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mercredi 3 octobre 2018

THE SINNER (Saison 2) (USA Network / Netflix)


La première saison de The Sinner avait été une surprise percutante. Initiée par l'actrice Jessica Biel (toujours productrice du show), cette série policière s'intéressait à des criminels inhabituels, des gens ordinaires commettant l'irréparable, et auxquels s'intéressait particulièrement un detective, lui-même en proie à ses démons. Il fallait transformer l'essai en sachant que cette saison 2 introduirait une nouvelle enquête, de nouveaux personnages (en dehors du héros permanent). Verdict ?

 Harry Ambrose (Bill Pullman)

Après quinze ans d'absence, l'inspecteur de Dorchester Harry Ambrose revient dans sa ville natale de Keller à la demande de la jeune officier de police Heather Novack pour une affaire de double homicide. Le dossier est épineux car le suspect est un garçon de treize ans et les victimes, ses parents, empoisonnés dans un motel de Rockford. En interrogeant Julian, Harry et Heather apprennent qu'ils se rendaient aux chutes du Niagara pour le week-end mais Ambrose remarque aussi une irritation cutanée sur la main droite du garçon, correspondant à l'effet produit par le contact avec une fleur à proximité du motel avec laquelle il a pu intoxiquer ses parents. En inspectant leurs bagages, les policiers ne trouvent aucun vêtement d'enfant. Julian est placé en foyer. Une femme se présente au poste et demande à le voir, affirmant être sa mère. 

Harry Ambrose, Heather Novack et Vera Walker (Bill Pullman, Natalie Paul et Carrie Coon)

Vera Walker explique à Harry et Heather qu'elle avait confié son fils, Julian, à Adam et Bess, les victimes. Heather est choquée en découvrant que Vera fait partie de la communauté sectaire de Mosswood Grove car une de ses amies, Marin Calhoun, l'avait intégrée avant de disparaître quelques années auparavant. Vera rend visite à Julian au foyer et assiste à son interrogatoire durant lequel il revient sur ses aveux. Puis, au tribunal pour enfants, elle produit un certificat de naissance mais la juge refuse qu'elle récupère l'enfant au motif qu'il n'a pas de domicile fixe. Heather révèle à Harry que Julian est le seul enfant de Mosswood Grove et ils en déduisent qu'Adam et Bess ont voulu l'enlever. 

Julian et Harry (Elisha Henig et Bill Pullman)

Julian est transféré du foyer au centre de détention pour jeunes criminels avec l'accusation de double meurtre au second degré sur ordre du procureur, qui veut frapper un grand coup en cette année électorale. Harry, en l'apprenant, informe Vera que son fils va être soumis à une évaluation psychologique mais le test se passe mal car Julian a une crise d'angoisse puis s'énerve violemment. Cependant, Heather fouille dans les affaires de Marin et y trouve un livre où elle a souligné plusieurs fois le prénom "Julian", ce qui l'amène à penser qu'elle en est la mère biologique. Pour en avoir le coeur net, elle se rend avec Harry chez le docteur Sheldon Poole qui accepte de consulter ses dossiers. Mais il en profite pour se suicider. La fouille de son cabinet dévoile son appartenance à la communauté de Mosswood Grove. 

Vera et Harry (Carrie Coon et Bill Pullman)

En examinant ses antécédents, Harry et Heather apprennent que Poole a été autrefois poursuivi en justice par une certaine Carmen Bell. Elle est désormais internée à l'Institut Deakins (là même où la mère de Harry a séjourné) et elle raconte comment elle a été violée par le guide de la communauté, Lionel Jeffries, puis, enceinte, avortée par Poole, qui lui a retirée l'utérus. Sa plainte judiciaire lui a valu l'opprobre des notables de Keller et son internement. Harry accepte l'invitation de Vera à Mosswood afin d'essayer d'en savoir plus mais elle l'entraîne dans la forêt voisine et le sème. A la nuit tombée, il la retrouve dans une cabane où elle lui sert un thé drogué. Il se réveille le lendemain matin dans la chambre du motel où sont morts Adam et Bess. 

