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samedi 20 août 2022

NEW MUTANTS #28, de Vita Ayala, Rod Reis et Jan Duursema


New Mutants #28 marque la fin de l'arc sur la passation de pouvoir dans les Limbes. Vita Ayala s'est montrée plus inégale avec cette histoire mais conclut en beauté : avec cette scénariste, les choses bougent vraiment. Rod Reis et (un peu) Jan Duurseema l'accompagnent superbement, tandis que les mois prochains l'équipe créative sur la série va changer.


Las d'être obligés de se cacher, Magik, Mirage, Colossus, Felina et Madelyne Prior décident de lancer un ultime assaut contre le château de S'ym, convaincus qu'il agit pour le compte qu'un maître.


Mais une fois à l'intérieur, une surprise attend les mutants car, une fois S'ym écarté, Magik se trouve confrontée à une nouvelle version inédite d'elle-même : la reine Ilyana.


Elles s'affrontent et Magik, en difficulté, ne doit son salut qu'à l'intervention de Madelyne.  Il est temps pour Magik de changer d'apparence et de transmettre le flambeau comme promis.


De retour à Krakoa, Colossus rejoint sa soeur et s'excuse de n'avoir pas été suffisamment là pour elle. Ils conviennent de laisser ça derrière eux et de réunir pour être plus forts, ensemble.

Après l'arc narratif très long sur le Roi d'Ombre, Vita Ayala avait à coeur de se pencher sur le cas d'Ilyana Rasputin, sans doute parce qu'elle savait que le personnage de Magik allait lui échapper avec son intégration au sein de X-Men lors du Hellfire Gala 2022.

C'est donc un épisode d'adieu, mais la scénariste ne fait pas mine de s'en formaliser. Vita Ayala a cette qualité rare d'aimer que les choses bougent dans la série New Mutants, et elle fait en sorte que ses histoires aboutissent à des changements réels pour ses personnages.

Cela tombe bien avec Magik, mutante dont l'évolution a été fréquente depuis sa création dans les années 80. La petite soeur de Colossus, son "flocon de neige", est passée par tout un tas de phases : petite fille, adolescente, jeune femme, magicienne, démon, guerrière. N'oublions jamais que Chris Claremont voulait au départ que les Nouveaux Mutants succèdent un jour aux X-Men (un peu comme chez DC, les Teen Titans auraient dû remplacer leurs mentors au sein de la Justice League).

Dans l'ère de Krakoa initiée par Hickman, la position des Nouveaux Mutants a connu une modification notable en devenant la classe intermédiaire entre le conseil (le gouvernement de la "mutanité"), les champions de la Nation X (les X-Men) et les jeunes mutants (dont personne ne savait bien quoi faire mais qu'ils fallaient animer malgré tout puisqu'ils peuplent l'île). Mirage, Felina, Magik, Warpath, Karma devinrent donc des professeurs-formateurs pour les jeunes mutants, ceux qui éduquaient la jeunesse mutante.

Depuis trois mois, Vita Ayala s'est engagée dans un arc narratif centré sur Magik en imaginant qu'elle voulait passer la main sur le royaume des Limbes où elle fut longtemps captive de Belasco et où ses pouvoirs se révélèrent. Mais ce passé restait douloureux pour elle et motivait sa décision de confier les rênes  à Madelyn Prior/ Goblin Queen, un choix controversé et dscuté par ses amis proches, Mirage et Felina. En effet, Madelyne, récemment ressucité, a par le passé été l'instrument de vilains, comme Mr. Sinistre et le démon N'astirh, devenant de facto une ennemis des  mutants - même si elle fut aussi un des graands amours de Havok.

Mais Madelyne est aussi une grande magicienne, une femme à poigne, une survivante, autant de traits qu'elle partage avec Magik et qui explique le plan de cette dernière. De toute manière, Vita Ayala souligne à maintes reprises le traumatisme encore fort du séjour dans les Lîmbes de Magik et sa volonté de tourner la page, comme pour ouvrir un nouveau chapitre dans son existence, ne plus être réduite à la rescapée de cet enfer.

Cet épisode met tout cela en lumière et en application : avec ses alliées et son frère, Magik se lance dans une attaque de la dernière chance contre le château même dont elle avait fait sa place forte. Elle y est confrontée à une nouvelle version d'elle-même (après un double plus âgé, un autre encore enfant, cette fois face à une Ilyana adulte et reine). A l'issue de cet affrontement, c'est aussi son apparence qui change et on découvre ce "nouveau look pour une nouvelle vie" de Magik, très doré (et donc la paternité semble revenir à Rod Reis, même si Marvel a d'abord semblé attribuer ce redesign à Russel Dauterman).

Rod Reis change son style dans cet épisode, délaissant quelque peu les effets infographiques et les couleurs saturées, pour un trait plus encré et brut. Le découpage est aussi moins fou, plus direct. On est dans de l'action pure, un domaine où l'artiste s'illustre peu mais qui lui va pourtant bien comme en témoigne la mise en images du duel entre Magik et la Reiene Ilyana, avec des cases parcourues de lignes de vitesse et aux cadres tangents.

Si c'est bien qui a relooké Magik, alors son design fait sens, plus lumineux il traduit une sorte de paix atteinte par le personnage sans sacrifier des éléments familiers comme des parties métalliques, extensions physiques de la magie, et une nouvelle "soulsword", moins massive que celle que lui avait donné Chris Bachalo dans les Uncanny X-Men de Brian Bendis. Adieu donc la tenue noire en cuir très sexy et iconique de cette époque, que j'aimais beaucoup - et d'ailleurs on remarquera que ce story arc, censé se passer avant Judgment Day, n'a pas été suivi par Gerry Duggan et CF Villa dans X-Men #13 où Magik arbore encore son ancien costume. Un raté éditorial pas bien grave mais disons maladroit.

Enfin, la conclusion de l'épisode réserve un beau moment entre Magik et Colossus. Y sont évoqués les pertes de mémoire de Piotr (référence à ce qu'il lui est arrivé dans X-Force, où il a été manipulé mentalement par son frère Mikhail), son éloignement d'avec sa soeur, et la résilience de celle-ci, qui préfère aller de l'avant et pardonner, car cela fait partie de sa reconstruction. Découpée très sobrement, avec des dialogues justes, la scène est émouvante.

Comme je le disais plus haut, Vita Ayala et Rod Reis passent la main dans les prochains mois (en espérant qu'ils reviendront) : le #29 sera un one-shot avec Warpath et Daken écrit par Danny Lore et dessiné par Guillermo Sanna, le #30 sera un épisode spécial pour célébrer les trente ans du titre avec plusieurs auteurs et artistes, puis on aura droit à un arc en trois parties écrit par Charlie Jane Anders et co-dessiné par Ted Brandt et Alberto Albuqerque sur des jeunes mutants méconnus. Logiquement, Ayala et Reis devraient donc ne revenir pour une nouvelle histoire qu'en Janvier 2023.

samedi 16 juillet 2022

NEW MUTANTS #27, de Vita Ayala et Rod Reis avec Jan Duursema


Cette semaine aura été fournie en publications mutantes et c'est au tour de New Mutants #27 d'être examiné. Vita Ayala poursuit son arc dans les Limbes, mais il faut bien admettre que la scénariste marque un peu le pas, son intrigue progresse de manière trop mécanique et symbolique pour tout à fait captiver. Rod Reis, en revanche, est toujours au top, aux côtés de Jan Duursema pour quelques pages.


Après que Felina, Mirage et Madelye Prior aient été capturées, Magik se réveille dans un champ de champignons géants. A ses côtés elle-même, encore enfant, qui lui offre son aide pour sauver ses amies.


Prisonnières d'une version alternative de Belasco surnommé le Roi Rouge, Mirage, Felina et Madelyne reçoivent l'aide de Magik et de Colossus, arraché à Krakoa.


Tandis que Colossus charge le Roi Rouge, Magik délivre Mirage, Felina et Madelyne puis vient au secours de son frère en difficulté. Elle réussit à matérialiser une nouvelle épée.


