lundi 16 novembre 2009

Critique 114 : CLANDESTINE CLASSIC, d'Alan Davis


The ClanDestine (aussi intitulé ClanDestine) est une série ayant pour héros les Destines, une famille très ancienne et secrète de super-humains. Publiée par Marvel Comics, elle a été créée, écrite et dessinée par Alan Davis, et est apparue pour la première fois dans le n° 158 de "Marvel Comics presents" en Juillet 1994.

Alan Davis aime le genre super-héroïque en général, et les séries mettant en scène des groupes de héros en particulier. La création de The Clandestine fut motivée par l'opportunité d'animer un groupe de personnages originaux, dégagé des problèmes inhérents à une continuité longue et complexe, même s'il s'inscrit dans l'univers Marvel - ce qui lui permit d'utiliser comme figurants le Surfeur d'argent ou MODOK.
Mais conscient que le nombre de pouvoirs et de concepts originaux étaient rares, Davis observa que la meilleure opportunité d'inventer des personnages et des situations intéressantes était de se concentrer sur la caractérisation de ses héros et leurs relations.
Davis choisit donc de faire de son équipe de héros une famille car cette configuration imposait des attitudes à ses membres et offrait un large éventail de possibilités dramatiques.
Davis était aussi intéressé par le fait que les super-humains pouvaient utiliser leurs capacités pour améliorer leur propre existence et pas uniquement pour accomplir des actes héroïques ou maléfiques.
Même si les Destines forment une grande famille, l'essentiel du groupe compte Rory, Pandora, Samantha, Walter, Kay et Dominic. Prenons un instant pour les présenter plus précisèment :

- Adam est le père. Né en 1168, il parait n'avoir que 35 ans, il est invulnérable, et a disparu de la circulation depuis 15 ans au début du récit.
- Rory a 12 ans, et possède des dons télékinésiques.
- Pandora est la soeur jumelle de Rory, et peut lancer des rafales d'énergie pure.
- Samantha peut générer du métal pour se créer une armure ou des objets (offensifs - comme des épées - ou autres - comme des ailes).
- Dominic a des sens super-développés.
- Albert est un moine bouddhiste paraissant 80 ans et peut soigner les blessures (même mortelles).
- Kay est l'ainée. Surnommée "Kuckoo"("Coucou"), elle peut transférer son esprit dans d'autres corps et détient des capacités télépathiques.
- Newton a une intelligence supérieure et réside sur une autre planète.
- Walter se transforme en un monstre bleu à la force surhumaine.
- William allie force, agilité et endurance à un niveau exceptionnel.
- Gracie est née en 1503, mais ne semble être âgée que de 60 ans, et est à la fois télépathe et télékinésiste.
Dans le premier épisode, deux membres de la famille, Florence et Maurice, trouvent la mort. Et lors d'une ballade avec Rory et Pandora, Adam leur montre, dans la propriété familiale, les tombes de Sherlock, Garth, Vance et Vincent.
*
Chronologiquement, l'histoire débute avec Adam de Ravenscroft, né dans le village du même nom au coeur de l'Angleterre, lors de l'été 1168, quand le pays était sous le joug des conquérants Normands (descendants des Vikings).
La jeunesse d'Adam se déroule dans le milieu paysan et il grandit sans nourrir d'ambitions particulières. Mais à 16 ans, il s'empale accidentellement sur une faux. Il se rétablit pourtant miraculeusement, après avoir fait un rêve étrange où il rencontrait une créature féminine inhumaine. Il est alors rebaptisé Adam Destine par les habitants du coin qui lui prédisent un avenir glorieux.
En 1189, Adam rejoint les rangs de la troisième croisade. Durant les batailles auxquelles il est mêlé, il n'est jamais blessé et croit qu'il est protégé par l' "ange" qu'il a rencontré dans son rêve.
En 1191, il est devenu un vétéran des campagnes d'Acre, Arsuf et Jaffa. Il devient alors trop confiant, risque-tout, jusqu'à ce qu'il soit capturé par le seigneur de guerre Al Kadhdhaab. Ce dernier a besoin de l'aide d'Adam pour vaincre le mage Sujanaa Min Raghbah, qui possède une gemme géante aux pouvoirs magiques. En songe, Sujanaa a vu qu'Adam serait son assassin et Kadhdhaab en est également convaincu. Adam se rend jusqu'au palais de Sujanaa mais celui-ci le capture. Le mage prétend que sa gemme ne permettra pas qu'il fasse du mal à Adam et celui-ci en profite : il persuade Sujanaa qu'il a été piégé par son propre désir de pouvoir. Pris d'un doute, le mage relâche son emprise sur Adam qui le tue.
Adam sent alors que quelque chose de vivant se trouve dans la gemme et tente de le libérer mais Kadhdhaab le frappe par derrière et tente de s'accaparer le pouvoir du cocon pour lui seul. Adam, comprenant qu'il a été trahi, emploie ses dernières forces à l'en empêcher. Elalyth apparaît alors, c'est la créature qu'avait rencontrée en rêve Adam , un Djinn, et détruit Kadhdhaab. Puis elle rend la vie à Adam, mieux elle en fait un immortel, invulnérable, puis ils s'étreignent langoureusement comme deux amants.
Au fil des siècles, Adam et Elalyth donnent naissance à plusieurs enfants qui, chacun, héritent de pouvoirs surhumains et d'une longévité supérieure à la normale.
A mesure que la civilisation progresse et que la technologie s'améliore, il devient plus compliqué pour les membres de la famille de disparaître ou de passer poour leurs propres descendants, un des fils d'Adam, Newton, met au point le "Relative Stranger Protocol", qui permet de créer de nouvelles identités pour chacun d'entre eux et leur permet de garder le secret sur leur nature intact.
Au XXième siècle, après que son fils Vincent ait détruit le manoir familial, Adam le tue, pressentant qu'il deviendra le "mal". Mais ce drame provoque l'éclatement du clan.
Dominic, qui considère le geste d'Adam impardonnable, devient un ermite et s'isole sur une petite île, loin de tout.
Elalyth retourne dans son foyer mystique d'Yden, et Adam, qui voit dans son infanticide la trahison envers son amour, quitte la Terre pour voyager dans l'espace grâce à un véhicule conçu par Newton.
Les derniers nés de la lignée, les jumeaux Rory et Pandora, sont confiés à Walter, qui leur fait croire qu'il est leur oncle, et à Florence, qui se fait passer pour leur grand-mère.
Les pouvoirs de Rory et Pandora se manifestent plus tôt que ceux de leurs frères et soeurs parce qu'ils sont jumeaux, et lorsqu'ils s'éloignent l'un de l'autre ils faiblissent. Les deux enfants, croyant qu'ils sont des mutants, décident alors de devenir des super-héros et combattent le crime sous les noms et costumes du Crimson Crusader et Imp.
Un soir, ils rencontrent ainsi deux groupes, d'un côté une créature nommée Lenz et ses "enfants", et de l'autre le Dr. Hywel Griffin et ses Omegans, se disputant pour mettre la main sur un certain Gryphon. Ne sachant quel parti prendre, Rory et Pandora s'emparent du Gryphon et prennent la fuite avec le projet de restituer ce qu'ils ont pris à son propriétaire véritable.
Le Gryphon est en fait un dispositif, signifiant "Genetic Realignment Yield Polarity Harmonizing Orientation Net", et permettant de remodeler génétiquement un organisme développé, quel que soit son âge ou sa composition génétique. Lenz, qui est un scientifique humain transformé en monstre par l'organisation
A.I.M., espère utiliser le Gryphon pour stabiliser ses "enfants" qui meurent habituellement quelques jours après leur naissance. Griffin est un albinos qui compte se guérir avec ce même dispositif. Les deux adversaires vont traquer les jumeaux Destine pour récupérer le Gryphon.
Lorsqu'elle s'est enfuie avec Rory, Pandora a perdu la cape de son costume qui avait été fabriqué et signé par sa soeur, Kay Cera. Lenz envoie ses enfants tuer Kay et trouve ainsi l'histoire du Clan Destine dans son carnet de notes.
Kay survit en transférant son esprit dans un chat tandis que les créatures de Lenz agressent les autres membres de la famille Destine, supprimant Florence et Maurice.
Les autres membres du Clan s'unissent et vont chercher à venger les leurs en faisant payer Griffin, qu'ils jugent responsables des morts de Flo et Maurice. Lenz apparait alors et kidnappe Rory, mais ils sont tous sauvés grâce à Adam, qui a senti la mort de ses enfants et a regagné la Terre (avec l'aide du Surfeur d'Argent). Une fois qu'il a vaincu Lenz, Adam le laisse quand même partir car il ne le considère pas comme vraiment malfaisant mais juste comme quelqu'un essayant de sauver ceux de son espèce.
Lorsque les Destines reviennent chez eux, Adam accepte de laisser les jumeaux aux bons soins de Walter, estimant qu'il a failli à son rôle de père en quittant la Terre onze ans auparavant.
Walter veut que les deux enfants retournent à l'école et mènent une existence normale, menaçant, s'ils persistent dans leur carrière de justiciers, de les séparer.
Rory et Pandora fuguent alors et atterrissent, après une traversée de l'Atlantique mouvementée, à New York pour y devenir super-héros à plein temps, comme leurs idôles (les Vengeurs ou les X-Men). Mais ils croisent la route de Spider-Man qui les convainc de rentrer chez eux, après leur avoir démontré qu'ils échoueraient dans leur projet.
Après le retour des jumeaux, Dominic et Adam persuadent Walter de laisser Rory et Pandora poursuivre leurs "patrouilles contre le crime" en les chaperonnant.
*
Ces huit premiers épisodes (plus une brêve preview) sont un pur régal et suggèrent qu'Alan Davis avait conçu sa série comme un projet à long terme, que la débâcle de Marvel UK a mis à mal. C'est vraiment dommage, même si depuis l'auteur a ranimé ses héros pour une deuxième "saison" (Blood relative) - hélas ! sanctionnée par un échec public sans appel.
Ce qui frappe sans doute le plus à la lecture de ces chapitres est l'espèce d'émerveillement communicatif qui caractérise cette BD, son scénariste-dessinateur et ses lecteurs : Davis est totalement à l'opposé du "grim'n'gritty", du réalisme. Clandestine est porté par un vrai souffle, une légèreté, un dynamisme qui sont irrésistibles. On est pris dans un véritable tourbillon, à la fois fantaisite et dramatique, coloré et palpitant, dont l'artiste semble avoir le secret.
Pas un temps mort et une formidable inventivité : en convoquant des éléments historiques, mythologiques, féériques, c'est un pur récit d'aventures qui nous fait (presque) oublier ses atours super-héroïques. Les héros de Davis sont des monstres aimables dont l'apparence atypique ne les rend pourtant pas inquiétant, et dont les rapports sont à la fois énergiques (ils passent en vérité leur temps à se disputer, pour des motifs tantôt futiles, tantôt tragiques) et d'une grande richesse (la manière dont est suggéré le drame sur la mort de Vincent, le fils maudit ; le fait d'avoir camouflé aux jumeaux la réalité de la fraternité Destine ; le détachement d'Adam dû à son immortalité ; le peu de scrupules de Kay ; la vigilance excessive de Walter, etc.).
Tout cela produit un effet de relief qui nous rend ces super-héros malgré eux très attachants : le fait même qu'il n'y ait que 8 épisodes confère une densité rare au récit où l'aspect relationnel est enchaîné au flux de l'action, ne laissant aucun répit au lecteur tout en lui donnant de quoi "manger". Malgré le côté diablement entraînant de l'aventure, chacun des personnages possède une ambiguïté, une humanité, qui nous fait autant vibrer que les dangers qu'ils affrontent.
Tant et si bien que lorsque les jumeaux atterrissent à New York (ou, plus brièvement auparavant, lorsqu'Adam croise le Surfeur d'Argent ou que Modok apparaît), ce rattachement à l'univers Marvel classique est presque plus déroutant que la présentation et la réunion des Destine : l'arrivée de figures familières comme Spider-Man dans l'histoire donne davantage l'impression que Marvel s'invite dans le "Davisverse" que le contraire - un comble !... Mais aussi le signe que l'univers de l'auteur a une sensibilité, une identité suffisamment forte pour tenir le choc avec celui de son éditeur !
Brillamment écrit, c'est aussi une succession d'épisodes formidablement dessinés, dans ce style à la fois puissant, souple et élégant qui distingue Davis : ses découpages explosifs, l'expressivité de ses personnages, l'imagination constante dont il fait preuve est à la fois un régal de lecture et une leçon de storytelling.
Il se dégage de ces pages quelque chose de galvanisant, de joyeux, d'aérien, que l'encrage de Mark Farmer souligne avec une maestria bluffante : c'est le partenaire idéal de Davis, celui dont la contribution est la plus appropriée à son travail, qui respecte le mieux son trait tout en l'embellissant parfaitement.
Le seul bémol que j'émettrai concerne la colorisation de Patricia Mulvihill qui est à la fois assez fade et parfois franchement approximative (ainsi le personnage de Kay a la peau alternativement blanche puis plus mate, alors qu'il semble qu'elle soit plutôt d'origine africaine). On est loin des palettes plus nuancées dont peuvent aujourd'hui bénéficier les artistes, et que mériterait de telles planches - il suffit pour s'en convaincre de comparer avec la manière dont Paul Mounts a mis en couleurs la couverture de ce volume.
Mais ce détail mis à part, il n'y a rien à reprocher à cette production rafraîchissante et confectionnée par un virtuose, à son meilleur puisqu'il anime les créatures de son invention, en toute liberté.
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L'ouvrage sera déjà conséquent mais ce hardcover propose encore un complèment substantiel au programme avec un crossover de deux fois 48 pages, mettant en scène le Clan et les X-Men.
X-Men and The ClanDestine est une mini-série en deux épisodes, publiée en 1996.

