samedi 24 septembre 2011

Critique 265 : GREEN LANTERN - SECRET ORIGIN, de Geoff Johns et Ivan Reis

Green Lantern : Secret Origin rassemble les épisodes 29 à 35 du volume 4 de la série, écrits par Geoff Johns et dessinés par Ivan Reis, publiés par DC Comics en 2008.

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Comment le terrien Hal Jordan est devenu le Green Lantern du secteur 2814 ? Enfant, il admirait son père, pilote d'essai pour Ferris Aviation, mort lors d'un test sur un appareil expérimental. Adulte, il est devenu pilote à son tour, tête brûlée et cauchemar de ses employeurs. C'est alors que sa route croise celle du Green Lantern Abin Sur après le crash de son vaisseau spatial à bord duquel il transportait le criminel Atrocitus et qui l'a désigné comme son successeur. Expédié sur la planète Oa, Jordan y subit un entraînement rapide et musclé par le formateur Kilowog et prête serment d'allégeance aux Green Lantern Corps des Gardiens d'Oa, la police intergalactique. Sur Terre, Atrocitus prépare sa revanche dont William Hand, obsédé par la mort (prophétisant la "Blackest Night"), sera l'instrument, tandis que Hector Hammond, gestionnaire de Ferris Aviation et épris de Carol Ferris, est corrompu par la météorite dans le réservoir du vaisseau de feu Abin Sur, le dôtant de pouvoirs psychiques. Le Green Lantern Sinestro est alors missionné par un des Gardiens d'Oa pour enquêter sur les raisons de la mort d'Abin Sur...

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En prévision de la lecture du recueil de la saga Blackest Night, j'ai voulu m'initier un peu à l'histoire de son héros principal, Green Lantern. Ce récit en sept chapitres est l'introduction opportune pour se cultiver puisque Geoff Johns y a réécrit les origines d'Hal Jordan.

Le mérite de l'entreprise est qu'on dispose à la fin des éléments essentiels : tout y est, développé et synthétisé, de l'enfance d'Hal Jordan avec le traumatisme de la mort de son père à son intrépide et arrogante jeunesse, sa relation naissante avec sa patronne Carol Ferris, sa rivalité avec Hector Hammond, sa rencontre avec Abin Sur puis Sinestro, sa formation sur la planète Oa, son affrontement avec Atrocitus, la menace suggérée de la "Blackest Night".

Geoff Johns appuie sa "retcon" sur le fait que durant la saga Infinite Crisis, dont il était déjà l'auteur, Superboy-Prime, en se libérant avec Alexander Luthor Jr, Superman et Lois Lane de la Terre II de la dimension où ils étaient depuis Crisis on infinite earths, a altéré les origines des héros du DCverse. ainsi, le scénariste s'autorise quelques raccourcis et prépare le terrain pour le crossover Blackest Night, point culminant de son run sur la série Green Lantern (après les arcs Rebirth ; Wanted : Hal Jordan ; Sinestro Corps War).

Les deux autres acteurs-clés sont Sinestro, ami et élève d'Abin Sur, réputé pour être le plus grand des Green Lanterns, à qui Atrocitus prédit qu'il passera du côté obscur de la force (l'argument de Sinestro Corps War), et William Hand, héritant de la baguette cosmique d'Atrocitus et qui deviendra le super-vilain Black Hand (le déclencheur de la "Blackest Night").

Le déroulement du récit souligne les qualités et les défauts de Geoff Johns : d'un côté, c'est un remarquable narrateur, habile pour développer une intrigue, en disposer les jalons, sur un rythme soutenu, alternant scènes intimistes et d'action ; mais de l'autre, il échoue à provoquer la moindre émotion, on ne vibre jamais pour son héros, on n'est jamais ému par ce que lui ou les autres éprouvent (que ce soit la mort de son père, celle d'Abin Sur, sa romance avec Carol). C'est désespéremment atone, à l'image de ses dialogues inaptes à caractériser ses personnages ou à introduire la moindre dose d'humour - ou au moins de légéreté. Par contre, il ne lésine jamais sur les effets faciles avec une propension vite fatiguante au gore et au morbide. C'est ce manque de distanciation qui empêche Johns d'être un conteur vraiment complet : tout est toujours premier degré, sérieux. Il manque cet aspect pétillant qui parfois perçait dans JSA.

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La véritable attraction de cet album est davantage le dessinateur brésilien Ivan Reis, qui s'est vraiment révèlé en dessinant une majorité d'épisodes de la série Green Lantern. Son style réaliste et spectaculaire emprunte à Neal Adams et Alan Davis, dans la veine d'un Bryan Hitch.

Le résultat, ce sont des planches bluffantes, traversées par un souffle, une vivacité et un relief supérieurs à l'histoire qu'elles illustrent. Parfois trop d'ailleurs car le script de Johns, pouvant s'appuyer sur un tel talent, abuse de doubles pages inutiles, dont l'effet semble déplacé : quand il s'agit de représenter l'empoignade de Sinestro, Atrocitus et Hal Jordan, c'est justifié et puissant, mais quand deux pages sont réquisitionnées juste pour montrer Sinestro et Jordan devant les Gardiens d'Oa, on est plus perplexe...

Nul doute cependant qu'avec la saga Blackest Night, l'ampleur d'un tel dessin aura davantage de pertinence.

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Sans être renversante, cette Origine Secrète demeure efficace, valorisé par un artiste exceptionnel, et annonçant adroitement une histoire plus vaste.

samedi 17 septembre 2011

Critique 264 : FANTASTIC FOUR - THREE, de Jonathan Hickman, Steve Epting et Nick Dragotta

Fantastic Four : Three rassemble les épisodes 583 à 588 de la série, écrits par Jonathan Hickman et dessinés par Steve Epting (#583-587) et Nick Dragotta (#588), publiés par Marvel Comics en 2010 et 2011.


