jeudi 28 juin 2018

OLD MAN HAWKEYE #6, d'Ethan Sacks et Marco Checcchetto


Ma liste d'achats, cette semaine, se limite à quatre titres mais c'est du costaud, une belle fin de mois. Et, donc, parmi ce lot, il y a le sixième épisode de Old Man Hawkeye d'Ethan Sacks et Marco Checchetto : cette excellente maxi-série a été une si bonne lecture depuis son début que je n'ai pas vu le temps passer, ni qu'on arrivait déjà à mi-parcours. Une fois encore, elle ne déçoit pas, règle son compte à un personnage, prépare à des aveux et réserve une surprise de taille...


Recueilli, bon gré mal gré, par Kate Bishop dans son sanctuaire dans les Wastelands, Clint Barton se remet de ses blessures en rêvant aux temps lointains, juste avant que l'attaque concertée des super-vilains n'anéantissent la communauté des super-héros, alors qu'il partageait un tendre moment avec la Veuve Noire.


A son réveil, il doit répondre de la pagaille qu'il a semée derrière lui et jusqu'aux portes du Fort de sa camarade. Les Venoms assiègent la place. Loin de là, à Washington, Crâne Rouge, dans un bureau de la Maison-Blanche, retarde le moment où il s'occupera de Hawkeye pour se débarrasser du renégat Bullseye avec son arme secrète.
  

Enseignant à Kate que les Venoms ne résiste pas aux flammes, Clint tire avec elles des flèches en feu contre les symbiotes tandis qu'elle lui fait remarquer qu'elle n'a jamais eu ce genre de problèmes, même dans cette région où on trouve des T-Rex importés de la Terre Sauvage pour des chasseurs locaux.
  

La présence de ces dinosaures donne une idée à Barton qui s'éclipse puis reparaît au volant de la Dodge Challenger 1970, customisée par Kate, qu'il acheta jadis. Il attire à sa poursuite les Venoms avec Kate, loin du Fort. Pour tenter de rattraper le véhicule, les symbiotes sacrifient plusieurs de leurs hôtes afin de gagner en vélocité. Jusqu'à ce que...
  

... Un T-Rex surgit dans un canyon et ne dévore les Venoms. Les deux archers ne traînent pas dans le coin pour éviter de finir comme dessert pour le monstre. A Rock Springs, le Maître de Corvée accuse réception d'un container envoyé par Crâne Rouge contenant l'arme secrète destinée à éliminer Bullseye : le Soldat de l'Hiver, Bucky Barnes !

A la moitié de son histoire, le scénariste Ethan Sacks a compris que pour continuer de progresser, il fallait commencer à lâcher du lest. Le mois prochain, il nous révélera comment les super-héros ont été vaincus par les super-vilains des décennies auparavant : ce sera un moment important qui doit être raconté sans être parasité par des éléments laissés en plan.

La couverture de l'épisode spoile beaucoup le contenu et c'est donc les Venoms aux trousses de Clint Barton depuis le premier épisode qui vont faire les frais de cette purge. Une fois encore, le récit est spectaculaire et nous montre avec l'envergure requise le siège du "Fort Bishop" dans les Wastelands par les symbiotes en nombre grâce à leur fusion avec les cadavres de l'Homme Multiple.

Plus que jamais, la série assume ses références avec le western dans cette situation évoquant la bataille d'Alamo (immortalisée au cinéma par John Wayne en 1960), à ceci près que cette fois les héros ripostent avec l'arme des indiens, des arcs et des flèches. 

Les retrouvailles entre Clint et Kate, qui seront certainement plus nuancées par la suite, sont ici orageuses, elle lui reprochant d'avoir amené le chaos aux portes de son refuge. C'est une Kate Bishop qui a pris de l'âge mais n'a rien perdu ni de son adresse ni de son sens de la répartie qu'on trouve là : Sacks colle parfaitement au personnage telle que l'avait caractérisée Jeff Lemire dans le second acte de All-New Hawkeye. Mais le scénariste glisse aussi un clin d'oeil au run de Matt Fraction en sortant de son carquois la Dodge Challenger 1970 que Clint acheta à Penny dans Hawkeye #3 dessiné par David Aja. On jubile en lisant les plaintes de Barton lorsqu'il voit les symbiotes abîmer sa voiture déjà bien transformée par Kate.

Marco Checchetto a abattu un travail impressionnant d'épisode en épisode et il ne faillit toujours pas dans ce nouveau chapitre où il ne ménage pas sa peine pour représenter des dizaines de Venoms enragés, auxquels il met ensuite le feu, puis les donne à manger à un T-Rex impressionnant de réalisme.

La scène de la course-poursuite dans les Wastelands bénéficie en outre d'un découpage très dynamique où l'artiste varie les angles de vue, compose des plans impeccables, insuffle toute la tension nécessaire dans ce combat dément. C'est vraiment superbe, d'une redoutable efficacité, d'un très haut niveau dans le style réaliste : s'il y en avait encore pour douter du brio de Checchetto, Old Man Hawkeye les aura convaincus (ou alors c'est à désespérer) de son immense talent. Aligner des épisodes pareils sans retard est un vrai tour de force.

La suite promet d'être palpitante, d'autant que l'intrigue secondaire avec Bullseye comporte un rebondissement imprévisible et très accrocheur (ainsi qu'une allusion à un plan secret intrigant à souhait). Et, pas d'excuses pour ceux qui n'auraient pas investi dans les singles issues, le premier recueil de la série va bientôt (le 28 Août pour être précis) être disponible (sous le titre : An Eye for an eye). 

MAN OF STEEL #5, de Brian Michael Bendis, Adam Hughes et Jason Fabok


Le dénouement est proche pour la mini-série Man of Steel écrite par Brian Michael Bendis dont c'est le pénultième numéro, cette fois en compagnie d'Adam Hughes - l'illustre cover-artist réalise les planches de ce numéro, ce qui est en soi un événement. L'histoire doit rebondir après son précédent chapitre décevant et avant sa conclusion la semaine prochaine, qui s'annonce à tout point de vue décisive...


Superman a déplacé son affrontement avec Rogol Zaar dans l'espace afin d'éviter des victimes innocentes. Le combat redouble de brutalité mais le guerrier prend l'avantage grâce à sa puissance physique. Atterrissant sur la Lune, il vainc Superman et considère ensuite à nouveau la Terre d'un air menaçant.
  

A Metropolis, après avoir prêté main forte aux pompiers une nouvelle fois appelés sur le lieu d'un incendie, Supergirl est rejointe par des membres de la Justice League qui désirent en savoir plus sur Rogol Zaar. Avant cela, elle doit savoir où est son cousin et elle le repère, inconscient sur la Lune.
  

Transporté au Hall de Justice pour y être soigné, Superman se rétablit vite et montre à Flash, Cyborg, Green Lantern, Wonder Woman et Batman un symbole gravé sur la hache de son adversaire. Nul ne l'identifie mais Batman revient sur les termes employés par Rogol Zaar au sujet de Krypton. Qu'entendait-il par son "nettoyage" ? 