On y assiste à la première apparition d'une autre membre de la famille, Gracie, qui, plusieurs années auparavant avec Kay, ont banni de la Terre le démon Synraith avec l'aide du jeune et inexpérimenté Charles Xavier, fondateur des X-Men.
Dans ce récit, Synraith resurgit et tente d'éliminer les trois humains à l'origine de son bannissement. Les X-Men et les Destines s'allient pour stopper une nouvelle fois le démon et sauver les membres de leur famille : Xavier, Colossus, Adam, Kay et Gracie sont prisonniers de l'endroit où Synraith se trouve tandis que les autres mutants, dont certains sont sous l'emprise du démon, affrontent les autres éléments du Clan, également perturbés par cet ennemi.
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Comme je le disais plus haut, l'univers de ClanDestine est tellement fort et vivant qu'il se suffit à lui-même. En y greffant des personnages du Marvelverse classique se produit un étrange décalage, comme si ces derniers n'y avaient pas vraiment leur place.
C'est, pour résumer, le problème principal de ce crossover où les mutants (à l'époque dans une formation qui est loin d'être aussi bonne que celle de la grande époque de Claremont-Cockrum-Byrne-Smith) et les Destine doivent lutter contre le même adversaire.
Or, cet adversaire appartient nettement plus à la veine de la série créée par Davis qu'à celle de Stan Lee puisqu'il s'agit d'un démon, une créature mystique comme celle à l'origine du Clan. Même si les X-men ont également eu des ennemis provenant du registre fantastico-magique, ça n'est pas aussi évident.
Du coup, l'originalité de Davis semble se diluer et ce dyptique, composé qui plus est de volets comptant le double de pages d'épisodes traditionnels, peine à passionner. La sauce ne prend pas, ou en tout cas pas suffisamment : alors que dans les huit premiers chapitres de ClanDestine, Rory et Pandora s'interrogeaient sur la possibilité qu'ils étaient des mutants, cette "parenté", dementie au cours de leurs premières aventures, n'est pas vraiment exploitée - tout juste suggérée lorsqu'on devine que Wolverine et Adam se sont déjà croisés par le passé. De même, en se retrouvant, Xavier, Kay et Gracie n'ont pas le temps de considérer cette situation - et Davis d'exploiter les trajectoires du télépathe et des deux soeurs - car ils sont immédiatement re-confrontés à Synraith dans un combat dont seul le dénouement a l'éclat des grandes batailles menées par le Clan ou les X-Men.
Néanmoins, malgré cette déception, le récit se lit sans ennui, ce qui prouve l'habileté de Davis qui, bien que peu inspiré, mène son affaire sans traîner. Mais bon, c'est clair qu'il nous a habitués à mieux...
En revanche, graphiquement, l'artiste continue à nous en mettre plein la vue : il "tient" bien tous ces personnages, le découpage est alerte, l'image vous saute littéralement à la figure avec cette énergie qui est la marque de ce grand dessinateur. On sent une jubilation manifeste dans les transformations de plus en plus terrifiantes de Walter, véritable attraction de cette histoire et "chouchou" évident d'Alan Davis depuis le début : il est vrai que le personnage est spectaculaire, aussi bien physiquement que psychologiquement.
L'encrage de Mark Farmer est toujours impeccable et les couleurs de Joe Rosas sont bien supérieures à celles de Mulvihill.
Même si ce croisement, prometteur, ne satisfait pas complètement, il confirme le talent de conteur et, surtout, d'imagier baroque qu'est Davis.
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Ne soyez donc pas hésitant devant ce volumineux pavé de plus de 300 pages : il se dévore avec gourmandise et offre deux divertissements par un maître du genre. Un investissement impossible à regretter (d'ailleurs on peut se le procurer pour un prix très raisonnable), dôté de quelques jolis bonus (sketches, couvertures originales, illustrations promotionnelles, et une postface rédigée avec une honorable humilité).

