lundi 25 juillet 2011

Critique 247 : POWER GIRL - A NEW BEGINNING, de Justin Gray, Jimmy Palmiotti et Amanda Conner

Power Girl : A New Beginning rassemble les 6 premiers épisodes de la série écrite par Justin Gray et Jimmy Palmiotti et illustrée par Amanda Conner, publiée en 2009 par DC Comics.
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Ce recueil comporte deux story arcs de trois épisodes chacun :

- #1-2-3 : A New Beginning -Unleashing The Beast - Gorilla Warfare. Dans cette première histoire, Karen Starr alias Power Girl s'installe à New York pour y diriger son entreprise StarrWare et recrute ses collaborateurs, des scientifiques. Tout semble bien parti pour la chef de la JSA... Jusqu'à ce que le gorille blanc intelligent, Ultra-Humanite, arrache littéralement Manhattan de terre et piège la super-héroïne dans le corps de laquelle il veut transplanter son cerveau. Avec l'aide de son amie Terra, Power Girl va s'employer à contrecarrer le plan du vilain tandis que la JSA s'emploie en ville à ramener le calme.

- #4-5-6 : Girls' Night Out - Space Girls Gone Wild, pt 1 + 2. Après avoir affronté Ultra-Humanite, PeeGee espère bien profiter du retour au calme et se met en quête d'un appartement. Mais une nouvelle fois elle part au feu : trois princesses extra-terrestres atterrissent en plein Prospect Park, bientôt suivies par leur châperon qui doit les ramener chez leur père, l'Empereur de la planète Vega-7. Pour ne rien arranger, un paparazzi a surpris Karen Starr alors qu'elle s'habillait pour combattre les visiteuses de l'espace...
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En 2009, après que Geoff Johns et Amanda Conner l'aient mis une première fois à l'honneur dans les pages de la série JSA Classified (parmi les prologues à la saga Infinite Crisis), Power Girl a droit à sa propre série, cette fois co-écrite par Justin Gray et Jimmy Palmiotti (déjà associés sur des titres comme Jonah Hex ou Uncle Sam and the Freedom Fighters).
Le résultat est un véritable ovni dans la production des comics DC (et super-héroïques en général) : pendant un an et douze épisodes (dont les six premiers sont réunis dans A New Beginning), les deux auteurs et la fidèle Amanda Conner (qui est aussi Mme Palmiotti à la ville) vont réaliser une série déconnante, à contre-courant de la tendance réaliste majoritaire.
Le personnage de Power Girl prête, il est vrai, à la plaisanterie : elle représente l'archétype de la blonde à forte poitrine et synthétise les clichés des super-héroïnes de DC (unique survivante d'une race extraterrestre, cousine d'une version alternative de Superman, à mi-chemin entre la bimbo intrépide et la femme de tête arrogante). Pourtant, dans la série JSA (et son relaunch, Justice Society of America), Geoff Johns en donne une interprétation plus sérieuse, jusqu'à en faire la chairwoman de l'équipe.
Les intrigues concoctées par Gray et Palmiotti sont délirantes à souhait, à la (dé)mesure des vilains que rencontre l'héroïne et de leurs mobiles (un gorille intelligent qui veut s'emparer de l'enveloppe charnelle de PeeGee, des jet-setteuses aliens qui veulent semer leur garde du corps). L'humour déployé par les auteurs peut s'apprécier à divers degrés, comme une parodie (le cliché de la blonde à gros seins contre des menaces débiles), une sitcom (la tentative d'une super-héroïne d'avoir une vie normale et ses relations avec sa sidekick), ou une comédie transgressive (sur la concupiscence que suscite une héroïne dont les affrontements avec ses adversaires tournent également autour du sexe - l'attirance du gorille Ultra-Humanite, le lien supposèment homosexuelle qui l'unit à Terra, le regard que portent sur elle tous les hommes).
Au rire déclenché par le grotesque des situations, il faut aussi ajouter des gags plus subtils comme ceux avec le chat de Karen, des saynètes irrésistibles auxquelles il faut être attentif car elles se déroulent souvent en arrière-plan.
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L'atout-maître de la série reste cependant Amanda Conner, artiste rare (plus productive pour signer des couvertures que des planches), qui confère au projet une touche unique. Remarquée par le comic-book The Pro, une satire très salace des super-héros (écrite par Garth Ennis), Conner est une personnalité à part, spécialisée dans le "good girl art", un mix de pin-ups outrageusement sexys et d'humour trash, qui peut être interprêté comme une forme de féminisme décontracté.
Elle excelle dans la représentation des mimiques et ses personnages ont, comme Stuart Immonen ou Kevin Maguire, une plasticité faciale irrésistible : ses planches ne sont jamais meilleures que lorsqu'elles sont découpées simplement, avec des valeurs de plan qui sont aussi efficaces au premier qu'au second niveau (l'artiste élabore minutieusement ses pages avec de nombreux petits croquis jusqu'à la version finale).
Ses scènes d'action sont peut-être moins dynamiques mais la lecture est très efficace, embellie par la colorisation de Paul Mounts qui profite de l'encrage volontairement léger de Conner.
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Tout ça donne fortement envie de se plonger dans le second volume du trio, prometteusement intitulée Aliens and Apes. Mais A New Beginning s'apprécie déjà comme un album dont le contenu atypique (agrémenté de variant covers - dont deux superbes par Adam Hughes) constitue une expérience rafraîchissante.

vendredi 8 juillet 2011

Critique 246 : MARVEL LES GRANDES SAGAS 6 - HULK, de Bruce Jones et John Romita Jr