Le Roi Rouge vaincu et ses démons en fuite, Magik veut emmener Ilyana pour lui épargner ce qu'elle a vécu ici. Mais la fillette refuse et téléporte les mutants ailleurs avant que Belasco ne resurgisse...

La couverture avec le Lièvre de Mars, la forêt de champignons, le Roi Rouge, des références au Chapelier fou... Les références sont claires et assumées : Vita Ayala s'inspire beaucoup d'Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll dans ce 27ème épisode de New Mutants qui poursuit l'arc entamé dans les Limbes.

Le souci que j'ai eu avec cet épisode, mais je crois plus généralement avec cet arc narratif, c'est justement toutes ces références qui m'empêchent d'apprécier vraiment l'intrigue. En vérité, ça ne décolle pas vraiment depuis le duel entre Magik et S'ym et la cassure de l'Epee de l'Âme.

Vita Ayala est une excellente conteuse, mais il le semble qu'elle se fourvoie dans ce récit où elle ne parvient pas à captiver autant que pour sa saga du Roi d'Ombre. Pourtant le postulat était prometteur avec la volonté de Magik de transmettre son trône à la Goblin Queen Madelyne Prior et la perspective d'une aventure agitée dans les Limbes avec Mirage et Felina. Seulement la sauce ne prend pas vraiment, pas autant que prévu.

Ce qui faisait la force de Ayala sur la saga du Roi d'Ombre, c'était son utilisation du casting, la caractérisation des personnages, connus ou méconnus, leurs relations, et la présence d'un ennemi vraiment inquiétant. Toutes choses absentes dans cette histoire de Limbes et de passation de pouvoir. Belasco est invisible et les péripéties qui jalonnent le parcours des héroïnes manquent de tension, de rythme. Ce qui était une impression jusque-là diffuse devient plus prégnante dans cet épisode qui concentre tout ce qui fait défaut ç ce récit.

C'est dommage et décevant car j'ai loué les mérites de Ayala, scénariste par ailleurs souvent dénigrée par de soi-disant fans qui, je crois, n'admettent surtout pas qu'une jeune auteur noire et gay écrive un titre aussi iconique que New Mutants en faisant justement la part belle aux mutantes, et à la toxicité des hommes. Ayala passe pour une scénariste "woke", ce concept stupide et fourre-tout pour désigner une attention aux minorités en même temps que le risque de réécrire l'Histoire à l'aune du combat de ce minorités. 

Pour ma part, je me fiche bien de savoir si Ayala est "woke" tant qu'elle écrit de bonnes intrigues et je sais qu'elle en est capable, c'est même une des meilleures auteurs de la franchise X en ce moment à mon avis. Mais on peut être excellent(e) et ne pas enchaîner des histoires égales en qualité. C'est ce qui semble être le cas. Ce qui incite à l'indulgence, c'est que Ayala me semble en mesure de se ressaisir parce qu'avec elle, les personnages sortent changés de ce qu'ils traversent et je pense que Magik va effectivement évoluer d'ici à la fin de cet arc (qui doit, en toute logique, se situer avant le Hellfire Gala 2022 et son intégration dans l'équipe des X-Men). Sans compter que le n°3  s'approche et que Marvel compte bien fêter à cette occasion le 40ème anniversaire du titre avec un épisode spécial, plein de guests.

Visuellement, en revanche, Rod Reis nous régale et maintient notre intérêt intact. L'artiste livre des planches magnifiques, souvent ponctuées de splash composées comme des cartes illustrées. A cette occasion, il met le hola aux effets numériques pour produire un rendu plus classique, avec des formes plus encrées, des textures hachurées, des couleurs moins vives.

Lors de ces ponctuations graphiques, les allusions à Alice au pays des merveilles sont plus appuyées et mettent en scène Ilyana Rasputin encore enfant, bravant dangers et rencontres plus amicales, avec un effort de transposition remarquable (Colossus devient un chevalier, Belasco un dragon). Quitte à reprendre le fil narratif du texte de Lewis Carroll, je pense qu'il aurait été plus judicieux de jouer la carte à fond et même d'oser quelque chose de franchement psychédélique, hallucinogène : Vita Ayala pouvait compter sur Rod Reis pour assumer cette part plus délirante.

Jan Duursema continue à livrer quelques pages situées dans le passé d'Ilyana, du temps de sa captivité dans le château de Belasco. Je trouve cela de plus en plus superflu, même si j'ose espérer qu'à la fin on comprendra à quoi ces pages ont servi (au-delà du rappel à la mini-série de 1983 Magie de Claremont et Buscema).

Un chapitre mineur pour un arc qui traîne. Rien d'accablant, mais c'est tout de même frustrant.

samedi 25 juin 2022

NEW MUTANTS #26, de Vita Ayala et Rod Reis avec Jan Duursema


La lecture de ce 26ème épisode de New Mutants, qui est aussi le deuxième chapitre du nouvel arc entamé par Vita Ayala, est spécialement intéressant à analyser après Knights of X #3. On y trouve des motifs communs, en plus du fait que les deux séries sont écrites par des femmes. Visuellement, Rod Reis enchaîne les planches de toute beauté, avec la participation sur la toute fin de Jan Duursema.
 

Les Limbes. Magik a réussi à téléporter Mirage, Felina et Madelyne Pryor loin de S'ym. Mais les quatre femmes ont abouti dans un paysage hostile et Ilyana Rasputin a perdu sa Soulsword.


Felina guide la bande jusqu'à une forteresse assaillie par des Technarques semblables à Warlock. La place est vaillamment défendue par une Ilyana plus âgée qui accueillent les filles.


Magik élabore un plan efficace mais risquée pour se défaire des ses ennemis. Ilyana défie donc en duel singulier S'ym, corrompu par les Technarques et réussit à le vaincre, écartant les démons.


Echouant toujours à matérialiser la Soulsword, Magik se voit offrir par son double âgé l'épée Warlock... Par le passé, prisonnière de Belasco, la petite Ilyana tente de délivrer Cat de l'emprise de leur geôlier...

On peut appeler le zeitgest. Ou alors un plan concerté - ce qui est plus probable quand on sait que les auteurs d'une franchise se réunissent fréquemment, en présentiel ou en distanciel, pour des réunions au sommet au cours desquels ils accordent leurs violons et établissent des intrigues pour les moins à venir.

Jonathan Hickman, quand il était la "Head of X", avait coordonné les scénaristes de cette manière avec l'editor Jordan White afin que chacun soit au courant de la manière dont il souhaitait développer l'univers mutant. On pouvait craindre qu'avec son départ tout cela parte à vau-l'eau, et d'ailleurs Hickman n'a pas été remplacé à ce poste de superviseur artistique. Certains comme Al Ewing et Gerry Duggan ont pris une autre dimension, d'autres sont arrivés comme Kieron Gillen, et les autres poursuivent leurs productions comme Benjamin Percy, Tini Howard et Vita Ayala.

Il est donc très probable que ces deux dernières, Howard et Ayala, aient compris la similarité de leurs deux projets, avec Knights of X et New Mutants. En quoi consiste-t-elle ? Les deux séries ont en commun de se dérouler hors de Krakoa et d'être menées par des héroïnes. C'est sûrement une manière simple mais habile de ne pas dépendre de ce qui se passe sur l'île mais aussi d'explorer des zones voisines (l'Outremonde, les Limbes), déjà visitées par le passé.

L'autre élément commun, c'est la notion de quête. Les Knights of X traquent le Siège Périlleux qui leur permettraient de revenir dans notre dimension mais aussi de renverser Merlin. Les New Mutants cherchent à réformer l'Enfer en plaçant sur sur son trône une nouvelle maîtresse. Mais dans les deux cas, très vite, la tâche s'avère très compliquée.

Au terme d'une bagarre aussi rapide que brutale, Magik a vu son ennemi S'ym, le bras armé de Belasco, briser la Soulsword. Elle eu le temps de téléporter ses amis ailleurs, mais pas où elle le souhaitait puisqu'elles échouent  dans une contrée hostile, au climat rigoureux et surtout Magik ne réussit pas à rematérialiser son épée. Mais ce n'est que le début des surprises pour elle, Mirage, Feline et Madelyne Pryor.