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Valeria Richards, la fille de Mr Fantastic et la Femme Invisible, passe un pacte avec le Dr Fatalis (elle promet de lui rendre son intelligence s'il l'aide à réparer ce qu'elle juge être une imprudence commise par son père) ; la Chose recouvre son apparence humaine pendant une semaine grâce à un sérum mis au point par les petits génies réunis par Red Richards et doit faire face avec la Torche Humaine à une tentative d'invasion par Annihilus depuis la zone négative ; Sue (Jane) Richards doit raisonner Namor contre les anciens souverains d'Atlantis ; et Red Richards dévoile à Galactus comment les habitants du Nu-Monde l'ont tué dans le futur. Toutes ces intrigues provoquent la dispersion du quatuor de héros et aboutiront à la mort de l'un d'eux...


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Jonathan Hickman a pris en main la série Fantastic Four depuis le #570 et y a imprimé sa marque avec des intrigues découpées en arcs plutôt courts mais dont les lignes narratives complexes s'entrecroisent pour former un ensemble plutôt pénible à lire mensuellement. Néanmoins cette façon de faire a permis au titre de renouer avec le succès alors que les chiffres de vente étaient en berne. Avec cet arc, où plusieurs (mais pas tous...) des éléments dramatiques qu'il a mis en place trouvent une conclusion, Hickman a aussi obtenu l'arrêt de la série régulière pour lancer un nouveau titre, FF (pour "Future Foundation", du nom de la classe de génies dirigée par Red Richards)... Jusqu'à ce que Marvel annonce récemment la relance de Fantastic Four au #1 (tout en continuant la parution de FF, les deux séries étant conduites par Hickman).

L'éditeur a fait la promotion de cette ultime histoire en promettant dès le départ qu'un des membres de l'équipe allait y trouver la mort. Cette publicité symbolise à elle seule la limite de l'entreprise où la mort d'un héros n'est qu'un prétexte pour doper les ventes et alors qu'aucun lecteur n'est assez naïf pour croire que cette disparition (du personnage puis de la série) sera définitive (les comics ne tuent que pour mieux ressuciter ceux qu'ils sacrifient).

De fait, Hickman disperse grossièrement ses héros pour mieux préparer le décés du personnage dont il a choisi de se débarrasser et qui doit provoquer à la fois l'émotion de ses amis et la révolution de l'équipe. Là, Red emmène Galactus sur le Nu-Monde et le laisse le dévorer pour être sûr de survivre dans le futur (rien que d'écrire ça montre bien l'absurdité de certaines histoires...) ; là, Jane joue les diplomates entre Namor et ses ancêtres atlantes ; là, la Chose redevient Ben Grimm...

Ce dernier point signe l'échec narratif d'Hickman en tuant dans l'oeuf tout suspense puisque la vulnérabilité de Grimm n'offre que deux issues face au problème qu'il devra affronter avec Johnny Storm : soit c'est lui meurt, soit c'est la Torche - et étant donné la popularité de la Chose, également membre des Nouveaux Vengeurs, il est évident que ce n'est pas lui qui va y passer.

C'est dommage car, pour une fois (la seule en fait depuis l'arc Eléments premiers où Hickman présentait les quatre cités sur lesquelles planaît la promesse d'une guerre... Qui n'a toujours pas commencé !), le scénariste avait fait l'effort de ne pas rédiger un script trop bavard et tortueux (quand bien même le pacte entre Valeria et Fatalis n'est qu'un prologue pour une autre histoire, et qu'il faut avoir lu les épisodes de Mark Millar pour savoir ce qu'est le Nu-Monde et qui l'habite).

Il convoque des personnages iconiques de la série, comme le Surfeur d'Argent, Galactus, Namor, Annihilus, mais leur présence n'est qu'un prétexte : en vérité, n'importe quelle autre raison aurait pu expliquer que le quatuor s'en aille aux quatre vents, les situations exposées ici sont toutes effleurées, avec des rebondissements mollassons (Namor outré puis conquis par l'audace de Jane, le Surfeur et Galactus qui viennent juste de découvrir le cadavre du dévoreur de mondes, Red qui laisse Galactus détruire le Nu-Monde sans que ça a l'air de le bouleverser).

Utiliser des narrations parallèles évite l'endormissement mais ne dynamise pas un récit dont l'enjeu est si prévisible.

A la décharge d'Hickman, Johnny Storm n'a plus été bien traîté depuis le run de Mark Waid et Mike Wieringo (Jane tentait alors de faire de son frère le gestionnaire du groupe en espérant qu'il gagne en maturité) : lors de Civil War, agressé, il était vite sur la touche avant de grossir avec se soeur le camp de Captain America, mais ni J. Michael Straczynski ni Dwayne McDuffie ni Mark Millar n'ont su bien l'employer. Qu'il tombe aujourd'hui au combat, dans une scène par ailleurs confuse (pour mieux préparer son retour sans doute), n'a rien d'étonnant : c'est plutôt une manière de se débarrasser de lui.

Hickman ne semble avancer qu'à travers des écrans de fumée et des coups fumeux (le conseil des Red Richards de dimensions parallèles, Valeria et Franklin messagers funestes du futur, Ben Grimm "guéri" temporairement, Johnny Storm hors-jeu) : pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ? Parce que ça donne un côté faussement sophistiqué à des récits où l'auteur n'arrive pas à écrire les aventures d'une équipe mais les parcours inégalement intéressants de ses membres (Red ayant le plus les faveurs d'Hickman : fantasme d'un scénariste se voulant aussi visionnaire que son personnage ?).

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La fait que Steve Epting ait dessiné ces fameux épisodes (et les premiers de la série FF) est le seul motif de satisfaction de cette lecture : en débarquant sur un titre où je ne l'attendais pas, l'artiste reste impressionnant par sa faculté à s'en approprier les protagonistes. Dale Eaglesham avec lequel Hickman démarra son run est parti trop vite, Neil Edwards n'a rien pour lui (triste clone de Bryan Hitch), mais avec Epting, les 4F retrouvent une allure, les décors une finition, le découpage une envergure comme seuls en sont capables les très bons storytellers.

