mardi 18 mai 2021

SORRY FOR YOUR LOSS (saison 1) (Facebook Watch)


Saviez-vous que Facebook produisait et diffusait des séries ? Moi non plus. C'est par hasard que j'ai découvert sur le réseau social la première saison de cette fiction en dix épisodes, Sorry for your Loss. J'en avais entendu parler lorsque j'avais suivi WandaVision sur Disney + puisqu'on retrouve en tête d'affiche Elizabeth Olsen. L'actrice y est une fois de plus admirable dans un rôle délicat, servi par une écriture et une réalisation au diapason. 


Chroniqueuse bien-être pour le site web de son ami Drew, Leigh Shaw perd son mari, Matt Greer. Elle aide ensuite sa mère, Amy, en devenant un coach dans le club de fitness que tient cette dernière, avec son autre fille (adoptée), Jules. Mais le deuil s'annonce compliqué pour la jeune femme, dévastée par le chagrin.


Leigh intègre un groupe de paroles avec d'autres veuves qui viennent s'épancher sur leurs vies conjugales. Bien qu'elle se tienne en retrait lors des séances, en famille elle consent à ranger les affaires de Matt avec l'aide de Jules, en espérant que cela l'aidera à remonter à la surface.


Dans le groupe de paroles, Leigh remarque Becca Urwin, une jeune veuve comme elle, qui se confie sur le bonheur parfait qu'elle vivait avec son mari et qui cherche à devenir son ami. Mais Leigh la rejette d'abord avant de lui donner une seconde chance quand Becca avoue qu'elle était sur le point de divorcer. Cela pousse Leigh à se demander si elle connaissait si bien Matt qu'elle le pense.


Leigh trouve, lors d'un jogging, un chien errant qu'elle recueille. Mais Jules la convainc de diffuser un avis de recherche sur les réseaux sociaux pour attirer l'attention de son propriétaire. Se séparer de l'animal auquel elle s'est attachée rappelle à Leigh le propre chien de Matt, mort prématurément lui aussi.


Alors qu'elle tente, en vain, de débloquer le téléphone portable de Matt, Leigh y parvient enfin grâce à une suggestion du frère de celui-ci, Danny. Elle découvre alors plusieurs messages vocaux grâce auxquels elle remonte le fil des derniers mois de son mari, rongé par la dépression, pour laquelle il était pourtant suivi et médicalisé.
 

Résolue à reprendre les choses en main, et contre toute attente, Leigh, à la veille de son anniversaire, décide d'organiser une grande fête en conviant tous ses contacts Facebook. Mais la réception provoque plusieurs malaises car Leigh ne supporte pas la pitié dans le regard de ses invités. Elle finit même par demander à Danny s'il croit possible que Matt se soit suicidé en vérité.


Obsédée par cette idée, Leigh a vu se fermer Danny. Elle rend donc visite, pour la première fois depuis le décès de Matt, à la mère de ce dernier, Bobby, pour la questionner que l'enfance et le mal de vivre de son fils. Danny arrive sur ces entrefaîtes et finit par lâcher que leur père négligeait sa famille et avait même une fois blessé physiquement, par accident, Matt.


L'ancien patron de Leigh, Drew, se marie et l'invite aux noces. Elle accepte, à contrecoeur car craignant de craquer, d'y aller, accompagnée par Jules et Danny. Alors qu'elle s'apprête à s'éclipser avant la cérémonie, Leigh est rattrapée par Danny et tous les deux ne peuvent réprimer, pendant un court instant, leur attirance réciproque.


Troublée par tout ce qu'elle a traversée récemment, Leigh s'accorde un week-end de repos à Palm Springs, dans l'hôtel où elle et Matt auraient dû passer leur lune de miel. Elle y fait la connaissance de Tripp qui la séduit et avec lequel elle couche. Mais, quand au matin, il exprime son envie de la revoir, elle préfère décliner en lui expliquant qu'elle est mariée.


Leigh apprend, en récupérant son courrier, que le comic-book sur lequel travaillait, sur son temps libre, Matt, a été accepté par un éditeur. Danny doute que que son frère souhaitait le voir publié puisque l'histoire est inachevée. Il déclare ne plus vouloir voir sa belle-soeur ensuite. Alors que Leigh se rend à l'endroit où Matt a trouvé la mort, elle écoute sur sa boîte vocale un message de Danny lui avouant ses sentiments.

Parler du deuil n'a rien de bien sexy et la perspective de suivre le parcours d'une jeune veuve durant dix épisodes de trente minutes peut donc en rebuter plus d'un. Pourtant Sorry for your Loss réussit le pari d'émouvoir sans tomber dans le pathos et de sonder cette épreuve sans en faire un spectacle ni racoleur ni plombant grâce à une écriture narrative et visuelle d'une sobriété remarquable.

Cela ne doit rien au hasard puisque, derrière la caméra pour la plupart des épisodes de cette saison 1, on trouve James Ponsoldt, un cinéaste dont j'avais beaucoup aimé deux longs métrages (Smashed, avec Mary Elizabeth Winstead et Aaron Paul, et The Spectacular Now, avec Shailene Woodley et Miles Teller), qui prouvaient déjà sa maîtrise pour traiter d'un sujet dramatique (l'alcoolisme).

Le script est l'oeuvre de Kit Steinkellner, une auteur de comics, dont c'est la première série télé, et dont le talent est assez bluffant. Avec Ponsoldt, elle évite tous les écueils et aborde le thème avec énergie et sensibilité. Au final, c'est un superbe portrait de femme(s), et le pluriel est de rigueur car Leigh, l'héroïne, est entourée de sa mère, de sa soeur, dont les arcs narratifs rencontrent un écho dans sa propre situation.