vendredi 13 novembre 2009

Critique 113 : FANTASTIC FOUR VISIONARIES 1-5, par John Byrne

L'oeuvre la plus importante de John Byrne après les X-Men (co-écrit avec Chris Claremont de Décembre 1977 à Mars 1981) est son run de six ans sur Fantastic Four (#232-293, 1981-1986), considéré par beaucoup comme un "second âge d'argent" pour la série.
Sur ce titre, Byrne a déclaré que son but était de revenir aux basiques et de voir ce qui faisait la fraîcheur et la grandeur des FF à leurs débuts. Cependant, il a marqué de son empreinte la mythologie de la série en y apportant un nombre significatif de mdifications : Ben Grimm y fut remplacé par Miss Hulk alors que la Chose vivait ses propres aventures dans son propre comic-book (également écrit par Byrne), et la fiancée de ce dernier, Alaicia Masters, le quitta pour vivre avec son co-équipier Johnny Storm/ la Torche Humaine ; Jane Storm-Richards vit ses pouvoirs accrus, devenant un membre plus influent au sein du groupe au point d'être renommée la Femme Invisible ; puis le Baxter building, leur quartier général, fut détruit.
Alors qu'il semblait installé pour encore longtemps sur le titre, Byrne l'abandonna pourtant au sommet de sa gloire, justifiant son départ par des divergences artistiques avec son éditeur. Malgré tout, encore aujourd'hui, son run reste probablement l'un des plus aboutis, si ce n'est le meilleur, depuis la glorieuse époque du duo Stan Lee-Jack Kirby. En tout cas, la durée de son investissement (pensez donc, six ans avec un même homme sur un titre aujourd'hui, cela serait étonnant) et la qualité de ses histoires, tant au niveau de l'écriture que du dessin, n'ont pas été égalées depuis.
Marvel Comics a réuni dans une collection les épisodes de Byrne justement intitulée Fantastic Four Visionaries, dont voici un passage en revue des cinq premiers volumes (sur huit). Une page d'Histoire et une leçon de storytelling !

Ce premier tome contient les épisodes 232 à 240, publiés de Juillet 1981 à Mars 1982.

- #232 : les FF affrontent le sorcier Diablo qui a créé pour les supprimer quatre entités possédant les pouvoirs des éléments (eau, terre, feu, air). Avec le concours du Dr Strange, le quatuor neutralisera ces adversaires.
- #233 : Johnny Storm réhabilite un ancien camarade de classe injustement condamné à mort (et exécuté) à la demande d'un prêtre. L'occasion pour la Torche Humaine de combattre Hammerhead.
- #234-235 : un individu apparemment ordinaire, Skip Collins, est en vérité lié à une planète vivante, Ego, qui le dôte de pouvoirs immenses et sur laquelle va se rendre le quartet pour en annuler l'influence.
- #236 : ce numéro double célèbre le 20 anniversaire de la série. Le Dr Fatalis, némésis des FF, avec la complicité du Puppet Master, le père d'Alicia Masters, emprisonne ses ennemis dans une ville miniature, Liddleville, pour mieux les persécuter... Jusqu'à ce que la situation se retourne contre lui.
- #237 : John Byrne introduit un sub-plot (une intrigue secondaire qui sera ultérieurement développée : une technique que lui et Claremont employaient couramment dans X-Men) impliquant Frankie Raye, la girlfriend de Johnny, tandis que le groupe rencontre une géante extra-terrestre, Spinerette, échouée avec plusieurs de ses semblables sur Terre.
- #238 : nous découvrons le secret de Frankie Raye, possédant des pouvoirs semblables à Johnny Storm à cause de son beau-père, Phinéas Horton, le créateur de la Torche Humaine originelle. Elle intègre l'équipe tandis que Reed en cherchant à redonner à Ben Grimm son apparence humaine altère sa physionomie de manière dramatique.
- #239 : en route pour Benson, un bled perdu où les habitants meurent littéralement de peur. La petite Wendy y a d'étranges amis... Que même les FF ne réussiront pas à dominer !
- #240 : du grand spectacle en perspective : Attilan, la demeure des Inhumains, est carrèment déplacée sur la Lune, dans la zone bleue où réside Uatu, le Gardien, pour la survie de ses habitants.
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Ce qui frappe dans ces premiers épisodes, c'est la rapidité avec laquelle John Byrne s'empare des personnages, de leur dynamique de groupe, en les plongeant tout de suite dans une succession d'aventures spectaculaires et déjà mémorables.
Il sait à la fois prendre le temps de s'intéresser à chacun (comme dans l'épisode où Johnny enquête sur son ami exécuté, ou quand il commence à se pencher sur les mystères de Frankie Raye) et il interroge le quatuor sur ses origines, ses failles (dans l'épisode du 20ème anniversaire qui est une vraie leçon de storytelling, avec le piège de Fatalis qui se refermera sur ce dernier).
Byrne sait aussi instiller une ambiance comme personne, en peu de pages, tout en en exploitant tout le potentiel : le séjour des FF à Benson est un hommage aux films d'épouvante au dénouement troublant. Au coeur de ce récit, il aborde le thème de la maltraitance des enfants sans jamais être lourd. C'est fabuleux.
Enfin, il réalises deux "issues" particulièrement saisissantes : contre la planète vivante Ego, c'est toute la mythologie des voyages spatiaux de la série qui est revisitée en deux volets au déroulement crescendo ; meilleur encore est le "déménagement" des Inhumains sur la Lune (qui sera évoqué dès le premier épisode du volume 2), avec des accents écologistes et pacifistes inspirés.
A cette variété de thèmes, de tons, répond une maîtrise graphique prodigieuse : Byrne "tient" déjà ses héros - certes, il ne les dessine pas pour la première fois - mais il va y imposer sa griffe, et durablement. Sous son crayon, la Chose a vraiment un aspect brut, rocailleux, fascinant ; Sue possède une féminité qui va au-delà du simple sex-appeal ; Johnny possède une juvénilité exempte de niaiserie ; et Reed incarne l'intelligence et la sagesse à la perfection. La galerie de seconds rôles témoigne de l'art de Byrne pour camper des personnages dont on se souviendra longtemps (comme le pourtant banal Skip Collins, ou les troublants Inhumains auxquels il donne de l'élégance et de la majesté).
Le génie de Byrne s'exprime aussi dans les décors où il invente des bâtiments délirants, où la technologie foisonne, qu'il prend plaisir à saccager pour montrer des paysages dévastés dessinés avec un souci du détail qui ira grandissant. Dépaysement garanti !

