vendredi 28 mai 2021

NEW MUTANTS #18, de Vita Ayala et Rod Reis


Pour ce dix-huitième épisode de New Mutants, on pouvait s'attendre à ce que la scénariste Vita Ayala boucle ses intrigues en cours puisque le mois prochain, la série sera impactée par le gala du Club des Damnés. Mais il n'en est rien et on continue donc à suivre deux histoires parallèles (l'une avec Karma, son frère et Mirage ; l'autre avec Scout, Felina et le Roi d'Ombre). Le résultat est toujours aussi fluide et captivant, réhaussé par les dessins de Rod Reis, qui quitte le titre à cette occasion.
 

Après avoir communiqué, grâce à Mirage, avec l'esprit de Tran, son frère décédé, Karma lui explique comment elle compte le faire revenir parmi les vivants. Mirage et Karma s'affrontent donc dans l'arène au cours de l'Epreuve.


Scout (Gabby Kinney) suit Anole, Rain Boy, Cosmar et No-Girl dans la forêt voisine et les interpèle au sujet des expériences d'échanges de corps qu'ils accomplissent avec le Roi d'Ombre. Mais en voulant les mettre en garde contre les intentions de ce dernier, elle subit leur courroux.


Felina l'entend et intervient. Elle entraîne Scout à l'écart en lui expliquant qu'elle s'y prend maladroitement. Mais surtout, si elle a des doutes au sujet du Roi d'Ombre, il faudrait commencer par en parler avec lui. Seule avec l'intéressé, Scout ne se démonte pas pour lui dire sa méfiance.
 

Pendant ce temps, Mirage blesse mortellement Karma dans l'arène. Au cours du combat, celle-ci a réfléchi aux conséquences du retour de son frère et n'est plus aussi sûre de vouloir le faire revenir. Elle le fait comprendre à Mirage avant de perdre connaissance.

Comme hier, dans ma critique de X-Men #20, commençons par le sujet qui fâche : le départ de Rod Reis. L'artiste signe en effet son dernier épisode, abrégeant sa prestation pourtant remarquable. J'ignore à l'heure qu'il est sur quelle série on va le retrouver mais j'espère en tout cas lire ses planches dans un avenir proche sur un projet intéressant. Les pistes ne manquent pas (peut-être retrouvera-t-il Hickman sur sa nouvelle série top secrète ?).

N'empêche, ça fait deux fois que Reis quitte New Mutants et c'est très frustrant car je trouve que son style, si particulier, influencé par Bill Sienkiewicz (artiste qui a tant apporté à la première époque du titre), convient merveilleusement à ces personnages et leurs aventures. Sa complicité avec Vita Ayala était épatante.

Cette fois encore, il réalise de pages superbes, où le traitement des couleurs contribue à poser une ambiance intense et unique. Qu'il s'agisse d'animer l'affrontement entre Karma et Mirage ou les interventions maladroites de Gabby Kinney avec les disciples du Roi d'Ombre, on a droit à des scènes frappantes, dont le découpage innove toujours. Reis croque parfaitement de jeunes héros aux prises avec des dilemmes très lourds pour leur âge sans sombrer dans le pathos. C'est vraiment dommage qu'il abandonne les fans et la série alors que j'espérai cette fois qu'il s'installerait durablement.

Ce qui est sûr, c'est que son successeur, Alex Lins, aura fort à faire pour le remplacer. Je me suis un peu renseigné sur ce dernier pour voir à quoi ressemblait son travail et ça ne me paraît pas manquer de qualité, sans toutefois préjuger du résultat sur New Mutants. Comme je lisais la série en grande partie pour sa partie graphique (même si le scénarios de Vita Ayala sont excellents), je me réserve le droit d'en rester là après le n°19 du mois prochain si je ne suis pas convaincu par la copie rendue par Lins.

Passons à l'histoire proprement dîte. De retour de leur périple dans l'Outremonde, Karma a découvert que les troubles qu'elle subissait provenaient de l'âme de son frère défunt, Tran. Elle a convaincu Mirage de participer à l'Epreuve (le "Crucible") pour le ramener à la vie. Mais l'opération s'annonce délicate car elle requiert en plus des Cinq et du Professeur X le concours de Magik et son épée car le lien qui unissait Karma à Tran est très spécial et ténu.

L'épisode est donc divisé en deux parties distinctes : d'une part, le combat dans l'arène entre Karma et Mirage (l'Epreuve obligeant le mutant qui veut ressuciter à mourir les armes à la main en se battant, afin d'être digne d'être ramené à la vie avec ce qui lui manquait auparavant) ; et d'autre part, la suite de l'intrigue impliquant le Roi d'Ombre et de jeunes mutants sur lesquels il mène des expériences d'échanges de corps et de transferts de pouvoirs.