Soudain Superman comprend tout et s'envole sans un mot pour ses camarades. Wonder Woman invite Supergirl à ne pas le suivre si Rogol Zaar a l'intention de tuer un autre kryptonien que son cousin. Superman plonge au centre de la Terre.


Et comme Batman et lui s'y attendaient, il trouve Rogol Zaar, prêt à détruire le noyau terrestre pour en purger les ultimes survivants de Krypton...

Les premières pages déconcertent visuellement, autant vous prévenir : une vue en contre-plongée à l'intérieur de la cloche de Kandor avec l'oeil menaçant de Rogol Zaar dans son ciel, puis le combat brutal entre ce dernier et Superman dans le vide spatial. Adam Hughes brouille les repères de ses fans en produisant des images très sombres mais finalement logiques d'un point de vue esthétique puisque aucune source lumineuse n'éclaire ce qui se passe comme sur Terre.

Brian Michael Bendis n'a pas peur de désarçonner lui non plus car le duel entre les deux adversaires est bref et s'achève avec la victoire, nette, de Rogol Zaar. Décidément l'Homme d'Acier n'arrive pas à prendre le dessus sur ce guerrier enragé et massif, qui le laisse pour mort sur la Lune. Comme entrée en matière, il y a de quoi être tourneboulé...

... Et ce n'est pas fini puisqu'on enchaîne avec les deux pages familières de Jason Fabok concernant le visiteur des Kent : on sait depuis le précédent épisode qu'il s'agit de Jor-El, le père de Clark Kent, et on apprend enfin pourquoi il apparaît soudain. Il réclame son petit-fils pour lui enseigner la culture kryptonienne lors d'un voyage dans l'espace. Lois et Clark s'y opposent mais le gamin accepte ! La résolution de cette affaire et l'explication de ses conséquences seront au menu du sixième et dernier numéro de la mini-série.

Hughes reprend la main graphiquement ensuite, dans un registre plus coutumier, et livre des pages superbes, depuis le sauvetage de Supergirl d'une bande d'enfants dans un immeuble en flammes jusqu'à la récupération de Superman et une scène d'explications/déductions au Hall de Justice.

De façon suggestive, par des dialogues vifs, Bendis lève le voile sur le plan de Rogol Zaar : comment Batman en vient à le comprendre et Superman ensuite montre l'efficacité du scénariste à montrer les héros perplexes et le lecteur avec eux jusqu'à ce que le dark knight revienne à la base même du discours de l'ennemi, la vraie clé du mystère.

Hughes sait parfaitement croquer les mimiques des personnages tout en variant les effets de son découpage et son dessin rend l'ensemble très vivant, avec une maîtrise de la composition des plans et la bonne place laissée aux couleurs d'Alex Sinclair. Quand Superman prend subitement congé de ses collègues et s'envole puis plonge dans les entrailles de la Terre, il donne au personnage une majesté naturelle tout en traduisant ses efforts pour creuser et se contenir avant son ultime face-à-face avec son ennemi. Comme Bendis, l'artiste interprète Superman comme une force tranquille, lumineuse, mais en même temps consciente qu'elle n'est pas invulnérable. Je parie en tout cas que l'issue du combat ne sera pas une simple victoire par KO et que Rogol Zaar ne sera pas un méchant de passage uniquement imaginé pour cette mini-série.

Le final promet en tout cas son lot d'émotions fortes entre la famille El et celui qui a juré d'éliminer tous les kryptoniens : ce sera à Bendis d'assurer avec cette fois le seul Jason Fabok au dessin.  

mercredi 27 juin 2018

WESTWORLD (Saison 1) (HBO)


Automne 2016 : la chaîne à péages américaine HBO (Home Box Office) commence la diffusion de l'adaptation en série du film Westworld (écrit et réalisé en 1973 par Michael Crichton sous le titre Mondwest en vf). Avec son casting prestigieux, un budget colossal et un scénario complexe, le show de Jonathan Nolan et Lisa Joy est conçu pour succéder à Game of Thrones qui prendra fin en 2019 sur la même chaîne. Dix épisodes plus tard, et une deuxième saison dont la diffusion vient de s'achever, la série a prouvé sa valeur et s'est imposée comme une saga actuel les plus addictives.    

 Teddy et Dolores (James Marsden et Evan Rachel Wood)

Teddy et Dolores, deux androïdes amoureux dans le parc à thèmes Westworld, sont agressés par l'Homme en Noir, un mystérieux client. A cette période, d'autres robots, les "hôtes", commencent à dysfonctionner et le chef programmateur, Bernard Lowe, informe le co-fondateur du parc, Robert Ford, qu'il faudrait modifier leur narration et retirer du service les androïdes défaillants. Theresa Cullen, l'administratrice du parc, appuie cette prévention que Ford désapprouve. Jusqu'à ce que Peter Abernathy, le "père" de Dolores, se dérègle à son tour après avoir trouvé une photo laissée près de sa ferme par un visiteur. Ford consent alors à rappeler Peter et Dolores - laquelle, après examen, fonctionne correctement, mais à laquelle on donne un nouveau père.   

Logan Delos et William et Clementine (Ben Barnes et Jimmi Simpson)

Logan Delos et son ami et associé William arrivent à Westworld - le premier étant le fils de celui qui a financé la construction du parc. William croise Dolores et en tombe immédiatement amoureux. Maeve, la tenancière du bar de la ville centrale du parc, subit à son tour des bugs et Bernard décide de les corriger. Mais une fois dans les locaux de la maintenance, elle se réveille toute seule et découvre les autres "hôtes" en cours de reprogrammation. Dolores trouve un pistolet près de la ferme familiale tandis que l'Homme en Noir oblige le bandit Lawrence à la guider dans le parc. Ford refuse le nouveau scénario soumis par Lee Sizemore qu'il préférerait plus agressif, puis découvre que Bernard et Theresa entretiennent une liaison.   

Stubbs et Elsie (Luke Hemsworth et Shannon Woodward)

William et Logan décident, pour pimenter leur séjour, de suivre la traque menée par un chasseur de primes. Dolores demande à Teddy de lui apprendre à tirer au pistolet mais sa programmation l'empêche de commettre des actes violents. Ford modifie alors à distance le comportement de Teddy pour qu'il se lance à la recherche du bandit Wyatt. Elsie, une programmatrice, et Stubbs, le chef de la sécurité du parc, se lancent à la recherche d'un "hôte" défaillant et, lorsqu'ils le trouvent, celui-ci se suicide après les avoir agressés. Cependant, Dolores est agressée par deux brigands mais elle se défend et les tue en croyant qu'il s'agit de l'Homme en Noir. Elle s'enfuit ensuite et tombe sur le campement dressé par William, Logan et le chasseur de primes.    