Vita Ayala a construit cet arc comme un conte, flirtant avec l'épouvante psychologique. Magik veut confier les Limbes à Medelyne car elle veut s'éloigner de cet endroit qui a à la fois fait d'elle la formidable mutante qu'elle est devenue mais aussi où elle a vécu mille tourments. Pour ne pas laisser cet endroit en de mauvaises mains, elle a désigné Madelyne Pryor pour lui succéder, malgré les réticences de Dani Moonstar et Rahne Sinclair.

Les Limbes sont l'équivalent de la forêt dans laquelle la jeune fille se perd et dont elle cherche à sortir, en traversant mille périples. De façon symbolique, elle perd vite l'instrument de pouvoir qu'elle avait (ici la Soulsword) et redevient la petite fille apeurée qu'elle fut et dont la détermination est mise à rude épreuve. L'ogre est joué par S'ym, aux trousses d'Ilyana pour le compte d'un puissant sorcier, Belasco, qui retint jadis la jeune fille dans cet enfer. Pour l'accompagner dans ce chemin de croix, elle peut compter sur des alliées (Mirage, Felina, et dans une certaine mesure Madelyne Pryor), mais va aussi faire des rencontres révélatrices, comme ici une version plus âgée d'elle-même.

Comme à son habitude, Vita Ayala écrit de façon très dense. Chaque page revêt une exceptionnelle intensité, le sort des personnages est vraiment compromis, il y a un suspense très tendu et des coups de théâtre fracassants dont l'impact ne se limitera certainement pas à ce seul épisode. C'était déjà le cas dans la saga du Roi d'Ombre, son précédent arc (même si je pense que cette nouvelle histoire sera plus courte). En tout cas, il y a une volonté affichée d'emmener Ilyana Rasputin vers un autre point de son existence et on peut parier qu'elle ralliera Krakoa vraiment changée (et que ce changement ne sera pas contenue à elle seule). De même, il y a encore la figure d'un personnage surpuissant, dominateur, manipulateur (le Roi d'Ombre hier, Belasco aujourd'hui) et la prédominace des héroïnes (mais sans jamais que cela paraisse forcé).

L'intensité susmentionnée est servie par les dessins de Rod Reis qui investit le cadre avec une puissance évocatrice épatante. Grâce à son usage des techniques mixtes (bien que dominées par l'infographie), l'artiste parvient à produire des environnements hostiles et esthétiques, ici un paysage balayé par les vents et enneigé, une forteresse perdue au milieu de nulle part et assaillie par des technarques. 

A contrario, quand il s'agit de mettre en scène l'action, Reis privilégie des fonds neutres afin que les personnages deviennent les seuls éléments retenant notre attention. Le découpage devient très épuré, avec un nombre de cases limité pour appuyer chaque mouvement et optimiser chaque coup. Le duel entre la vieille Ilyana et S'ym devient fulgurant et brutal, avec comme issue un réglement de la situation conforme à l'idée de Magik (couper la tête de l'ennemi pour provoquer la fuite de son armée).

Comme lors du n° précédent, l'épisode de clot sur un flashback quand Ilyana était captive de Belasco et apprenait les rudiments de sa magie, notamment pour gagner le soutien d'autres prisonnières du démon. Jan Duursema signe deux planches, d'un trait beaucoup plus classique que Reis, mais l'effet, sobre, éprouvé, fonctionne par contraste avec les pages plus flamboyantes qui ont précédé.

L'important reste qu'on est incapable de deviner où la suite va nous mener et c'est délectable. New Mutants conserve son excellence intacte, pour notre plus grand plaisir.

jeudi 19 mai 2022

NEW MUTANTS #25, de Vita Ayala, Rod Reis et Jan Duursema


Il s'est fait attendre, ce 25ème épisode de New Mutants (le n°24 datait de Février dernier) mais enfin le voilà ! Ce titre, un des meilleurs de la franchise X depuis sa refondation par Jonathan Hickman, a trouvé un second souffle grâce à l'écriture dense et efficace de Vita Ayala qui nous embarque dans une nouvelle aventure, toujours aux côtés de Rod Reis au dessin, avec Magik en vedette.


Les Limbes. Belasco arme S'ym d'une massue magique en prévision d'un combat imminent. Krakoa. Après s'être entraînée avec Mirage et Felina, Magik est rejointe par Madelyne Prior.


Les quatre femmes partent pour les Limbes car Magik a décidé de tourner cette page de son existence en confiant ce royaume à Madelyne. Pour formaliser cette transition, elle a rédigé un contrat.


Mais avant la signature, Mirage et Felina expriment leurs doutes, doutant de Madelyne. Pour Magik, c'est la meilleure candidate et si elle entend la méfiance de ses amies, elle croit en sa successeur.


Mais la cérémonie est intrrompue par l'attaque d'une horde de démons menée par S'ym. Magik se jette sur lui et son épée frappe la massue de son ennemie pour un résultat terrible.


Autrefois, prisonnière de Belasco, Ilyana Rasputin traîne dans la bibliothèque de son geôlier à la rechercue d'un moyen de s'évader des Limbes. Ou d'une façon de vaincre le démon...

New Mutants revient, sans être renuméroté, et c'est judicieux car Vita Ayala est toujours aux commandes de la série et entame un nouvel arc après sa longue saga sur le Roi d'Ombre. La scénariste a gagné ces privilèges par la qualité de son travail, ayant repris le titre quand il était au plus bas (commercialement et artistiquement). Mine de rien, elle a imposé New Mutants comme un des meilleurs titres de la refondation de la franchise X de Hickman.

On savait depuis un moment que la vedette de ce nouvel arc narratif serait Ilyana Rasputin alias Magik (je sais, en vf, c'est Magie, mais pour une fois je reste sur la vo, qui claque plus, à laquelle je suis plus habitué). C'est mérité car le personnage, en plus d'être charismatique, était un peu en retrait durant la saga du Roi d'Ombre, alors que dans la société krakoane elle fait partie des capitaines (responsables des forces de l'ordre).

C'est justement à l'agenda de ministre de Magik que s'intéresse Ayala : Ilyana est donc une capitaine de Krakoa, une membre fondatrice des Nouveaux Mutants, mais aussi, encore, la reine des Limbes. Encore enfant, elle fut arrachée aux siens par le démon Belasco qui dominait de royaume des enfers et où le temps s'écoule différemment de celui dans notre dimension. Absente quelques instants, elle est réapparue adolescente et dotée de pouvoirs immenses acquis aux côtés puis contre son geôlier.

Dès les premières pages, par le truchement d'une fable racontée en parallèle de son récit, Ayala insiste sur ce séjour traumatisant dans les Limbes qui a décidé Magik à tourner la page. Pour cela, elle ne compte bien entendu pas abandonner cette dimension infernale mais la confier à quel'un qu'elle juge digne du poste. Ainsi pourra-t-elle non seulement passer à autre chose, mais surtout s'occuper vraiment de l'éducation et de la formation de jeunes mutants sur Krakoa aux côtés de ses amis et remplir pleinement son rôle de capitaine de Krakoa.

Contre toute attente, et surtout contre l'avis de Mirage et Felina, Magik a souhaité que Madelyne Pryor lui succède. Celle-ci est une vieille connaissance des mutants : sosie de Jean Grey, elle fut l'amante de Cyclope, puis de Havok. Entre les bras des deux frères, devenue folle après avoir été abandonné par Scott Summers lors du retour à la vie de Jean Grey, elle a fait alliance avec le démon N'astirh et Mr. Sinistre (qui l'avait créé à partir de l'ADN de Jean Grey) pour déclencher l'Inferno (crossover de 1989). Récemment, Havok a fait pression sur Cyclope et le conseil de Krakoa pour qu'elle soit ressucitée (c'est ainsi qu'elle est le premier clone à avoir eu ce privilège).

Si son esprit semble avoir été purgé de ses mauvais penchants, Madelyne n'a toujours pas la confiance de tous, loin s'en faut. Mais sa connaissance des arts occultes et son envie de prouver qu'elle mérite une seconde chance ont convaincu Magik. Celle-ci a préparé un contrat et est sur le point de soulager Mirage et Felina lorsque des démons attaquent... Avec des conséquences dramatiques.