Marian Calhoun et Heather Novack (Hannah Gross et Natalie Paul)

Au tribunal, l'avocat de Julian, qui a refusé la proposition du procureur de plaider coupable contre un accord de peine de quinze ans, ne peut empêcher la remise en détention du garçon. Pris à parti par d'autres jeunes prisonniers, il est mis à l'isolement et demande à parler à Harry car il ne croit plus Vera qui lui avait promis de le tirer de là. Vera demande à Harry de témoigner en faveur de son fils mais il refuse après qu'elle l'ait manipulée la veille. Elle lui avoue alors n'être pas la mère biologique de Julian. Le chef de la police remercie Harry pour son aide et le congédie. Ambrose comprend alors que les notables se sont ligués pour étouffer l'affaire et il se met à fouiner en douce : ainsi découvre-t-il que le terrain de Mosswood Grove est loué à la communauté par un certain Glen Fisher, ami de Jack Novack - le père d'Heather, laquelle se souvient de la décision soudaine de Marin d'aller à Mosswood. Un choix qui brisa le coeur de la future inspectrice, amoureuse de son amie.  

Vera et Harry

Harry retourne à Mosswood pour confronter Vera à ses découvertes et la pousser à tout dire contre sa promesse de revoir Julian. Ce bluff fonctionne car elle raconte que Lionel Jeffries avait recueilli Marin en la sachant enceinte. Il avait, contre ses principes, accepté qu'elle garde l'enfant, mis au monde par le Dr. Poole. Marin, ne se sentant pas capable d'élever le bébé, partit tandis que Jeffries imposait des thérapies de plus en plus brutales aux membres de la communauté. Estimant Julian en danger, Vera empoisonna Jeffries et le remplaça à la tête de Mosswood en restaurant un mode de vie apaisé. Harry rencontre ensuite le procureur et menace de communiquer anonymement à la presse qu'il a protégé Mosswood s'il ne fait pas juger Julian devant un tribunal pour enfants. Reconduit au foyer, Julian y est kidnappé la nuit suivante.

Harry et Jack Novack (Bill Pullman et Tracy Letts)

La police effectue une descente à Mosswood, persuadée que Vera a enlevé le garçon. Elle est conduite au poste tandis que Harry apprend par des jeunes du foyer la présence suspecte d'un van marron devant l'endroit la veille au soir. Une alerte enlèvement est lancée et le véhicule est repéré sur le bas-côté d'une route. Marin est identifiée comme sa propriétaire mais elle a fui pour rattraper Julian paniqué et lui révéler qu'elle était sa vraie mère. Harry et Heather sillonnent la zone en déduisant que Marin avait déjà demandé à Bess et Adam d'enlever une première fois son fils, maintenant elle va chercher à traverser la frontière avec le Canada par une forêt. Une voiture de police les double, ils la suivent jusqu'à un motel où a été trouvé le corps sans vie de Marin, tuée par balles. 

Vera et Julian (Carrie Coon et Elisha Henig)

Julian se cache avec Vera à New York qui prépare leur départ pour Washington avec de faux papiers. En épluchant les comptes de Mosswood, Harry a mis la main sur des virements d'argent depuis dix ans à Vera par Jack Novack. Il l'interroge à ce sujet et apprend qu'il est le père biologique de Julian car il avait violé Marin, un soir où ils avaient tous trois (avec Heather) trop bu - ce qui a ensuite motivé la jeune femme à se réfugier à Mosswood. Quand elle lui a téléphoné pour lui soutirer de l'argent afin de partir au Canada, il l'a rejointe au motel la veille au soir et l'a accidentellement tuée quand elle a refusé qu'il ramène Julian à Vera. Harry reçoit un appel de Julian après avoir conduit Jack au poste et arrive à localiser son origine. Le garçon explique à Vera qu'il ne veut plus fuir et elle accepte de rentrer à Keller. La juge condamne Julian à une peine de quatre ans dans un foyer spécialisé. Harry a fait lever les charges contre Vera (ne mentionnant pas l'empoisonnement de Jeffries) et elle rentre incendier le temple de Mosswood. En le conduisant au foyer, Heather et Harry font un crocher pour emmener Julian voir les chutes du Niagara.