Pour un début, c'est déjà un sans-faute : on finit ce premier tome avec le sentiment d'avoir entre les mains une oeuvre amenée à devenir un classique. Qu'un seul et même homme parvienne à ce résultat a de quoi bluffer le plus blasé des lecteurs de comics mainstream !
Ce deuxième tome contient les épisodes 241 à 250, publiés d'Avril 1982 à Janvier 1983.

- #241 : au Wakanda, en compagnie de la Panthère Noire, roi et héros de cette contrée africaine, les FF doivent faire face à Gaius Tiberius, survivant de l'Empire romain dôté de pouvoirs immenses.
- #242-244 : un arc mémorable et spectaculaire où le héraut rebelle de Galactus, le dévoreur de mondes, oblige nos héros à tuer son maître. Un projet insensé : le géant se débarrasse de Terrax puis, pour apaiser son appétit, entreprend de détruire la Terre. Avec l'aide des Vengeurs, il en est empêché. Mais Reed se refuse à laisser mourir leur adversaire et le ranime. Frankie Raye offre de remplacer son héraut, causant une grande détresse chez Johnny. Galactus promet de ne plus menacer la Terre, reconnaissant. Le calme revient ? Pas sûr : les pouvoirs de Franklin Richards s'éveillent brusquement alors qu'il est surveillé par le robot H.E.R.B.I.E. ...
- #245 : Devenu subitement adulte et fabuleusement puissant, mais amnésique, Franklin rend à la Chose son aspect rocailleux après que ses parents l'aient raisonné.
- #246-247 : Fatalis entraîne les FF en Latvérie sous le joug d'un souverain encore plus tyrannique que lui : Zorba. Contre toute attente, nos héros aident leur pire ennemi à récupérer son trône... Pour le bien de la population locale.
- #248 : De retour à Attilan, Fantastiques et Inhumains sont victimes d'un épouvantable cauchemar collectif. Seul Triton en a localisé la cause, dans les profondeurs de la Lune, et va prévenir les siens de la menace qu'il a découverte.
- #249-250 : l'officier de la garde impériale Shi'Ar, Gladiator, traque un équipage Skrull à travers l'espace et échoue sur Terre où il agresse les FF qu'il prend pour les aliens métamorphes. Captain America et Spider-Man s'interposent pour dissiper ce malentendu et appréhender les malfaisants extra-terrestres.
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Ce deuxième volume tient toutes les promesses entrevues dans le précédent et souligne une montée en puissance de Byrne, qui va désormais s'autoriser des audaces narratives et graphiques de plus en plus marquées.
La preuve la plus flagrante de cet affranchissement pourrait se résumer dans le tryptique au coeur duquel Terrax oblige les FF à l'aider à supprimer Galactus : de la démonstration de force du héraut rebelle du dévoreur de mondes à sa déchéance puis au combat opposant Vengeurs et Fantastiques au géant cosmique et enfin à la décision (qui sera lourde de conséquences, résolues dans le volume 4 - soit plus de deux ans après !) de lui sauver la vie, le récit est prolixe en rebondissements spectaculaires, scènes intenses, surprises choquantes... Parmi lesquelles la plus mémorable reste sans doute le choix opéré par Frankie Raye de devenir la nouvelle émissaire de Galactus, Nova ! Ce faisant, elle brise le coeur de Johnny, qui de jeune feu follet insouciant acquiert une gravité inédite, mais surtout va nouer une relation trouble et troublante avec son maître pour lequel elle nourrit à l'évidence un sentiment amoureux. Ce couple extraordinaire inspirera à Byrne ce qui est peut-être sa plus belle oeuvre, mais aussi sa plus rare : La dernière histoire de Galactus, publiée dans la revue Epic.
L'art du contre-pied de Byrne s'exprime aussi dans les alliances qu'il ose former entre ses héros et leur pire ennemi, Fatalis, lorsque celui-ci obtient (certes par la force) à libérer sa Latvérie d'un tyran encore pire que lui ! Cette mini-fable politiquement incorrecte, moralement équivoque, est l'occasion d'un double épisode plaçant les 4F dans une position délicate où leur idéalisme est interrogé avec perversité.
De pouvoir politique et de ses excés, il en est également question dans le magnifique séjour des FF au Wakanda où, en compagnie de la Panthère Noire, ils affrontent un mégalomane sorti de l'époque de l'Empire romain !
Le thème de la mystification, de la confrontation traverse ces épisodes puisque ce recueil s'achève avec un autre double épisode où les Skrulls médusent Gladiator au grand dam du quatuor mais aussi Captain America et Spider-Man, prestigieuses guest-stars de passage. Byrne y adresse un clin d'oeil aux nostalgiques de son autre run historique en convoquant les X-Men (ou presque). C'est aussi en décrivant un sidérant cauchemar sur Attilan que l'auteur se joue de nous et de ses héros.
Le dessin est un festival : abondant en morceaux de bravoure, ces volets permettent au dessinateur de donner toute la mesure de son insolent talent. Il prend un plaisir particulier à représenter des scènes de dévastation hors du commun (Manhattan arraché à la Terre par Terrax puis saccagé dans le combat contre Galactus, Attilan balayé par un alien gigantesque, les rues de Big Apple ravagées par la furie de Gladiator).
C'est aussi à cette époque qu'après la tentative ratée de Reed de redonner forme humaine à la Chose, cette dernière recouvre son aspect de brique par l'intervention "divine" de Franklin au cours d'un chapitre où le fils de Mr Fantastic et la Fille Invisible dévoile le potentiel d'un Dieu...

La suite s'annonce encore meilleure avec une saga épique qui fera de 1983 un très grand millésime...

Ce troisième tome contient les épisodes 251 à 257, l'Annual #17, mais aussi Avengers #233 (co-écrit par Byrne et Roger Stern, dessiné par Byrne, et qui complète le n°256 des FF) et The Thing #163 (illustré par Ron Wilson).

