleycorn Brides (# 18) est l'histoire de Smalltown telle que Bigby la raconte à Flycatcher.
*
Pour apprécier ce volume, il est nécessaire d'avoir lu les deux précédents, même si un "who's who in Fabletown" figure en introduction. On peut d'ailleurs y noter avec quelle intelligence Bill Willingham a tissé les liens entre les personnages principaux et ainsi mieux comprendre les enjeux exposés dans le récit principal, Storybook Love.
Entre la complicité de Bluebeard et Goldielocks, l'idylle naissante entre Bigby et Snow White, et le projet électoral du Prince Charmant, ces chapitres tissent un faisceau d'intrigues amené à culminer dans les albums suivants (tout en réservant encore quelques surprises...). Cependant, il faut bien émettre un bémol : la variété, et l'intérêt inégal, des quatre histoires nuisent à la qualité de l'ensemble.
Ce sentiment est renforcé par le traitement graphique appliqué à ces récits. Ainsi, Bag o' bones est savoureux, à l'image de son héros, cet irrésistible filou de Jack Horner, mais les dessins de Bryan Talbot décevront ceux qui s'étaient habitués à la classe de ceux de Medina et Buckingham. Encore moins concluant est Barleycorn brides où ni Willingham ni Linda Medley ne brillent : cette parenthèse est anecdotique et pour tout dire dispensable.
Le polar en deux parties sur le sort réservé par les "Fables" à un reporter trop curieux relève le niveau : ces facéties au dénouement noir sont menées sur un tempo enlevé et permettent de retrouver avec plaisir Lan Medina aux illustrations. Briar Rose (la Belle au bois dormant) est au coeur de cette intrigue qui montre que la curiosité est un défaut qui coûte cher lorsqu'on s'intéresse de trop près aux résidents de Fabletown.
Mais, évidemment, le plus intéressant reste ce que relate Storybook Love : des héros de premier plan y disparaissent définitivement (et violemment, là encore), d'autres se rapprochent et tout cela ne demeurera pas sans conséquences. Willingham et Mark Buckingham nous gratifient de séquences mémorables dans un décor forestier magnifiquement exploité, et Bigby y gagne ses galons de vraie vedette de la série. Mais l'issue de la liaison entre le shériff de Fabletown et son adjointe au maire réserve une surprise de taille et annonce une suite difficile pour ce couple...
«Réservé aux adultes" prévient l'éditeur : ce n'est pas faux car le monde des "Fables" tel que le décrit Willingham n'a rien d'enchanteur. L'auteur écrit de manière sarcastique une société vivant en vase clos, avec comme priorité de préserver - à tout prix - ses secrets, et n'hésitant pas à s'entretuer par ambition ou rancoeur. Les créatures de contes de fées et de mondes magiques ne sont plus si sympathiques, mais paradoxalement en dévoilant leur côté obscur le scénariste leu insuffle une humanité, une vérité supplémentaires.
Toutefois, Fables conserve l'attrait des deux premiers tomes : les traits d'esprit y sont nombreux, la comédie maniée avec savoir-faire, Willingham alterne avec une aisance désarmante des scènes à la fois burlesques et horribles. Le style à la fois "cartoony" et figuratif de Buckingham illustrent mieux que quiconque cet alliage rare au gré de planches qui sont un régal pour les yeux, à la lisibilité virtuose.
*
Tome de transition, Storybook Love prépare le terrain pour un quatrième volume exceptionnel par son ampleur et déterminant pour l'histoire des "Fables".
Fables : March of the Wooden Soldiers rassemble les épisodes 19 à 21 et 23 à 27 de la série créée et écrite par Bill Willingham, publiés en 2003 et 2004 par DC Comics dans la collection Vertigo. Il contient deux récits, The Last Castle, un "one-shot" de 46 pages dessiné par Craig Hamilton et P. Craig Russel, et les huit chapitres composant la saga donnant son titre à l'album, illustrés par Mark Buckingham.