Marvel : Les Grandes Sagas 6 est consacré à Hulk et rassemble les 6 premiers épisodes écrits par Bruce Jones et dessinés par John Romita Jr, soit Incredible Hulk (vol. 2) 34-39, publiés en 2002, par Marvel Comics.
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Hulk accusé d'avoir tué un enfant, lors d'un accès de rage au cours duquel il a ravagé une partie de la ville de Chicago, son alter ego, Bruce Banner est en cavale. Son seul contact amical est celui qu'il entretient, sur le Net, avec le mystérieux Mr Bleu, au courant de sa double identité et qui l'avertit des investigations des agents fédéraux. Mais les autorités ne sont pas les seules à traquer Banner : une organisation emploie plusieurs tueurs, certains ayant été ressucités, pour le capturer. Parmi ces assassins, la mère d'un garçon, Ricky Myers, victime présumée du coup de folie de Hulk à Chicago...
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Lorsque Bruce Jones prend les commandes de la série Incredible Hulk en Janvier 2002, il succède au scénariste Peter David, qui a accompli un très long run, acclamé par la critique et le public (il s'est retiré à cause de différents artistiques avec l'éditeur). La transition s'opère à peine quelques mois, qui plus est, après la tragédie, bien réelle, du 11-Septembre et les attentats contre le World Trade Center à New York : cet élément incite Marvel à ne plus trop montrer Hulk comme un personnage détruisant des villes entières pour ne pas rappeler aux lecteurs les méfaits des terroristes.
Pour corser le travail de Jones, un mois après son arrivée sur le titre, Marvel lance l'opération " 'Nuff Said", clin d'oeil à la célèbre expression de Stan Lee, qui impose aux auteurs de signer un épisode entièrement muet.
Malgré ces contraintes (la succession de David, le souvenir du 11/09, l'opération " 'Nuff Said"), Bruce Jones rédige ce premier arc avec une belle maîtrise en faisant explicitement référence à la série télé des années 70 consacrée à Hulk, dans laquelle Bruce Banner était un fugitif parcourant les Etats-Unis en quête d'un remède pour ne plus se transformer. Mais le côté rétro et kitsch a cédé la place une ambiance inquiétante, paranoïaque, dans la veine des romans d'espionnage (comme ce que fait Ed Brubaker). Les dialogues sont laconiques et cela permet à l'épisode " 'Nuff Said" de se dérouler sans ressembler à un exercice de style mais comme un prolongement naturel.
Le plus étonnant, et le plus épatant, c'est que Jones se passe presque totalement de Hulk : sur les 140 pages de cet album, le colosse d'émeraude figure dans à peine 50 cases et le plus souvent partiellement ! La parcimonie avec laquelle il apparaît ne rend que plus percutantes ses interventions.
Reste que, comme beaucoup d'autres recueils de la collection "Marvel : Les Grandes Sagas", il ne s'agit vraiment pas d'un récit idéal pour faire connaissance avec le personnage puisque ses origines sont tout juste mentionnées, sa situation est des plus déroutantes et on le voit vraiment très peu : curieux choix, encore une fois, de la part de Paninicomics...
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La partie graphique est assurée par John Romita Jr, encré ici par Tom Palmer : le style "kirby-esque" de l'artiste sied à merveille à Hulk, qu'il dessine d'une façon impressionnante, qui plus est avec un aspect légèrement modifié - Banner se rasant le crâne pour ne pas être reconnu, son alter ego devient également chauve, ce qui le fait ressembler à un bagnard géant, une sorte d'ogre à la fois fou furieux et mélancolique.
Les séquences, plus nombreuses et calmes, avec Banner, où il faut retranscrire l'oppressante sensation d'un homme persécuté, sont tout aussi réussies, Romita Jr s'appuyant sur un découpage qu'on devine précisèment indiqué dans le script et simple dans sa représentation (avec un usage abondant du "gaufrier" et des effets de travellings tout en finesse).
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Un bel album. Ayant subitement et sans explication reprogrammé la suite de la collection, le prochain tome, consacré à Captain America, par Mark Waid et Andy Kubert, ne sortira que début Août.

mercredi 6 juillet 2011

Critique 245 : THE AMAZING SPIDER-MAN - SPIDEY SUNDAY SPECTACULAR ! de Stan Lee et Marcos Martin

