jeudi 7 mars 2024

X-MEN #22 (Gerry Duggan / Phil Noto)

 

Où l'on assiste au grand retour de Ilyana Rasputin /Magik, infectée par des nanites et mourante mais désireuse de liquider quelques sbires d'Orchis tout en libérant des mutants détenus dans un goulag de l'organisation anti-mutante...



Je ne vais pas vous mentir : je n'ai pas aimé cet épisode, et pourtant j'adore Ilyana Rasputin / Magik, et pourtant il y a quelques très bonnes scènes. Mais ça n'a pas pris comme j'aurai aimé. En vérité, je trouve que Fall of X n'en finit pas de finir et que Gerry Duggan fait n'importe quoi - sans doute parce qu'il lui faut bien écrire d'ultimes épisodes avant que ne soit bouclé l'ère de Krakoa.


En fait, on pourrait dire que Marvel, une fois de plus, s'est tiré une balle dans le pied. En annonçant des mois à l'avance la fin de l'âge de Krakoa, l'éditeur a rendu des fans inconsolables et ceux qui n'ont pas aimé cette période à la fois excités et dubitatifs pour la suite. Et ce n'est pas la gestion de Fall of the House of X et Rise of the Powers of X (les deux mini qui n'en font - soi-disant - qu'une mais qui sont surtout également médiocres) qui a arrangé les choses.


La fin de l'âge de Krakoa précédera, on le sait, une sorte de reboot qui ne dit pas son nom et sans doute un changement de cap. Tom Brevoort, un vétéran de Marvel avec plus de trente ans de service, va s'asseoir dans le fauteuil de Jordan White, qui n'a pourtant pas démérité mais qui s'en va parce que Brevoort est plus haut placé dans l'organigramme. Et Brevvort a déjà laissé entendre qu'il n'entendait pas réduire la voilure en éditant au moins autant de titres X, même s'il y aurai certainement pas mal de nouveaux auteurs et artistes sous ses ordres (Gail Simone, malgré ses dénégations, va certainement écrire une grosse série mutante).
 

Fall of the House of X raconte en parallèle de la série X-Men l'échec des mutants contre Orchis et notamment le règne des machines (Moira X, Nimrod et la sentinelle oméga en tête), tandis que Rise of the Powers of X suggère, sans nuances, via un voyage temporel, comment la franchise mutante va être rebootée. Et c'est bien là le problème comme l'illustre ce X-Men 22.

En effet que ce soit dans Fall of the House of X ou dans X-Men, on suit désormais des X-Men qui sont déterminés à rendre coup pour coup contre Orchis. L'objectif central qui est de libérer Cyclope dont la mascarade de procès se tient actuellement est complètement noyé par ces assauts dont j'ai toute la peine du monde à comprendre la logique. Mais ce n'est pas grave puisque on sait déjà comment tout sera pardonné (en tout cas pour le monde de la Terre 616) et oublié (grâce au fameux voyage temporel destiné à effacer toute la dixième vie de Moira et donc l'existence même de Krakoa comme nation).

Du coup, on assiste à un spectacle étrange et perturbant où tout ce qui se passe compte en fait pour du beurre mais qui écorne quand même considérablement l'image des X-Men. Car il y a ce qu'oubliera le monde dans les comics et il y a ce dont se souviendront les lecteurs, et ça, voyez-vous, ce n'est pas pareil. 

A quoi assiste-t-on et qui entache nos héros ? On voit des X-Men procéder à une vendetta sanglante contre Orchis. D'un côté, le fan de base se dit : "Hé, ce sont les méchants, s'ils meurent, ce n'est pas grave, et puis même, ils l'ont mérité". De l'autre, on se dit, et chez moi, c'est ce qui l'emporte : "Hé, les X-Men sont en train d'assassiner des hommes et des femmes qui certes ont conspiré pour les éliminer, mais quand même les X-Men TUENT !".