L'intrigue est filandreuse à souhait, encore plus complexe et touffue que celle de la première saison, notamment parce que davantage de protagonistes sont impliqués. Pourtant, une fois encore, le showrunner Derek Simmonds réussit à rendre une copie très lisible, toujours compréhensible, que le téléspectateur peut suivre sans crainte d'être égaré.

Toutefois, The Sinner reste ce polar singulier où le "pourquoi ?" prime sur tout autre question dans le déroulement de l'enquête. Pourquoi, ici, un garçon de treize ans empoisonne-t-il ses parents (ou du moins ceux qu'on prend d'abord pour eux) ? La situation de départ est aussi dérangeante, choquante, que le meurtre de Cora Tanneti dans la première saison, mais l'affiche de cette deuxième saison ne ment pas en suggérant que le crime d'un enfant n'est jamais seulement le sien.

Comme on pèlerait un oignon ou défilerait une pelote de laine, l'enquête va donc éclairer le téléspectateur comme les policiers sur les raisons qui ont abouti à ce drame. Cette fois-ci, en prime, les auteurs ont établi un parallèle entre Julian Walker et Harry Ambrose, dont le passé est aussi miné par des faits troublants. On savait que ce flic tourmenté s'adonnait au sado-masochisme (dans le rôle du dominé), on apprend que son enfance n'a pas été un lit de roses puisque sa mère souffrait d'une sévère dépression (comment ne pas songer à Annie Landsberg, dans Maniac ? Tout cela est dans l'air du temps...). Pour échapper à sa condition, le jeune Ambrose mit le feu à sa maison, aboutissant à l'internement de sa mère et à son placement en foyer, puis plus tard à son départ de la ville de Keller.

Cette localité dégage une atmosphère vraiment toxique qui imprègne toute la saison et ses huit épisodes. Entre la ville et la communauté sectaire de Mosswood Grove règne une relation trouble, mélange de haine et d'attirance, mais partageant les mêmes racines, se contaminant l'une l'autre. Plusieurs notables de Keller ont protégé Mosswood qui a détruit la vie de quelques jeunes gens de la ville - à moins que la communauté ne les ait sauvés. Lorsque toutes les pièces du puzzle sont assemblées, on observe l'enchevêtrement de causes ayant ravagé les deux camps qu'une omerta coupable associe. Marin Calhoun en est la figure sacrificielle centrale, violée par le père de sa meilleure amie, dépossédée de son enfant par la maîtresse de Mosswood, provocatrice involontaire du double meurtre commis par son fils, et finalement abattue dans une tentative tragique de rétablir un équilibre trop compromis.

Il y a dans The Sinner une dimension mélodramatique qui risque souvent de faire basculer la série dans un trop-plein de circonstances accablantes, une sorte de déterminisme socio-psychologique forcément malheureux. Pourtant, l'adresse de l'écriture, la sobriété de la réalisation (même si elle s'autorise des scènes fortes et stylisées) et la qualité de l'interprétation préservent miraculeusement la production de ces écueils.

Le face-à-face entre Jessica Biel et Bill Pullman avait une intensité remarquable dans la saison 1 (d'autant plus qu'on n'attendait pas l'actrice à ce niveau). Mais le casting de cette saison 2 est encore supérieure. Pullman est une nouvelle fois prodigieux, tout en intériorité. Son duel contre Carrie Coon, dans un rôle très ambigu (a priori détestable mais surtout désespérée), tient toutes ses promesses, la comédienne délivrant une prestation impressionnante (encore une fois, ou comme toujours plutôt serait-on tenté de dire). C'est aussi un vrai plaisir de retrouver Hannah Gross, vue dans Mindhunter, dans un rôle plus consistant, auquel elle apporte une subtilité fabuleuse. Natalie Paul et Tracy Letts forment une paire fille-père saisissante. Et le petit Elisha Henig est époustouflant.