Spidey Sunday Spectacular est une histoire en douze double-pages, écrite par Stan Lee et illustrée par Marcos Martin, publiée en back-up des épisodes 634 à 645 la série régulière The Amazing Spider-Man, et publiée par Marvel Comics en 2011.
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Depuis la double saga One More Day-Brand New Day, co-écrite par J. Michael Straczynski (qui en a renié la fin) et Joe Quesada (qui en a signé les dessins), publiée en 2007, la série régulière The Amazing Spider-Man paraît aux Etats-Unis à raison de trois épisodes par mois (la quatrième semaine étant consacré à un épisode alternatif).
Ce changement de périodicité a bouleversé le contenu du titre : pour sauver sa tante May, Peter Parker a conclu un marché avec Méphisto - son mariage avec Mary-Jane Watson a été annulé, certains pans de son passé effacés (comme, notamment, son démasquage durant Civil War). Editorialement, la série a été pilotée par Steve Wacker, l'homme qui avait structuré le feuilleton hebdomadaire de DC, Infinite Crisis : 52, qui a mis sur pied une rotation de scénaristes et de dessinateurs afin de pouvoir produire trois épisodes inédits par mois, avec des arcs plus courts, et un retour aux fondamentaux du héros (en tout cas, selon les critères de Quesada).
Aujourd'hui, cette période est terminée aux Etats-Unis, où le seul Dan Slott écrit la série, secondé par plusieurs artistes, et en France, la revue "Spider-Man" publie actuellement l'avant-dernier arc de l'ére Brand New Day (Grim hunt-Chasse à mort, avant One moment in time, à nouveau écrit par Quesada et co-dessiné par Quesada et Paolo Rivera).
Spidey Sundays a été édité en back-up durant douze épisodes, à raison de douze double-pages, sans rapport avec la série régulière, et a fait l'évènement en raison de son équipe créative puisqu'elle marquait le retour de Stan Lee en compagnie de Marcos Martin.
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L'histoire est farfelue à souhait : deux malfrats, Cortex (un savant mégalomane) et Taureau (une brute épaisse plus bête que méchante), utilisent une machine construite par le premier, le nano vortex algorythmique digital, pour quitter notre dimension et se réfugier dans celle des comics où ils veulent pièger Spider-Man.
Le Tisseur ne repère pas tout de suite ses poursuivants, occupé par une virée mouvementée dans New York, au cours de laquelle il rend visite aux Quatre Fantastiques, évite une attaque du Bouffon Vert, et affronte successivement Doc Octopus et Hulk.
Puis, alternativement sous l'aspect de Peter Parker et de Spidey, le héros confond Cortex et Taureau en faisant croire au premier qu'il lui livre une machine à voyager dans le temps (en fait un assemblage hétéroclite d'un mixeur, d'un four à micro-ondes et d'un magnétoscope) grâce à laquelle il assouvira ses rêves de grandeur...
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Stan Lee a créé Spider-Man en 1962 avec Steve Ditko et en a fait l'archétype du héros "marvelien", le fameux "héros à problèmes" antithétique des icones de chez DC Comics comme Superman, où la vie privée du personnage a autant d'importance que son activité de justicier. De tous les super-héros qu'il a inventés (Avengers, X-Men, FF, Daredevil, Iron Man, Thor...), Spider-Man reste une sorte d'épure dans la production de Lee, sans doute son héros le plus populaire et le plus personnel, celui dans le moule duquel Marvel a façonné ses propres icones.
Aujourd'hui, Lee est un vénérable papy, une espèce d'ambassadeur de Marvel, qu'on voit souvent jouer des caméos dans les films adaptés des comics de la Maison des Idées, animer d'improbables shows de télé-réalité, et lancer des concepts chez d'autres éditeurs (comme Boom !, où il a initié trois nouveaux personnages récemment). Ce vétéran traîne aussi une réputation discutée car des journalistes, experts et lecteurs estiment qu'il n'a souvent que légèrement contribué à la création des super-héros des années 60, laissant ses dessinateurs accomplir le plus gros du travail (en particulier en ce qui concerne Jack Kirby).
Pourquoi cette controverse ? A cause de la méthode d'écriture mise en pratique par Lee lui-même, la célèbre "Marvel way", qui consiste à rédiger un synopsis dont l'artiste tirait un découpage complet avant que Lee n'y ajoute les dialogues et autres textes.
Quoi qu'il en soit, on ne peut nier à Stan Lee une imagination prodigieuse, qu'il s'agisse de définir des personnages (même s'il est vrai que parfois sa vision n'était pas identique à celle de son dessinateur) ou d'élaborer des concepts (comme les mutants, qu'il a imposés à Martin Goodman, le boss de Marvel dans les 60's, ou des équipes comme les Fantastic Four et les Avengers, conçus pour rivaliser avec la JLA). Ce fut aussi un dialoguiste jubilatoire, volontiers bavard mais avec un sens de l'humour et de la caractérisation indéniable.
De temps à autre, Stan Lee, au gré d'hommages que lui rendent les cadres exécutifs actuels de Marvel, propose des défis aux autres auteurs (comme "l'opération 'Nuff said", où pendant un mois toutes les séries eurent un épisode muet) et reprend la plume (avec la série Stan Lee meets... dans laquelle l'auteur se met en scène avec ses créatures, illustrée par d'excellents dessinateurs).
Spidey Sundays possédait une forme idèale pour que Stan Lee s'amuse et nous amuse en même temps, et il s'en est donné à coeur joie en orchestrant une aventure délirante, très drôle, pleine d'action, et traversée de piques à l'adresse des scénaristes modernes ("Mais qui êtes-vous, les gars ?", demande Spidey à Cortex et Taureau. - "Pas le temps de t'expliquer, ça ralentit l'histoire.", répond Cortex) ou aux éditors de la série du Tisseur (découvrant Mary-Jane Watson chez Peter Parker, Taureau, ébahi, demande qui elle est. Spidey répond : "elle est soit ma copine, ma femme ou mon ex-femme, ça dépend... Dans quel numéro sommes-nous ?"). C'est jubilatoire.
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Stan Lee a déclaré en découvrant les premières planches de Marcos Martin sur la série régulière qu'il était "né pour dessiner Spider-Man" : ç'aurait pu être une simple politesse, mais visiblement Stan The Man apprécie vraiment l'artiste espagnol, qui est l'héritier de Steve Ditko avec la maîtrise de l'art séquentiel d'un Will Eisner.
Spidey Sundays compte douze double-pages qui confirme le génie du dessinateur de Dr Strange : The Oath, chacune d'entre elles étant un ahurissant morceau de bravoure jouant à la fois sur la disposition, la taille et la forme des cases, le sens de lecture, le lettrage, la composition. C'est un vrai feu d'artifices, digne de ce que peuvent produire au sommet de leur forme des virtuoses comme David Mazzucchelli, JH Williams III ou même Winsor McCay. Pas de doute, la "Marvel way" a permis à Marcos Martin de s'éclater et de signer des planches d'une précision et d'une inventivité comme on n'en voit qu'exceptionnellement dans un comic-book mainstream. Si l'histoire est totalement loufoque, sa mise en images est époustouflante.
Lorsqu'on sait que Martin va dessiner, en alternance avec Paolo Rivera, la prochaine série Daredevil, écrite par Mark Waid, on peut s'attendre à un résultat extatique.
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Ceux qui veulent profiter de cette merveille sans se procurer les single issues d'Amazing Spider-Man peuvent se rattraper en achetant le n°69 du magazine "Comic Box", qui a eu l'heureuse idée de publier ces 24 pages de haute voltige. Ne vous en privez pas !

Critique 244 : TOM STRONG - BOOK 6, d'Alan Moore, Michael Moorcock, Peter Hogan, Chris Sprouse et Jerry Ordway

Tom Strong : Book 6 rassemble les épisodes 31 à 36 de la série, écrits par Michael Moorcock (#31-32), Joe Casey (#33), Steve Moore (#34), Peter Hogan (#35) et Alan Moore (#36), et illustrés par Jerry Ordway (#31-32), Ben Oliver (#33), Paul Gulacy (#34) et Chris Sprouse (#35-36), publiés par DC Comics sous le label Wildstorm au sein de la collection America's Best Comics, de Février 2005 à Mars 2006.
Ces six épisodes marquent la fin de la série régulière.
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- Tom Strong #31-32 : The Black Blade of the Barbary Coast, 1 + 2/2 (Février et Avril 2005). Ecrit par Michael Moorcock et dessiné par Jerry Ordway.
L'enquêteur métatemporel Sir Seaton Begg convainc Tom Strong d'entreprendre un voyage dans le passé d'une Terre parallèle, à l'époque de la piraterie, pour empêcher le Capitaine Zodiac de semer le chaos dans le multivers en s'emparant de la mystérieuse Epée Noire. Solomon accompagne son maître dans ce périple qui les ménera sur une île maudite, avec d'autres flibustiers...