Maeve et sa fille

Logan décide de poursuivre le bandit en compagnie du chasseur de primes et se moque de l'attirance de William pour Dolores, qui refuse de croire qu'elle est une "hôtesse". Ensemble, ils capturent le fugitif mais Logan, toujours en quête de sensations fortes, veut rencontrer son chef. L'Homme en Noir font la connaissance de Armistice, une femme hors-la-loi, épouse du bandit Wyatt, et sauve Teddy, qui a subi des tortures de ce dernier. Theresa se méfie de Elsie et Bernard, qui se rapprochent pour savoir pourquoi un "hôte" l'a agressée avant de se suicider, puis discute avec Ford de son nouveau projet de scénario. Mais il menace alors de révéler sa liaison avec Bernard si elle se mêle de ses prérogatives. De retour dans le parc, Maeve est en proie à des visions d'elle et de sa fille et elle retrouve le bandit Escaton avec lequel le shérif la surprend et l'arrête violemment. 

Elsie et Bernard (Shannon Woodward et Jeffrey Wright)

Elsie découvre avec Bernard que l''hôte" suicidaire transmettait ses informations sur le parc à l'extérieur. L'Homme en Noir tue Lawrence pour transfuser son sang à Teddy et poursuivre sa quête avec lui. S'arrêtant à un bar, ils y trouvent Ford qui assure à l'Homme en Noir qu'il ne trouvera pas ce qu'il cherche dans le parc. Dolores, William et Logan arrivent dans la bourgade de Pariah où ils rencontrent le bandit El Lazo (Lawrence dans ce nouveau rôle) et acceptent de détourner pour lui un wagon rempli d'explosifs. Mais durant l'opération, ils découvrent qu'El Lazo veut les garder pour lui au lieu des vendre aux Confédérés. En guise de représailles, ces derniers capturent Logan tandis que William et Dolores s'enfuient. A nouveau dans les laboratoires de la maintenance, Maeve exige de Felix, un réparateur, qu'il améliore ses facultés cognitives et physiques.

Maeve

Teddy et l'Homme en Noir échappent aux soldats de l'US Army qui combattent les Confédérés. Cependant, Lee Sizemore, le scénariste du parc, est présenté par Therese à Charlotte Hale, qui a été élue par le conseil d'administration pour remplacer bientôt Ford. Par prudence, Theresa en profite pour rompre avec Bernard, qui vient d'apprendre par Elsie que c'est Cullen qui avait reprogrammé l'"hôte" suicidaire pour qu'il transmette des informations sur le parc à l'extérieur, et que c'est un certain Arnold qui avait écrit la narration des tous premiers androïdes du parc. Interrogé sur ce dernier point, Ford révèle à Bernard qu'Arnold était l'autre co-fondateur de "Westworld" et qu'il a trouvé la mort accidentellement dans le parc il y a plusieurs années. Maeve, renforcée par sa nouvelle programmation, projette désormais de quitter le parc pour explorer le monde extérieur. 

Bernard, Theresa et Ford (Jeffrey Wright, Sidse Babett Knudsen et Anthony Hopkins)

Craignant que Ford ne détruise ses travaux s'il apprend son renvoi trop vite, Charlotte et Theresa le lui cachent et préparent une réception à laquelle seront conviés les actionnaires, dans le parc, durant laquelle elles révéleront les scénarios trop dangereux imaginés par le co-fondateur. William et Dolores couchent ensemble puis traversent un territoire indien dangereux. Maeve menace de mort Felix et son partenaire Sylvester de mort s'ils ne l'aident pas à sortir du parc : ils lui fournissent des habits civils normaux et la guident. Bernard conduit Theresa dans un laboratoire secret de Ford qui ordonne à son ami de la tuer : Bernard s'avère être un androïde ! 

William et Dolores (Jimmi Simpson et Evan Rachel Wood)

L'assassinat de Theresa est maquillé en accident lorsque Stubbs retrouve son corps dans une zone désertique du parc, mais le chef de la sécurité se méfie du comportement étrange de Bernard et Ford car Elsie est également portée disparue. Maeve a maintenant le pouvoir de contrôler d'autres hôtes mais est toujours tourmentée par des visions d'elle et de sa fille, au point qu'elle renonce à quitter le parc pour partir la rechercher. William et Dolores atteignent une église où la jeune femme découvre un labo souterrain : elle se rappelle y avoir déjà été avec Arnold qui avait l'aspect de Bernard. Lorsqu'elle ressort, William a été capturé par les Confédérés et Logan à leur tête et elle est emmenée avec eux. 

Charlotte et l'Homme en Noir (Tessa Thompson et Ed Harris)

Logan éventre Dolores pour prouver à William que Dolores est une "hôtesse", mais elle s'enfuit et retourne se réfugier dans l'église. Cette fois, elle se souvient y avoir tué Arnold. De nouveau à l'extérieur, l'Homme en Noir l'attend et lui révèle être William, leur première rencontre remontant à il y a trente-cinq ans. William a exécuté tous les Confédérés et menace de tuer Logan mais l'épargne en l'abandonnant, nu, dans le désert. Charlotte va à la rencontre de l'Homme en Noir et lui propose, puisqu'il est membre du conseil d'administration du parc, de soutenir le renvoi de Ford, mais il refuse car il doit poursuivre sa quête. Stubbs, dans le parc, cherche Elsie lorsqu'il est attaqué par les indiens : il rebrousse chemin sans avoir vu que sa collègue gisait non loin de là, dans une grotte.

Dolores, Teddy et Ford

L'Homme en Noir retrouve Dolores et la questionne sur les plans du bandit Wyatt : elle lui répond qu'elle est Wyatt et qu'Arnold lui a confié la mission de détruire le parc. Teddy surgit et emmène Dolores. Maeve retourne dans le parc pour trouver sa fille en convaincant Escaton et Armistice de l'aider. Ford éteint provisoirement Teddy et s'excuse auprès de Dolores pour l'avoir manipulée afin qu'elle tue Arnold autrefois mais celui-ci refusait son projet de libérer les "hôtes" que, lui, avait prévu dès l'ouverture du parc il y a trente-cinq ans. Le soir de la réception dans le parc, Ford devance l'annonce de Charlotte Hale et dévoile aux invités la primeur de son ultime narration : tous les "hôtes" encerclent les actionnaires, parmi lesquels se trouvent l'Homme en Noir, et leur tirent dessus tandis que lui-même a programmé Dolores pour qu'elle le tue et mène la rébellion des androïdes pour sortir du parc.

On sort de cette première saison comme d'un cauchemar vécu par un des "hôtes", en l'occurrence Dolores qu'on découvre dès la première image, s'éveillant sans souvenir de la veille mais à nouveau engagée dans un jour sans fin. Un réveil douloureux pour le téléspectateur comme ces androïdes...