L'épilogue dessiné par Nick Dragotta et entièrement muet (ce qui nous épargne les dialogues poussifs d'Hickman et parvient même à susciter une certaine émotion - comme dans la séquence où la Chose se défoule contre Thor et Hulk avant de s'effondrer de chagrin) ne dépareille pas.

Mais de belles images ne suffisent pas à faire une bonne BD...

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Ce n'est pas (loin s'en faut...) le pire de ce qu'a fait Hickman avec les 4F, mais Three ne rattrape pas l'affaire, et c'est la dernière histoire de cette série que je lis avant longtemps.

mardi 13 septembre 2011

Critique 263 : FABLES 15 - ROSE RED, de Bill Willingham, Mark Buckingham et Inaki Miranda

Fables : Rose Red est le 15ème tome de la série créée et écrite par Bill Willingham, rassemblant les épisodes 94 à 100, publiés en 2010 et 2011 par DC Comics dans la collection Vertigo. Les dessins sont signés Mark Buckingham (#94-98, 100), Inaki Miranda (#99), Chrissie Zullo, Joao Ruas, Bill Willingham, Dave Johnson, Kate McElroy, Adam Hughes et J.H. Williams III ont également illustrés les bonus spéciaux accompagnant le 100ème épisode.
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- Rose Red (#94-98) : La Bête s'interpose entre la Fée Bleue (convoquée par Ozma) et Gepetto ; King Cole, Snow White et Bigby Wolf s'emploient à contenir les ambitions d'Ozma pour la direction de la Ferme ; le chat Maddy surveille Mr Dark à Bullfinch Street à New York ; Frau Totenkinder (re)devenue Bellflower convainc Dunster Happ de l'aider à vaincre Mr Dark ; et Rose Red visitée par l'esprit de sa mère apprend pourquoi Snow White l'a abandonnée durant leur enfance.

- Dark City (#99) : Mr Dark étend son emprise démoniaque sur New York lorsqu'il reçoit la visite de Mr North venu lui annoncer que Bellflower le défie en combat singulier à mort.

- Single Combat (# 100) : Bellflower et Mr Dark s'affrontent pendant que la Belle accouche. Snow White, excédée, remet la Nurse Pratt à sa place. Les Fables préparent leur départ pour le royaume de Haven où Flycatcher les reçoit...
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Dans ce 15ème tome de la série, les péripéties et les révèlations se succèdent sur un tempo soutenu pour culminer avec le 100ème épisode : c'est une date dans l'histoire de cette production et un exploit pour un titre hors du genre super-héroïque à l'heure où l'industrie des comics est en crise. Pour fêter dignement cette étape, les auteurs ont mis les bouchées doubles, avec un "single issue" de 64 pages plus trois courts récits supplémentaires, des guest-stars posant et répondant aux questions, un théâtre de papier, un jeu de société et un sketchbook !
Le premier mérite de cette nouvelle salve d'épisodes est de procurer un intense plaisir où la majorité des protagonistes sont présents sans que leur multitude ne ralentisse la course du récit. Celui-ci connaît deux climax avec d'abord le "retour aux affaires" de Rose Red, dont on découvre le passé (et subséquemment celui de Snow White, dans une version plus acide que la tradition), et ensuite avec le face-à-face entre Frau Totenkinder/Bellflower et Mr Dark, dont le dénouement déjoue tous les pronostics (la preuve que même avec un exercice aussi convenu, on peut encore surprendre).
Bill Willingham donne donc un conséquent coup d'accélèrateur sans sacrifier ni les rapports entre les personnages ni l'ambiance particulièrement dramatique de l'histoire entamée depuis le tome 12 (Fables : The Dark Ages). Bien que la série atteigne les 100 épisodes, elle ne s'essoufle pas et dispose même de nombreux subplots qui vont alimenter des histoires futures (l'exil à Haven, les manigances de Gepetto et Ozma, la mission assignée par King Cole à Bigby, la révèlation faîte à Mr North par Bellflower sur son 7ème petit-fils, les vengeances de la Nurse Pratt et de Mr Dark, l'ultimatum de la Fée Bleue, le sort de Briar Rose la Belle au Bois Dormant, la condition de l'enfant de la Belle et la Bête, la transformation de Reynard, etc).
En privilégiant l'action aux métaphores, Willingham a abandonné avec bonheur ses prétentions philosophiques et revient aux sources des fables, dont le contenu souvent horrifique est déjà un beau défi narratif pour être adapté et prolongé. Par contre, il sait toujours aussi bien faire évoluer ses personnages, ne revenant jamais à un statu quo antérieur, suggérant des prolongements excitants, dénouant des intrigues pour mieux en préparer de nouvelles. Combien de séries sont aussi denses et épiques tout en animant de manière attachante ses héros ?
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Mark Buckingham dessine 6 épisodes sur les 7 que compte ce recueil et il produit parmi ses meilleures et plus belles planches - je sais, je dis ça à chaque fois mais c'est un enchantement perpétuel, et quel plaisir de lire une série où l'artiste tient la cadence et ne cède pas sa place à chaque arc !
Il est aussi à l'aise dans les séquences intimistes, où les protagonistes dialoguent, se rappellent, rusent à qui mieux-mieux, que dans le spectacle des combats. Il illustre avec génie la démonstration des pouvoirs magiques ou l'aspect à la fois inconiques et décalés des personnages.
Bien qu'il soit encré par trois partenaires différents, avec Steve Leialoha, Andrew Pepoy et Dan Green, son trait n'en souffre jamais. De même, la colorisation parfois un peu terne de Lee Loughridge gagne en nuances et en luminosité. C'est un vrai bonheur pour les yeux.
Inaki Miranda supplée "Bucky" durant le 99ème épisode, où son trait fin et méticuleux fait merveille pour représenter le sinistre Mr Dark et son emprise sur le défunt quartier de Fabletown mais aussi Mr North et le vent qui balaie tout ce qui l'entoure.
Le 100ème épisode comporte de nombreux et merveilleux bonus : Chrissie Zullo et Joao Ruas (le cover-artist de la série) dessinent deux épilogues charmants et drôles, Willingham et Buckingham échangent leurs places pour un segment mettant en scène Pinocchio et Gepetto (dont le dénouement appelle des développements), et enfin Dave Johnson, Kate McElroy, Adam Hughes (le temps d'une splendide page !) et JH Williams III mettent en images des réponses aux questions posées par trois célèbres fans de Fables.
Et comme si ça ne suffisait pas un théâtre de papier, un jeu de société et un sketchbook bouclent l'album !
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C'est un festin de roi, un "must-have" absolu. Vivement Décembre maintenant et le tome 16 : Super Team !

