jeudi 6 mai 2021

AMERICA CHAVEZ : MADE IN THE U.S.A. #3, de Kalinda Vazquez et Carlos Gomez


Nous avions laissé America Chavez en fâcheuse posture, mais cette position laissait penser à des explications sur les troubles que traverse l'héroïne depuis le début de cette histoire. Kalinda Vazquez ose une retcon radicale, à moins qu'elle ne nous entraîne sur une fausse piste. En tout cas, c'est très intrigant et toujours aussi formidablement dessiné par Carlos Gomez.


America Chavez revient à elle, entravée à un lit. Celle qui l'a maîtrisée se démasque et se présente comme Catalina, sa soeur. Pour prouver leur lien familial, la jeune femme commence par revenir sur la rencontre entre leurs deux mères et un milliardaire excentrique...


Amalia et Elena Pecoso Chavez étaient deux généticiennes approchées par Gales, propriétaire d'une île sur laquelle il prodiguait à de jeunes filles atteintes d'une curieuse affliction un traitement miracle. Or America et Catalina Chavez étaient également malades...


La cure de Gales, peu conventionnelle, allait forcer Amalia et Elena à enfreindre l'éthique de leurs recherches. America refuse de croire Catalina et son récit et parvient enfin à se libérer. Elle engage le combat mais accepte de suivre sa kidnappeuse pour la suivre dans une chambre...


Catalina affirme que si les pouvoirs d'America la trahissent, c'est parce qu'elle est en train de mourir. Aussi a-t-elle décidé de reprendre les recherches de leurs mères et à cette fin elle a déjà collecté de jeunes cobayes pour expérimenter un remède...

Cet épisode sème le trouble, aussi bien chez America Chavez que chez le lecteur. En effet, la scénariste Kalinda Vazquez semble entreprendre un retcon radical, qui bien entendu va diviser les fans de l'héroïne. A moins que ce ne soit qu'un leurre...

Rouler le lecteur dans la farine implique de le choquer suffisamment en amont pour lui livrer ensuite un twist au bon moment, qui lui fera reconsidérer sa réaction outragée. Pour cela, il faut s'identifier complètement à l'héroïne du récit, être aussi confus qu'elle, sinon le procédé ne fonctionne pas et on devinera trop tôt le subterfuge.

Qu'y a-t-il d'acquis depuis le début de cette mini-série ? America Chavez est une super-héroïne dont les pouvoirs connaissent des défaillances aussi imprévisibles que graves. Mais quelle est la cause de ces troubles soudains ? Après avoir été mise k.o. par un mystérieux agresseur, qui l'a attirée dans un piège via la famille Santana (qui a adopté America), America se réveille entravée sur un lit. On découvrira qu'elle se trouve sur une île ayant appartenu à un riche excentrique, ayant fait affaire avec les mères de l'héroïne.

Celle qui a eu raison d'America s'appelle Catalina et prétend être sa soeur. Puis elle commence à relater des événements passés qui contredisent les origines connues d'America Chavez. Non, elle ne vient pas d'une dimension parallèle, pour laquelle ses mères se sont sacrifiées. Non, elle ne tient pas ses pouvoirs de ce monde disparu. Et tout cela explique les défaillances de ses pouvoirs actuellement.

Réécrire le passé d'America Chavez de manière si radicale provoque deux réactions : soit on est ahuri par le culot de Kalinda Vazquez, qui ose redéfinir l'identité même de l'héroïne, sa singularité (mais aussi sa ressemblance avec Superman - l'orpheline trouvée sur Terre après la fin de son monde et élevée dans une famille d'adoption aimante avant d'embrasser la vie de super-héroïne) ; soit on doute comme America Chavez de la véracité des propos de Catalina et on se dit que l'histoire va connaître un retournement de situation qui rétablira les origines classiques d'America Chavez tout en justifiant les élucubrations de Catalina. En tout Kalinda Vazquez joue cette carte et l'incertitude nous pique. C'est bien joué - pour peu qu'on soit d'humeur joueuse (et souvent les fans de comics ne sont pas très joueurs...).

Pour ma part, je suis partant, quelle que soit l'issue de cette mini-série (à laquelle il reste deux épisodes pour démêler le vrai du faux). D'autant qu'elle est formidablement dessinée. Franchement, je ne m'attendais pas du tout à être si emballé sur ce point car je connaissais trop peu Carlos Gomez et je me disais que, comme souvent, une mini-série n'allait pas révèler un grand talent.

J'avais tort. Car Carlos Gomez est vraiment un dessinateur enthousiasmant, à qui je souhaite de beaux lendemains. Il les mérite. C'est un artiste complet, au trait très expressif, au découpage très dynamique. Ses planches sont épatantes, généreuses en détail, d'une lisibiltié impeccable. Pour un épisode qui s'appuie principalement sur les dialogues, il fait montre d'une maîtrise irrésistible, sachant rendre les nombreux échanges très vivants, avec une grande variété d'angles de vue, de valeurs de plans. Il ne lésine pas non plus quand il s'agit de composer des plans généraux, pour situer l'action (le décor de l'île et ses installations est magnifique).

A la fin de ce chapitre, l'action reprend ses droits et Gomez lâche les chevaux, traduisant la colère d'America Chavez mais aussi sa sidération quand elle découvre ce qu'a tramé Catalina. L'influence de Stuart Immonen est évidente (comme elle l'est chez RB Silva), mais Gomez réussit à imposer son style, sans singer son modèle. C'est pourquoi je crois que Marvel peut miser sur lui pour des titres plus exposés : il en a le potentiel car depuis trois épisodes, il est remarquablement régulier.

America Chavez : Made in the U.S.A. est une sacrée bonne surprise. Je ne regrette pas d'avoir parié sur cette mini-série. Si vous attendez sa traduction en vf (en espérant que Panini Comics la propose), ne passez pas à côté le moment venu. 

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