Vita Ayala a une écriture dense : ses épisodes sont toujours bien remplis, riches en rebondissements, avec une caractérisation approfondie, des enjeux importants. Elle n'est pas là pour faire du remplissage, chaque page, chaque chapitre compte, ça bouge, il y a des conséquences : New Mutants #25 le rappelle avec à-propos. En plus de la trame principale, il y a donc une deuxième couche, allégorique, en forme de fable, sur l'histoire d'un lutin persécuté par un démon qui trouve trois protectrices pour l'affronter. Et, à la toute fin, on a droit à un flashback sur l'enfance d'Ilyana dans les Limbes.

Pourtant, c'est fluide, captivant, jamais lourd, jamais indigeste. Ayala se distingue par une volonté affichée de raconter quelque chose de consistant, qui ne soit pas que divertissant. Elle a des projets pour ses personnages, veut les faire évoluer, leur imposer des épreuves, une adversité qui les révèle. Et elle organise tout ça au sein d'une construction tendue, intense, puissante. Avec Magik, elle tient une héroïne au potentiel énorme et on sent qu'elle a potassé le sujet, que Ilyana ne sera pas la même à la fin de cette histoire.

Par ailleurs, le succès d'Ayala s'est bâti sur sa complicité avec le dessinateur Rod Reis. Elle a trouvé en lui un artiste à sa mesure, capable d'intégrer ses exigences narratives et de les sublimer par un style très personnel, avec une influence marquée par Bill Sienkiewicz, sans doute celui qui le plus marqué la série par ses audaces formelles.

Rod Reis mixe comme d'habitude les techniques et les procédés de mise en scène. Pour la fable du lutain, il impose des pleines pages comme des tableaux tels qu'on en trouve dans des éditions illustrées de romans ou de contes. C'est déjà superbe car on peut apprécier le sens de la composition de Reis en même temps que les effets esthétiques qu'il adapte à ce niveau du récit.

Pour l'action principale, le découpage semble élaboré de manière à s'assurer que le lecteur ne sache jamais ce qui va se passer, et cette imprévisibilité visuelle est imparable. Reis passe d'une double page très nerveuse pour l'entraînement entre Magik, Mirage et Felina ou la charge des démons dans le palais de Magik, à des pages uniquement conçues avec des cases occupant toute la largeur de la bande quand il faut déployer un dialogue entre Magik et Madelyne dans la bibliothèque. Parfois, encore, il ouvre une planche par un plan d'un personnage de plein pied, sans cadre ni décor, avant d'enchaîner par des vignettes aux fonds tout aussi dépouillés mais dont la valeur insiste sur les visages, leurs expressions, pour créer un contraste saisissant.

Surtout, ce qui frappe peut-être le plus, c'est qu'entre le style de Reis et l'écriture de Ayala, on oublie qu'on est en train de lire un comic-book super-héroïque. Tout contribue à assembler les éléments narratifs, écrit comme graphique, pour banaliser l'image alors même que le look des personnages (notamment l'extravagante tenue de Madelyne) et les décors (principalement dans les Limbes) sont fantaisistes. Seul le plaisir de la lecture compte alors, nous sommes entraînés très rapidement dans une histoire où tout est raccord entre l'auteur et l'artiste, de telle sorte que le lecteur est immergé dans une expérience fascinante.

Les ultimes pages de l'épisode, dessinées par l'illustratrice Jan Duursema tranchent radicalement. On est loin de ce qu'elle a produit de meilleur, notamment quand on se souvient de ses travaux sur les séries Star Wars, mais il fallait de toute façon quelqu'un de totalement différent de Reis pour ce passage. A voir si elle reviendra (comme je le pense, car j'ai l'impression que ces flashbacks soutiennent une idée fil rouge dans l'intrigue de Ayala).

Retour gagnant donc pour New Mutants. Si vosu demeurez sceptique sur l'ère de Krakoa dans l'univers X, c'est sans doute la série la plus fidèle à ce qu'on a pu aimer avec ces personnages, tout en étant remarquablement exploitée par son équipe artistique.

vendredi 25 février 2022

ELEKTRA : BLACK, WHITE & BLOOD #2, de Peter David et Greg Land, Al Ewing et Rod Reis, Greg Smallwood


Comme promis, voici ma critique du deuxième numéro de l'anthologie Elektra : Black, White & Blood. Le principe est inchangé : trois histoires courtes par des auteurs inspirés par la tueuse ninja d'origine grecque. Cette nouvelle collection d'épisodes est pourtant bien supérieure à la précédente, plus originale, plus intense, et esthétiquement plus aboutie. Et avec le fameux récit retouché de Greg Smallwood...


- Cut and Run. (Ecrit par Peter David, dessiné par Greg Land.) - Patch (Logan) demande à Elektra de trouver et sauver une jeune femme enceinte sous la coupe d'un gangster violent, peut-être encore plus dangereux que la tueuse...


- Vérité. (Ecrit par Al Ewing, dessiné par Rod Reis.) - Deux policiers enquêtent sur le meurtre d'un avocat lié au Caïd. Grâce aux caméras de vudéo-surveillance disposées sur la scène du crime, ils identifient l'assassin... Hélas ! pour eux...


- Yokaï. (Ecrit et dessiné par Greg Smallwood.) - Elektra arrive dans un village japonais pour y résoudre une série de rapts d'enfants...

Comme je l'ai déjà dit pour le n°1 de Elektra : Black, White & Blood, la qualité des histoires est très variable à cause de différents facteurs. Il faut que les auteurs sachent maîtriser le format court, mais aussi s'adapter au personnage singulier entre tous d'Elektra, à la fois tueuse à gages implacable et justicière, le tout avec la contrainte d'un dessin en noir et blanc rehaussé de rouge.

Si le premier n° s'avérait inégal, celui-ci est nettement plus relevé grâce à des créatifs plus inspirés. On commence avec Peter David, scénariste illustre bien qu'étrangement relégué désormais par Marvel à des séries de second rang (une honte quand on sait ce que le bonhomme a apporté aussi bien sur Hulk que X-Factor par exemple). Il situe son histoire dans le passé, lorsque Logan (Wolverine) évoluait à Madripoor sous le pseudo de Patch (en référence au bandeau qui masquait un de ses yeux), profitant qu'on croyait les X-Men morts (suite au Massacre Mutant). Pour protéger sa couverture, il fait appel à Elektra pour secourir une jeune femme d'un homme violent et dangereux. Elektra est montrée en réelle difficulté, ce qui donne du piment à l'affaire. 

Dommage que David ait dû composer avec Greg Land comme dessinateur. Celui-ci, depuis plusieurs années maintenant, comme Salvador Larroca, reproduit des photos sur lesquelles il redessine. Ce procédé aboutit à des attitudes figées, parfois grotesques (car Land pioche allègrement dans des magazines "de charme"). Le combat au coeur du récit est mal fichu, et les expressions des protagonistes donnent l'impression qu'ils jouent faux. De plus Land plaque des à-plats rouges sur un dessin à la ligne, sans surfaces noires pour lui apporter de la profondeur ou de la texture, ce qui donne un rendu trop lisse.

Heureusement la suite est bien meilleure à tous les niveaux. Al Ewing se prête à l'exercice avec beaucoup de brio : on ne voit en effet pratiquement pas Elektra et pour cause, toute l'intrigue tient sur le fait qu'elle est trop rapide pour être captée par des caméras de vidéo-surveillance. Les deux filcs, pugnaces, qui mènent l'enquête, vont en payer le prix fort. C'est formidablement bien foutu, jusqu'au final, terrifiant.

Pour ne rien gâcher, Ewing est associé à l'excellent Rod Reis au dessin. L'artiste se joue avec maestria des contraintes d'un tel récit, largement vu à travers des écrans de contrôle. Connu pour ses talents de coloriste, Reis s'accommode magistralement du noir et blanc et les quelques traces de rouge sont lâchées avec parcimonie et justesse. C'est tout simplement un chef d'oeuvre.