samedi 10 septembre 2011

LUMIERE SUR... MARK BUCKINGHAM


Mark Buckingham.
Snow White and a rabbit
(Commission réalisée pour la lutte contre la fibrose cystique)
Snow White

Rose Red
Cinderella
Bigby Wolf et Snow White
Pin-up
Boy Blue
Beauty et Beast
Bufkin
Alice in Wonderland

Naissance aux Etats-Unis.
Dessinateur, encreur, cover-artist, designer, peintre.

mardi 6 septembre 2011

Critique 262 : FABLES 14 - WITCHES, de Bill Willingham, Mark Buckingham, Jim Fern et David Lapham

Fables : Witches est le 14ème recueil de la série créée et écrite par Bill Willingham, rassemblant les épisodes 86 à 93, publiés en 2009 et 2010 par DC Comics dans la collection Vertigo. Les dessins sont signés Jim Fern (#86), Mark Buckingham (#87-91) et David Lapham (#92-93).
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- Boxing Days (#86) : Pendant que ses laquais-zombies bâtissent son nouveau château dans les ruines de Bullfinch Street, Mr Dark raconte comment il a été autrefois piégé par un groupe de sorciers de l'Empire mené par un certain Dunster Happ.

- Witches (#87-91) : Les dirigeants et magiciens des Fables, à la Ferme, réfléchissent au moyen de vaincre Mr Dark. Ozma (la fillette reine du royaume de Oz) profite que Frau Totenkinder s'éclipse pour devenir la nouvelle patronne des magiciens tandis que la vieille sorcière de la forêt noire part enquêter dans les royaumes après avoir changé d'apparence. Cependant, dans l'office de la mairie de Fabletown qui est désormais dans une autre dimension, le singe Bufkin doit affronter Baba Yaga, ivre de vengeance mais également prisonnière de l'endroit depuis la destruction de Fabletown.

- Out Of The Ball Game (#92-93) : Au royaume de Haven, Flycatcher doit juger un troll accusé de meurtre. L'affaire est délicate car il veut maintenir la paix entre ses sujets tout en rendant justice à la famille de la victime.
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Après The Great Fables Crossover, la série Fables reprend pleinement ses droits et renoue avec l'histoire opposant nos héros à l'inquiétant Mr Dark.
Le premier épisode de ce tome dévoile le passé de ce méchant qui a déjà été vaincu par les sorciers de l'Empire. Cela confirme l'efficacité avec laquelle Gepetto administrait les royaumes en en maîtrisant les menaces les plus dangereuses et donne la clé pour vaincre à nouveau ce sinistre personnage, sans pour autant garantir que les Fables rééditeront l'exploit. C'est un chapitre informatif mais mollasson, qui souffre qui plus est d'illustrations trop figées de Jim Fern, dont les efforts pour faire ressembler les personnages à des acteurs (comme Liam Neeson pour Jubilee Mirant) parasitent la lecture. C'est dommage, mais ça s'améliore rapidement par la suite.
En effet, le récit central renoue avec les meilleures qualités de la série : on y assiste à la préparation de la riposte des Fables, en particulier la petite communauté des magiciens, aun coeur de laquelle Frau Totenkinder a bien mesuré le danger que représente Mr Dark. Le retrait soudain de la sorcière de la forêt noire met à jour une lutte de pouvoir et révèle l'ambition dévorante de la jeune Ozma, dont l'apparence de fillette ne dissimule pas l'arrivisme et la malice. L'autre acteur qui tente de revenir dans la partie est, comme on pouvait s'en douter depuis sa reddition à contrecoeur, Gepetto, qui brigue la place de maire, fort du fait qu'il a vaincu Mr Dark dans le passé, que Rose Red délaisse toujours ses responsabilités à la tête de la Ferme, et de la réserve de King Cole. Dans un registre politique très "politicien", Bill Willingham est beaucoup plus à l'aise que lorsqu'il a utilisé ses personnages et leur univers pour comparer la situation des Fables et celles de certains pays de notre monde.
Parallèlement, le scénariste montre les efforts de Bufkin et quelques-uns des prisonniers de l'office de l'ancienne mairie de Fabletown pour éliminer Baba Yaga. Le combat paraît bien déséquilibré au départ et d'autant plus compromis que la rage de la sorcière est aussi impressionnante que le désarroi et le manque de ressources de Bufkin et compagnie. Mais contre toute attente, et avec à la fois beaucoup d'humour et un sens du suspense aiguisé, la situation connaît des rebondissements et un renversement jubilatoires.
Pour revenir à ce qui se passe à la Ferme, Willingham n'oublie pas de traiter des conséquences pratiques de l'exil des Fables, en particulier le fait qu'ils n'ont plus leur trésor - cet argent qui permet de faire fonctionner le site, de pourvoir aux besoins de la population. Mais King Cole peut encore profiter de l'aide de Frau Totenkinder qui, bien que loin de ses semblables, ne les oublie pas - et, comble de l'ironie, se sert dans les coffres de Mr Dark lui-même.
La condition de Totenkinder réserve d'ailleurs une énorme surprise aux lecteurs, une métamorphose totalement inattendue et qui va indubitablement se prolonger dans le prochain volume, en lui donnant une dimension plus pro-active, comme lors du dénouement de La Marche des Soldats de Bois (Fables 4) où son intervention (contre Baba Yaga) avait été décisive.
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Mark Buckingham est également inspiré et livre une nouvelle fois des planches pleines de puissance, dans les séquences avec Baba Yaga, au découpage à la fois simple et juste, avec Bufkin, et à l'ambiance soignée, à la Ferme. L'artiste dispose d'une palette tellement riche que chaque partie de l'histoire est parfaitement exploitée visuellement.
On pense toujours à Jack Kirby, mais avec une élégance et une fluidité supplémentaires. La représentation saisissante de Baba Yaga ou la transformation enchanteresse de Totenkinder prouvent à quel point Buckingham réussit à rendre les moments-clés mémorables tout en animant le récit avec fluidité - et il faut un sacré talent pour captiver comme il le fait avec un singe bleu volant manoeuvrant contre une sorcière déchaînée dans un vaste capharnaüm !