Tout dans Westworld (le parc, la série) est ainsi conçu pour surprendre brutalement, désarçonner, égarer, déranger. A commencer par le fait que, justement, on passe plus de temps en compagnie de robots que d'humains, au point qu'on finit par se demander si certains sont bien ce qu'ils semblent bien être.

Il faut un certain temps pour entrer dans ce jeu de faux-semblants et donc s'armer de patience, mais les auteurs ont le souci de nous présenter le parc, ses attractions, et ses coulisses. Ceci fait, c'est parti pour une aventure aussi alambiquée que passionnante et troublante, littéralement mise en scène par des scénaristes cachés dans les sous-sols et qui s'évertuent à nous surprendre, à nous faire réfléchir aussi, en nous invitant à imaginer ce qui va se produire tout en s'amusant à déjouer nos attentes.

C'est tout le principe du show : nous assistons au spectacle de la délivrance des pulsions humaines les plus viles (bagarres, tueries, viols...) commis sur des robots ressemblant remarquablement à des humains mais qui servent de défouloir à de véritables hommes et femmes, sans qu'ils aient à redouter les conséquences. Jusqu'au jour où un grain de sable vienne enrayer la machine... Prétexte facile, classique, mais toujours efficace.

Du Mondwest écrit et réalisé par Michael Crichton en 1973, cette saison 1 ne conserve que la partie far-west (on a aussi un très bref aperçu d'un "Shogun world", alors que le film montrait aussi un monde médiéval et un autre romain). En revanche, le postulat est identique, avec ce déraillement progressif des machines, qui donne aux auteurs matière à un questionnement sur le libre-arbitre (les robots ont-ils une conscience ? Ou simplement un programme ? Interrogations dignes de Philip K. Dick). Jonathan Nolan (le frère du cinéaste Christopher, et déjà créateur de la série Person of interest) et Lisa Joy (sa femme, et créatrice de la série Pushing Daisies) ont puisé visiblement à d'autres sources pour enrichir leur histoire : on pense à la production suédoise Real Humans et ses "hubots" aux tâches domestiques, mais qui, eux, n'avaient pas conscience de leur nature profonde ; à Un Jour sans fin de Harold Ramis (1993) pour la répétition des jours vécus par les androïdes dans le parc comme celui de Bill Murray ; et Le Prisonnier, la mini série-culte de et avec Patrick McGohan (1967) avec ce huis-clos à ciel ouvert.

Mais ces références sont non seulement bien intégrées, mais comme absorbées par la densité de Westworld et le nombre de ses protagonistes, les liens qui les unissent, la profondeur temporelle qui se révèle progressivement. J'ignore si les fans de Game of thrones y trouvent le même plaisir, n'ayant jamais suivi l'adaptation de la saga de G.R.R. Martin, mais en termes d'ambition, le compte y est. Avec un budget pharaonique de cent millions de dollars (donc une moyenne de dix millions de dollars par épisode), le show offre des décors époustouflants (comme la Monument Valley, dont la splendeur démesurée et naturelle ne lassera jamais), écrins aux mouvements épiques du récit avec ses attaques de train, ses passages en terres indiennes, ses déserts, etc. Pourtant, le meilleur site du projet est avant tout son paysage mental...

En effet, le riche sous-texte qui parcourt les déviations empruntées par Dolores, l'Homme en Noir, Teddy, Maeve, ou Robert et Ford, est de nature à faire cogiter. L'intrigue comme le trajet parcouru est labyrinthique et il faut accepter de s'y perdre pour mieux apprécier ses révélations lorsqu'elles surgissent, toujours spectaculaires et imprévisibles. On tourne en rond dans ce parc qui paraît pourtant sans limite, à la recherche de son centre ou de sa sortie, de son sens ou de ses frontières, et cela éprouve le téléspectateur. Mais pour peu (car cela ne dure pas non plus trop longtemps) qu'on se laisse mener par le bout du nez, une fois tous les éléments en place, l'impression d'assister à un envoûtant mais perturbant chaos se dissipe pour aboutir à un final tonitruant, vraiment renversant. Nolan et Joy semblent donc mieux maîtriser leur affaire qu'un J.J. Abrams (co-producteur de la série) au temps de Lost et son évolution empirique.

S'il est compliqué de s'identifier à un personnage en particulier, il est plus simple d'apprécier sensiblement ce que l'un ou l'autre ressent. Dans ce parc (à thèmes), tout le monde en effet cherche sa voie. Il peut s'agir de traquer l'humanité chez l'Homme en Noir et ses exactions a priori gratuites, qui le font ressembler à un joueur obsessionnel, proche de la démence au point d'avoir entamé une quête absurde sur le secret du parc, le jeu dans le jeu. Lorsqu'on apprend qui est ce pistolero sadique, son odyssée devient vertigineuse, et la mise en scène qui accompagne cette révélation est une des plus stupéfiantes que vous verrez - ou comment figurer une ellipse de trente-cinq ans d'un plan au suivant.

Il peut s'agir aussi de sonder le parc lui-même et, là, Westworld renvoie à bien des interprétations concrètes ou conceptuelles. Il y a effectivement ce qui se passe en surface et que nous voyons, dans ce décor de western, puis il y a ce qui se passe en dessous, avec la maintenance des androïdes, la salle de contrôle des animations du parc, les bureaux des scénaristes, administrateurs, les labos des programmateurs, les quartiers des cadres et du co-fondateur. Plus abstraitement, ces niveaux représentent l'équivalent des jeux en immersion qu'on pratique sur console, ordinateur ou avec des casques de réalité virtuelle. Là aussi se pose la question de savoir ce qui est vrai de ce qui est faux, et l'interrogation est plus intense selon le temps passé à jouer ou même selon ce qu'on vient chercher et qu'on trouve dans le parc. William en fait l'expérience instantanée en tombant amoureux de Dolores et en niant longtemps qu'elle est une "hôtesse".

Mais, le plus fascinant, peut-être, c'est l'effet-miroir qui se produit entre la série et sa fabrication même, la fabrication d'un spectacle. Westworld est d'abord et avant toute chose une fiction sur l'interactivité et l'addiction. Rien ne manque à l'appel pour nous le rappeler : les androïdes qui sont violentés puis remis en condition sont les instruments d'un game over permanent, les narrations de Lee Sizemore et Robert Ford sont des boucles scénaristiques avec quelques subtiles modulations, les expériences traversées par les "visiteurs" sont de plus en plus réalistes afin de brouiller leurs repères. Et même les "bugs" qui affectent les machines, les niveaux cachés, sont pris en compte pour pimenter les attractions (ce qui provoquent l'opposition entre Sizemore et Ford, puis Ford et Cullen, puis Ford et Hale).

On monte d'un cran encore (le dernier palier atteint dans cette première saison) quand, donc, les "hôtes" prennent eux-mêmes conscience d'être des jouets et veulent s'affranchir. Le discours se fait alors politique, les robots devenant des répliques d'esclaves jetées en pâture à des clients toujours plus dépravés et livrées à eux par des concepteurs-programmateurs visant un rendement maximum, satisfaisant les plus bas instincts des consommateurs - ou préparant une révolution émancipatrice secrète, comme Ford l'avoue à la fin.