L'écrivain Michael Moorcock, spécialiste de récits de science-fiction, s'amuse à entraîner Tom Strong dans une histoire de pirates via un voyage temporel. Tous les codes du genre sont respectés : la chasse au trésor, la présence d'un traître, une île perdue et maudite, un duel entre le héros et le méchant... La technique du romancier est souligné par un récit découpé (dans sa première partie) en courts chapitres, mais cela ralentit l'action et impose un prologue un brin longuet, alors que la seconde partie est plus directe et efficace. L'objet des convoitises des pirates n'est pas un butin traditionnel (coffre de pièces d'or, par exemple) mais une épée magique qui ne peut être brandie que par un esprit noble. C'est assez plaisant mais pas renversant.
Jerry Ordway revient dessiner Tom Strong après son arc sur Tom Stone (cf. Tom Strong, Deluxe Edition Book 2) et livre de superbes planches, aux costumes et décors soignés : c'est pour lui que cet exercice de style vaut vraiment le coup.
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- Tom Strong #33 : The Journey Within (Juin 2005). Ecrit par Joe Casey et dessiné par Ben Oliver.
Le comportement bizarre de Pneuman oblige Tom et Solomon à, en réduisant leurs tailles, à explorer ses entrailles. Le héros de la science et son singe savant vont y faire une rencontre inattendue après avoir affronté le système d'auto-protection interne du robot...

Après Moorcock, c'est au tour de Joe Casey, connu pour avoir écrit des épisodes des X-Men, Superman et Wildcats (la version 3.0, avec Dustin Nguyen), d'animer le héros d'Alan Moore et Chris Sprouse : il se penche sur le cas de Pneuman, le robot fabriqué par Sinclair Strong, le père de Tom, dont l'attitude farfelue trouble notre héros (il se présente aux élections municipales de Millenium City, forme un groupe de rock...). L'épisode est drôle dans son premier tiers, lorsque Pneuman part en vrille, puis dans son 2ème tiers fait explicitement référence à L'aventure intérieure, quand Tom et Solomon explore l'intérieur du robot. Le dénouement est surprenant. L'ensemble est donc positif, sans être exceptionnel : c'est le problème du recueil tout entier ici résumé, avec des auteurs intéressants mais qui ne disposent pas d'assez de place et de temps pour influer véritablement sur la série, sans surtout proposer des idées vraiment audacieuses.

Ben Oliver, dessinateur inégal, capable de produire des planches épatantes ou totalement quelconques, s'acquitte du minimum syndical, même si son Tom Strong n'est pas vilain. C'est dommage car de tous les remplaçants de Sprouse, Oliver est un de ceux qui auraient pu le mieux soutenir la comparaison avec le co-créateur de la série, mais comme d'habitude, il semble ne pas s'être beaucoup forcé.
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- Tom Strong #34 : The Spires of Samakhara (Août 2005). Ecrit par Steve Moore et dessiné par Paul Gulacy.
Tom Strong enquête sur les conséquences d'une explosion atomique déclenchée par la Chine dans le désert. Il rencontre dans un territoire hostile et aride des créatures et un château qu'il se rappelle avoir découvert, dans sa jeunesse, dans un livre de fiction...

Steve Moore, qui n'a pas de lien de parenté avec Alan Moore, mais qui écrit des comics depuis la fin des années 60, a imaginé une histoire exotique à souhait qui réfléchit au rapport entre fiction et réalité. Est-ce que ce qu'on a lu n'est que le produit de l'imagination d'un auteur ou la réinterprétation de faits réels ou de mythes ? La question est passionnante mais souffre de la brièveté de son traitement, et on rêve de voir ce qu'Alan Moore aurait fait de cette idée en la développant lors d'un arc entier, lui qui excelle dans cet exercice du "méta-texte". Néanmoins Steve Moore ne démérite pas et son histoire est l'une des plus (sinon la plus) réussie de cet album, riche en action, avec un décor bien campé, des personnages fantasmatiques.

En revanche, les dessins de Paul Gulacy sont franchement décevants, bien loin de ses meilleurs travaux (comme la magnifique série peinte, Six de Sirius, parue dans les années 80 dans le magazine Epic de Marvel Comics). Lorsqu'on voit la couverture qu'a signé Sprouse pour cet épisode, on rêve là encore des planches qu'il en aurait fait...
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- Tom Strong #35 : Cold Calling (Novembre 2005). Ecrit par Peter Hogan et dessiné par Chris Sprouse.
Voici la suite et fin de l'épisode Snow Queen (paru en Janvier 2004, collecté dans Tom Strong, Deluxe Edition Book 2). Tom retrouve, avec l'aide de Svetlana X, et en compagnie de Val, son gendre, le nouveau Dr. Permafrost et, avec lui, Greta Gabriel. De la résolution de cette affaire dépend le sort du couple formé par Tom et Dahlua, cette dernière ayant été troublée par la réapparition du premier amour de son mari...

Plus d'un an et demi après le premier acte de cette histoire, le tandem Peter Hogan-Chris Sprouse met enfin le point final aux retrouvailles de Tom Strong, Greta Gabriel et le Dr Permafrost. A la vérité, on peut se demander si ce récit n'aurait pas tiré avantage à être traîté sous la forme d'un épisode spécial, d'une trentaine de pages, plutôt qu'en deux volets de vingt pages tant le dénouement paraît expédié. Ce n'est pas décevant mais inutilement décompressé.