*
- The Last Castle (#19) est une histoire grand format racontant comment Boy Blue participa à l'ultime bataille contre les forces de "l'Adversaire" dans les Royaumes - bataille s'étant soldée par un double échec : la prise du château et la séparation entre le jeune homme et son amour, Red Riding Hood (le Châperon Rouge)... Ce qui constitue, pour ce dernier point, un des noeuds de l'intrigue suivante :
- March of the Wooden Soldiers (#20-21 et 23-27) se déroule durant la campagne électorale du Prince Charmant pour le poste de maire de Fabletown, lorsque la communauté des "Fables" doit composer avec l'(apparente) évasion des Royaumes du Châperon Rouge. Ne s'agirait-il pas plutôt d'une ruse de "l'Adversaire" alors que ses troupes de soldats de bois préparent un assaut sur le quartier ?
*
Bill Willingham développe dans ce nouveau volume sa plus ambitieuse saga : un long prologue et huit chapitres, pas moins ! La série ne nous avait pas habitués à une telle ampleur mais le contrat est parfaitement rempli, le récit étant mené sur un rythme enlevé, avec une tension palpable, et son lot de morceaux de bravoure.
The Last Castle est un flash-back conséquent sur un épisode important de l'histoire des "Fables", symbolisant la victoire totale du mystérieux "Adversaire" sur les créatures des Royaumes. Mais c'est aussi l'occasion de s'intéresser de plus prés à un second rôle, Boy Blue, ici aux premiers rangs, et dont on comprend la mélancolie - il a perdu son amour dans la bataille.
La perte de cet être aimée servira de pivot à La marche des soldats de bois, puisqu'en resurgissant le Châperon Rouge bouleverse l'existence de Boy Blue mais interroge également la communauté des "Fables" toute entière. Comment a-t-elle pu échapper à "l'Adversaire" ? En revenant des Royaumes, cela ne signifie-t-il pas que l'Adversaire s'apprête à entrer dans le monde des humains pour le conquérir ? Mais, surtout, le Châperon Rouge est-elle vraiment qui elle prétend être ?
*
Dessiné (un peu, seulement, hélas !) par P. Craig Russell et (principalement, malheureusement) par Craig Hamilton, ce retour dans le passé est très inégal graphiquement, et cette faiblesse fait un peu tâche dans un receuil qui, sans cela, aurait été un chef-d'oeuvre. Néanmoins, Le dernier château démontre une nouvelle fois la virtuosité de Willingham à s'approprier et à réinterpréter des classiques : ici, les références au film de (et avec) John Wayne, Alamo, à la trilogie du Seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien, ou même aux Men in black sont explicites mais parfaitement intégrées à l'univers désormais bien en place du scénariste.
La découverte du subterfuge ennemi et la manière, spectaculaire, dont les héros vont résister permettent ensuite, durant huit chapitres de haute volée, à Mark Buckingham de nous gratifier de planches extraordinaires, l'artiste étant aussi à l'aise dans des scènes de comédie, d'ambiance paranoïaque que de passes d'armes avec moults figurants. Des scènes comme l'arrivée des renforts de la Ferme ou le retour de Bigby sont des classiques instantanés, procurant un sentiment de jubilation intense tant par la façon dont elles sont écrites et amenées que par leur mise en images.
*
Les conséquences de cette épopée sont nombreuses, entre le sort réservé à Pinocchio (laissant deviner l'identité de "l'Adversaire"), ce qu'a enduré Boy Blue, le choix de Jack Horner de quitter New York, les pertes enregistrés parmi les "Fables" (notamment celles de la Ferme), l'atout décisif que se révèle être Fraü Totenkinder... Et enfin la grossesse de Snow White qui arrive à son terme et va bouleverser son existence, au-delà de tout !