- #251-255 : avec cet arc exceptionnellement long, nous partons pour la Zone Négative, une dimension parallèle à propos de laquelle Reed Richars veut complèter ses connaissances. Malheureusement, en en franchissant la frontière, les FF ignorent que leur adversaire de cet univers, le redoutable Annihilus, en a profité pour pénétrer dans notre monde : il séquestre Franklin et Alicia. Cependant, le quatuor découvre la planète Ootah où a lieu unn étrange rituel matrimonial (l'épisode est entièrement cadré "à l'italienne", avec des bandes horizontales, ce qui souligne l'étrangeté de cette première station). Puis ils croisent un vaisseau Kestorian à la dérive depuis des millènaires mais incapables de renouer avec une vie normale sur un monde pourtant fait pour eux, où les a guidés Reed. Enfin, ils sont victimes d'un effroyable piège tendu par Mantracora, qui va les obliger à quitter la Zone Négative précipitamment...
- Avengers 233 + FF #256 : ce crossover express montre la même situation sous deux angles différents. D'un côté, sur Terre, les Vengeurs doivent faire face à l'assaut d'Annihilus depuis le Baxter Building. De l'autre, les 4F tentent une sortie risquée de la Zone Négative. Leur ennemi commun retournera dans sa dimension sans ménagement et, au passage, Reed, Sue, Johnny et Ben verront leurs costumes re-designés en bleu et blanc !
- Thing #163 : cet épisode anecdotique (dessiné par Ron Wilson) lève le voile sur un pan du passé de Ben Grimm, avant qu'il ne devienne la Chose, et son premier amour, tandis qu'Alicia se remet doucement des supplices que lui a infligée Annihilus.
- #257 : Galactus, affamé et désormais précédé par Frankie Raye/Nova, dévore le monde Skrull - un acte qui ne restera pas sans conséquence... Pour protéger Franklin et mener une existence plus ordinaire, Sue convainc Reed d'emménager en banlieue en adoptant des doubles identités et va visiter une maison. En son absence, son mari est enlevé - mais par qui ?
- Annual 17 : Sharon Selleck, l'ex-co-locataire de Frankie Raye, tombe en panne en rase campagne avant de tomber dans les griffes des habitants du coin, contaminés par le lait de trois vaches... Qui furent des Skrulls piègés il y a fort longtemps par les FF (dans le 2ème épisode de la série !). Johnny Storm, devenue proche de la jeune femme, entraîne l'équipe à sa recherche.
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Ce troisième tome est d'une qualité en tout point exceptionnelle, et ce pour la simple raison qu'il est bâti sur une histoire qui l'occupe quasi-intégralement : il s'agit de ce qu'on peut baptiser "la saga de la Zone Négative" au cours de laquelle John Byrne va explorer à la fois cette étrange dimension parallèle mais aussi le rôle d'explorateurs qui définit les Fantastiques, en dehors du fait qu'il s'agit d'une famille. En montrant son équipe à l'oeuvre dans ce qui est en vérité leur profession, l'auteur rappelle leur situation particulière : avant d'être des redresseurs de torts classiques comme les Vengeurs ou la majorité des héros solitaires du Marvelverse, les 4F sont d'abord des découvreurs, leurs découvertes inspirent ses inventions à Reed qui en commercialisant leurs brevets financent le train de vie de la formation et... Leurs futures explorations !
Exceptionnelle aussi par la durée qu'il y consacre car cette saga compte pas moins de six épisodes plus un un des Avengers, co-écrit avec le légendaire Roger Stern : ce story-arc est pourtant bien différent de la notion qu'on a aujourd'hui d'une séquence scénaristique tant chaque volet contient d'éléments, va faire évoluer profondèment les protagonistes au fil de rencontres surprenantes, et aboutir à un final mémorable.
Toutes les étapes du voyage sont décrites avec minutie, du départ suscitant des réactions contrastées chez chacun (l'excitation de Reed, l'appréhension de Sue, la curiosité de Johnny, le pointillisme de Ben) et provoquant le passage dans notre dimension du redoutable Annihilus (qui tout en projetant de détruire notre monde va torturer avec un plaisir sadique l'infirme Alicia mais aussi le petit Franklin, ce qui en fait un monstre aussi hideux physiquement que moralement) jusqu'aux rencontres que vont faire nos héros dans cet ailleurs imprévisible.
C'est l'occasion pour le dessinateur Byrne d'expérimenter (avec l'épisode à l'horizontale sur la planète Ootah) et de s'adonner à deux exercices dans lesquels il est particulièrement à l'aise : l'illustration de technologies délirantes (en digne héritier du maître Kirby) et d'aliens aux physionomies les plus variées mais dont il réussit à nous traduire les sentiments, les émotions, la psychologie, d'une manière confondante.
Comme toujours, il nous réserve des surprises narratives auxquelles répondent des audaces graphiques : confronté au terrible Mantracora, qui parviendra à pièger Mr Fantastic lui-même, l'apparence véritable de ce vilain sera à la mesure de la répugnace qu'il inspire au lecteur. Mais c'est surtout le nouveau design des costumes du quatuor qui restera dans les souvenirs puisqu'en sortant de la Zone Négative, le bleu et noir deviendra un élégant bleu et blanc, expliqué d'une façon astucieuse. Aujourd'hui encore, ce relooking reste le plus simple et le plus beau qu'ait imaginé un artiste sur ces personnages.
Alors, après ces émotions fortes, il est vrai que le reste semble moins conséquent : l'épisode de la série The Thing est bien mal dessiné par un Ron Wilson loin de son niveau du récit complet Super-Boxeurs (également écrit par Byrne) et assez anecdotique et l'Annual, bien que revisitant des faits imaginés fort longtemps auparavant par Stan Lee, n'est pas très accrocheur.
Mais l'épisode 257, où Galactus engloutit le monde-skrull, est importantissime pour la suite puisqu'il aboutira à un évènement considérable relaté dans le volume 4, et sur un plan plus intimiste, on suit Sue qui prépare l'installation de sa petite famille (sur le point de s'agrandir car elle et Reed n'ont pas fait que de la recherche scientifique dans la Zone Négative...) hors de New York, donc hors du Baxter Building - hé, oui, les Fantastiques s'apprêtent à délaisser leur Q.G. historique avec lequel ils entretiennent un rapport quasi-organique !

Autant dire qu'on a encore de grands moments en perspective, peut-être même le sommet d'un run déjà mythique...

Ce quatrième tome contient les épisodes 258 à 267, plus Alpha Flight #4 (qui s'intercale entre FF 260 et 261) et The Thing (vol.2) #10 (dessiné par Ron Wilson, situé entre FF 264 et 265), publiés de Septembre 1983 à Juin 1984.

- #258-260 : un tryptique survolté qui marque le retour de Fatalis et... Terrax ! Ayant miraculeusement survécu à son duel avec Galactus, il retrouve une partie de ses pouvoirs cosmiques pour supprimer les FF. Le Surfeur d'Argent s'en mêle, mais lorsque Fatalis découvre que Reed Richards ne participe pas à la bataille tente (au prix de sa vie ?) de stopper Terrax, bientôt consumé par l'énergie dont il a été pourvu. Sue n'a pas le temps de s'interroger de l'absence de Reed que surgit Namor, en piteux état, au Baxter Building...
- Alpha Flight #4 : en Septembre 83, John Byrne accepte décrire et dessiner une série consacrée aux super-héros canadiens de la Division Alpha (apparus dans Uncanny X-Men 120-121 en 1979, et qu'il a créés). Le voilà donc aux commandes de deux productions mensuelles dont il est l'auteur complet !
Vont s'y croiser Sue Richards, Namor et les mutants de la Belle-Province. Ces derniers voient l'une d'eux fuir après avoir sauvagement blessé Puck lors d'un entraînement. Elle est en vérité sous l'emprise mentale du Maître qui l'attire dans son gigantesque repaire sous les glaces du Pôle Nord, là où Namor a failli mourir, dans des eaux contaminées par cet être malfaisant.
Sue, le Submariner et l'Alpha Flight récupèrent Marina (que Namor emmenera à son royaume d'Atlantis au terme de l'aventure) mais le Maître leur échappe en détruisant sa cachette.