J'ignore si la série a été renouvelée pour une troisième saison, mais son excellent accueil critique (et ses nominations aux derniers Emmy Awards) devrait convaincre USA Network.   

samedi 11 août 2018

THE SINNER (Saison 1) (USA Network / Netflix)


La série The Sinner est une production montée par l'actrice Jessica Biel et adaptée du roman de Petra Hammesfahr par Derek Simmonds. Le principe : chaque saison (la deuxième est en cours de diffusion aux USA) propose une affaire différente. Diffusée sur USA Network, c'est une étonnante réussite, à l'image de la prestation de sa vedette, qui trouve là son meilleur rôle.

Le dossier de Cora Tannetti (Jessica Biel)

Elevée par des parents très religieux, Cora Tannetti les a fuis en 2012 pour se marier plus tard avec Mason, installateur de climatiseurs avec son père, et avec lequel elle a un fils, Laine. Pour se détendre, ils vont à la plage du coin.Tandis qu'elle épluche une poire pour son fils, Cora remarque un jeune couple qui s'embrasse en écoutant très fort un morceau de musique composé par le garçon. C'est alors qu'elle se lève et poignarde à sept reprises ce dernier avant d'être maîtrisée par son mari mais après avoir déclaré à la jeune femme qu'elle était "en sécurité maintenant". Les inspecteurs Harry Ambrose et Leroy sont chargés de l'affaire tandis qu'au poste, Cora passe aux aveux. Mais Ambrose est convaincu qu'il ne s'agit pas d'un coup de folie. 

Cora Tannetti et son avocate commise d'office (Jessica Biel et Susan Pourfar)

Déférée devant un juge et conseillée par une avocate commise d'office (bien qu'elle ait refusée d'être représentée), Cora plaide coupable, se privant ainsi d'un procès. Mais le juge décide d'une expertise psychologique étant donné la nature du crime. Cora, en cellule, repense à sa soeur cadette, née prématurément et gravement malade durant son enfance et son adolescence, ce dont leur mère la tenait responsable. Ambrose interroge à nouveau Cora et obtient quelques précisions : elle avait déjà rencontré sa victime, Frankie Belmont, en 2012, en compagnie d'un certain JD, dont elle tomba enceinte avant de se jeter sous une voiture pour ne pas garder l'enfant. Mais le policier ne trouve aucune trace d'hospitalisation après cet accident et le père de Frankie, Patrick Belmont, affirme que son fils était en Californie à cette époque. 

Cora Tannetti et l'inspecteur Harry Ambrose (Jessica Biel et Bill Pullman)

Après avoir fait réécouter à Cora la musique que le couple passait sur la plage, Ambrose provoque chez elle un accès de furie. Il réalise ensuite qu'elle l'a frappé à sept reprises exactement aux mêmes endroits où elle a poignardé Frankie. L'inspecteur rend visite aux parents de Cora, qu'elle prétendait morts, et apprend que sa soeur, Phoebe, a disparu subitement en 2012 en sortant une nuit avec son aînée. Suite à un cauchemar en cellule, Cora est sédatée par injection, ce qui révèle des traces de piqûres répétées par le passé. Elle avoue à Ambrose avoir été héroïnomane mais quand il lui procure du matériel pour se droguer, elle est incapable de s'en servir. Mason retrouve JD, qui vend de la drogue dans un bar local, et s'en prend à lui. 

Cora Tannetti en séance d'hypnose régressive

Mason et JD sont interrogés séparément au poste, et ce dernier affirme ne pas connaître Cora avant d'être libéré grâce à l'intervention d'un avocat en relation avec le prestigieux club privé Beverwyck. Questionnant à nouveau Cora sur JD, Ambrose note qu'elle n'a aucun souvenir entre la nuit du 3 Juillet 2012 (passée avec sa soeur, Frankie Belmont et JD) et son admission dans le service de désintoxication de l'hôpital de Poughkeepsie deux mois plus tard. L'inspecteur convainc le Dr. Chang, l'experte en psychologie qui a examiné Cora à la demande du juge, de l'hypnotiser afin qu'elle recouvre la mémoire. Elle se rappelle ainsi avoir été séquestrée dans une chambre située dans un sous-sol et droguée par un homme masqué après avoir été entraînée dans une forêt où se trouvait un bus scolaire abandonné.