Leigh était mariée avec Matt, un afro-américain, enseignant et auteur de comics amateur. Un jour qu'il est parti faire une randonnée, seul, il ne rentre pas. La police viendra annoncer à Leigh qu'il a été retrouvé mort sur un sentier, après une chute mortelle d'origine accidentelle. Commence alors pour la jeune femme le long processus du deuil. Elle renonce à son job (ironiquement elle écrivait sur un site web une chronique sur le bien-être) puis accepte l'offre de sa mère de loger chez elle, avec sa demi-soeur, Jules, et de travailler avec elles dans leur club de fitness. Parallèlement, Leigh intègre un groupe de paroles pour veuves.

Elle peut aussi compter sur le soutien de son beau-frère, Danny. Mais c'est par le biais d'une rencontre avec une autre jeune veuve, Becca Urwin, incapable d'assumer en public que son couple était un échec, que Leigh va se remettre en question et questionner sa propre vie conjugale. La déouverte de plusieurs messages vocaus sur le téléphone portable de Matt, d'un comic-book inachevé sur lequel il travaillait accepté par un éditeur, le souvenir d'une cicatrice dans le dos de son mari, le mariage d'un ami, les retrouvailles avec une amie d'enfance, un nuit d'amour avec un inconnu, formeront autant d'étapes vers une espèce de renaissance pour la jeune femme.

Pour ne pas faire de leur récit une intrigue trop centrée et pesante, les auteurs ont eu la bonne idée de développer les seconds rôles. L'entourage proche de Leigh se compose de sa mère, Amy ; de sa demi-soeur, Jules ; et de son beau-frère, Danny. Chacun d'entre eux va contribuer à la remontée à la surface de Leigh. Amy est divorcée de Richard (le père de Leigh), qui a refait sa vie sans être heureux, avec une ancienne alcoolique. Or Jules sort d'une cure de désintoxication à cause de la même addiction et trouve auprès d'elle une "marraine" au sein des Alcooliques Anonymes. Cette situation rapproche Amy et Richard, sur le point alors de retomber dans les bras l'un de l'autre (même si Amy préfère le nier). Le point commun de toutes ces femmes, c'est le vertige qu'elles éprouvent, cette sensation d'être au bord du gouffre et l'incertitude de résister à la tentation (de tout abandonner). 

Et puis il y a le cas de Danny. Cadet de Matt, il est comme Leigh rongé par le doute au sujet de sa mort mais refuse pendant longtemps d'admettre que son aîné allait si mal qu'il ait pu vouloir mettre fin à ses jours. On va, grâce à la relation qu'il entretient avec Leigh, découvrir progressivement deux choses : d'abord que Matt traînait une dépression sévère depuis l'adolescence, en rapport avec leur père (un homme plus dévoué aux autres qu'aux siens et occasionnellement violent) ; et ensuite que Danny (comme Leigh, certainement) est en train de tomber amoureux de sa belle-soeur.

Avec un format de trente minutes (environ) par épisodes, pas le temps pour les auteurs de traîner en route. Du coup, le récit possède une densité remarquable, sans pour autant que cela soit étouffant car trop rempli. Le script de Steinkellner et la réalisation de Ponsoldt ménagent des pauses bienvenues, osent même quelques moments plus légers, et surtout conservent un sens de la nuance admirable. On s'attache à ces personnages, on est ému, mais ce n'est absolument jamais larmoyant, putassier. Un véritable exploit.

Pour exprimer une palette pareille, il faut un casting impeccable, irréprochable et sur ce point-là aussi, Sorry for your Loss est un sans-faute. Janet McTeer, la mère, Kelly Marie Tran, la soeur, et Jovan Adepo, le beau-frère, livrent des interprétations exemplaires. Chacun a plusieurs fois lors des dix épisodes de profiter de grands moments où leurs personnages sont bien développés et campés. La participation de Luke Kirby, dans le rôle de Tripp (épisode 9), est épatante, échappant aux clichés du séducteur profitant d'une jeune veuve : c'est certainement dans ce chapitre que la série achèvera de séduire tous ceux qui la suivent parce qu'il fonctionne comme une sorte de one-shot, déconnecté du reste, avant que la réalité ne rattrape Leigh. Lisa Gay Hamilton est aussi exceptionnelle dans le rôle de la mère de Matt et Danny (épisode 7), refusant d'admettre la responsabilité de son mari dans la dépression de leur fils. Et dans la peau du disparu, Mamoudou Athié est tout simplement impressionnant, à fleur de peau.

Mais c'est surtout Elizabeth Olsen qui va vous éblouir. Déjà impressionnante dans WandaVision cette année, et irréprochable dans plusieurs longs métrages où je l'ai vue par ailleurs (le remake de Old Boy, Martha Marcy May Marlene, Wind River), la comédienne porte la série sur ses épaules et est absolument bouleversante de bout en bout. Olsen possède ce je-ne-sais-quoi indéfinissable propre aux grandes actrices, cette manière de jouer qui vous emporte, de capter votre attention. Elle a une présence incroyable mais sans chichi. Elle réussit à traduire à la perfection tous les états de son personnage en y ajoutant un charme irrésistible. Surtout, il me semble qu'elle a un côté physique, terrien, que n'ont pas beaucoup de ses camarades, et qui confère à son personnage un réalisme troublant.

Sorry for your Loss saison 1 date de 2018-2019 et a déjà été renouvelée depuis. De quoi assurer à Elizabeth Olsen, avec sa prestation dans WandaVision, une nomination aux prochains Emmy awards (sinon je ne comprends plus rien). Et, j'espère, de quoi vous donner envie de vous pencher sur cette série, formidable en tous points.

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