vendredi 22 janvier 2010

Critique 124 : IMMORTAL IRON FIST 3 - THE BOOK OF THE IRON FIST, d'Ed Brubaker, Matt Fraction, David Aja et Travel Foreman

Ce troisième recueil marque la fin du run de l'équipe créative à l'origine de la relance du titre, après les deux réussites que furent The Last Iron Fist Story et The Seven Capital Cities Of Heaven. Mais, autant le dire tout de suite, c'est un triste dénouement, une grosse déception. Il suffit de jeter un regard sur le programme de cet album pour pressentir sa curiosité : on y trouve à la fois les épisodes 7 puis 15 et 16 de la série régulière, un long récit alternatif, et enfin deux chapitres exhumés des années 70 !
Ce bric-à-brac ne ressemble pas à grand'chose de digne d'un troisième volume, et le pire y côtoie d'excellentes choses, mais ces dernières sont en nombre insuffisant pour combler le fan des tomes précédents. C'est regrettable. Mais c'était aussi finalement prévisible : les départs d'Ed Brubaker et de David Aja ont scellé le sort de cette production, et d'ailleurs leurs successeurs n'ont pu empêcher l'annulation de la série. Détaillons cependant le sommaire.
*
Les épisodes 7 (le dernier auquel ait collaboré Brubaker) et 15 sont consacrés à la mythologie des Iron Fist à travers le destin de deux d'entre eux : La reine des pirates de Pinghai Bay, Wu Ao-Shi, l'unique femme de cette lignée, et l'éminent stratège Bei Bang-Wen, un temps prisonnier des colons anglais et qui rencontra un combattant indien à la puissance similaire.

Ces deux histoires ne présentent guère d'intérêt : narrativement, elles souffrent de gros problèmes de rythme et d'inventivité (surtout celle de Wu Ao-Shi). La connection des champions de l'Iron Fist avec d'autres super-lutteurs étrangers comme Vivatma Visvajit aurait pu aboutir à un résultat passionnant, comme dans le précédent tpb avec les challengers des Cités Célestes, mais cela n'est pas bien exploité. Cet aspect inachevé est le symbole de tout ce recueil où des idées intéressantes sont lancées mais mal ou pas développées.
Graphiquement, la première histoire est du grand n'importe quoi, une addition sans harmonie de dessinateurs aux styles qui plus est assez médiocres : Travel Foreman, Leandro Fernandez, Khari Evans, pas un ne convainc.
Le récit suivant n'est pas meilleur même s'il a l'avantage de n'avoir qu'un pilote aux commandes, mais Khari Evans n'a vraiment rien pour enthousiasmer. Dans les deux cas, surtout dans le chapitre avec Bei Bang-Wen, la colorisation est hideuse, soit fade, soit surchargée.
Bref, ça commence mal.
*
Le 16ème épisode justifierait à lui seul l'achat - mais d'un fascicule, pas du recueil.
Matt Fraction conclut son passage sur le titre (sans Brubaker) en revenant sur la situation de Danny Rand, après le tournoi des Cités Célestes et son affrontement contre l'Hydra. Comme l'a résumé le scénariste, il s'agit de montrer le héros passant d'un statut à la Bill Gates à celui d'un Bono (le leader de U2), soit un milliardaire devenant philanthrope. Cette évolution est représenté de manière concrète, écartant du coup l'aspect super-héroïque du titre :

Danny rachète l'agence d'enquêtes privées de Luke Cage (bien qu'il soit devenu hors-la-loi comme Vengeur), vient en aide aux SDF, fait le point avec Misty Knight...
On suit aussi ses recherches en compagnies des autres champions du tournoi pour localiser la huitième Cité Céleste, et surtout sa prise de conscience sur un fait important concernant la lignée des Iron Fist et l'âge de leur mort...

Ecrit sobrement, ce volet donne un bon aperçu de ce dont est capable Matt Fraction lorsqu'il fait des efforts - bref, tout le contraire de celui qui anime Iron Man. En quelques brêves scènes, il touche juste.