Enfin, on a droit à l'épisode réalisé par Greg Smallwood, qui a motivé mon achat. J'ai parlé (dans ma rubrique Des Nouvelles Nouvelles Toutes Fraîches) du travail de "correction" de sagouin que Marvel a fait subir à quelques cases de l'artiste au prétexte qu'il aurait pu offenser le public asiatique. Non seulement, ça a été mal fait mais des artistes asiatiques sont montés au créneau pour défendre Smallwood et se plaindre des retouches effectuées par Marvel, qui, elles, sont vraiment offensantes (pour Smallwood mais aussi pour le public visé).

J'ai lu l'épisode sur papier et en numérique pour comparer, puisque Marvel n'a pas retouché les scans mis à disposition sur les plateformes. C'est juste hallucinant parce que les retouches concernent très peu de plans, mais effectivement le type qui s'en est chargé a fait n'importe quoi. Les dessins de Smallwood sont magnifiques, aucunement offensants. Cette affaire est lamentable.

Pour ce qui est de l'histoire, en revanche, pas de débat : c'est une merveille. Smallwood produit des planches muettes, un challenge narratif car l'histoire doit dès lors se comprendre sans aucun texte. Le pitch est simple et superbement mené. Le génie de Smallwood éclate à tous les niveaux : le découpage est une leçon de rythme, avec une variété d'enchaînements de cadres bluffante, une tension permanente, un combat âpre. Il y a un côté fable, conte dans ce récit, par sa concision et sa beauté.

Surtout, Smallwood maîtrise visuellement son affaire. Il nuance le noir et blanc de niveaux de gris, et joue avec le rouge de manière experte. Quel gâchis que Marvel ait cru bon de retoucher ses vignettes en pensant bien faire... Mais il est certain que Smallwwod va y réfléchir à deux fois la prochaine fois que l'éditeur lui proposera une nouvelle commande (j'espère que DC va lui faire signer un contrat d'exclusivité comme à Jorge Fornés, ça fera les pieds à la "maison des - mauvaises - idées" !).

C'est donc un lot de short stories de très bon niveau (on a frôlé le sans-faute, à cause de Greg Land et des retouches sur Smallwood). Du coup, je vais guetter le prochain numéro avec curiosité.

vendredi 3 décembre 2021

NEW MUTANTS #23, de Vita Ayala et Rod Reis


Un an pile depuis que Vita Ayala a repris en main la série, New Mutants achève son arc narratif avec ce vingt-troisième épisode. Il flotte donc une ambiance de fin dans ce numéro, ce moment particulier où une période s'achève avant le début d'une autre (puisque la série va continuer). Rod Reis est présent pour boucler cette boucle, aussi survolté que sa scénariste.



Le Lost Club - Anole, Rain Boy, No-Girl, Cosmar et Scout - entrent dans la résidence d'Amahl Farouk et le découvrent gisant parterre tout comm les Nouveaux Mutants - Mirage, Karma, Warpath, Magik, Felina. Unissant leurs pouvoirs, les membres du Lost Club se déplacent dans le plan astral.


C'est effectivement là que se trouvent leurs professeurs, prisonniers du Roi d'Ombre et de ses illusions oppressantes. Mais alors qu'ils affrontent leurs démons, le déplacement de leurs élèves altertent Mirage et Karma qui convainquent leurs amis de changer de voie pour les rejoindre.


En route l'un vers l'autre dans le dédale des cauchemars mentaux du Roi d'Ombre, les deux groupes se retrouvent. Mais Felina, encore fragile psychologiquement, tombe sous l'emprise de leur ennemi et fausse compagnie à ses amis. Magik prend la direction des manoeuvres pour pister Felina.


En la rejoignant, le Lost Club et les Nouveaux Mutants trouvent aussi Amahl Farouk sous sa forme enfantine quand il a cédé au Roi d'Ombre. Raisonnant Felina et encourageant Farouk à se détacher de son double maléfique, les héros vont-ils vaincre leur adversaire commun ?

Quand Vita Ayala est devenue la scénariste de New Mutants en Décembre 2020, le crossover mutant X of Swords venait de s'achever. La série était mal en point, même si elle retrouvait son dessinateur des débuts de l'ère Dawn of X, parce que Ed Brisson semblait incapable d'écrire ses héros de manière convaincante (et convaincue).

Je ne misais pas gros sur le succès de Vita Ayala qui me semblait condamner à jouer les pompiers de service. X of Swords venait de retirer au groupe des Nouveaux Mutants Cypher, tout juste marié à l'arakki Bei la Lune Sanglante. Et la couverture du numéro 14, le premier de Ayala, montrait une équipe mal en point, aux mines renfrognées, avec Warpath pour remplacer Doug Ramsey et Warlock désormais séparé de son ami.

Et puis progressivement, la scénariste a mis en place une intrigue alléchante, qui se déployait sur le long terme et que même l'event Hellfire Gala n'a pas détourné de son but. Par ailleurs, si Warlock a vite été oublié dans l'affaire (le seul vrai bémol de ce run), Ayala affichait de vraies ambitions en utilisant d'autres jeunes mutants qu'on pensait réduits à faire de la figuration et ramenait sur le devant de la scène le Roi d'Ombre.

En vérité, maintenant, on le voit, Vita Ayala a raconté une intrigue en dix épisodes sur une période de publication d'un an, avec une régularité et une qualité sidérantes. New Mutants n'a jamais été aussi intéressant depuis... Claremont et Sienkiewicz ? En tout cas, la série a dépassé ses soeurs plus aguicheuses (Marauders, X-Force, Excalibur), et rivalisé avec X-Men (période Hickman).

La scénariste a tout entier placé son scénario sous un motif unique : celui de la transmission. En faisant des Nouveaux Mutants originaux (Mirage, Karma, Magik, Felina... + Warpath donc) des professeurs en lieu et place des X-Men qui n'assument plus cette charge depuis l'avènement de Krakoa, elle a redéfini l'identité d'une série qui en manquait (voire qui n'en avait pas du tout). Et ce faisant, elle a créé une dynamique forte en évoquant la toxicité des relations entre adultes et jeunes, enseignants et élèves, puissants et faibles.

Il était donc logique que le climax de cet arc conséquent aboutisse avec la réunion des "anciens" et des "nouveaux", des maîtres et des disciples, contre leur ennemi commun. Mais Vita Ayala ne s'en contente pas : elle insiste (parfois lourdement) sur le fait que la première leçon qu'on leur a apprise était que rien n'est tout noir ou tout blanc - une leçon que semble ne pas avoir retenu leurs propres profs. Et qui s'illustre à travers méchant de l'histoire, le Roi d'Ombre et son double Amahl Farouk. In extremis, mais de manière fort habile, Ayala offre une rédemption aussi improbable qu'émouvante et crédible à ce personnage lui aussi tiraillé entre ce qu'il est et ce que son pouvoir a fait de lui.

Rod Reis, qui avait initié graphiquement le retour de New Mutants avec Jonathan Hickman puis avait soutenu Ed Brisson à la fin de son run, a été un partenaire précieux pour Ayala. Son graphisme si particulier, avec ses couleurs franches et ses effets radicaux, a permis au récit de s'envoler pour devenir plus expérimental et illustrer les motifs narratifs.

Seulement suppléé le temps de Hellfire Gala, Reis a été l'artiste de cette renaissance autant que Ayala en a été l'auteur. Fidèle au poste, il est donc là pour conclure cette histoire échevelée, avec une fois encore de nombreux morceaux de bravoure. 

Il exploite à fond l'environnement délirant et inquiétant de l'épisode qui se déroule intégralement dans la dimension du Roi d'Ombre. Chaque page apporte son lot de sensations fortes, avec encore une fois un soin pour les couleurs exceptionnel. Le découpage s'autorise toutes les folies sans jamais sacrifier la lisibilité. L'ombre de Sienkiewincz plane, inspirante et réinterprétée avec inventivité. Il faut du talent pour se frotter à un maître, surtout quand il a autant marqué une série.