Les deux derniers épisodes, dessinés par David Lapham, de façon plus agrèable que Fern sans atteindre la virtuosité de "Bucky", nous ramènent auprès de Flycatcher dans son royaume de Haven. Le début est un peu laborieux, surtout quand on est peu sensible aux subtilités du base-ball, mais finalement ce conte débouche sur une morale habilement référencée (l'histoire du scorpion et du crapaud traversant une rivière, métaphore sur la nature profonde de chacun). Et Willingham montre qu'il n'oublie pas ces personnages désormais à l'écart.
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Après un crossover déjanté mais mitigé, Fables nous tient à nouveau en haleine tout en garantissant des prolongements palpitants. Avec le 100ème épisode en vue, on peut sereinement espérer la fin d'un cycle à la hauteur.

lundi 5 septembre 2011

LUMIERE SUR... EMANUELA LUPACCHINO


Emanuela Lupacchino.

Zatanna
Rogue


Psylocke


Gwen Stacy

Emma Frost

Catwoman

Black Cat

Black Canary

Naissance en Italie.
Dessinatrice, cover-artist.
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dimanche 4 septembre 2011

Critique 261 : MARVEL LES GRANDES SAGAS 8 - DAREDEVIL, de Frank Miller et David Mazzucchelli

Pour ce 8ème numéro de Marvel Les Grandes Sagas, Paninicomics joue sur du velours en proposant une des meilleures histoires de Daredevil, un authentique classique : l'arc Renaissance (Born Again en vo), écrit par Frank Miller et dessiné par David Mazzucchelli.

J'en avais déjà parlé là :

http://mysterycomics-rdb.blogspot.com/2009/05/critique-daredevil-born-again-de-frank.html

pour dire tout le bien que j'en pensais.

C'est un pur chef-d'oeuvre, indispensable, le genre de récit qui vous prend à la gorge et ne vous lâche plus, un défilé d'épisodes inoubliable. C'est aussi un témoignage à plusieurs niveaux : sur l'Amérique de l'ère Reagan, sur le passage à l'âge adulte des comics mainstream, sur l'état de grâce de Frank Miller (qui écrivait alors comme il n'a plus jamais écrit depuis), sur l'émergence de cet artiste ahurissant qu'est David Mazzucchelli.

Sans Born Again, nous n'aurions certainement pas lu les Daredevil de Brian Bendis et Alex Maleev puis d'Ed Brubaker et Michael Lark. C'est donc une date cruciale dans l'histoire de la série.

Ne manquez pas donc pas cette occasion bon marché de découvrir ce comic-book essentiel - ou si vous voulez faire plaisir à un amateur de bandes dessinées, de l'offrir à un(e) amie(e) !

LUMIERE SUR... MIKE WIERINGO


Mike Wieringo.

C'est avec son run sur Fantastic Four, écrit par Mark Waid,
que j'ai découvert "Ringo"...
Wieringo était un fan de la série télé Lost:
il en avait dessiné quelques personnages, comme Charlie...

... Jack...
... Kate...
... Locke...
... Sawyer.
Avec son ami Todd Dezago, il avait créé la série Tellos, une heroic-fantasy.

Etonnament, un de ses projets concernait le Punisher,
anti-héros a priori loin de son univers.
J'aurai rêvé qu'il dessine une série avec Black Canary.
Déjà avec Mark Waid, il anima brièvement la série Flash.

Et Waid, toujours, a raconté qu'ils voulaient
proposer à DC une série avec Aquaman.

Naissance en 1963. Décés en 2007.
Scénariste, dessinateur, cover-artist, designer.
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Le site de l'artiste : http://www.mikewieringo.com/

vendredi 2 septembre 2011

Critiques 260 : REVUES VF SEPTEMBRE 2011

X-MEN 7 :

- X-Men Legacy 240 & 241 : Collision (3 & 4/4). En Inde où ils ont accompagné Paras Gavaskar voir ses parents, Magnéto et Malicia ont rencontré Luz, une jeune mutante qui a fugué. Elle est recherchée par ses pairs, les Enfants de la Crypte, avec lesquels les X-Men ont déjà eu maille à partir et qui compte se servir de Magnéto et Luz pour alimenter une machine essentielle à leur survie. Mais s'en prendre au maître du magnétisme n'est pas une bonne idée...



Mike Carey conclut avec ses deux nouveaux épisodes cette brêve aventure : cette concision, plutôt rare de nos jours, est à mettre à son crédit car elle lui permet de maintenir une tension dans son récit où des X-Men expérimentés (Malicia et Magnéto) ou non (les élèves emmenés avec eux en Inde) ont fort à faire avec des ennemis coriaces. Cela suffit-il à faire une histoire intéressante ? Pas vraiment, il faut l'avouer, car si Carey ne traîne pas en route et conclut d'une manière qui peut laisser croire à une suite, l'affrontement entre les héros et leurs adversaires est trop expéditif pour ne pas être frustrant. Qui plus, en dehors de Magnéto et Malicia, que Carey sait animer comme personne, en leur donnant une charge érotique étonnante, le reste du casting manque de relief ou de place pour donner sa pleine mesure.