- #261-262 : comme dans Alpha Flight, Byrne développe couramment des intrigues en deux chapitres successifs et celui-là constitue peut-être le sommet de son run sur les FF.
Rappelez-vous : Galactus a dévoré le monde Skrull et Reed a disparu. Il est en fait accusé pour ce génocide car il a sauvé la vie du géant de l'espace. Uatu, le Gardien, transporte Sue, Ben et Johnny au tribunal et devient l'avocat de Mr Fantastic face à l'Impératice Shi'Ar Lilandra dans le rôle du procureur. Il faudra l'intervention d'Eternité, créature surpuissante, invoquée par Galactus et Uatu pour sauver Reed de la peine de mort.
Et dans le rôle du chroniqueur judiciaire ? Mais John Byrne lui-même, qui se met en scène dans ce dyptique mémorable !
- #263-264 : en participant à une course automobile privée, Johnny trouve la mort. Mais Ben refuse la fatalité et enquête jusqu'à faire connaissance avec l'organisateur de la compétition, l'auto-proclamé Messie, qui veut utiliser le pouvoir de la Torche pour résoudre d'une manière singulière le problème de la surpopulation. Mais son plan va être contrarié par l'intervention de l'Homme-Taupe...- Thing (vol.2)#10 : l'occasion de revenir sur une aventure du passé... Mais surtout le moment où Reed, Johnny et Ben (Sue, enceinte, est contrainte au repos) vont être happés dans la saga Secret_Wars (Guerres Secrètes en vf), les éloignant de la Terre.
- #265 : en ce temps-là, un crossover ne cannibalisait pas toutes les séries de personnages qu'il impliquait et les aventures des FF reprenaient leur cours un mois après... Avec quelques surprises qui allaient questionner un bout de temps les lecteurs ! Reed et Johnny reviennent sur Terre mais Sue découvre que Ben a été remplacé par She-Hulk avant d'être prise d'un violent malaise : elle est sur le point d'accoucher.
- #266 : Tandis que Reed et Johnny sont au chevet de Sue, Alicia raconte à She-Hulk comment une certaine Charisma rendit fou la Chose. Michael Morbius (le vampire maudit, bien connu de Spider-Man), Bruce Banner (alter-ego de Hulk) et Walter Langowski (alias Sasquatch d'Alpha Flight) convainquent Reed que le seul savant en mesure de sauver Sue n'est autre qu'Otto Octavius, c'est-à-dire... Le Dr Octopus !
- #267 : Reed fait sortir Octavius de son asile mais doit le raisonner sur la route de l'hôpital après qu'il soit pris d'un accès de folie. De retour auprès des siens, Mr Fantastic apprend une terrible nouvelle : Sue a perdu le bébé !
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Le contenu de ce quatrième volume est telle qu'il s'impose instantèment comme un classique du genre : tous les épisodes sont des chefs-d'oeuvre, écrits avec un génie narratif et dessinés avec ampleur graphique comme peu de titres mainstream peuvent s'en vanter. John Byrne n'a sans doute jamais été aussi bon, en pleine possession de ses moyens, aussi inspiré. Tout atteint son but, jamais le niveau ne faiblit : c'est éblouissant. On lit là quelques-unes des plus grandes planches jamais réalisés dans les comics super-héroïques.
Tout démarre avec un tryptique qui donne en quelque sorte le "la" de ce qui va suivre, un feu d'artifices visuel et scénaristique, un concentré de l'art "byrnien", d'une efficacité intacte 25 ans après, pied au plancher. Fatalis ramène Terrax à la vie tout en le piègeant à son insu, s'ensuit un combat homérique contre les Fantastiques, mais où l'absence de Reed et l'intervention du Surfeur d'Argent va bouleverser les plans du maître de la Latvérie.
Rarement vous sentirez de manière aussi tangible la fureur d'un affrontement de titans, entraînant des dégâts spectaculaires, traversé par une tension dramatique soutenu. A peine cette histoire conclue pourtant, Byrne nous embarque à toute allure ailleurs.
Fin 1983, l'artiste pilote deux séries simultanèment ! Ce travail de forçat, loin de l'épuiser ou de l'assécher, semble au contraire le doper puisque les FF vont connaître leurs aventures les plus trépidantes et que La Division Alpha, avec ses mutants canadiens si chers à leur créateur, servira de terrain d'expérimentations passionnantes (dont celle, majeure, d'être une série où la plupart des épisodes s'intéresse davantage à un membre isolé du groupe qu'au groupe lui-même, tout en osant aller la tragédie avec la mort de son leader ou l'emploi de héros physiquement monstrueux, difformes ou sévèrement perturbés psycholgiquement).
Au quatrième épisode d'Alpha Flight, Byrne organise déjà une rencontre avec les FF, ou au moins avec Sue, entraînée au Pôle Nord par Namor. Ce crossover express est une merveille de dynamisme... Et laisse pantois quand on se rend compte qu'un seul et même homme a fait tout ça en même temps !
Toujours plus vite, plus fort, plus haut : telle semble être la devise de Byrne qui enchaîne avec le célébre "Procès de Reed Richards", point culminant d'évènements entamés deux ans auparavant. Souvenez-vous que Mr Fantastic avait sauvé la vie de Galactus, qui a ensuite détruit le monde Skrull, et le voilà tenu pour responsable de ce génocide ! Uatu le Gardien défend le terrien contre l'impératrice Shi'Ar Lilandra (une vieille connaissance des X-Men de l'ère Claremont-Byrne, déjà aux premières loges lors de la mort de Jean Grey). Plaidant contre toute attente (et toute prudence) coupable, Reed ne devra son salut qu'à celui qu'il a soigné et à une entité surpuissante, Eternité, dont l'intervention raisonnera tous les participants de l'audience. Comment exactement cet arbitre opportun justifie-t-il l'existence de Galactus ? Byrne ne répond pas franchement à cette question : on peut trouver cela un peu lâche, facile, mais c'est en fait très intelligent car ainsi il laisse tout leur mystère à des personnages comme lee dévoreur de mondes, le Guardien et Eternité, suggérant qu'ils existent à un niveau qui nous dépasse mais aussi que le jour où la faim de Galactus sera apaisé, le sort de l'univers en sera bouleversé...
Sur un mode plus mineur mais néanmoins très prenant, la fausse mort de Johnny et l'enquête de Ben Grimm qui devra convaincre l'Homme-Taupe de l'aider contre le Messie servent une aventure rondement menée.
L'épisode tiré de la série The Thing est toujours aussi mal dessiné par Ron Wilson et faiblement rédigé, mais il est s'avère indispensable car c'est là que Mr Fantastic, la Chose et la Torche (Sue dont le ventre est maintenant bien rond est obligée de rester à la maison) sont engagés malgré eux dans le méga-crossover de l'époque, Guerres Secrètes (publié en France dans le mensuel Spidey), où le Beyonder va opposer une belle brochette de héros et de vilains à l'autre bout de l'univers.
Mais en ce temps-là, une telle saga ne cannibalisait pas toutes les séries et un mois après, les trois Fantastiques disparus revenaient sur Terre... A un détail près !
En effet, Byrne va bousculer le titre en osant modifier la composition de l'équipe durablement puisque la Chose est remplacée par She-Hulk ! Cette révolution est d'autant plus sensible qu'elle va altérer la dynamique du groupe en y introduisant un deuxième élément féminin, parce que Miss Hulk a un caractère différent de Ben Grimm, et qu'on ne saura que bien des mois plus tard, au terme de la maxi-série Secret Wars, pourquoi la Chose n'est pas revenue avec ses acolytes de la planète du Beyonder. Ce genre de suspense et de révèlations différées pourraient inspirer les éditeurs aujourd'hui que les crossovers contraignent des mois durant les séries régulières à suivre le mouvement impulsé par la saga principale...
Mais à peine revenus, Reed et Johnny doivent faire face à un évènement plus intime mais plus intense qu'un conflit cosmique : Sue est hospitalisée, sur le point d'accoucher, dans un état critique. Le seul à pouvoir les sauver, elle et son bébé, serait le Dr Octopus et le temps que passera Reed à l'emmener au chevet de sa femme aura des répercussions poignantes.
On sait que Byrne ne fut pas favorable à la mort de Jean Grey (et d'ailleurs il la ramènera dans un épisode ultérieur). Pourtant il n'hésitera pas par la suite, dans les productions qu'il dirige, à écrire des chapitres où il sacrifiera, cruellement pour ses lecteurs et ses héros, des personnages, révèlant une tendance au mélodrame - qui est un genre avec lequel les comics super-héroïques flirtent souvent - : ainsi la grossesse tragique de Sue ici et quelques mois plus tard, dans Alpha Flight, le décés de James Hudson/Guardian (qui plus est devant les yeux de sa femme).
Je vois dans ce genre de manoeuvre une volonté d'humaniser un univers fantaisiste, irréaliste : leurs aventures ne les atteignant jamais vraiment, confronter ces personnages à des drames que chacun peut vivre (comme la perte d'un enfant, d'un amant, d'un ami) nous les rend plus proches car plus vulnérables. Ce n'est sans doute pas un hasard si, également au milieu des années 80, des auteurs comme Alan Moore ou Frank Miller "déshabillèrent" également les super-héros pour les humaniser, leur donner plus de réalisme. En procédant à l'intérieur d'un titre mainstream, l'apport de Byrne à cette démythification a eu moins d'impact que des oeuvres-culte comme Watchmen ou The Dark Knight : pourtant, il a fait preuve d'autant, si ce n'est plus, de courage et de radicalité en osant "dé-tabouiser" ce type d'éléments.
C'est sur ce fait notable, et encore une fois en considérant la virtuosité graphique de ces épisodes, dont le découpage pourtant basique en comparaison avec les excentricités actuelles (usant et abusant de splash et double-pages, de cadrages biscornus, d'effets numériques pas toujours justifiés et heureux...) est un modèle de visualisation et de lisibilité, que se clôt ce volume fabuleux.
Et dire que Byrne a fourni encore assez de matériel pour remplir quatre autres tomes...
Ce cinquième tome contient les épisodes 268 à 275, l'Annual 18 (co-écrit avec Mark Gruenwald, dessiné par Mark Bright) et The Thing (vol.2)#19 (dessiné par Ron Wilson), publiés de Juillet 1984 à Février 1985.