Mais la véritable attraction reste David Aja qui de la couverture à l'intégralité des planches de cet épisode nous offre une sortie magistrale. Les dernières pages, où Danny comprend l'espèce de malédiction des Iron Fist en une succession d'une trentaine de vignettes illustrant sa déduction, sont magnifiques et rappellent le principe employé par David Mazzucchelli dans Cité de Verre lorsque Peter Stillman racontait son passé.
Espérons qu'on reverra vite cet artiste de haut niveau qui aura été LA révélation de la série.
*
En dehors de cela, cet ouvrage présente donc deux curiosités, de valeur très inégal.

La première s'intitule Orson Randall and The Green Mist of Death et raconte donc les rencontres successives, sur plusieurs époques, entre le prédécesseur de Danny Rand et John Amman, le Prince des Orphelins, le plus âgé, puissant et vénéré des champions des Cités Célestes.
D'abord aux trousses de Randall pour le tuer, il va devenir son ami et cela expliquera son alliance avec Danny Rand lors du tournoi.

Le récit est étrange, parfois drôle, parfois plus sombre, se déroulant sur un faux rythme, tantôt trépidant, tantôt lent. Il s'agit d'une succession de "sketches" plutôt bancale sur un personnage charismatique, auquel Fraction n'a pas su rendre justice - à moins qu'il eût mieux valu le cantonner à un second rôle intriguant, plus fantasmatique.
Le casting de dessinateurs invités à illustrer ce maxi-chapitre (d'une trentaine de pages) accentue cet effet "sketches", en soulignant à la fois les forces et les faiblesses. Mike Allred et Mitch Breitweiser signent des planches superbes, là où Russ Heath et Lewis LaRosa convainquent moins.
Personnellement, je n'aime pas trop cette méthode consistant à donner à plusieurs le job que devrait faire un seul homme, ou alors il faut que le procédé serve la narration (comme confier des flash-backs à un artiste différent que celui qui produit les scènes au présent) ou encore qu'il y ait une certaine homogénéité esthétique. Ici, séparèment, il y a de bonnes choses, mais ensemble ça ne fonctionne pas.
*
Enfin, à la fin du livre, on peut (re)découvrir deux documents : deux épisodes datant des 70's, consacrés aux origines de Danny Rand.
Ce matériel (agrémenté de deux planches écrites par Fraction et dessinées par Kano) est l'oeuvre de scénaristes mythiques (Roy Thomas et Lein Wein) et d'artistes historiques (Gil Kane, Larry Hama, Dick Giordano)... Mais, soyons objectifs, cela a très mal vieilli et on réprime difficilement un sourire moqueur devant ce qu'y est raconté et la mise en images (le pire étant l'encrage de Giordano, très loin du superbe boulot qu'il accomplissait avec George Pérez par exemple).
Ce complèment est totalement dispensable, surtout dans la série qui aura revitalisé Iron Fist : les nostalgiques préféreront relire les chapitres de Chris Claremont et John Byrne (parus dans Titans), qui restent un régal pour les yeux !
*
Le bilan n'est donc pas fameux : hormis le final somptueux d'Aja, on peut donc se passer de ce volume - même si cela ne doit pas faire oublier que ce qui a précédé a constitué un des meilleurs relaunchs de ces dernières années.

mardi 5 janvier 2010

Critiques 123 : Revues VF Janvier 2010

MARVEL HEROES EXTRA 1 :
- Dark Reign : Elektra (1-5/5).
Ce nouveau titre trimestriel édité par Panini nous invite à suivre des récits complets liés aux conséquences du crossover Secret Invasion et au nouveau statu quo, Dark Reign. Fort logiquement, puisque c'est lorsque les Nouveaux Vengeurs découvrirent son remplacement par un Skrull que débuta vraiment la saga imaginée par Brian Bendis, c'est à Elektra qu'est consacrée cette histoire en 5 parties.