Et ça, hé bien, pour moi, c'est n'importe quoi, c'est vraiment tout ce que ne sont pas les X-Men, ces héros persécutés, mais qui ne répondent jamais en suivant la loi du talion. Wolverine tue, mais c'est presque à part, et d'ailleurs les meilleurs scénaristes savent souligner qu'il paie le prix fort pour ça. Mais voir, comme ici, Magik et Shadowkat et Emma Frost et Polaris zigouiller des membres d'Orchis, même pas les pontes de l'organisation, non de simples trouffions dans cette armée, franchement, ça ne me plait pas.

Et, attention, quand je dis qu'ils tuent, c'est pas comme ça en passant, mis en scène de manière suggestive, subtile. Non, c'est un putain de bain de sang, ça gicle de partout, c'est limite écoeurant. On peut avoir des héros qui pètent les plombs, et ça peut aboutir ensuite à d'autres histoires où ils sont confrontés à ces exactions commises en état de crise. Mais là, on sait que tout ça va être effacé des tablettes, que personne dans le monde des comics ne s'en souviendra (à part peut-être les X-men eux-mêmes, mais j'en doute - je crois que le reboot va les rendre tous amnésiques par un tour de passe-passe, un bon lavage de cerveau, peut-être par Xavier lui-même, ce ne serait pas la première fois).. Bref, tout ça restera impuni. Et c'est peut-être bien ça, le pire.

Parce que quand les séries relancées par Brevoort et compagnie débuteront, comme je le disais plus haut, le fan lui se souviendra ce qu'on fait les X-Men, il se rappellera du sang versé par eux, de leur acharnement, de leur absence totale de retenue et de scrupules, de leur absence totale d'héroïsme en fait. Et alors comment, à ce moment-là, pourrons-nous les considérer comme de sympathiques héros mutants ? J'ignore si les auteurs exploiteront ça et si oui, comment, mais là encore, j'en doute.

Je ne pense vraiment pas que Jonathan Hickman aurait fait les choses comme ça. Il voulait montrer l'avènement et la chute de l'empire mutant, c'est certain. Mais je ne crois absolument pas qu'il aurait bouclé ça dans un bain de sang, avec tellement de haine, de violence, et en ayant recours à un coup de tablette magique pour laisser la place à de nouveaux créateurs. C'est là qu'on mesure la perte qu'a représenté le départ de Hickman, qui n'a jamais été remplacé par un auteur supervisant les grandes lignes de Destiny of X et Fall of X. Peut-être que si Al Ewing avait pris sa relève, ça aurait pu marcher, mais vraisemblablement Jordan White et Marvel n'ont pas souhaité remplacer Hickman comme "head of X", et du coup chacun a fait son truc de son côté, Duggan, Gillen Percy, Ewing. Et aujourd'hui, il faut finir le boulot, mais c'est mal fait.

Phil Noto dessine encore cet épisode, qui aurait pourtant parfaitement convenu à Joshua Cassara (qui se contente de signer la couverture - je pense que Cassara se prépare pour quelque chose, qui sera annoncé prochainement parce que c'est trop bizarre qu'un artiste mis en avant comme ça auparavant se limite en ce moment à faire des couvertures). Et bon, j'aime bien Noto, mais franchement, il n'est pas en forme actuellement. On sent qu'il travaille à l'arrache, et que ce qu'il a à dessiner ne l'inspire pas. Il ne se foule pas et en plus, comme dans cet épisode précis, l'action domine, il n'est pas dans son élément. Il y a des angles de prise de vue maladroits, des compositions foirées, des moments qui tombent à plat.

Gerry Duggan ramène Lockheed et on a droit à une scène embarrassante de nullité quand le dragon est ramené à Kitty et Ilyana : on vient d'assister à un véritable massacre commis par les deux filles et tout d'un coup, le scénariste nous sort une scène tchoupi avec le dragon. "On vient d'éviscérer tout un bataillon d'Orchis mais on est trop contentes en plus de retrouver Lockheed". Non, c'est pas possible de tomber autant à côté de la plaque.

Je sens que la fin de Krakoa va être péééééééééniiiiiiiiiiible.

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