Reste que retrouver Sprouse au dessin est un pur bonheur, même si, pour l'occasion, il ne force pas son talent - se préservant pour le grand final ?
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- Tom Strong #36 : Tom Strong at the End of the World (Mars 2006). Ecrit par Alan Moore et dessiné par Chris Sprouse.
Sollicité pour intervenir contre Promethea, la divinité possédant Sophie Bangs (héroïne de la série éponyme d'Alan Moore et J.H. Williams III), Tom Strong est téléporté, avec les autres héros d'ABC, à New York City, où la réalité est altérée. Est-ce la fin du monde et la mort au bout de l'aventure ? Ou un nouveau départ ? C'est en tout cas l'adieu d'Alan Moore à son héros, et aux créatures de son label America's Best Comics (Top Ten, Terrific Tales, Tomorrow Stories).

Depuis longtemps brouillé avec la maison-mère DC Comics, à cause de différends sur l'exploitation de ses histoires, Alan Moore a conclu les séries qu'il avait créées au sein du label ABC, hébergé par Wildstorm. Comme Promethea, Tom Strong s'achève au 36ème épisode. Depuis, le héros de la science a été réanimé, avec l'accord de Moore, par Peter Hogan (un arc en 6 chapitres intitulé Tom Strong and the Robots of Doom). D'autres titres, comme Top Ten, ont également connu des dérivés (Forty-Niners, Smax...), et La Ligue des Gentlemen Extraordinaires attend toujours sa conclusion (encore deux volumes à paraître).
Pour boucler ses productions, Moore a utilisé la série Promethea comme pivot : l'héroïne, entité surpuissante, semble sur le point de détruire le monde... A moins qu'elle ne le recréé. C'est donc du point de vue de Tom Strong qu'on appréhende la situation : l'épisode déjoue les attentes, ne mettant pas en scène de grandes destructions, fuyant le spectaculaire. C'est davantage une flânerie, au ton psychédélique, traversée de révèlations étonnantes sur le héros (en particulier ses liens avec son ennemi Paul Saveen), et dont la rencontre attendue avec Promethea est audacieusement expédiée pour aboutir à une chute, qui décevra ceux qui misaient sur une révolution renversante, un tour de force narratif. Plus que jamais Moore a, avec Tom Strong, fui sa propre légende, ses astuces d'écrivain : pas de dernière image remettant toute la série en perspective ici, pas de rebondissement ultime impressionnant, encore moins une sortie vengeresse contre DC. Moore n'a pas voulu, semble-t-il, vraiment dire adieu à son héros et peiner ses fans, mais se retire sur la pointe des pieds, très élégamment, de la façon la plus déroutante qui soit.

Graphiquement, Chris Sprouse livre de très belles planches, mais véritablement transfigurées par la colorisation de l'invité exceptionnel de cette "finale issue", José Villarubia. Ce dernier a peint à l'aquarelle et ajouté numériquement des fonds photographiques en complément des dessins encrés par Karl Story : le résultat est étonnant mais colle parfaitement à l'ambiance étrange de cette conclusion.
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Un recueil assez inégal, mais tout de même indispensable (au moins pour connaître la fin de "l'affaire Greta Gabriel" et de la série) : Alan Moore en a fini avec ABC, Wildstorm et DC, mais son héros vit encore. Merci pour ça et pour cette production.

mardi 5 juillet 2011

Critiques 243 : REVUES VF JUILLET 2011

X-Men Universe 5 :

- X-Men 2-3 : La malédiction des mutants (2-3). Après qu'un vampire kamikaze se soit fait sauter en plein San Francisco, infectant plusieurs humains (parmi lesquels l'ancienne mutante Jubilé), les X-Men mènent l'enquête. Derrière tout ça, il y a Xarus, le fils parricide de Dracula, et Jubilé va lui servir d'appât pour piéger Wolverine - et à terme tous les mutants dont il compte faire son armée pour conquérir le monde...

Le romancier Victor Gischler écrit cette nouvelle série consacrée aux mutants, confrontés aux vampires : la rencontre a été de toute évidence inspirée par le succès des films Twilight, même si ici les suceurs de sang ne sont pas des ados en pleine romance. N'ayant pas acheté le précédent numéro de la revue (je vais tâcher de rattraper ça), je n'ai cependant pas eu de problème à comprendre l'histoire qui est bien racontée, sur un bon rythme - même si, encore une fois, Wolverine est mis en avant (en faisant du personnage la vedette des mutants, Marvel en a gâché tout le potentiel : celui d'un outsider).


Paco Medina illustre ceci avec efficacité, même si son dessin n'est pas renversant et que l'expressivité de ses personnages demeure limitée. L'encrage de Juan Vlasco est élégant, par contre la colorisation de Marte Gracia (dans le style de Frank d'Armata) est pénible.


Pas de quoi se réveiller la nuit, mais ça a le mérite de se laisser lire - ce qui est déjà honorable aujourd'hui avec des titres X très inégaux.
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- Facteur-X 208-209 : Bienvenue à la maison ! - Tric-traque. La bande de Jamie Maddrox a accepté de chercher Pip le troll pour le compte de la mystérieuse Halja (en fait la déesse asgardienne de la mort, Héla). En le lui livrant, ils devinent une embrouille et partent pour Las Vegas où réside leur (désormais) ex-cliente. La balade promet d'être animée, d'autant que l'équipe est, disons, très dissipée...


Peter David a fait de X-Factor la série la plus appréciée des fans des titres X : c'est une production que j'ai pourtant complètement zappée parce qu'elle était au sommaire de la défunte revue "Astonishing X-Men". Tout comme X-Men de Gischler et Medina, j'ai pris le train en marche, ayant loupé le premier épisode de cet arc, mais j'ai apprécié l'histoire sans difficulté.

David a pris le parti (comme Claremont en son temps) d'écrire davantage un soap mâtiné de detective-story qu'un pur récit d'action, et le résultat est effectivement enthousiasmant, abondant en séquences savoureuses (Rahne Sinclair/Félina, enceinte, revient dans l'équipe et surprend le père de son enfant, Rictor, dans les bras de Shatterstar, révèlant son homosexualité ; Longshot flambant dans les casinos de Vegas sur ordre de Maddrox...). Les personnages sont admirablement caractérisés et les dialogues claquent. C'est donc vrai que cette série est excellente !