Les inspecteurs Ambrose et Leroy (Bill Pullman et Dohn Norwood)

La découverte de ce bus et celle d'une tombe improvisée à côté avec des ossements humains obligent le commissaire à confier l'enquête à la police d'Etat en la personne du capitaine Farmer. Celle-ci pense aussitôt que Cora a assassiné la personne trouvée dans la forêt mais la jeune femme refuse d'endosser un crime dont elle ne se souvient pas, malgré une offre du procureur diminuant la durée de son emprisonnement. Après avoir assommé le père de Mason, JD est retrouvé mort chez lui, d'une balle dans la tête, par le mari de Cora, venu se venger. En 2012, Cora se rappelle du projet fomenté avec Phoebe de partir s'installer à Naples en Floride grâce à l'argent que l'aînée volait à des hommes qu'elle fréquentait via un site de rencontres. Jusqu'à ce qu'elle fasse la connaissance de JD qui s'interposa entre elle et un des pigeons qui avait remarqué son manège.

L'inspecteur Ambrose et Cora

Les tests effectués sur la couverture dans lequel était enveloppé le corps découvert en forêt attestent que Cora l'a touchée. Mais elle convainc Ambrose de l'emmener au club Beverwyck où elle se souvient à présent avoir été en compagnie de JD et Phoebe, reçus par Frankie Belmont dans la nuit du 3 Juillet 2012. Rien ne lui revient une fois sur place jusqu'à ce qu'elle remarque une dépendance voisine et se rappelle de l'escalier menant au sous-sol, là où le drame s'est noué...

Cora et sa soeur cadette Phoebe (Jessica Biel et Nora Alexander)

Dans la nuit du 3 au 4 Juillet 2012. Phoebe fête son dix-neuvième anniversaire en famille. Puis Cora se prépare à aller retrouver JD. Phoebe insiste pour l'accompagner. Les deux soeurs vont au "Traproom", la bar où JD et son ex-petite amie, Maddie Beecham, offrent une pilule d'ecstazy à Phoebe. Puis le groupe part pour le Beverwyck Club où les attend Frankie Belmont. Phoebe se donne à lui après avoir sniffé un rail de cooke tandis que Maddie, jalouse de Cora, s'éclipse. Pendant que Cora et JD s'étreignent, Phoebe a un arrêt cardiaque dans les bras de Frankie qui essaie alors de la réanimer, en vain. Cora attaque Frankie avant d'être assommée par JD. Elle reprend vaguement conscience plus tard sans comprendre que JD et un autre homme enterrent sa soeur dans la forêt à côté du bus scolaire abandonné.

Les inspecteurs Leroy et Ambrose

Ambrose remonte la piste des assassins de JD dans une clinique clandestine. L'un est abattu par la police, l'autre arrêté et interrogé. L'analyse des ossements révèle qu'il s'agit de ceux de Phoebe. Cora est condamnée à trente ans de réclusion pour le meurtre de Frankie. Mais Ambrose ne désarme pas : il veut savoir où la jeune femme était durant les deux mois suivants le 4 Juillet 2012. Il apprend que la clinique clandestine des assassins de JD était couverte par Patrick Belmont, le père de Frankie, médecin et membre du Beverwyck Club. L'inspecteur obtient du juge que Cora puisse visiter le domicile des Belmont et, dans une chambre, sous le papier peint, elle découvre le précédent et identifie la pièce comme celle où elle a été séquestrée et droguée pendant les deux mois suivants le 4 Juillet 2012. Patrick Belmont avoue tout. A la lumière de ces révélations, le juge commue la peine de Cora : elle passera les deux prochaines années dans un hôpital psychiatrique, au terme desquelles on évaluera si elle représente un danger pour elle ou les autres.