Restent les planches superbes de Clay Mann, assurèment le dessinateur qui sait le mieux valoriser les scripts de Carey avec ces personnages. Tom Raney lui a prêté main-forte en signant 9 planches qui, même dans un style différent (et que j'apprécie moins), s'intègrent assez bien.

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- X-Men 531 : Quarantaine (2). La grippe continue de diminuer physiquement les mutants sur Utopia, les X-Men conduits par Tornade et Angel à San Francisco rencontrent les créatures de John Sublime en défiant l'homme multiple qui sème la terreur dans Chinatown, et Fantomex joue un sale tour à Emma Frost alors qu'elle confiait à Kitty Pryde la raison de son ressentiment envers son prisonnier, Sebastian Shaw...



Ni Matt Fraction (qui a imaginé l'intrigue) ni Kieron Gillen (qui l'a dialogué) ne sont capables de traduire les ambiances des différentes lignes narratives : impossible de s'inquiéter vraiment pour les malades sur Utopia, d'être surpris par ce qui se joue à San Francisco ou même de se préoccuper de ce qui se passe dans le vaisseau de Fantomex. Comme pris d'un étrange sursaut de lucidité, ce dernier réplique d'ailleurs, en libérant Shaw (et donc en provoquant un futur combat) : "je nous ai évité (oui, sans "s", car la conjugaison n'est visiblement pas le fort de la traductrice Nicole Duclos) encore six heures de "pauvre de moi"." Néanmoins, la suite se déroulera sans moi : il reste encore trois chapitres avant la fin de cet arc (publiés le mois prochain) !

Les "dessins" toujours aussi outrageusement photoshopés de Greg Land sont incroyablement décalés par rapport à "l'action" : alors que tous les héros sont dans la panade, ils sourient niaisement et sans arrêt, en adoptant des postures dont le manque de naturel finit par provoquer des ricanements nerveux.

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- Les Nouveaux Mutants 17 : La Chute (3). Magie entraîne ses co-équipiers dans les lîmbes pour en découdre avec le général Ulysses et commence alors à y affronter ses soldats transformés...



Là, aussi, narrativement, ce n'est pas fameux : Zeb Wells fait traîner les choses sans que le récit y gagne quoi que ce soit en termes de suspense. Cela commence à s'animer aux toutes dernières pages, ce qui est très frustrant.


Leonard Kirk sauve presque les meubles en livrant des planches très dynamiques et complètes, où les personnages sont aussi soignés que les décors et mis en valeur par la colorisation des studios Guru FX. Mais l'artiste mériterait mieux que cette histoire mollassonne.

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Bilan : décevant - j'étais revenu pour Legacy qui n'a pas tenu ses promesses. La qualité des dessins de Clay Mann et de Leonard Kirk restent les seuls motifs de satisfaction d'une revue où les mutants sont bien mal servis. MARVEL STARS 8 :

- Les Vengeurs Secrets 10 : Les Yeux du Dragon (5). Shang-Chi est sur le point d'être sacrifié par son père, pour que celui-ci ressucite définitivement, en présence des cadres du Conseil de l'Ombre (Thorndrake, Max Fury et John Steele). Les Vengeurs Secrets, dont Moon Knight a infiltré les rangs ennemis, interviennent...

La fin de cet arc s'avère décevante et presque bâclée, chose rare avec Ed Brubaker. La faute en incombe moins au côté convenu du dénouement (on se doute bien que les Vengeurs Secrets vont gagner, quand bien même ils n'arrêtent pas tous leurs ennemis) mais au fait que l'équipe de héros fonctionne moins bien. Il est évident en effet que Brubaker peine non seulement à bien employer tous les membres du groupe mais à leur donner également une bonne dynamique : le Fauve est carrèment absent de cet épisode, War Machine est inutile, Black Widow et Moon Knight font de la figuration comme le Prince des Orphelins... C'est dommage de voir des personnages avec un tel potentiel dans les mains d'un si bon auteur aussi pauvrement mis en scène. Là où l'arc précédent possédait une vraie énergie, sans être renversant, celui-ci promettait davantage sans être aussi efficace.

Mike Deodato, apparemment en retard, n'a dessiné qu'un peu plus de la moitié de l'épisode, le reste étant illustré par Will Conrad, dans un style similaire quoique bien moins puissant. Là aussi, c'est décevant car on sent que l'artiste a abandonné le navire en même temps que son scénariste (Brubaker a encore écrit deux épisodes, mais en fin de compte, il ne sera resté qu'un an sur un titre qu'il a lancé).

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- Thunderbolts 150 : Retrouvailles (2). Steve Rogers, Thor, Iron Man et Luke Cage raisonnent Crossbones, le Fléau et le Fantôme avec lesquels ils ont échoué accidentellement dans une dimension parallèle...

La deuxième partie du 150ème épisode de la série (découpée par Paninicomics de manière aussi maladroite qu'injustifiée) est une longue baston qui souligne les faiblesses désormais plus gênantes que divertissantes de Jeff Parker. Le côté débraillé et déjanté du titre tel qu'il l'a mené depuis le début de l'Heroic Age a progressivement fait place à une espèce de délire de plus en plus grotesque, où la vilainie des personnages sert de prétexte à des intrigues grossières. Ce n'importe quoi narratif était rigolo et ne portait pas à conséquence, était même rafraîchissant, mais ne mène nulle part, sinon à une surenchère idiote, de moins en moins drôle.

Quant au dessin de Kev Walker, il ne m'a jamais convaincu et pas plus cette fois que les précédentes : pratiquement pas de décors et quand il y en a, plus suggérés que traîtés, des personnages moches, réduits à des caricatures inexpressives, à la gestuelle sommaire, le tout découpé à la va-comme-je-te-pousse.

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- Secret Warriors 23 & 24 : Renaissance & Les Petits Rouages. Double dose de SW = double-peine. Merci bien, mais la revue a déjà été assez décevante comme ça pour que je m'épargne ça.