L'italienne Emanuela Lupacchino dessine dans un style qui évoque Terry Dodson, même si son encreur (Pat Davidson) n'a pas le talent de Rachel D. Le résultat est très vivant, le trait rond et le découpage classique assurent une lecture agrèable.

A suivre de près !
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Bilan : positif - voilà une revue au sommaire très distrayant. Et le mois prochain, X-Force par Rick Remender et Jerome Opena arrive !

Spider-Man 138 :

- Spider-Man : Les Origines du Chasseur. Par Joe Kelly au scénario et Mike Mayhew au dessin.
- Spider-Man 634-636 : Chasse à mort (1 à 3/4). Par Joe Kelly au scénario et Michael Lark et Marco Checchetto (#636) au dessin.
- Spider-Man : Le Chasseur chassé (1-2/4). Par J. M. De Matteis au scénario et Max Fiumara au dessin.


Le pénultième arc de l'ère Un Jour Nouveau (Brand New Day) commence ici : après que diférents scénaristes et artistes aient mis en scène les affrontements de Spider-Man avec de nouvelles versions (plus sombres) de ses ennemis classiques (l'Homme-Sable, Mysterio, le Vautour, le Rhino, le Lézard), c'est au tour de Joe Kelly de ramener sous le feu des projecteurs Kraven le Chasseur dans une intrigue qui fait référence à la saga La dernière chasse de Kraven (Kraven's last hunt) écrite par JM de Matteis et dessinée par Mike Zeck.


La veuve, la fille et le frère de Kraven (Sasha, Ana et Alyosha) tiennent Madame Web, la médium et Mattie Franklin, une des Spider-Women, pour attirer dans un piège mortel Spider-Man dont le sacrifice permettra de ressuciter Kraven. Mais, à leur insu, le clone de Peter Parker, Kaine, va saboter leur plan...


Le sommaire de la revue, qui aurait pu proposer l'intégralité de cet arc en quatre épisodes, a été composé en dépit du bon sens, comme en témoigne la postface de Christian Grasse : nous avons droit à un prologue de trois pages peintes par Mike Mayhew, mais huit planches introductives dessinées par Michael Lark - diffusées sur le site de Marvel - ont été zappées (pour des "raisons techniques" nous dit-on... Cela devrait suffire à convaincre les derniers crédules que Paninicomics prend vraiment ses lecteurs pour des idiots), puis, en lieu et place du dernier épisode de l'histoire (qui sera proposé le mois prochain - il n'y a pas de petits profits...), on a droit à deux mini-épisodes de 10 pages (des back-ups dispensables, par de Matteis et Fiumara) !

Tout ça est énervant, mais Grim Hunt reste un récit diablement efficace, produit par une équipe créative de premier plan (comme on aurait aimé en voir plus souvent sur la série depuis le début d'Un Jour Nouveau, initiative consistant à transformer, sans l'avouer, Spider-man en quasi-hebdomadaire, aux mains d'auteurs et d'artistes très inégaux).

Joe Kelly mène son affaire avec beaucoup de rythme (hérité de son expérience dans l'animation - Kelly est un des membres du collectif "Man of Action", responsable entre autres de Ben 10), ponctuée de scènes mémorables (comme l'arrivée de Kaine chez Peter, le sacrifice de Mattie). Le ton résolument noir de l'histoire étonne dans une série qui, précisèment, voulait renouer avec la légèreté de ses origines, et le héros est rudement malmené sans qu'on sache comment tout celaa va finir.


Graphiquement, quel bonheur de retrouver Michael Lark : comme avec Daredevil, il anime magistralement le Tisseur et nous offre de somptueuses scènes de combat, à la chorégraphie aérienne. Espérons que ce grand dessinateur (qui terminera fin 2011 un court passage sur l'adaptation en comic-book de La Tour Sombre de Stephen King) revienne en 2012 sur un titre régulier à la mesure de son talent.

Marco Checchetto illustre la majeure partie de l'épisode 636, où Spider-Man est présumé mort et Kraven est revenu d'entre les morts : un fill-in de grande qualité.


Les deux chapitres de la back-up, écrits par JM de Matteis et dessinés par Max Fiumara, confrontent Kraven et Kaine, dans le passé : c'est tout à fait dispensable, et illustré de manière décalée (sans être déplaisant, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé).
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Bilan : dommage que ce soit diffusé comme une escroquerie car le résultat est épatant. Suite et fin (avec une bonne dose de bouche-trou prévisible) le mois prochain.

Marvel Stars 6 :

- Les Vengeurs Secrets 7 : Les Yeux du Dragon (2). Tandis que Steve Rogers, la Veuve Noire et l'Homme-Fourmi s'emploient à ne pas laisser l'organisation Hai-Dai enlever Shang-Chi, le Prince des Orphelins et Valkyrie découvrent que la sépulture du père de Shang-Chi a été vidée par le Conseil de l'Ombre. Thorndrake, le chef de cette société secrète qui a promis au père de Shang-Chi de le ressuciter, envoie John Steele, le premier super-soldat, et Max Fury s'occuper des Vengeurs Secrets...


Pied au plancher, Ed Brubaker poursuit son histoire en misant sur l'action dans ce nouvel épisode où l'équipe de Steve Rogers rencontre une opposition de taille, entre des ninjas et les sbires du Shadow Council. C'est terriblement efficace, on ne s'ennuie pas une seconde et on a hâte de connaître la suite. Néanmoins, comme dans le premier arc, des membres des Secret Avengers restent peu ou pas utilisés (où sont passés War Machine et Moon Knight ?), mais la présence du Prince of Orphans compense ces absences.


Mike Deodato illustre cela avec maestria, donnant à ce chapitre riche en bagarres spectaculaires une puissance expressionniste et un dynamisme fabuleux. La colorisation de Rain Breredo est splendide en prime.
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- Thunderbolts 148-149 : Un éclair dans la nuit (1-2). Tie-in de la saga Shadowland, qui raconte comment Daredevil, devenu le chef de la Main, l'organisation criminelle ninja, s'oppose à divers héros pour contrôler le quartier de Hell's Kitchen, ce dyptique explique comment les Thunderbolts sont impliqués dans les évènements : Luke Cage leur commande de libérer un flic aux mains des ninjas dans les sous-sols de New York. L'opération vire au carnage, en particulier avec Crossbones, lance-flammes en main !