On voit ce chapitre se refermer avec nostalgie déjà. Mais si vous aimez New Mutants, alors ce run est pour vous. Et je pense que même les plus critiques envers ce qu'il est désormais convenu d'appeler l'ère de Krakoa sauront reconnaître qu'il s'agit là du titre le plus recommandable, parce qu'il vit sans être écrasé par le franchise et a revigoré ses héros. 

jeudi 7 octobre 2021

NEW MUTANTS #22, de Vita Ayala et Rod Reis


La fin de ce grand arc narratif qu'est The Wild Hunt, démarré en même temps que l'arrivée de Vita Ayala en tant que scénariste de New Mutants, approche. Le récit atteint des sommets enivrants et le récit, superbement maîtrisé, est servi par un graphisme exceptionnel de Rod Reis. Pas de doute, ce run fera date dans la période Krakoa de la franchise X.


Les Nouveaux Mutants - Mirage, Magik, Karma, Felina et Warpath - gagnent le repaire du Roi d'Ombre sur l'île de Krakoa pour qu'il s'explique sur les expériences qu'il a imposées à des novices. Mais Amahl Farouk attend ses visiteurs de pied ferme et leur impose des visions de cauchemar.


Pendant ce temps, les anciens disiciples de Farouk - Anole, Rain Boy, Cosmar et No-Girl - rendent visite à Scout pour lui demander pardon. Elle les excuse d'avoir suivi inconsciemment le Roi d'Ombre et les accompagne même pour qu'ils coupent définitivement les ponts avec lui.


Amahl Farouk consent à discuter avec les Nouveaux Mutants et leur explique que, tout comme d'autres empires avant, Krakoa est voué à l'échec si ses résidents ne préparent pas la guerre. Ses interlocuteurs pensent au contraire que ce nouveau régime doit poser de nouvelles bases avec le reste du monde.


A mesure que les anciens élèves de Farouk et Scout approchent de son repaire, le temps se gâte. Une attaque psychique les alerte des difficultés que doivent rencontrer les Nouveaux Mutants et ils décident de charger. Mais n'est-ce pas trop tard ?

Cela fait plus d'un an maintenant que Vita Ayala est aux commandes de New Mutants et on ne peut qu'être admiratif en voyant à quel point elle a transformé un titre mal embarqué en une réussite (du moins critique). Elle a embarqué ses personnages et le lecteur dans une aventure au long cours qui arrive à son point culminant.

La première réussite de la scénariste, c'est de n'avoir laissé personne sur le bas-côté. Certes, elle était privée de deux éléments majeurs de l'équipe des Nouveaux Mutants (Cannonball et Sunspot, résidant désormais dans l'Empire Shi'ar), et Cypher a été accaparé par son mariage avec Bei (durant le crossover X of Swords) et son poste au sein du conseil de Krakoa. Mais qu'à cela ne tienne, elle a intégré Warpath et est parvenue à en faire un membre indiscutable.

La deuxième réussite d'Ayala, c'est de ne pas avoir seulement centré sa série sur les Nouveaux Mutants historiques mais d'avoir élargi la notion de nouveaux mutants à tous les jeunes mutants de Krakoa. Ainsi, les "vétérans" comme Mirage, Karma, Felina, Magik et donc Warpath ont pris la place autrefois occupée par Cyclope, Wolverine et compagnie pour devenir des mentors, des professeurs de cette jeune génération.

La troisième réussite, c'est d'avoir écrit la série en utilisant un effet miroir permanent : ce que traversaient les plus âgés se reflétait chez les plus jeunes et vice-versa. De cette manière, elle a réussi à nous intéresser à des mutants pour lesquels ce n'était a priori pas gagné (qui avait au départ envie de connaître Anole, Rain Boy, No-Girl, Cosmar ?).

Enfin, quatrième réussite : Vita Ayala a refait du Roi d'Ombre un antagoniste passionnant, qui n'était pas là seulement pour menacer Charles Xavier. Amahl Farouk s'est mis en tête d'éduquer lui aussi de jeunes mutants, pour son profit bien sûr, mais également en souvenir des souffrances qu'il avait connues à leur âge, pour en faire des guerriers, des proto-chimères (comme celles que créa Mr. Sinistre dans Powers of X). On découvre totalement dans ce 22ème épisode les fondations de son plan.

Alors qu'au conseil de Krakoa siègent des mutants puissants, aussi bons que mauvais, l'absence d'un individu tel que le Roi d'Ombre a pu étonner. Il n'aurait pas dépareillé à côté d'un Sinistre, d'un Exodus, ou d'un Apocalypse. Vita Ayala s'est employée à interroger cette absence et à en faire une motivation pour Amahl Farouk. Il l'explique aux Nouveaux Mutants venus à sa rencontre pour qu'il explique les manipulations infligées à de jeunes élèves : s'appuyant sur l'exemple d'anciens empires convaincus de résister au changement et à l'adversité, il est persuadé que Krakoa connaîtra le même sort funeste s'il ne prépare pas une guerre qu'il juge inévitable. Et parce que ses deux leaders emblématiques, Magneto et Xavier, pèchent par excès de confiance et d'orgueil (cela résonne justement avec ce qui s'est passé dans Inferno #1 et les mises en garde de Moira).

Pendant ce temps, les victimes du Roi d'Ombre et Scout, qui a failli périr à cause d'eux et de leur complicité avec Farouk, se réconcilient et partent à leur tour à la rencontre de leur bourreau pour couper définitivement les ponts. Les deux lignes narratives, motif récurrent, maitrisé à la perfection par Ayala, se rejoindront à la dernière page, sur un cliffhanger glaçant.

Il est vraiment dommage que la série n'ait pas davantage de lecteurs car elle mérite tellement mieux, tellement plus. C'est une merveille d'écriture, peut-être le titre le plus bâtie de toute la franchise (en dehors des X-Men version Hickman). Vita Ayala a soulagé Ed Brisson, qui n'allait nulle part avec ces personnages, et dépassé Hickman (dont le bref run a surtout servi à amorcer une intrigue pour X-Men), elle a fait de New Mutants un exemple, comprenant et dirigeant ses héros et leurs histoires comme personne ne l'avait sans doute fait depuis Claremont et Sienkiewicz.

Et la scénariste a aussi réussi son coup parce que, à sa manière, elle a eu son Sienkiewicz en la personne de Rod Reis, très influencé par l'artiste qui révolutionna visuellement le titre. Cet épisode est exceptionnel tant il regorge de planches renversantes et d'inventions.

Reis a à coeur de finir en beauté et donne tout ce qu'il a. Dès les premières pages, il fait preuve d'une générosité jubilatoire en représentant une liste impressionnante d'ennemis célèbres des Nouveaux Mutants (et des mutants en général), convoqués par le Roi d'Ombre. Puis une fois que la discussion est entamée entre les deux parties, il ne lève pas le pied.

Soulignant le côté orientaliste d'Amahl Farouk, Reis le dessine comme un ogre à la fois reptilien et colérique. Les proportions physiques du personnage explosent et par contraste, les Nouveaux Mutants paraissent encore plus dérisoires face à lui. Pourtant, s'ils ne peuvent s'imposer par le corps, ils le font par la parole, l'éloquence, la détermination et Reis communique parfaitement l'ambiance tendue, orageuse qui anime le débat.

De l'autre côté, les scènes avec les élèves sont volontairement plus sages, là encore pour bien montrer la différence d'intensité. Ce sont des enfants et ils réagissent comme tels, s'étreignant collectivement après s'être mutuellement pardonnés. Puis partant sur le sentier, confronter leur ennemi comme on s'aventure dans une forêt menaçante, s'appuyant sur la force du groupe pour ne pas flancher. On est vraiment alors dans une imagerie de conte, de fable, à la fois familière et étrange.

C'est en s'inspirant à de bonnes sources que la série tape fort et juste. Au fond, cette "Chasse Sauvage" par son titre même ressemble à une histoire qu'on lit avant de se coucher et qui est propice aux cauchemars mais aussi à l'héroïsme, au rituel initiatique, au passage à l'âge adulte. C'est ce que Vita Ayala et Rod Reis nous racontent depuis le début : le parcours de personnages qui doivent affronter de nouvelles responsabilités contre un adulte qui a d'autres projets. Magistral.

jeudi 2 septembre 2021

NEW MUTANTS #21, de Vita Ayala et Rod Reis


Quel régal que cet épisode ! Je vais vous dire : New Mutants est certainement le meilleur titre de la franchise X actuellement, grâce au talent phénoménal de sa scénariste, Vita Ayala, mais aussi lorsque Rod Reis est au dessin, come ce mois-ci. Tout est impeccablement produit, ça se lit tout seul et c'est dense et c'est fluide. C'est... Parfait !