La partie avec Karma et Mirage permet à Ayala et Reis de prouver leurs capacités à mettre en scène un séquence dynamique, avec beaucoup d'action. Le challenge repose surtout sur le fait que Karma n'a jamais été montrée comme une combattante redoutable (même ses pouvoirs mutants, télépathiques, sont limités) alors que Mirage est, elle, une guerrière émérite, qui a même fait partie un temps de Vakyries asgardiennes. L'affrontement se présente donc comme très déséquilibré et malgré ça, il faut pour les auteurs le doter d'un suspense intense.

C'est réussi car Karma se jette dans la bataille avec volonté. Elle ne se bat (que) pour elle (l'issue de l'Epreuve n'est pas sa résurrection et le retour de ses pouvoirs, puisqu'elle ne les a pas perdus, mais de ramener son frère). Mirage ne lui épargne rien, mais cela n'empêche pas leur échange d'être poignant, comme en témoigne la fin, où l'amitié (voire plus...) entre les deux filles est vibrante.

Surtout, durant leur affrontement, Karma réfléchit au bénéfice-risque de ramener Tran. En effet, par le passé, les relations entre elle et son frère ont été difficiles : il l'a possédée mentalement, l'a poussée à commettre de mauvaises actions, et cela signifie qu'il pourrait recommencer et représenter un danger non seulement pour Karma mais aussi pour Krakoa. D'un autre côté, il s'agit quand même de son frère, et ce ne serait pas rien de renoncer définitivement à le retrouver. Le dilemme qui se pose est également déchirant et il est très bien traduit dans le texte et le dessin.

En parallèle, donc, on poursuit l'histoire du Roi d'Ombre et du groupe de jeunes mutants qu'il corrompt. La situation préoccupe Gabby Kinney/Scout, qui ne fait pas confiance à Amahl Farouk (elle a raison car cet ogre télépathe surpuissant a quand même un casier bien rempli). Après avoir évoqué à demi-mots l'affaire avec Warpath, un de ses professeurs, elle décide de prendre les choses en main et d'expliquer à Anole, Rain Boy, Cosmar et No-Girl les dangers qu'ils encourent.

Comme l'explique très bien Vita Ayala dans ses dialogues, le fait d'être manipulé et d'être instrumentalisé physiquement est un problème que connaît bien Scout, puisque, rappelons-le, elle est certes une mutante mais aussi (surtout ?) un clone (celui de Laura Kinney/X-23/Wolverine), créé pour être une machine à tuer. Avec ses expériences de body-swaping, le Roi d'Ombre ne fait rien d'autre en manipulant Anole, Rain Boy, No-Girl et Cosmar.

La tentative de Scout pour prévenir ses camarades de cesser de suivre le Roi d'Ombre se solde par un échec prévisible, parce que, d'une part, ils sont déjà bien trop endoctrinés, et ensuite parce qu'ils ne tolèrent plus qu'une gamine, clonée qui plus est, interfère dans leurs affaires. Pour Cosmar et No-Girl, les préventions de Scout sont encore plus insupportables car elles sont deux mutantes aux physiques ingrats, qui n'ont pas demandé à être ce qu'elles sont, et qui voient donc une opportunité miraculeuse dans la possibilité de changer de corps.

Sur ces entrefaites, Ayala glisse Felina dans le débat. C'est là que ça devient redoutablement malin puisque Rhane Sinclair a été dernièrement consolée par le Roi d'Ombre qui l'a gagnée à sa cause. Felina écarte Scout pour la raisonner et lui indiquer un meilleure moyen de se faire entendre, mais le piège se referme quand en vérité elle la mène au Roi d'Ombre sous le prétexte qu'elle doit d'abord parler avec lui de ce qui la dérange avant de faire des reproches à Anole, Rain Boy, No-Girl et Cosmar. Seule avec Farouk, Gabby ne se démonte pas pourtant - à moins qu'elle joue la comédie pour ne pas qu'il croit la dominer facilement. Quoi qu'il en soit, ce cliffhanger est d'autant plus efficace qu'il ne conclut pas l'épisode et laisse le lecteur inquiet pour Scout.

La maîtrise avec laquelle Ayala conduit deux lignes narratives parallèles est vraiment remarquable, cela donne un récit dense et fluide à la fois. C'est aussi pour cela, par ricochet, qu'il est si dommage que cette scénariste voit son dessinateur la quitter car rien ne garantit que son nouveau partenaire servira aussi bien sa partition. 

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