Tout cela est en définitive une autre sorte de jeu (le jeu dans le jeu dans le jeu), qui nous enseignent les règles de la narration en général, pas seulement pour le parc, mais pour les histoires telles que les raconte Hollywood, à mi-chemin entre l'industrie et l'art. Le parc est un symbole de cette industrie, il offre des attractions extraordinaires, des sensations extrêmes, mais visent aussi d'énormes profits pour être rentable et se développer (Ford est montré en train de préparer des extensions mystérieuses). Et la série nous montre justement ce que cela représente de créer et d'animer une pareille attraction, à l'image du tournage lui-même avec une équipe technique et créative énorme, la confection de costumes, d'accessoires, la préparation de la réalisation, la maintenance, la sécurité, le développement, le financement, le retour sur investissement, la promotion...

A partir de ces données mises à notre disposition via la fiction, on découvre de manière ludique mais féroce, divertissante et complexe à la fois, le compromis nécessaire, incontournable entre les intérêts de la production (le conseil d'administration de la compagnie qui possède le parc/la chaîne de télé qui paie le show) et de ses créateurs (scénaristes-réalisateurs-directeurs artistiques - résumés ici par Ford, le "père" des robots). En entrant dans le "Westworld", vous pénétrez aussi, pour ainsi dire, dans le siège d'une chaîne de télé, avec ses studios de tournage, ses auteurs, ses acteurs qui reproduisent une réalité en la travestissant. Et une fois passée ce rideau, la question demeure de qui créé quoi - de l'auteur qui propose au producteur qui dispose au téléspectateur qui sanctionne et même s'approprie en échafaudant des théories pour la suite. Une mise en abyme captivante.

Pour nous accompagner dans cette spirale philosophique, nous sommes bien accompagnés car la série affiche un casting au luxe insensé : Anthony Hopkins, Ed Harris, Jeffrey Wright, James Marsden, Sidse Babett Knudsen, Thandie Newton, Tessa Thompson... Mais s'il ne fallait en retenir qu'une, ce serait sans doute Evan Rachel Wood dont la composition est d'une justesse, d'une précision chirurgicale telle qu'elle nous ferait croire qu'elle est une androïde. 

Il paraît difficile de croire qu'après un premier acte aussi époustouflant, Westworld ne sombre pas dans sa deuxième saison. Pourtant, croyez-le bien, les dix prochains épisodes (dont je vous parlerai au plus tôt) sont encore plus fous, plus riches, plus sensationnels. Ce n'est que le début de la quête au "sens de ces violents délices" (dixit l'Homme en Noir citant Shakespeare)...     

mardi 26 juin 2018

SKYWARD #3, de Joe Henderson et Lee Garbett


Dernier titre sorti la semaine dernière (qui aura donc été bien fourni en publications), ce troisième épisode de Skyward confirme la bonne santé du duo Joe Henderson-Lee Garbett dans cette histoire littéralement renversante. L'intrigue continue sa progression avec une tension croissante et exploite à merveille son postulat.


Roger Barrow discute avec Willa Fowler de ses affaires et des intérêts divergents qui l'ont éloigné de son ami Nate, le père de la jeune femme. Pensant d'abord qu'elle est venue à lui pour lui demander de l'argent afin de voyager, il comprend ensuite qu'elle compte sur son aide pour soutenir moralement son ancien partenaire.


Barrow actionne alors un mécanisme qui cloue littéralement sur place Willa et se met à la frapper pour qu'elle lui révèle l'adresse de son père. Mais la jeune femme résiste, d'abord parce qu'elle ne comprend pas ce revirement et ensuite pour gagner du temps.


Elle riposte en assénant un coup de tête à Barrow, qui lui casse le nez, et pousse un garde du corps à intervenir. Utilisant une matraque électrique, il démagnétise les chaussures de Willa en la touchant et elle en profite pour se déchausser et fuir.


La sortie étant gardée par des hommes en armes, elle doit trouver une autre issue. C'est alors qu'elle remarque son amie Joan, qui fait partie du personnel d'entretien de l'immeuble. Cachée dans une poubelle, Willa atteint, non sans mal, le toit où elle échappe à la sécurité en faisant croire qu'elle tient Joan en otage et n'hésitera pas à la tuer.


Willa se dépêche de rentrer chez son père mais découvre en y arrivant que son appartement a été mis à sac et que Nate a disparu...

Il n'y a pas de secrets pour écrire une bonne histoire : il faut à la fois que chaque épisode de la série fasse avancer l'intrigue et que les nouveaux éléments mis à disposition du lecteur soient clairs. Ces deux conditions réunies sont le minimum pour accrocher l'attention et assurer un divertissement efficace. Tout le reste - originalité du contexte, de la caractérisation des personnages, soin donné à la rédaction et à la narration - est du bonus.

Skyward a beau être la première oeuvre de son scénariste Joe Henderson, elle coche les bonnes cases sans chercher à se faire plus maline qu'elle n'est. Par conséquent, le fond et la forme du récit ne peuvent que souligner ses qualités.

Le script souligne la vilenie de Roger Barrow qui tombe rapidement le masque en s'isolant avec Willa pour tenter de lui soutirer des informations sur son père dont les recherches menacent son business. La violence dont il use le rend vraiment antipathique et on souffre pour Willa. Mais la jeune femme a des ressources comme elle l'a déjà prouvé auparavant (voir la scène où elle se fait braquer dans le #1) et se sort de ce mauvais pas avec jugeote.

Les trois quarts de l'épisode sont consacrés à sa fuite, ou plutôt son évasion du building où elle a rencontré Barrow. Henderson fait preuve d'imagination pour exploiter ce décor et les aléas rencontrés par son héroïne et Lee Garbett rend le tout très lisible et vivant.

Malgré la charge dramatique de la séquence, ses rebondissements, ses obstacles, le dessinateur s'emploie à garder une certaine légèreté au propre comme au figuré : jamais Willa ne se décourage, et le soutien que lui apporte Joan est déterminant. Mais surtout l'itinéraire emprunté pour sortir de ce piège devient plus spectaculaire du fait que la gravité est nulle et permet des acrobaties. Avec un sens du détail comique bien senti (comme lorsque Willa surgit du panier à linge avec un soutien-gorge sur la tête alors qu'elle doit menacer Joan) et une expressivité proche du cartoon, le regard est toujours sollicité tout en n'étant pas parasité.

L'épisode se solde sur un cliffhanger efficace qui donne envie d'être au rendez-vous dans un mois : Skyward a du potentiel avec son héroïne dégourdie et son univers retourné, et son duo créatif a du ressort. Sky's the limit !  

lundi 25 juin 2018

DAREDEVIL #604, de Charles Soule et Mike Henderson


Fin de cet arc (même si l'intrigue n'est pas dénouée et va donc se poursuivre) avec cet épisode, qui est également le dernier dessiné par Mike Henderson (remplacé le mois prochain par Phil Noto) : Charles Soule lâche (un peu trop) les chevaux mais confirme qu'avec lui, Daredevil part dans des directions imprévisibles.