Warpath emmène quelques élèves faire un peu de ménage aux abords de la Maison Summers sur la Lune pour continuer à leur enseigner les vertus du travail collectif. Mais la séance dégénère lorsqu'un Brood attaque le groupe et blesse Warpath.


Cependant, sur Krakoa, Cosmar, Anole, Rain Boy et No-Girl convainquent Tempus et Felina de ressuciter Scout. Les Cinq agissent sans attendre la permission du Conseil, estimant être dans leur bon droit. Mais une fois revenue à elle, Scout accuse Felina de l'avoir tuée.


Sur la Lune, les élèves de Warpath, contre l'ordre de leur professeur, ripostent et font des dégâts parmi la bande de Broods qui est venue appuyer l'attaque du premier. Warpath se déchaîne puis Broo arrive en expliquant qu'il s'agissait de rebelles mais qu'il s'en expliquera avec le Conseil de Krakoa.


Et justement, sur l'île, Karma et Mirage obtiennent l'aide de Magik pour interroger le Roi d'Ombre. Felina les rejoint pour leur expliquer que Farouk l'a manipulée. Mais ce dernier attend les mutantes de pied ferme...

De toutes les séries mutantes que je lis, New Mutants s'est faite une place à part au fil des derniers mois. Plus exactement depuis que Vita Ayala l'a prise en main. Souvenez-vous : Ed Brisson avait jeté l'éponge, incapable d'assurer dignement la succession de Jonathan Hickman, et l'avenir s'assombrissait pour les Nouveaux Mutants.

Puis, contre toute attente, Vita Ayala a bâti patiemment une intrigue captivante avec le Roi d'Ombre comme antagoniste, tout en gérant un casting fourni, en donnant un objectif aux héros, bref en structurant le titre comme il ne l'avait pas été depuis sa relance. 

Mois après mois, j'ai été franchement épaté par ce que Vita Ayala construisait : la densité de ses épisodes n'avait d'égale que la fluidité de leur lecture. Tout y était clairement exposé, d'une facilité étonnante, et la tension, les enjeux montaient crescendo. Les protagonistes étaient attachants, mus par une dynamique unique. Plus que X-Force, Excalibur, Marauders ou même X-Men, c'était la série la plus sympathique et la plus solide, la plus régulière en qualité.

Même quand elle a dû composer avec les events mutants comme X of Swords ou dernièrement Hellfire Gala, Vita Ayala ne s'est pas démonté, elle a habilement su tirer parti des situations qu'on lui imposait, acceptant le mariage de Cypher (qu'elle n'utilisait de toute façon pas) avec Bei, pour se concentrer sur un noyau dur, avec une formation pleine d'allure (Warlock - un peu - et surtout Mirage, Karma, Felina, Warpath, et parfois Magik). La scénariste semblait ne jamais être prise de court et avoir toujours la parade.

Son récit filait de façon parfois sinueuse mais sans jamais perdre son fil directeur (le Roi d'Ombre et ses manipulations auprès de Nouveaux Mutants influençables). Surtout, ce qui impressionnait le plus, c'était l'adresse avec laquelle Vita Ayala faisait se répondre en permanence subplots et intrigue principale, comme si les (més)aventures des uns éclairaient sur celles des autres. Une vraie leçon de storytelling par une auteur qui ne jouait pourtant parmi la cour des grands (Hickman, Percy, Duggan, Howard). Mais c'est justement cette discrétion qui a permis à Ayala de bâtir son ouvrage sans faire de vagues, de s'imposer doucement mais sûrement auprès des fans.

Et avec ce vingt-et-unième épisode, Ayala retrouve son compère, le dessinateur Rod Reis. Le moment est idéalement choisi car ce chapitre marque un vrai tournant, un vrai pic. Tout ce qui a été mis en place, tout ce que le Roi d'Ombre a commis remontent à la surface et éclatent aux visages des héros et du lecteur. Le prochain numéro va être explosif - et plus encore si on en croit Rod Reis qui a prévenu que nous n'étion pas prêt pour ce qui allait arriver !

Krakoa est peuplé de héros mais aussi d'infâmes crapules, d'assassins, de vraies ordures et le Roi d'Ombre est certainement un des pires spécimens dans cette catégorie. Son passé avec les New Mutants a engendré des épisodes dramatiques, et Vita Ayala le rappelle de manière subtilement suggestive via Karma ou Felina. La menace désormais avérée qu'il représente, malgré les apparences de repentir qu'il a montrées ne laisse plus place aux initiatives isolées : l'équipe doit faire bloc, du moins les filles. Et c'est là que c'est particulièrement fort.

Car Vita Ayala à travers cette intrigue finement développée traite des abus des hommes commis contre les femmes, de la toxicité des relations entre un abuseur et ses victimes. A sa façon, redoutable, le Roi d'Ombre a violé Felina comme avant elle Krama. Il s'en est pris à des enfants en la personne de leurs élèves. Et son modus operandi est particulièrement abject car il a fait tout cela sans avoir l'air d'y toucher, sous le masque de la bienveillance, celui du mentor, du confident, tel un serpent étranglant ses proies.

Suivant les indications de sa scénariste mais aussi sa propre vision, Rod Reis a insisté sur la représentation de ce méchant qui ressemble de prime abord à un personnage de cartoon, avec sa silhouette d'ogre, ses moustaches finement taillées, ses lunettes fumées, sa chechia, son costume blanc. C'est une figure orientale, presque caricaturale. Et Reis a accentué ces traits comme le sourire éternellement carnassier qu'il arbore pour embrouiller notre lecture, nous faire douter de sa malfaisance. Mais aujourd'hui, cette ignominie nous submerge : il n'y a rien de drôle chez Amahl Farouk, c'est un manipulateur, un pervers, et les Nouveaux Mutants sont ses cibles, ses jouets, ses pantins.

Le dégoût qu'on peut désormais lire sur leurs visages est lui aussi parfaitement traduits par le dessin expressioniste et les couleurs saturées de Rod Reis. Qu'il s'attarde sur la confusion de Rahne Sinclair ou la rage d'Yliana Rasputin, le regard noir de Dani Moonstar ou l'inquiétude de X'ian Coy Manh, on comprend parfaitement la palette de sentiments qui émanent de ces jeunes femmes. Le parallèle entre Farouk et Harvey Weinstein et ses victimes sautent aux yeux et donne à la série un air de manifeste qui renvoie aux origines même des séries mutantes, variation sur l'oppression des minorités. C'est puissant.

Alors que les prochains mois verront la fin du "règne" de Jonathan Hickman sur la franchise, on sait au moins une chose : tant que New Mutants sera dirigé par Vita Ayala et Rod Reis, les fans n'auront aucun souci à se faire, la série est entre d'excellentes mains, vivant sa vie presque à l'écart du reste mais avec une maestria que peuvent lui envier les autres titres.

vendredi 28 mai 2021

NEW MUTANTS #18, de Vita Ayala et Rod Reis


Pour ce dix-huitième épisode de New Mutants, on pouvait s'attendre à ce que la scénariste Vita Ayala boucle ses intrigues en cours puisque le mois prochain, la série sera impactée par le gala du Club des Damnés. Mais il n'en est rien et on continue donc à suivre deux histoires parallèles (l'une avec Karma, son frère et Mirage ; l'autre avec Scout, Felina et le Roi d'Ombre). Le résultat est toujours aussi fluide et captivant, réhaussé par les dessins de Rod Reis, qui quitte le titre à cette occasion.
 

Après avoir communiqué, grâce à Mirage, avec l'esprit de Tran, son frère décédé, Karma lui explique comment elle compte le faire revenir parmi les vivants. Mirage et Karma s'affrontent donc dans l'arène au cours de l'Epreuve.