Revenue sur Terre, avec d'autres héros (dont certains supposés morts, comme Oiseau Moqueur, dont on a pu suivre les nouvelles aventures avec Ronin dans le récent Dark Reign Saga 1), Elektra est vite arrêtée par le SHIELD. Tout aussi vite, elle est devient captive du HAMMER, la nouvelle organisation de la sécurité nationale américaine dirigée par Norman Osborn, curieux de connaître les expériences qu'elle a subies de la part des skrulls.
Mais la tueuse a gardé des ennemis à l'extérieur, et en a surtout gagné à l'intérieur. Elle doit pour cela s'évader et résoudre une phrase prononcéee par les assassins à ses trousses : "les étoiles sont en sécurité dans le ciel".
Dans sa cavale, elle va croiser des figures familières, comme Bullseye (devenu le nouvel Oeil de Faucon) ou Wolverine, mais aussi des inconnus comme les jumeaux Nico et Carmine et l'agent Brothers.
Au terme d'une aventure âpre et riche en rebondissements, Elektra se rappelera à cause d'Osborn d'un épisode tragique de son passé tout en devant admettre qu'elle est désormais une fugitive (la Main étant désormais dirigée par... Celui dont vous découvrirez l'identité en lisant Daredevil).
Je mentionnai plus haut la mini-série Oiseau Moqueur-Ronin, qui avait été une excellente surprise, et cette nouvelle production est encore meilleure, grâce à une équipe créative de premier ordre.
Le scénario de Zeb Wells est une réussite totale, alliant son lot de séquences d'action extrèmement efficaces et bien dosées et une intrigue habile, qui vous tient en haleine du début à la fin. Le personnage d'Elektra, tueuse implacable, est traité avec intelligence, l'histoire ne cherchant jamais à la rendre plus sympathique (au contraire, comme en témoigne le dénouement), tout en parvenant à nous la rendre étrangement attachante - suffisamment en tout cas pour savoir comment (et si) elle va s'en tirer.
Les seconds rôles sont également soignés, leurs entrées en scène (et leurs sorties) donnant lieu à de vrais morceaux de bravoure (mentions spéciales au duel attendu avec Bullseye, et à la présence de Wolverine - qui renvoie le récit à l'arc Ennemi d'Etat, de Mark Millar et John Romita Jr).
Les dialogues sont d'une exemplaire sobriété, d'ailleurs Wells réduit au maximum les prises de paroles d'Elektra, cette soustraction ajoutant à la détermination et à la froideur de l'héroïne (à la manière des cowboys taciturnes campés par Clint Eastwood).
Pour illustrer ces épisodes, Wells a pu compter sur son partenaire d'Heroes for hire, le brillant Clay Mann (qui s'est illustré avec maestria sur le prologue de l'arc Lady Bullseye, de Daredevil). Son trait épuré, d'une grande élégance, sa science du découpage, d'une fluidité remarquable (avec un soin particulier apporté à la variété des angles de vue et à la beauté de ses personnages féminins), font merveille. Donnez-lui une série régulière !
L'encrage sobre de Mark Pennington et la superbe colorisation de Matt Hollingsworth font le reste, et confèrent à l'ensemble une sacrée belle allure : c'est une des plus belles BD récentes que j'ai lue, dans le genre.
Voilà donc un hors-série dont il ne faut pas se priver : une bonne histoire, très bien illustrée, un pur régal.

MARVEL ICONS 57 :
- Les Nouveaux Vengeurs 51 : Bas les masques ! (1)
Ce nouvel arc démarre comme l'indique son titre par des retrouvailles avec Stephen Strange, que nous avions perdu de vue depuis quelque temps (l'Annual 2, pour être exact).
Ayant abusé de la pratique de la magie noire, il n'est plus le sorcier suprême et cherche qui va lui succèder : la liste comprend des candidats appartenant aux rangs des héros, comme Wiccan des Jeunes Vengeurs, le premier qu'il rencontre (mais qui ne semble pas encore prêt à hériter de cette charge), qu'à ceux d'individus moins recommandables (comme Fatalis).