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Bilan : je vais arrêter les frais. J'achetai "Marvel Stars" surtout pour Secret Avengers, mais ce n'est plus à la hauteur. Cette revue aurait pu être un vrai must-have mais de reprogrammations en contenus à la qualité plus que variable, elle est devenue une dépense dispensable. MARVEL ICONS 8 :

- Les Nouveaux Vengeurs 7. La bataille contre Agamotto a laissé des traces et des questions en suspens : le manoir des Vengeurs a souffert et il faut payer la facture (sauf que Luke Cage est fauché) ; ensuite il faut régler le sort de l'équipe, que Steve Rogers tient à salarier (sauf que Luke Cage n'est pas d'accord) ; enfin il faut trouver une nounou pour le fils de Luke Cage et Jessica Jones (mais une super-nanny !)...

Brian Bendis signe un excellent épisode de transition mais moins accessoire qu'on peut le penser. En effet, s'il n'y a pas d'action spectaculaire au programme, l'histoire aborde des problèmes matériels souvent évacués dans les comics super-héroïques : par exemple, le rapport à l'argent, traduit ici sur plusieurs plans - il faut réparer le manoir, assurer une rétribution aux membres du groupe (après tout, pourquoi accepterait-il 1/ de suivre les règles de Luke Cage et 2/ de travailler gratuitement ?), et dans ce cas comment payer un des Vengeurs qui refuse de donner son identité civile (on comprend que Spider-Man soit réticent puisque l'agent de liaison des New Avengers est Victoria Hand, ex-secrétaire de Norman Osborn, son pire ennemi), et las but no least recruter quelqu'un d'à la fois amical et compétent pour garder le bébé des Cage (le choix de l'élue est à la fois étonnant, drôle et instille une tension avec Wolverine). Les dialogues sont brillants, et plus d'une fois on jubile devant les réparties rédigées par Bendis ("Mes amis, le Dr Strange... Dit le vengeur magique !", le savon que passe Jessica à Luke quand il renâcle à être payé par Steve Rogers alors qu'il a été "héros à louer", "Si tu veux révèler ton identité, elle restera confidentielle, bien sûr. - Oui ! Vite ! J'enlève mon masque devant une amie de Norman Osborn !" ou enfin "Quand j'ai mis ma vie au service du sorcier suprême que vous étiez... Je me rappelle avoir fermé les yeux et prié pour qu'un jour je devienne le sous-Jarvis d'un sous-groupe de Vengeurs."). Même ceux qui reprochent à Bendis de ne pas écrire les Vengeurs comme ils devraient l'être (mais qui râleraient quand même si c'était le cas, car ces fans n'aiment pas Bendis et qu'on leur emprunte leurs joujous) devraient être ravis de voir Nighthawk déclarer : "Vous êtes les Défenseurs et vous vous faîtes appeler les Vengeurs ?! C'est moi qui débloque ou quoi ?"

Pour son dernier épisode, Stuart Immonen fait feu de tout bois et magnifie le script de Bendis comme aucun autre dessinateur ne sait le faire : de ce huis-clos, il se tire avec une maestria qui devrait être enseigné à tous les artistes de comics. Admirez avec quel naturel il fait bouger ses personnages, comment leurs gestes accompagnent leurs paroles, expriment leurs émotions, leur expressivité (la double-page des candidats est un chef-d'oeuvre !) ! Personne n'est capable de faire vivre des super-héros de façon aussi complète aujourd'hui sans être purement réaliste ni carrèment "cartoony". Même si dessiner un event comme Fear Itself est une sorte de promotion, c'est vraiment dommage qu'Immonen ne soit pas resté sur New Avengers à laquelle il a donné une dimension unique : sa complicité avec Bendis aurait pu aboutir à un tandem historique...

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- Iron Man 32-33 : Stark Résistance (8-9). Double dose d'Iron Man... Panini a l'art de supplicier ses lecteurs - et le mois prochain, la série étant renumérotée au #500, on aura droit encore à 70 pages ! S'il n'y a pas de mal à se faire du bien, il n'y a pas contre aucun bien à se faire du mal, donc je zappe.

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- Les Quatre Fantastiques 582 : ... A cause de tout ce que j'ai fait. Un titre assez indiqué, que je complèterai même en "Hickman, à cause de tout ce que tu as défait". C'est toujours aussi nébuleux, lent, décourageant : ah, ça, pour m'avoir dégoûté de cette série, Hickman a parfaitement réussi. Et un malheur n'arrivant jamais seul, il a été bien aidé par Neil Edwards.... Il est bien loin, et même révolu, le temps des Byrne ou Waid-Wieringo.

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Bilan : comme "Marvel Stars", c'est sans doute mon dernier numéro avant longtemps, voire définitivement. Entre un sommaire complètement détraqué, des doubles doses d'Iron Man, les FF qui me tombent des mains, il n'y pas plus suffisamment de raison pour continuer à dépenser 4,60 E par mois. Je vais donc poursuivre New Avengers en tpb et vo, et attendre le retour de Captain America dans des hors-série de la revue.

jeudi 1 septembre 2011

Critique 259 : FABLES 13 - THE GREAT FABLES CROSSOVER, de Bill Willingham, Matthew Sturges, Bill Willingham, Russ Braun et Tony Atkins