Pas besoin d'être vraiment au courant des aventures de Daredevil pour apprécier quand même ces deux épisodes : dans le plus pur style inspiré des Douze Salopards, Jeff Parker propose une nouvelle fois une histoire rapide et complètement déjantée avec sa bande d'affreux jojos à laquelle il offre des victimes aussi nombreuses que sacrifiables, une armée de ninjas zombies. Plus barjo, tu meurs ! C'est digne du délire Franken-Castle de Rick Remender, aussi drôle que méchant, avec le personnage de Crossbones déchaîné (et en proie à une transformation éphémére qui promet de futurs développements).


Declan Shalvey remplace Kev Walker et on constate alors ce que la série gagnerait à ce qu'il devienne son artiste régulier tant son travail est supérieur : déjà, il dessine des décors, soigne les expressions, varie les cadres, tout en maintenant le rythme infernal du scénario. Un dessinateur à suivre de près.
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- Secret Warriors 21 : La Nuit (2).
Je m'abstiendrai de critiquer cet épisode qui m'est littéralement tombé des mains.
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Bilan : excellent, compte tenu du fait que Secret Avengers et Thunderbolts occupent plus de 70 pages sur les 96 de la revue. Ce serait parfait sans Secret Warriors.

Marvel Icons 6 :

- Les Nouveaux Vengeurs 5 : Possession (5). Après avoir affronté les démons, les Nouveaux Vengeurs profitent d'une apparente accalmie pour réfléchir à l'identité et au mobile de celui qui réclame l'Oeil d'Agamotto. Et si c'était ce fameux Agamotto qui voulait récupérer son bien ? Pour obliger l'adversaire à sortir du bois, le Dr Vaudou, dont le fantôme de son frère Daniel est prisonnier de la dimension blanche, défie le vishanti dans un duel à mort...


Brian Bendis relance son intrigue de la plus surprenante et la plus drôle des manières par un boutade formulée par Spider-Man, plein de bon sens malgré sa fantaisie. Le procédé est déroutant et détourne les codes du récit super-héroïque mais est caractéristique de la méthode du scénariste qui n'aime rien tant que musarder avec le genre, tout en assurant le quota de spectacle (même si cet épisode est plus calme et s'appuie sur les dialogues). Le choix du Dr Vaudou indique qu'il est davantage motivé par sa relation fraternelle que par sa responsabilité de sorcier suprême, ce qui augure d'un dénouement incertain.


Stuart Immonen, après les épisodes centrés sur le chaos, illustre un chapitre plus subtil mais avec le même brio, en soignant la gestuelle et les expressions des personnages, servant remarquablement le script de Bendis.
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- Captain America 609 : Sans issue (4). Acceptant d'abord de se faire discret, Bucky Barnes sort de ses gonds lorsque le Baron Zémo le provoque une nouvelle fois en évoquant leur passé commun et en violant son intimité, après avoir démoli sa réputation. Cependant Steve Rogers, le Faucon et la Veuve Noire mènent l'enquête de leur côté, impuissants quand ils comprennent que Bucky a choisi de rencontrer Zémo...


Ed Brubaker ne lâche pas la pression et continue de rédiger un arc palpitant, moins d'ailleurs pour ce qu'il montre (des scènes d'action très efficaces) que pour ce qui se dit (l'impulsivité de Barnes, le manque de confiance que lui témoignent Rogers et le Faucon). Son héros est plus que jamais écrasé par son passé et son héritage, encore plus maintenant que Rogers le supervise et que Zémo le persécute. C'est intense et impeccable.


Butch Guice continue lui aussi à livrer des planches de haute tenue, sous influence John Buscema, malgré un encrage inégal (surtout quand Drew Hennessy est à l'oeuvre). Mais le résultat est très efficace.
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- Les Quatre Fantastiques 580 : La pépinière.
Jonathan Hickman m'énerve (et ceux qui le comparent, comme Christian Grasse dans sa postface, à Lee-Kirby ou Byrne, aussi) car je ne suis plus loin de penser que ce scénariste surcôté est un escroc qui enfume les lecteurs. L'épisode de ce mois-ci l'illustre bien, avec sa partie action artificielle (où la Torche sauve son neveu Franklin et son ami Leech d'Arcade qui se sert de l'Homme Impossible comme appât) et sa partie bla-bla, tour à tour exaspérante (les petits génies se penchant sur l'état de la Chose) et prétentieusement nébuleuse (les vignettes du Nu-Monde, incompréhensibles).


La vérité, c'est qu'Hickman n'a ni l'humour de Lee, ni le sens de l'action de Kirby, encore moins le "sens of wonder" de Byrne : ce qu'il écrit est mou, sans esprit, confus, plus emberlificoté qu'ambitieux. S'il renonçait à écrire une histoire au développement au long cours pour se concentrer sur un propos plus humble et nerveux, où il ne s'intéresserait pas qu'à Red Richards, alors, oui, ce serait intéressant. En l'état, c'est ennuyeux, bavard, pompeux.

Pour ne rien arranger, il faut en plus supporter les illustrations affreuses de Neil Edwards... Une vraie purge !
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- Iron Man 30 : Stark résitance (6). Même si les FF ne m'avaient pas exaspéré, je n'aurai toujours pas envie de m'infliger ça. Le simple fait de voir Tony Stark avec la tête de Josh Holloway (Sawyer dans Lost) est pathétique.
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Bilan : quand même maigre - sans les New Avengers et Captain America, "Icons" boirait vraiment la tasse ce mois-ci. Ce qui arrive aux FF fait particulièrement peine à voir pour un vieux fan...