Scout (Gabby Kinney) suit Anole, Rain Boy, Cosmar et No-Girl dans la forêt voisine et les interpèle au sujet des expériences d'échanges de corps qu'ils accomplissent avec le Roi d'Ombre. Mais en voulant les mettre en garde contre les intentions de ce dernier, elle subit leur courroux.


Felina l'entend et intervient. Elle entraîne Scout à l'écart en lui expliquant qu'elle s'y prend maladroitement. Mais surtout, si elle a des doutes au sujet du Roi d'Ombre, il faudrait commencer par en parler avec lui. Seule avec l'intéressé, Scout ne se démonte pas pour lui dire sa méfiance.
 

Pendant ce temps, Mirage blesse mortellement Karma dans l'arène. Au cours du combat, celle-ci a réfléchi aux conséquences du retour de son frère et n'est plus aussi sûre de vouloir le faire revenir. Elle le fait comprendre à Mirage avant de perdre connaissance.

Comme hier, dans ma critique de X-Men #20, commençons par le sujet qui fâche : le départ de Rod Reis. L'artiste signe en effet son dernier épisode, abrégeant sa prestation pourtant remarquable. J'ignore à l'heure qu'il est sur quelle série on va le retrouver mais j'espère en tout cas lire ses planches dans un avenir proche sur un projet intéressant. Les pistes ne manquent pas (peut-être retrouvera-t-il Hickman sur sa nouvelle série top secrète ?).

N'empêche, ça fait deux fois que Reis quitte New Mutants et c'est très frustrant car je trouve que son style, si particulier, influencé par Bill Sienkiewicz (artiste qui a tant apporté à la première époque du titre), convient merveilleusement à ces personnages et leurs aventures. Sa complicité avec Vita Ayala était épatante.

Cette fois encore, il réalise de pages superbes, où le traitement des couleurs contribue à poser une ambiance intense et unique. Qu'il s'agisse d'animer l'affrontement entre Karma et Mirage ou les interventions maladroites de Gabby Kinney avec les disciples du Roi d'Ombre, on a droit à des scènes frappantes, dont le découpage innove toujours. Reis croque parfaitement de jeunes héros aux prises avec des dilemmes très lourds pour leur âge sans sombrer dans le pathos. C'est vraiment dommage qu'il abandonne les fans et la série alors que j'espérai cette fois qu'il s'installerait durablement.

Ce qui est sûr, c'est que son successeur, Alex Lins, aura fort à faire pour le remplacer. Je me suis un peu renseigné sur ce dernier pour voir à quoi ressemblait son travail et ça ne me paraît pas manquer de qualité, sans toutefois préjuger du résultat sur New Mutants. Comme je lisais la série en grande partie pour sa partie graphique (même si le scénarios de Vita Ayala sont excellents), je me réserve le droit d'en rester là après le n°19 du mois prochain si je ne suis pas convaincu par la copie rendue par Lins.

Passons à l'histoire proprement dîte. De retour de leur périple dans l'Outremonde, Karma a découvert que les troubles qu'elle subissait provenaient de l'âme de son frère défunt, Tran. Elle a convaincu Mirage de participer à l'Epreuve (le "Crucible") pour le ramener à la vie. Mais l'opération s'annonce délicate car elle requiert en plus des Cinq et du Professeur X le concours de Magik et son épée car le lien qui unissait Karma à Tran est très spécial et ténu.

L'épisode est donc divisé en deux parties distinctes : d'une part, le combat dans l'arène entre Karma et Mirage (l'Epreuve obligeant le mutant qui veut ressuciter à mourir les armes à la main en se battant, afin d'être digne d'être ramené à la vie avec ce qui lui manquait auparavant) ; et d'autre part, la suite de l'intrigue impliquant le Roi d'Ombre et de jeunes mutants sur lesquels il mène des expériences d'échanges de corps et de transferts de pouvoirs.

La partie avec Karma et Mirage permet à Ayala et Reis de prouver leurs capacités à mettre en scène un séquence dynamique, avec beaucoup d'action. Le challenge repose surtout sur le fait que Karma n'a jamais été montrée comme une combattante redoutable (même ses pouvoirs mutants, télépathiques, sont limités) alors que Mirage est, elle, une guerrière émérite, qui a même fait partie un temps de Vakyries asgardiennes. L'affrontement se présente donc comme très déséquilibré et malgré ça, il faut pour les auteurs le doter d'un suspense intense.

C'est réussi car Karma se jette dans la bataille avec volonté. Elle ne se bat (que) pour elle (l'issue de l'Epreuve n'est pas sa résurrection et le retour de ses pouvoirs, puisqu'elle ne les a pas perdus, mais de ramener son frère). Mirage ne lui épargne rien, mais cela n'empêche pas leur échange d'être poignant, comme en témoigne la fin, où l'amitié (voire plus...) entre les deux filles est vibrante.

Surtout, durant leur affrontement, Karma réfléchit au bénéfice-risque de ramener Tran. En effet, par le passé, les relations entre elle et son frère ont été difficiles : il l'a possédée mentalement, l'a poussée à commettre de mauvaises actions, et cela signifie qu'il pourrait recommencer et représenter un danger non seulement pour Karma mais aussi pour Krakoa. D'un autre côté, il s'agit quand même de son frère, et ce ne serait pas rien de renoncer définitivement à le retrouver. Le dilemme qui se pose est également déchirant et il est très bien traduit dans le texte et le dessin.

En parallèle, donc, on poursuit l'histoire du Roi d'Ombre et du groupe de jeunes mutants qu'il corrompt. La situation préoccupe Gabby Kinney/Scout, qui ne fait pas confiance à Amahl Farouk (elle a raison car cet ogre télépathe surpuissant a quand même un casier bien rempli). Après avoir évoqué à demi-mots l'affaire avec Warpath, un de ses professeurs, elle décide de prendre les choses en main et d'expliquer à Anole, Rain Boy, Cosmar et No-Girl les dangers qu'ils encourent.

Comme l'explique très bien Vita Ayala dans ses dialogues, le fait d'être manipulé et d'être instrumentalisé physiquement est un problème que connaît bien Scout, puisque, rappelons-le, elle est certes une mutante mais aussi (surtout ?) un clone (celui de Laura Kinney/X-23/Wolverine), créé pour être une machine à tuer. Avec ses expériences de body-swaping, le Roi d'Ombre ne fait rien d'autre en manipulant Anole, Rain Boy, No-Girl et Cosmar.

La tentative de Scout pour prévenir ses camarades de cesser de suivre le Roi d'Ombre se solde par un échec prévisible, parce que, d'une part, ils sont déjà bien trop endoctrinés, et ensuite parce qu'ils ne tolèrent plus qu'une gamine, clonée qui plus est, interfère dans leurs affaires. Pour Cosmar et No-Girl, les préventions de Scout sont encore plus insupportables car elles sont deux mutantes aux physiques ingrats, qui n'ont pas demandé à être ce qu'elles sont, et qui voient donc une opportunité miraculeuse dans la possibilité de changer de corps.

Sur ces entrefaites, Ayala glisse Felina dans le débat. C'est là que ça devient redoutablement malin puisque Rhane Sinclair a été dernièrement consolée par le Roi d'Ombre qui l'a gagnée à sa cause. Felina écarte Scout pour la raisonner et lui indiquer un meilleure moyen de se faire entendre, mais le piège se referme quand en vérité elle la mène au Roi d'Ombre sous le prétexte qu'elle doit d'abord parler avec lui de ce qui la dérange avant de faire des reproches à Anole, Rain Boy, No-Girl et Cosmar. Seule avec Farouk, Gabby ne se démonte pas pourtant - à moins qu'elle joue la comédie pour ne pas qu'il croit la dominer facilement. Quoi qu'il en soit, ce cliffhanger est d'autant plus efficace qu'il ne conclut pas l'épisode et laisse le lecteur inquiet pour Scout.

La maîtrise avec laquelle Ayala conduit deux lignes narratives parallèles est vraiment remarquable, cela donne un récit dense et fluide à la fois. C'est aussi pour cela, par ricochet, qu'il est si dommage que cette scénariste voit son dessinateur la quitter car rien ne garantit que son nouveau partenaire servira aussi bien sa partition.