- #268 : l'ambiance est sombre : la perte du bébé de Sue et Reed va durablement hanter les épisodes à suivre. Comme si cela ne suffisait pas, Johnny en faisant visiter le Baxter Building à She-Hulk doit lutter contre le masque de Fatalis. Le dictateur latvérien serait-il encore en vie ?
- Annual 18 : le mariage des Inhumains Flêche Noire et Medusa ramènent les 4F à Attilan sur la Lune. Mais les noces vont être perturbées par le duel auquel se livrent depuis des mois un Kree et un Skrull (engagés lors de la bataille entre la Garde Impériale Shi'Ar et les X-Men au cours de laquelle périt Jean Grey/Phoenix dans Uncanny X-Men 141, en 1981).
- #269-270 : l'indien Wyatt Wingfoot va avoir besoin de l'aide des FF pour neutraliser l'imposant Terminus. Sue ronge son frein, privée d'action alors qu'elle aimerait oublier la perte de son bébé. Johnny et Alicia deviennent amants.
- #271-272-273 : Reed constate que depuis son combat contre Mantracora dans la Zone Négative (cf. vol.3, épisodes 254-255) il ne souvient plus d'éléments de son passé. Il se confie à Sue, après que l'équipe (à laquelle fait désormais partie Wyatt Wingfoot, pour qui She-Hulk a le béguin) ait fêté son anniversaire, évoquant leur ancienne rencontre avec l'alien Gormuu. Puis le groupe se rend à la demeure familiale des Richards... Hantée par d'étranges fantômes ! Un voyage interdimensionnel s'impose pour résoudre cette énigme : Reed va y retrouver son père, Nathaniel, qu'il pensait mort, et devenu le Warlord.
- Thing (vol.2)#19 + FF #274 : toujours sur la planète du Beyonder où se jouèrent les Guerres Secrètes (cf.vol. 4, épisode 10 de The Thing), Ben Grimm erre dans des contrées inhospitalières et croise des figures pourtant familères... Alors que sur Terre, le costume-symbiote de Spider-Man s'échappe du caisson où Reed l'avait confiné dans le Baxter Building.
- #275 : et pour clore ce volume sur une note légère, She-Hulk, en compagnie de Wyatt Wingfoot, subit le harcèlement de paparazzis - la rançon de la gloire quand on est devenu membre des Fantastiques...
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Après les sommets atteints dans le volume 4, les épisodes suivants paraissent en-deçà de ce à quoi John Byrne nous avait habitués depuis le début de son run. En resituant les choses dans leur contexte, on peut nuancer cette impression : en effet, l'auteur anime deux séries simultanèment (plus quelques extras), cumulant les postes de scénariste, dessinateur et encreur. Personne ne peut prétendre enchaîner des chefs-d'oeuvre sans discontinuer à ce rythme-là.
Il est par ailleurs intéressant de remarquer qu'au moment donc où Byrne va un peu mollir sur les FF, il compensera en quelque sorte en produisant d'excellents épisodes d'Alpha Flight (où il bénéficiera du soutien de Bob Wiacek comme encreur). Les editors des FF vont aussi se succéder, avec Carl Potts, Bob Budiansky, Denny O'Neill ou Mark Gruenwald sous la tutelle de Jim Shooter... Que Byrne tiendra pour responsable de son éviction du titre. Le partenariat des deux hommes a, semble-t-il, toujours été tendu même s'il a abouti à des productions magnifiques (Shooter supervisant déjà les X-Men). Mais passons.
Byrne va continuer à "shacker" les 4F pour sa quatrième année sur le titre. Toutefois, la magie opère moins. Sans doute, tout simplement, parce qu'il a déjà beaucoup (dé)fait : la Chose n'est plus là, Johnny a connu bien des soubresauts sentimentaux, et Reed et Sue doivent "gérer" la perte de leur enfant. Il faut, parallèlement, intégrer la nouvelle recrue, She-Hulk, et concevoir de nouvelles menaces qui ne souffriront pas de la comparaison avec les évènements du volume 4. La barre est haute !
L'autre handicap tient dans l'Annual, d'un niveau médiocre : l'histoire imaginée par Byrne et Mark Gruenwald est divertissante, référentielle, mais finalement vite oubliée. Pourtant, ce genre d'épisode construit autour d'un mariage (ici celui de Flêche Noire et Medusa chez les Inhumains) a souvent fourni de bonnes "issues", mais là, ça ne prend pas. Et ça prend encore moins à cause de dessins épouvantables pourtant signés Mark Bright.
L'incorporation de Wyatt Wingfoot et le récit qui conduit Reed à retrouver son père, devenu le maître d'une Terre parallèle dans le futur, relève d'un cran ce cru 84-85 : Byrne nous distrait avec une maîtrise de grand professionnel, sans forcer son talent, mais avec de belles idées, notamment sur le plan graphique (son utilisation de planches avec des cases verticales est d'une élégance et d'une efficacité impeccables).
Et l'épisode 273 est une piquante récréation sur le thème des affres de la célébrité, avec Miss Hulk harcelée par la presse à scandales alors qu'elle bronze topless sur le toit du Baxter Building et que son idylle avec Wingfoot est manifeste. Ce récit léger, pétillant, sans prétention, vaut bien mieux que le nouvel épisode de The Thing qui se poursuit dans FF #274 où Ben Grimm, toujours sur la planète du Beyonder croise la route de monstres issus du folklore terrien.
En revanche, la manière dont Byrne évoque l'évolution de Sue est subtile : entre le chagrin dû à la perte de son enfant et le caractère déterminé dont il a dôté la jeune femme, et en la ramenant sur le terrain, il décrit admirablement comment elle traverse cette épreuve.
Le bilan est donc mitigé pour ce volume - le dernier que je chronique pour l'instant puisque je n'ai pas encore pu acquérir les trois suivants, qui clôturent le run de John Byrne. A suivre donc, bientôt (j'espère...).

Critique 112 : SEVEN SOLDIERS OF VICTORY, par Grant Morrison

(Ci-dessus : les deux couvertures unifiées de l'édition hardcover, signées Ryan Sook.)

(Ci-dessus : dans quel ordre faut-il lire la série, selon son auteur...)