Le Père Jordan guérit Matt du gaz empoisonné lâché par la Bête sur New York. Puis il lui explique appartenir à une très ancienne organisation secrète, l'Ordre du Dragon, dont les soldats se déploient actuellement en ville pour affronter les ninjas de la Main comme d'autres menaces jadis.


Matt se rend au poste de sécurité de la Mairie où le commissaire Karnik lui dresse un bilan de la situation. Elle a localisé le point d'émission du gaz, donc le repaire de la Bête. Matt décide d'y envoyer Daredevil.


Foggy couvre une nouvelle fois les arrières de Matt qui, accompagné d'une vingtaine de soldats de l'Ordre du Dragon, fond sur la planque de la Bête. Blindspot est resté à la Mairie avec Karnik tout en se tenant prêt à rejoindre Daredevil.


Daredevil attaque la Bête mais elle réussit à lui échapper pour mieux l'attirer dans un nouveau piège à l'extérieur. Entourée de sa garde rapprochée, la créature attend les membres de l'Ordre du Dragon dans le traquenard qu'elle leur a tendus. Les ninjas décochent une pluie de flèches enflammées sur leurs ennemis.


Cependant, à la Mairie, Foggy, dans l'attente de nouvelles du front, voit revenir de l'hôpital, encore mal en point mais combatif, Wilson Fisk qui réclame qu'on lui rende son fauteuil d'élu...

La qualité première de Charles Soule est aussi son premier défaut : il ose tout, même la plus énorme astuce de dernière minute pour relancer son récit et laisser entrevoir une issue à la situation infernale qu'il a développée. Encore que rien ne soit résolu quand on ferme ce nouvel épisode : au contraire même, Daredevil s'est jeté dans la gueule du loup et l'ogre Wilson Fisk revient quasiment d'entre les morts.

Mais il y a dans ce culot affiché et assumé quelque chose d'électrisant car on a rarement lu ça dans cette série. Bien entendu, ce n'est pas subtil et les ingrédients de la recette ne promettent pas un grand plat. Toutefois on ne s'ennuie vraiment pas entre un prêtre qui révèle être le membre d'une société secrète de soldats, des ninjas commandés par un monstre, et le Caïd qui resurgit encore transfusé dans son pyjama d'hôpital.

Soule semble se (nous) dire que plus c'est gros, plus ça passe, et pour que ça passe, il faut y aller à fin fond les grelots. Si on n'est pas trop exigeant, ça marche effectivement : c'est con mais c'est bon, ça ne ressemble ni à du Frank Miller, ni à du Ann Nocenti, ni à du Bendis, Brubaker, Waid. Daredevil a mué en une série d'aventures abracadabrantesques dont le principe même garantit que le lecteur y adhérera ou la rejettera totalement. Si vous voulez du divertissement et rien que ça, cette version de l'Homme sans Peur est faite pour vous. Personnellement, ça m'amuse, même si j'espère qu'après la fin de cette intrigue, Soule va quand même un peu lever le pied sur le délire.

Un qui lève le pied à partir de ce numéro, c'est le dessinateur Mike Henderson dont la prestation s'achève là et qui ne laissera pas un grand souvenir. Il assure gentiment sans avoir à rougir, mais sans avoir fait oublier ni Garney ni Sudzuka. Son successeur est nettement plus expérimenté puisque c'est Phil Noto qui officiera le mois prochain sur un personnage qu'il n'a jamais touché mais auquel son style devrait bien convenir (il a en tout cas prouvé sa compétence avec une héroïne proche de DD sur la série Black Widow quand Nathan Edmondson l'écrivait, juste avant Waid et Samnee).

Hirsute, inégal, mais dépaysant et imprévisible. Avec en prime, ne l'oublions pas, une nouvelle fantastique couverture de Chris Sprouse !

DOCTOR STRANGE #2, de Mark Waid et Jesus Saiz


Alors que je pensais le titre mensuel, il semblerait qu'il soit ou bimensuel ou publié à raison de dix-huit numéros par an : en tout cas, Marvel mise gros sur cette relance de Doctor Strange par Mark Waid et Jesus Saiz. Et je ne vais pas m'en plaindre après avoir beaucoup apprécié le premier épisode. On avait laissé le sorcier sans pouvoir en périlleuse situation et celle-ci va progresser de manière inattendue et rapide...


Strange est incarcéré et soumis à des expériences sur la planète Grynda depuis 73 jours, après s'y être crashé. Mais, bientôt, il doit partager sa cellule avec une "arcanologiste" au nom imprononçable résumé en Kanna, qui a enfreint plusieurs lois locales.
  

Passionnée par les reliques magiques dans un monde régi par la science et la tehnologie, Kanna décrit à Strange l'objet qu'elle a été surprise en train de voler dans une grotte et il l'identifie comme l'Oeil de Basphorus, si puissant qu'il peut faire de son détenteur l'égal d'un dieu.


Par la ruse, en utilisant le traducteur universel implanté sur lui, Strange leurre un gardien et s'évade avec Kanna. Evitant les autorités lancés à leurs trousses, ils en profitent pour récupérer l'Oeil de Basphorus et gagner le vaisseau réparé de Strange.


En constatant que l'appareil a été retapé, Strange en déduit que les expériences qu'il a subies ont permis aux élites de Grynda d'apprendre l'existence de la Terre et de concevoir des vaisseaux pour l'envahir. Il doit empêcher cela alors que Kanna est déjà en train de décoller.


L'adrénaline permet à Strange d'activer la magie de l'Oeil de Basphorus et d'envelopper Grynda d'un voile qui empêchera tous ses vaisseaux de la quitter. Mais l'évasion n'est pas passée inaperçue : ailleurs, on la signale à quelqu'un qui ordonne des représailles contre les fugitifs...

Mark Waid ne cherche pas, c'est maintenant évident, à renouveler les thèmes associés aux aventures récentes de Dr. Strange - en effet, il a déjà plusieurs fois perdu ses pouvoirs et les a récupérés d'une manière ou d'une autre. En revanche, comme dans Daredevil ou Captain America, ce qui distingue l'effort du scénariste, c'est la manière dont il va mettre cela en scène.

Dans le premier épisode comme dans celui-ci (et donc, logiquement, dans la suite), la voix-off est très présente pour assurer la narration à la troisième personne du singulier et au passé. Strange est nommé "le magicien" et son périple conté comme une série d'obstacles, d'épreuves, d'étapes, au cours de laquelle il apprend davantage. On revient à l'idée d'un homme qui n'a jamais cessé d'être un étudiant, mais cette fois dans le cadre d'un voyage spatial.