L'affaire se corse lorsque Strange comprend que the Hood (et donc Dormammu, son maître) est sur ses traces, déterminé à se venger...
Pendant ce temps, Clint Barton, qui vient de défier publiquement Norman Osborn à la télé, provoque une réunion des Nouveaux Vengeurs afin de clarifier les statuts de ses membres.
Luke Cage laisse les rênes de l'équipe à Ronin, Ms Marvel devenant son second.Mais surtout Spider-Man se démasque pour gagner la confiance de ses amis, et c'est l'occasion pour tous de découvrir à la fois ses liens avec Osborn et avec Jessica Jones, qui avoue avoir été amoureuse de Peter Parker au collège...
Ce chapitre a deux mérites scénaristiques : Brian Bendis définit la hiérarchie du groupe en plaçant à sa tête Clint Barton, un titre assez légitime puisqu'il a à la fois l'expérience du poste et la légitimité dûe à son ancienneté comme Vengeur.
Ensuite, il s'intéresse au sort du Dr Strange et à sa succession, une situation propice à des développements prometteurs.
Les dialogues sont savoureux, Bendis tirant habilement parti à la fois de la promotion de Barton et du démasquage de Spidey mais aussi des aveuux sentimentaux de Jessica Jones pour nous amuser ("Super, cette réunion", ironise Wolverine).
Les échanges entre Dormammu et Parker Robbins et Strange et Wiccan sont également sobrement écrits, l'auteur ne cédant pas à ses tics de répéter les mêmes phrases pour souligner les états d'âme des protagonistes (souhaitons que cela dure, Bendis n'a pas besoin de ces artifices pour nous convaincre).
Graphiquement, même si Chris Bachalo n'est pas ma tasse de thé, son emploi pour illustrer les séquences concernant Dormammu et, dans une moindre mesure, Strange est habile : le graphisme torturé de l'artiste contraste avec celui de Billy Tan qui signe les planches avec les Vengeurs (parmi lesquelles une belle page avec le groupe attablé en cercle).
Cependant, il est clair que la série gagnerait à retrouver un dessinateur unique et au style moins "farfelu" que Bachalo ou inégal que Tan : l'arrivée prochaine de Stuart Immonen (au n° 55) va faire du bien à tout le monde.En attendant, la dernière image nous laisse dans l'expectative inquiète quant au sort du Dr Strange : la désignation de son successeur s'annonce mouvementée...
- Iron Man 11 : Dans la ligne de mire (4).
Je ne porte pas cette série dans mon coeur mais j'en lis chaque nouveau volet par conscience professionnelle... A moins que ce soit par masochisme (NB : penser à en parler à la prochaine séance chez le psy).
De même qu'il fait chaud en été et qu'il fait froid en hiver (si !), il fait nul dans cette production avec une régularité climatique qui ne déplairait pas à Claude Allègre.
Matt Fraction écrit, oui, mais quoi ? Je ne le sais toujours pas vraiment. En tout cas, il l'écrit mal et donc on s'ennuie aussi sûrement qu'il fera certainement meilleur temps au printemps (Cécile Duflot approuve !).
Et Salvador Larroca ? Hé bien, il dessine toujours aussi mochement, aussi imperturbablement que les feuilles tombent des arbres l'automne venu (c'est la raison pour laquelle en Amazonie on préfére couper les arbres carrèment plutôt que de les laisser se les geler sans leur feuillage quand la bise viendra, c'est Nicolas Hulot qui me l'a dit).
Bref, aussi vrai qu'il y a quatre saisons, je peux confirmer que cette série est toujours aussi pénible.
- Captain America (vol. 5) 47 : De vieilles connaissances (2).
La rigueur polaire atteint même parfois les plus solides et c'est ainsi que, ce mois-ci, l'épisode de Cap' refroidit les ardeurs du fan le plus fidèle.