Critique 242 : JSA BOOK 5 - STEALING THUNDER, de Geoff Johns, David Goyer, Leonard Kirk, Stephen Sadowski et Peter Snejbjerg


JSA : Stealing Thunder est le cinquième album de la série, en regroupant les épisodes 32 à 38, publiés en 2002 par DC Comcs, écrits par David Goyer et Geoff Johns, et illustrés par Leonard Kirk, à l'exception du prologue en deux chapitres dessiné par Peter Snejbjerg et de l'épisode final (Father's day) par Stephen Sadowski.
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Le receuil s'ouvre sur un prologue en deux parties distinctes : la première introduit la nouvelle incarnation du Crimson Avenger, la seconde initialise l'intrigue qui donne son titre à l'album (Stealing Thunder).
Puis l'histoire se développe en cinq actes : l'Ultra-Humanite, un puissant télépathe, ennemi de longue date de la Société de Justice d'Amérique, s'empare du corps de Johnny Thunder, premier utilisateur du génie Thunderbolt, capable d'exaucer tous ses souhaits (sauf s'il s'agit de tuer ou de ressuciter quelqu'un). Aujourd'hui, Thunderbolt obéit au jeune Jakeem Williams, un adolescent afro-américain receuilli par les héros après avoir été élevé par sa tante (ses parents sont morts). L'Ultra-Humanite vole le stylo dans l'encre duquel sommeille le génie et refaçonne le monde selon ses désirs.
Le vilain Icicle réveille Sand de la prison où l'Ultra-Humanite a enfermé, en animation suspendue, les héros et les deux ennemis décident de s'allier après avoir découvert ce que le monde est devenu. Ils retrouvent Jakeem Williams qui les conduit jusqu'à Power Girl, Captain Marvel (Shazam), Crimson Avenger et Hourman (3ème du nom), qui ont échappé à leur ennemi et préparent leur revanche.
Cependant, Wildcat et Dr Fate sont retenus de leur côté et vont s'employer à libérer Green Lantern (Alan Scott), dont l'énergie sert à alimenter les installations de l'Ultra-Humanite...
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Trois ans après avoir relancé les aventures de la JSA avec James Robinson, David Goyer préside à la destinée du titre en compagnie de Geoff Johns. Les deux auteurs ont su faire fructifier la série qui est devenue un succès avec plus de trente épisodes au compteur (ce volume en comptera 87 avant un nouveau relaunch en 2008). La recette est simple : il s'agit de mixer des personnages de l'âge d'or et des héritiers de héros en les précipitant dans des histoires spectaculaires au rythme échevelé.
Dans le premier chapitre du prologue, nous avons droit à un exemple typique de la méthode Goyer-Johns : une nouvelle incarnation du Crimson Avenger est rapidement présentée et lance un subplot, qui ne sera résolu qu'une vingtaine d'épisodes plus tard. Le Crimson Avenger était Lee Travis, un héros du "golden age", plus proche d'un justicier de pulp comics que d'un véritable super-héros, se servant de deux pistolets automatiques pour éliminer des criminels, puis victime d'une malédiction. Aujourd'hui, son successeur est une jeune femme noire, brandissant les mêmes armes, les yeux masqués par un bandeau, symbolisant la justice aveugle, et elle aussi agie par la magie (le personnage est, sous cette forme, un décalque étonnant de Lady Justice, créée par Neil Gaiman). En 4 pages, tout est dit : la nature de l'héroïne, le passé de son prédécesseur, sa mission, sa future cible. Cette rapidité résume toute l'énergie avec laquelle Goyer et Johns mènent leurs affaires.
La saga Stealing Thunder est une variation sur le refaçonnage du monde par un criminel pourvu d'immenses pouvoirs qu'un grain de sable va venir perturber. Avec malice, les deux scénaristes ont choisi pour camper cet élément perturbateur un vilain, Icicle (dont le pouvoir consiste à produire de la glace) : il se rebelle davantage pour gagner sa liberté que pour tirer profit de la situation, sachant que l'Ultra-Humanite n'aura aucun intérêt à s'allier avec lui, et lui aucune chance de s'en tirer sans s'allier avec les "Societers" ayant échappé au joug de leur ennemi.
Avec habileté, pour ménager un certain suspense, Goyer et Johns choisissent comme résistants des héros à la puissance inégale et à la complémentarité incertaine, ce qui garantit qu'ils ne réussiront pas facilement à vaincre l'Ultra-Humanite. A côté de Jakeem Williams, d'Icicle (avec lequel la JSA rechigne à collaborer) et du géomorphe Sand, on trouve la nouvelle venue Power Girl, l'imposant Captain Marvel (aka Shazam), la mystérieuse Crimson Avenger et le stratège Hourman (dont les capacités à voir l'avenir et remonter brièvement le temps seront déterminantes). Chaque personnage est bien caractérisé et leurs pouvoirs judicieusement utilisés pour alimenter les rebondissements (comme lors de la scène où Marvel/Shazam redevient Billy Batson puis récupère ses pouvoirs). Enfin, la confrontation finale est épique à souhait et le destin de Johnny Thunder est poignant.

L'album se clôt par un épisode mettant en vedette Jakeem et Hourman sur le thème de la fête des pères (Father's day), une autre manière de traiter de l'héritage et de la filiation, au coeur de la série.
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La partie graphique est assurée par Peter Snejbjerg pour le prologue, dans un style qui évoque ce que produit aujourd'hui Chris Samnee.
Puis Leonard Kirk illustre les cinq actes de Stealing Thunder : son trait fait beaucoup penser à celui de Stuart Immonen (avant Nextwave, à l'époque où il était inspiré par Adam Hughes). Encré par Keith Champagne, son dessin conserve ce mélange d'élégance et de nervosité, qui trouvera son aboutissement lors de son passage sur Agents of Atlas. Kirk gagne énormèment à être bien encré et prouve qu'il peut produire des épisodes de grande qualité quand il est inspiré.
Enfin, Father's day est dessiné par Stephen Sadowski, qui a été l'artiste avec lequel Robinson et Goyer avait relancé la série. Peu satisfait de sa collaboration avec Michael Bair (qui signe l'affreuse couverture de cet album), il est ici secondé par Andrew Pepoy qui sait donner plus de rondeur et d'épaisseur à son trait.
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Sans nul doute, un des meilleurs tomes de la série : des épisodes qui se dévorent et qui en mettent plein les yeux. Espérons que la JSA revienne bientôt, bien que le reboot imminent de l'univers DC n'annonce pas de nouvelle série avec ces héros...