Cette façon de raconter fait penser à un conte, presque un poème antique, et on imagine fort bien que les prochains numéros seront autant de couplets dans un long chant, à la manière de L'Odyssée d'Homère : ce n'est pas inapproprié puisque dans ces récits mythologiques, on trouve quantité de magiciens, de créatures étranges, de dangers surnaturels, semblables à ceux d'un trip sidéral.

La fluidité avec laquelle Waid applique ce procédé à la série est en tout cas séduisante et prenante, et compense donc le peu d'originalité du postulat.

Un des craintes que j'émettais dans ma précédente critique était de savoir, quel que soit le rythme de parution, si Jesus Saiz parviendrait à tenir les délais avec la technique d'illustration qu'il a choisie - des couleurs directes mais avec un dessin sur tablette. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions mais ce deuxième épisode est aussi beau que le premier, avec un rendu des textures et des lumières saisissants.

Le découpage est sage, mais Saiz a compris que le script était suffisamment ouvragé pour ne pas en rajouter. Quand il s'autorise une pleine page, c'est pour un effet spectaculaire justifié (lorsque Strange libère le pouvoir de l'Oeil de Basphorus et enveloppe Grynda d'un voile qui empêche ses vaisseaux de guerre de quitter la planète). Surtout, le dessinateur espagnol insiste sur l'expressivité des personnages et même si ses extraterrestres sont humanoïdes, il soigne leur design pour les rendre assez exotiques.

Le sorcier n'a pas encore récupéré son titre, mais sa série est entre de bonnes mains et sa lecture est vraiment plaisante et accrocheuse. Une production qui ne fait peut-être pas de bruit mais qui gagne non seulement à être suivie mais recommandée.

TONY STARK : IRON MAN #1, de Dan Slott et Valerio Schiti


On m'aurait dit : "Iron Man par Dan Slott, tu vas adorer !" que  j'aurai ri au nez de ce prescripteur... Sauf que j'aurai eu tort ! Car, figurez-vous que, non seulement, j'ai effectivement adoré ce premier épisode mais que c'est sans doute le relaunch de l'ère "Fresh Start" de Marvel que j'ai certainement préféré jusqu'à présent. Et comme Valerio Schiti est de la partie, ça ne gâche rien. 


Il y a vingt-cinq ans, lors d'un concours de robotique, le jeune Tony Stark humilait un concurrent adulte, Andy Bhang. Aujourd'hui, ce dernier continue de concevoir des équipements, depuis son garage. Stark resurgit en lui annonçant qu'il vient de racheter sa petite entreprise et lui proposer un boulot au sein de Stark Unlimited.


Andy découvre, éberlué, la société et les laboratoires high-tech de Stark qui lui fait néanmoins passer un test pour que lui et Jocaste, l'androïde responsable des questions éthiques, estiment son niveau de compétence. L'essai n'est pas concluant mais une alerte retentit : Iron Man est sollicité.
  

Le lézard géant Fin Fang Foom surgit de l'Hudson River et s'apprête à dévaster New York. Iron Man a préparé une nouvelle armure pour ce genre de menace et il va la jauger en situation. Mais la créature est coriace et l'endommage vite. Le héros s'en extirpe rapidement et change de tactique.


Puisque l'attaque maximum directe n'a pas fonctionné, il injecte dans le corps de Fin Fang Foom des nano-Iron Man avec lesquels il atteint le cerveau de la bête. Mais des anti-corps veillent. Bhang a alors l'idée qui va permettre au héros de s'en sortir sans tuer son adversaire.


A l'infirmerie, Tony débriefe le combat en compagnie de ses amis James "Rhodey" Rhodes, qui a repris son poste dans l'armée, et Bethany Case, la chef de la sécurité de Stark Unlimited. Celle-ci lui signale que, durant la bataille, quelqu'un a tenté de pirater les données de l'immeuble. Stark lui confie l'enquête puis se rend à une conférence de presse où il présente Bhang mais surtout son nouveau concept en tant qu'Iron Man : plus qu'un héros, une idée, à partager pour le bien commun.

Variant cover (magnifique) par David Aja.

Je ne vais pas revenir sur les raisons qui ne me font pas apprécier en général les travaux et la personnalité de Dan Slott (je l'ai déjà fait en parlant de ses épisodes d'Amazing Spider-Man, dessinés par Stuart Immonen). Aussi n'attendais-je rien de sa reprise en main d'Iron Man après le run de Bendis (que j'ai zappé). Simplement, me disais-je, ce ne sera pas encore pour cette fois que je lirai les aventures de "Tête de fer".

Puis j'appris qu'il ferait équipe avec le dessinateur italien Valerio Schiti pour cette relance, et, là, j'étais plus embêté car j'adore cet artiste, qui s'est révélé avec les Guardians of the Galaxy de Bendis (encore). Pourquoi ne pas, au moins, alors, ne pas y jeter un oeil ?

Après, vous savez comment ça se passe, on lit une page, puis une autre... La lecture devient enthousiasmante au point que vous dévorez littéralement l'épisode, et vous refermez votre fascicule en constatant que vous avez trouvé ça jubilatoire. Tant pis pour moi, ou bien fait : Dan Slott a gagné la partie.

Tony Stark : Iron Man est un numéro 1 parfait : c'est drôle, c'est bourré d'action, l'histoire se tient toute seule comme un one-shot (même s'il y a une scène "post-générique de fin" avec un "à suivre"). Je vois mal comment on peut y résister. D'ailleurs, pourquoi y résister ?

En vérité, avec un peu de recul, on pourrait facilement affirmer que Slott était fait pour écrire cette série, ce personnage puisque, dans Amazing Spider-Man (particulièrement ses derniers épisodes), il avait fait de Peter Parker un chef d'entreprise à la tête d'un empire et un philanthrope. Mais, in fine, la situation avait tourné au cauchemar (durant les épisodes tie-in à Secret Empire) et Spider-Man était redevenu le "friendly neighbourhood" plus familier des lecteurs, prêt à être livré à Nick Spencer, le successeur de Slott après dix ans sur le titre (et un nombre record d'issues écrites puisque parues à un rythme majoritairement bimensuel).

Avec Tony Stark, Slott peut faire tout ce qu'il veut, sans devoir revenir au héros du quartier qu'est Spider-Man, et il ne s'en prive pas : c'est un milliardaire suffisant, sarcastique, mais qui l'assume tellement qu'il en devient presque cool. Démonstration grand format avec un combat contre Fin Fang Foom... Où Iron Man a la sagesse quand même de s'appuyer sur son équipe technique - Jocaste, Rhodey, Bethany Case, et Andy Bhang - , un petite révolution pour le playboy qui se la joue souvent en solo.   

Valerio Schiti est parfait pour mettre en images le script lancé à toute allure par Slott : on pouvait craindre que dessiner un type en armure et masque intégral soit du gâchis pour un artiste qui se distingue par l'expressivité de ses personnages et le dynamisme de ses découpages, mais l'italien s'adapte magistralement à la commande et anime le héros avec une tonicité comme peu l'ont fait avant lui (depuis Romita Jr. ?).