D'abord, ce qui frappe avec les huit épisodes de la saison 1 de The Sinner, c'est la remarquable interprétation de sa vedette et productrice, Jessica Biel. Un examen rapide de sa filmographie suffit à constater que la compagne de Justin Timberlake n'a jamais brillé au cinéma où elle a tenté de s'imposer après avoir été révélée adolescente dans cet abominable série réactionnaire qu'était 7 à la maison (la chronique d'une famille bien républicaine). A la fin de ce cette aventure inaugurale, Biel faisait plus souvent la "une" des tabloïds pour ses frasques d'adolescente en crise. Après quoi, elle s'est calmée et a enchaîné les navets sur grand écran puis séduit son chanteur de mari.

La télé est désormais devenue le refuge classieux d'acteurs frustrés par le cinéma hollywoodien ou dont les états de service manquent du rôle qui permet d'accéder à une notoriété durable et des films prestigieux et/ou "bankables". Les projets s'y financent plus facilement avec la multitude de chaînes qui veulent rivaliser avec HBO ou Netflix en conjuguant opérations ambitieuses et casting accrocheurs. Pour Jessica Biel, ce terrain de jeu devait ressembler à celui qui convertirait ses aspirations en preuves de son opiniâtreté.

Elle a eu raison d'y croire quand elle a acquis les droits du roman de Petra Hammesfahr pour le faire adapter par Derek Simmonds car son entreprise lui a value des critiques élogieuses (les plus chaleureuses de sa carrière) et un beau succès d'audience (la saison 2 est actuellement diffusée en Amérique, et Biel en reste la productrice mais n'y joue pas).

The Sinner ressemble à des poupées russes avec son intrigue à tiroirs, pleine de fausses pistes, de souvenirs morcelés, de traumatismes enfouis. Le titre se traduit par le pécheur, la pécheresse en l'occurrence, pas seulement pour le crime effectivement commis par Cora Tannetti dès le premier épisode et qui empêche toute happy end (on sait qu'elle sera condamnée pour cela). Ce qui fait le sel de la série, c'est, comme l'obsession du detective Ambrose, de savoir pourquoi elle a fait cela et aussi pourquoi elle refuse d'aller jusqu'au procès ensuite. Quel péché semble-t-elle vouloir expier ?

La vérité met du temps à éclore, jusqu'au dernier chapitre le téléspectateur n'a aucune idée précise de la totalité du drame enduré par la jeune femme, qui l'a conditionné littéralement à tueur un homme. Les raisons sont multiples, depuis son éducation par une mère fanatique qui lui reprochait la mauvaise santé de sa petite soeur jusqu'à sa romance avec un mauvais garçon toxique en passant par une nuit tragique accompagnée par un morceau de musique obsédant dont le resurgissement des années après précipitera le drame.

Les scénaristes ont-ils un peu trop chargés la mule ? Pas tant pour Cora, dont l'existence suit une pente calamiteuse et dont le geste a des répercussions bien exploitées sur son entourage (en particulier sa belle-famille). En revanche, la personnalité de l'inspecteur Ambrose en rajoute dans le glauque assez inutilement, en le décrivant comme un workaholic incapable de prendre du temps pour son couple mais qui se fait maltraiter par sa maîtresse dans des séances sado-masochistes. A part une ligne de dialogue entre lui et Cora où il lui explique connaître comme elle "le marais" dans lequel elle a l'impression d'être captive, rien ne vient justifier les manies de ce policier brillant mais à l'évidence bien abîmé par les affaires qui l'occupent.

Mais heureusement, Jessica Biel a su bien s'entourer. Avoir confié le rôle d'Ambrose au revenant Bill Pullman (qui fut le héros inoubliable de Lost Highway de David Lynch) est une brillante initiative. Lesté de quelques kilos, le visage mangé par une épaisse barbe blanche bien taillée, le cheveu gras, le comédien est époustouflant, jouant sa partition avec sobriété et puissance, mélange de lassitude et de pugnacité, face à Biel, qui n'est pas une actrice très expressive mais investie à fond dans son personnage auquel elle donne une dimension poignante. Pullman revient dans la saison 2, confirmant qu'il est le vrai fil rouge de la série (et il est gâté puisqu'il donne la réplique à Carrie Coon).

Avec son ambiance lourde et son récit méandreux mais prenant de bout en bout, The Sinner est parfois éprouvant mais frappe juste et fort.