Si le scénario d'Ed Brubaker tient ses promesses en nous montrant comment Bucky se jette sciemment dans la gueule du loup pour découvrir, horrifié (et nous aussi), comment le Pr Chin utilise les restes de la première Torche Humaine, John Hammond, le graphisme de Butch Guice n'a pas bonne mine.
Problème d'impression ou main trop lourde sur la palette graphique pour Frank D'Armata, mais la colo n'arrange rien en appuyant trop sur une gamme sombre qui nuit à la lisibilité.
Néanmoins, je reste curieux de savoir comment tout ça va se dénouer, la dernière planche ménageant une angoisse tenace.
- Fantastic Four 564 : Le monstre de Noël.
Timing impeccable chez Panini pour nous servir ce épisode où les 4F partent en Ecosse fêter la Saint-Sylvestre : bravo !
Et le cadeau, c'est que ce nouveau volet compte plus d'une trentaine de pages, somptueusement illustrées par un Bryan Hitch en grande forme, et écrites par un Mark Millar tout aussi inspiré.
Que se passe-t-il dans ce village perdu où Red retrouve un cousin ? Apparemment rien de bien catholique bien que les autochtones déclarent que c'est la foi qui distingue leur localité.
L'ambiance d'épouvante diffuse et de mystère menaçant est fort bien restituée, on est intrigué et on a hâte de connaître la suite (qui, d'après la couverture du prochain numéro de la revue promet beaucoup).
Résultat : un bon cru pour ouvrir 2010, malgré ce boulet d'Iron Man et quelques errements graphiques par ailleurs.

DARK REIGN 4 :
- LES VENGEURS NOIRS : LE REGNE DU MAL (4).
Cet épisode est selon moi représentatif de la qualité de la revue ce mois-ci (et peut-être pour les prochains mois...) : décevant.
Brian Bendis et Mike Deodato nous ont offert depuis le début de cette série un produit spectaculaire, régressif mais plutôt efficace. En comparaison avec Les Puissants Vengeurs qui n'a jamais exploité correctement la situation sur laquelle le titre avait vu le jour (des Vengeurs officiels censés traquer ceux qui avaient refusé de se faire enregistrer), les Dark Avengers étaient composés d'authentiques crapules rassemblées pour faire le sale boulot, sans souci de camaraderie avec les contrevenants.
Hélas ! la fin de cette première aventure n'a pas permis de rectifier le tir, embarquant les "héros" dans un affrontement contre Morgane la fée et impliquant Fatalis (dont on a du mal à croire qu'il puisse accepter de collaborer avec Norman Osborn - ou avec quiconque à vrai dire !).
Ce 4ème chapitre fait encore la part belle au fantastique avec sortilèges spatio-temporels et hordes de démons à la clé contre une équipe dysfonctionnelle (Bullseye jurant de faire la peau à Venom, Moonstone faisant du gringue à Marvel Boy, Arès s'amusant et pestant de tout cela, et Sentry disparaissant sans que personne ne s'en émeuve...).
Le problème, c'est que, bien que Deodato nous gratifie de planches sidérantes, l'inter-connection avec les Nouveaux Vengeurs est à peine utilisée (un bref rappel au message de Clint Barton à la télé), que le sort de Fatalis ne s'en trouve guère bouleversé (reformant son château en un clin d'oeil), sans parler de Sentry...
Bref, le projet d'un univers centré autour des divers Vengeurs ne fonctionne toujours pas alors qu'avec Bendis aux commandes de deux séries, tout semble réuni pour que les titres de la franchise se répondent - et impriment uune certaine direction au Marvelverse.
Le feu d'artifices (plein les yeux) se transforme un peu en feu de paille (peu de substance : un comble dans le monde partagé des séries).
C'est donc avec désappointement que je dresse ce constat : encore une fois, un "grand plan" Avengers ne marche pas, alors qu'un même auteur est à la barre. Dark Avengers n'est pas, pourtant, pénible à lire : comme dit plus haut, c'est percutant, à mon goût fabuleusement dessiné, mais ça ne fusionne pas assez et c'est en définitive vite lu et oublié.