Il apporte aussi sa touche, discrète, mais sympathique : Stark ne porte plus de bouc mais seulement une fine moustache comme à l'origine, ce qui lui rend cet air d'Erroll Flynn et ce charme de canaille irrésistible. Robert Downey Jr. n'a plus qu'à aller chez le barbier s'il veut continuer à incarner Iron Man en ayant l'air aussi classe. Et les seconds rôles sont tous bien campés, en particulier Jocaste à laquelle Schiti donne un côté sexy étonnant. Quant à Fin Fang Foom, il le représente comme un véritable hommage à Immonen dans Nextwave (Schiti a déclaré tout ce qu'il devait à son confrère canadien quand, récemment, ce dernier a annoncé se retirer pour un moment des comics).

Il n'est jamais difficile d'aimer et de parler d'une BD quand elle vous procure ce sentiment grisant d'être diverti avec les talents combinés d'un scénariste inspiré et d'un dessinateur remarquable. Il va falloir désormais maintenir ce niveau, mais un tel départ rend confiant. 

dimanche 24 juin 2018

BATWOMAN #16, de Marguerite Bennett et Fernando Blanco


Pour ce dernier épisode de l'arc The Fall of the house of Kane, Marguerite Bennett orchestre un face-à-face entre Batwoman et Batman, qui trouve aussi des racines dans la série Detective Comics écrite par James Tynion IV. Fernando Blanco est au taquet. Et Alice au milieu. Autrement dit : ça va chauffer !


Batman est sur le point d'arrêter Alice pour l'envoyer à l'asile d'Arkham. Mais Batwoman lui demande de la s'occuper de sa soeur, convaincue qu'elle peut l'aider à recouvrer sa personnalité. Alice profite de la confusion pour fuir.


Batman la prend en chasse dans le building des entreprises Kane. Batwoman tente encore de raisonner son mentor, en vain. Elle prend alors le parti de sauver Alice, coûte que coûte, et l'embarque dans une folle course à moto dans le bâtiment.


Mais Batman ne lâche rien et réussit à écarter Batwoman et récupérer Alice. Batwoman riposte, d'abord par la force, pour gagner du temps, puis par la ruse en utilisant ce qu'elle pense être la seule vraie faiblesse du dark knight : un enregistrement des détonations du pistolet qui a servi à tuer ses parents.
   

Troublé, Batman accepte de laisser Alice à Batwoman. Mais il prévient cette dernière, fermement, que c'est sa dernière chance : après avoir tué Clayface et sauvé sa soeur, une troisième infraction l'obligerait à la chasser de Gotham en lui interdisant de conserver le nom de Batwoman.


Batwoman enlace Alice, consciente de la responsabilité qu'elle prend mais surtout que sa soeur l'a poussée dans cette voie périlleuse.

Précisons d'abord que l'épisode est accessible sans connaître les références à Detective Comics qu'il contient. Mais néanmoins, il est utile de savoir que James Tynion IV a écrit un arc narratif dans lequel Clayface perd le contrôle de ses pouvoirs et menace à nouveau des civils innocents. Contre l'avis de Batman et de ses partenaires, Batwoman prend la décision d'abattre Clayface. Ce choix entraîne une forme de procès, auquel elle ne se rend pas, mais pour lequel Batman demande conseil auprès de ses fidèles (Robin, Batgirl, Nightwing, Red Hood...). Au bout du compte, Batwoman est exclue de l'équipe.

Marguerite Bennett a donc dû composer avec l'histoire de son confrère, par ailleurs son ancien co-scénariste au début de la série Batwoman. On mesure, en comparant la manière de chacun de caractériser l'héroïne, la différence de ton : pour Tynion IV, Kate Kane est d'abord un soldat et elle agit en conséquence, sans états d'âme, pour sauver des vies quitte à sacrifier celle d'un acolyte ; pour Bennett, c'est plus nuancée puisqu'elle a toujours obéi à Batman pour lequel elle est en mission. Il y a donc une contradiction évidente entre d'un côté une héroïne qui commet l'irréparable en refusant l'autorité de son chef et de l'autre, la même qui est son agent.

Pour rendre ces deux facettes compatibles malgré tout, la scénariste installe Batwoman au coeur d'un dilemme encore plus cornélien puisqu'elle veut sauver sa soeur de Batman qui estime que sa place est dans un asile pour criminels. Il ne s'agit pas de tuer Batman pour tirer Alice de cette détention, mais, comme Kate tente de l'expliquer, de faire admettre à son cousin que Beth Kane est aussi de sa famille. Elle joue sur la corde sensible tout en paraissant honnêtement persuadée que Beth peut prendre le dessus sur Alice.

Marguerite Bennett est habile : elle sait que l'attitude de Batwoman n'est pas objective, et même peu défendable. Aussi concentre-t-elle l'essentiel de l'épisode sur Batman - un Batman taiseux, déterminé, sans indulgence, ce qui fait qu'il n'attire guère la sympathie et, donc, par ricochet, nous rend Batwoman plus humaine. Néanmoins, elle gagne en employant un subterfuge assez bas (rappeler à Bruce Wayne son pire souvenir) et la conclusion de l'épisode souligne bien l'ambiguïté de cette victoire, chargeant d'une lourde responsabilité l'héroïne et donnant à Alice le gain de la partie (elle échappe à Batman, à l'asile, et elle accable sa soeur). C'est très finement joué.

Fernando Blanco a de l'espace pour scénographier beaucoup d'action et sa maîtrise du découpage fait une nouvelle fois merveille. Comme il nous en a donnés l'habitude, il produit notamment une somptueuse double page (voir ci-dessus) avec une cascade et une vraie tension.

Mais surtout, ce qui séduit, c'est sa manière de ménager les temps forts de ceux où l'action fait une pause. Les deux tiers de l'épisode sont intenses, explosifs, et opposent l'expérience et l'obstination de Batman à la résolution désespérée de Batwoman, dont on sait qu'elle ne peut l'emporter physiquement. Puis dans le dernier tiers, le dialogue prend l'avantage et, malgré cela, Blanco maintient le lecteur sous pression (que va faire Batman ?). Les dernières pages montrent les personnages dans des plans larges, isolés, séparés, leur rupture consommée, ponctuées de rares gros plans insondables. Dans ces moments-là, les masques qu'ils portent sont des caches ineffectifs contre les sentiments exprimés et les fossés creusés : Kate Kane parle à Bruce Wayne de Beth, ce ne sont plus deux super-héros mais trois cousins qui comprennent que le Rubicon a été franchi.

Il reste désormais deux épisodes à Marguerite Bennett et Fernando Blanco pour terminer leur superbe run. C'est une autre triste perspective de savoir que cette série va s'interrompre en ayant redoré si bien le blason de Batwoman...