Fables : The Great Fables Crossover est le 13ème album de la série créée par Bill Willingham. Le scénario est co-écrit par Bill Willingham et Matthew Sturges. L'histoire rassemble les épisodes 83 à 85 de Fables, 33 à 35 de Jack Of Fables et les trois épisodes de la mini-série The Literals, le tout publié en 2009 par DC Comics dans la collection Vertigo. Les dessins sont signés Mark Buckingham (Fables #83, The Literals #1-3), Russ Braun (Jack Of Fables #33-35) et Tony Atkins (Fables #84-85).
Cette saga se déroule juste après Fables 12 : The Dark Ages et Jack Of Fables : The Big Book Of War.
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Dans ses aventures, Jack Horner (héros du spin-off de Fables, Jack Of Fables) a rencontré les Literals, famille de créatures à la généalogie complexe, dont les filles sont les demi-soeurs et ont été les maîtresses de Jack. Par ailleurs, Kevin Thorn est un des rares "mundanes" résidant dans le quartier de Bullfinch Street, où se trouve Fabletown, et ayant connaissance de l'existence des Fables.
Mais Kevin Thorn, le plus puissant des Literals, a décidé, pour écrire son nouveau livre, de mettre un terme à l'existence de tous les Fables et même de recréer l'univers tout entier, car il désapprouve ce que le monde et ses occupants (imaginaires ou non) sont devenus.
Le moins qu'on puisse dire est qu'il a mal choisi son moment pour se manifester puisque Mr Dark vient de dévaster Fabletown, obligeant ses habitants à s'installer à la Ferme. Rose Red, qui dirige la Ferme, est elle plongée dans une profonde dépression après la mort de Boy Blue et la tension est à son comble entre les animaux et les Fables d'apparence humaine, sans parler d'une dispute qui éclate entre la Bête et Bigby Wolf.
Jack Horner prévient les Fables du danger que représente Kevin Thorn, après en avoir été informé par le père et le fils de ce dernier, et en profite pour revenir à la Ferme (où les animaux le prennent pour Boy Blue ressucité - ce dont il profite sans scrupules) tandis que Bigby, Snow White (Blanche Neige), Gary (le père de Kevin) et Mr Revise (le fils de Kevin) sont chargés de s'occuper de Thorn.
Mais les créatures peuvent-elles raisonner leur créateur ?
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Cet ambitieux projet est un curieux opus, réservé en vérité aux initiés, qui suivent aussi bien la série Fables que son spin-off Jack Of Fables (ce qui n'est pas mon cas pour ce dernier). L'autre bizarrerie concerne le moment où les auteurs ont décidé de développer cette saga, alors même que la série Fables est agitée par l'apparition d'un tout nouvel ennemi (Mr Dark) depuis le tome 12 : ce n'est pas très habile.
Ces premières réserves émises, que penser du résultat ? Comme je le disais, il faut mieux être un fan pour ne pas être perdu, en premier lieu parce qu'il faut connaître les nombreux personnages principaux : le couple Snow White-Bigby, Jack Horner, la Belle et la Bête, King Cole, Hansel, Sam le vagabond, les Page Sisters (Hillary, Priscilla et Robin), Babe le petit veau bleu, Gary (le principe même de la réification), Rose Red...
D'autre part, le récit, contre toute attente, donne plus d'importance à Jack Horner qu'aux Fables, quand bien même le couple Snow White-Bigby est aussi très présent. Quant à la mini-série The Literals créée pour l'occasion pour donner le point de vue de Kevin Thorn, elle est finalement dispensable car ce qu'elle raconte aurait pu être intégré aux épisodes de Fables et Jack Of Fables s'entrecroisant ici. Enfin, comme si ça ne suffisait pas, une dernière couche se greffe à l'intrigue centrale avec le personnage de Jack Frost, fils de Jack Horner et Lumi la Reine des Neiges (ancienne alliée de Gepetto), qui vient à la rencontre de son père : son rôle reste longtemps un prétexte à des gags absurdes, et seule son intervention permettant de neutraliser Kevin Thorn à la fin justifie sa présence.
En revanche, cette saga iconoclaste, touffue et délirante, gagne à être lue comme une réflexion amusée et amusante sur le concept de méta-textualité, ou comment par le prisme de la fiction s'interroger sur les codes narratifs, le rapport entre l'imaginaire et la réalité. Bill Willingham et Matthew Sturges abordent ce thème avec décontraction, d'une façon encore plus débridée que Dr Thirteen : Architecture & Mortality de Brian Azzarello et Cliff Chiang. Ainsi les Genres littéraires s'incarnent et leur créateur/utilisateur s'en sert pour nettoyer l'univers entier, en pensant que pour écrire une nouvelle oeuvre il faut effacer les précédentes plutôt que de s'en nourrir.
The Great Fables Crossover est souvent hilarant, avec les séquences méditatives de Babe le petit veau bleu, les avanies de Bigby (transformé en singe, âne, éléphant -rose ! - ou fillette) ou les méfaits de Jack Horner, un fabuleux enfoiré, irresponsable et pourtant providentiel, mais pêche par sa trop grande longueur et une fin expéditive.
Bref, d'un côté, c'est trop : trop de personnages, trop de péripéties, trop de métaphores. Mais de l'autre, ce n'est pas assez : pas assez de poésie, de culôt, d'absurde, de remise en cause - l'exemple le plus frappant sur ce point précis concerne le problème posé par Mr Dark : il en veut autant aux Fables, se pose donc comme un obstacle à Kevin Thorn et son révisionnisme, mais le personnage n'apparaît que sur une page et n'est même pas évoqué ensuite, ignoré complètement par les Literals ! Mais de toute façon, là encore, proposer un crossover au beau milieu d'un arc décisif de la série Fables est une maladresse : l'argument de cette saga aurait pu/dû fournir une intrigue en soi, avant ou après, mais pas pendant.
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La partie graphique assure heureusement : Mark Buckingham livre des planches magnifiques et même trois couvertures (des aquarelles) pour la mini-série des Literals. Russ Braun, encré par José Marzan Jr (le partenaire de Pia Guerra sur Y The Last Man), est une révèlation : je ne connaissais pas cet artiste, mais son trait élégant, évoquant José-Luis Garcia-Lopez et Dick Giordano, est superbe. Quant à Tony Atkins, son style évoque parfois Gotlib, excellant dans l'expressivité des trognes.
En prime, le grand Brian Bolland nous gratifie de quelques couvertures (dont celle du receuil) et Joao Ruas s'affirme comme le digne remplaçant de James Jean (parti depuis Fables #82).
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Un crossover frustrant car mal placé, mal fichu, mais qui est traversé par quelques fulgurances et illustré par un trio d'artistes de premier plan. Dommage, ç'aurait pu être tellement mieux, même si ça procure quelques moments de franche rigolade.