Sérieux déclin : je me demande si je vais continuer à acheter Dark Reign... D'autant que la suite du programme n'est guère meilleur.
- SECRET WARRIORS : NICK FURY SEUL CONTRE TOUS (3).
Là aussi, le résultat n'est pas fameux.
Résumons : les héros ne brillent guère par leur charisme ni leur originalité, si ce n'est Nick Fury. Le souci, c'est que la greffe ne prend pas : le super-espion envoyant des gosses sans expérience, bien que pourvus de grands pouvoirs (encore faudrait-il qu'ils soient mieux représentés, car à part Quake, Phobos et la fille super-rapide dont j'ai oublié le nom - ce qui est une autre faiblesse... Tous ces personnages tellement vus et revus dont le pseudo est impossible à se rappeler ! - , c'est très confus), au casse-pipe... Non, ça ne prend pas !
Soyons cohérents : Fury est un vétéran qui ne laisserait certainement pas d'autres que lui mener la charge. Ici, on le voit assister à des debriefs sans parler, dîner avec une ex, chatter avec un vieux pote pour demander de l'aide... Pas fameux, le soi-disant super-spy !
Et les méchants, me direz-vous ? Il faut bien dire qu'on se fiche un peu de l'Hydra comme des nazis qui resurgissent régulièrement chez DC, avec leurs super-cadors trop méchants et leurs manigances tortueuses qui ridiculisent déjà le HAMMER prétendument imparable d'Osborn (et auraient infiltré le SHIELD depuis des lustres avant...).
D'un côté, on nous présente ces vilains comme de coriaces lascars quand, de l'autre, on devine déjà qu'ils finiront quand même par se prendre une rouste : la prévisiblité, voilà l'ennemi des comics mainstream !
Il faudrait que Bendis (se contente d'écrire les Nouveaux Vengeurs et USM) et Jonathan Hickman mettent plus de conviction pour nous faire gober une intrigue qui se veut complexe et est cousue de fil blanc. Ou alors qu'au lieu d'animer une série avec des héros inintéressants ils raniment d'autres personnages négligés mais plus rapidement identifiables et passionnants.
Les illustrations de Stefano Caselli sont comme d'habitude surchargées par une colorisation épouvantable et trahissent déjà un manque de lisibilité dans le découpage (particulièrement éprouvant dans les scènes d'action : ça, c'est sûr, Immonen ou Lark peuvent dormir tranquilles...).
- DEADPOOL/THUNDERBOLTS : MAGNUM OPUS (1 & 2/4).
Enfin, Panini nous gratifie d'un mini-crossover entre des Thunderbolts avec lesquels on vient à peine de faire connaissance et ce personnage que je ne connaissais que de réputation, Deadpool.
L'ouverture de ce récit avec le mercenaire résumant son dernier échec et annonçant son intention de se venger laissait augurer d'un délire grâtiné prometteur. A l'arrivée, j'ai lu un des plus vertigineux sommets de bêtise !
Je ne vais cependant pas m'attarder sur ce machin sans nom dont l'humour m'est passé au-dessus de la tête et dont les péripéties m'ont atterré (jusqu'à cette dernière planche où j'ai vu les abysses de la débilité, si profondes et noires qu'un frisson m'a parcouru).
Les dessins de Paco Medina ne sont pas désagrèables, contrairement à ceux de Bong Dazo. Mais le mal était fait et même Roberto De La Torre n'aurait pu sauver les meubles.
Bilan des courses : on referme cette revue avec effarement. A-t-on rêvé ? Ou avons-nous bien lu le ratage annoncé du mois ?En tout cas, j'en ai assez vu - ou plutôt subi pour m'interroger sérieusement sur le fait de continuer à dépenser 4,60 E. Soudain, ce "Dark Reign" me semble vraiment bien sombre et plus que jamais j'ai hâte que lui succède l' "Heroic Age"...