Seven Soldiers Of Victory est une maxi-série écrite par Grant Morrison et publiée par DC Comics. Il s'agit plus précisèment de sept mini-séries interconnectées, encadrées par un prologue et un épilogue. Ces séries constituent une nouvelles version des Seven Soldiers of Victory et de leur combat pour sauver la Terre contre les Sheeda.
Cette "méta-serie" (comme l'a nommé Grant Morrison) compte 30 épisodes.
Seven Soldiers #0 et #1 sont dessinés par J.H. Williams III.
Le reste compte sept mini-séries de quatre épisodes chacune :
- Shining Knight, dessiné par Simone Bianchi ;
- Manhattan Guardian, dessiné par Cameron Stewart ;
- Zatanna, dessiné par Ryan Sook ;
- Klarion, dessiné par Frazer Irving ;
- Mister Miracle, dessiné par Pasqual Ferry (#1) puis Freddie Williams II (#2-3-4) ;
- Bulleteer, dessiné par Yanick Paquette ;
- Frankenstein, dessiné par Doug Mahnke.
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- Dans le premier chapitre de cette histoire, le Vigilante rassemble avec un nouveau Spider (rebaptisé I, Spyder", apparemment le fils de l'original) une équipe de justiciers composée de Gimmix, Boy Blue, Dyno-Mite Dan et the Whip. Le groupe doit affronter l'Araignée de Buffalo Spider mais sera massacré durant cette bataille.
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Les sept mini-séries suivantes s'intéressent chacune à un personnage différent, indirectement connecté au premier groupe. Chacune de ces séries est illustrée dans un style différent, par un artiste différent, et chaque histoire explore un genre particulier.
L'idée centrale de Morrison est que ces sept personnages forment une part d'une intrigue globale pour un combat final, mais ils ne se rencontrent jamais (même si on trouve dans chacune de leurs aventures des références à ce qui arrive à un ou plusieurs des autres). Donc, c'est une équipe mais qui n'agit jamais collectivement.
Une explication à cela est fournie dans les séries Manhattan Guardian et Zatanna :
- dans la première, un homme nommé Ed Starsgard (alias Baby Brain) dit au Guardian que les Sheeda ont déjà attaqués l'humanité précédemment, fréquemment, et laissant daux survivants juste assez pour reconstruire avant un prochain assaut. Une prophétie affirme cependant que les Sheeda pourraient éventuellement être stoppés par sept soldats, donc ils ciblent leurs attaques à chaque fois sur un groupe de sept héros. A ces sept nouveaux soldats de se trouver pour contre-attaquer aujourd'hui.
- Dans la seconde, un fantôme remarque qu'il ya trop de coïncidences dans cette histoire et qu'un lien mystérieux semble toutes les unir. Cela justifierait que les Sept Inconnus de Slaughter Swamp auraient été les Sept Soldats désignés pour stopper les Sheeda.
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Dans une interview, Grant Morrison fit remarquer que ces séries d'histoires (qu'il appelait "mégaseries" ou "métaséries") prenaient place après le crossover Infinite Crisis. Après en avoir parlé avec Morrison, Dan Didio, l'editor-in-chief de DC Comics, rectifia cette remarque et déclara que ces séries se déroulaient en fait une semaine avant Infinite Crisis.
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La dernière bataille :
Après de multiples tribulations dans leurs propres mini-séries, les Soldats prennent finalement part à un ultime affrontement contre la Reine des Sheeda à New York, chacun des Soldats affectant différemment le cours du conflit sans savoir idée de sa globalité.
Le sommet de ce grand final est initié par Zatanna lorsqu'elle lance le sort appelant les Sept Soldats à frapper. Cette formule magique place chacun en position.
Après avoir voyagé jusqu'au royaume des Sheeda dans le futur, Frankenstein
s'empare de la forteresse volante de la Reine et la ramène dans le présent à New York. Ici et alors, elle peut être appréhendée par la justice grâce auu groupe d'intervention spéciale du paranormal, le S.H.A.D.E..
Lorsque la forteresse volante apparaît, le Shining Knight - qui a traqué la régente dans le futur - attaque avec succés la Reine en la blessant sévèrement et la laissant à la merci d'une attaque de I, Spyder, qui lui tire dessus avec une flêche et la laisse s'écraser dans les rues de New York.
Au même moment, le Manhattan Guardian
entraîne plusieurs milliers de New-Yorkais pour écraser les envahisseurs Sheeda.
Egalement, quasiment en même temps, Bulleteer surgit dans la rue en voiture, transportant son ennemie Sally Sonic à l'hôpital. Mais Sally reprend connaissance et agresse Bulleteer, qui perd le contrôle de son véhicule et percute la Reine des Sheeda. Le Guardian arrive sur place mais seule Bulleteer a survécu à la collision.Klarion, qui a débarqué dans New York depuis les entrailles cachées de la ville, a dérobé un dé magique au compère de Zatanna, Misty. Ensemble avec son propre dé, le jeune sorcier détient la Boîte-Père, un des trésors perdus de l'ancien super-héros Auraklés, et qui peut provoquer l'extinction des Sheeda. Klarion gagne la forteresse de l'envahisseur où il trouve Frankenstein sur lequel il use d'un sort pour l'obliger à ramener le vaisseau dans le futur où il pourra devenir le nouveau Roi des Sheeda. Ce faisant, Klarion devient donc le "traître" dénoncé dans la prophétie (révélée par Baby Brain au Guardian).
Enfin, Mr Miracle
affronte Darkseid dans son club. Darkseid explique qu'il avait donné la Terre aux Sheeda en échange d'Auraklés, le premier des super-héros. Mister Miracle s'offre lui-même en échange de la liberté d'Aurakles, ce qu'accepte Darkseid. Une fois Aurakles libre et Mister Miracle à sa merci, Darkseid abat ce dernier - ce qui en fait le soldat sacrifié décrit dans la prophétie. Mais Mr Miracle sera vu plus tard, sortant vivant de son tombeau, échappant même à la mort, lui, le "maître de l'évasion"...
*
Comment analyser une oeuvre pareille, si volumineuse, baroque et atypique, se suffisant à elle-même tout en se nourrissant de comics plus anciens - et alimentant des productions futures (en premier lieu la saga Final Crisis, où Darkseid plonge la Terre dans les ténébres) ?
D'abord, il faut le reconnaître, tout n'est pas bon et l'ensemble souffre de son aspect cryptique, débridé : on en sort littéralement lessivé, des images fortes plein dans la tête, mais aussi embrouillé, perdu, confus. Qui trop embrasse, mal étreint ?
L'ambition démesurée et la singularité de Morrison sont à la fois sa plus grande qualité - il propose vraiment un voyage à nulle autre pareil - et son plus grand défaut - le procédé, poussé comme ici à l'extrème, vous reste un peu sur l'estomac et à tout du repoussoir pour le néophyte en matière de production DC (qui souffre déjà bien assez d'être un éditeur aux histoires compliquées...).

Sur les 7 mini-séries, il y a déjà à boire et à manger, à prendre et à laisser, de quoi emballer mais aussi perdre les lecteurs, connaisseurs ou pas. Il n'y a pas besoin de chercher bien loin pour cela : le traitement graphique accrochera ou décrochera déjà la majorité des curieux.
Le merveilleux, comme Klarion, somptueusement peint par Frazer Irving, y côtoie l'affreusement laid, comme Shining Knight, par Simone Bianchi. Entre les deux existent des pépites comme Zatanna par Ryan Sook, qui a su dessiner la magicienne et son univers avec un talent rare ; Bulleteer, bien servie par un Yanick Paquette très à son aise avec cette héroïne malgré elle, pulpeuse et invulnérable ; ou Manhattan Guardian, où Cameron Stewart nous balade dans une virée hallucinée sur un rythme d'enfer.
Au milieu de tout ça subsiste une énorme frustration avec Mr Miracle : commencée par l'excellent Pasqual Ferry, l'artiste a quitté l'aventure après un seul épisode (pour aller chez Marvel), laissant la place au plus inégal Freddie Williams II, qui, sans être ridicule, échoue à restituer le charisme et le surnaturel du récit de ce personnage, pourtant central dans le projet global.
Enfin, on pourra préférer des travaux plus récents de Doug Manhke à son Frankenstein : parfois traversé de morceaux de bravoure mémorables, mais aussi de planches plus brouillonnes et surchargées, le résultat laisse un sentiment de "peut mieux faire".
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En revanche, impossible de ne pas être ébloui par les n° 0 et 1, ouvrant et fermant la marche : tous deux sont illustrés par le génial (et je pèse mes mots) JH Williams III, qui fait ici une démonstration de force.
Le chapitre inaugural est déjà impressionnant, évoquant le Moebius des grands jours dans un mix improbable de western et d'épouvante, avec une mise en couleurs bluffante.
Mais la conclusion de cette fresque est d'un niveau pictural encore supérieur : Williams III y imite les styles de huit autres artistes de la série avec un brio fabuleux mais s'autorise même une reproduction de Jack Kirby qui en laissera plus d'un sans voix tant elle est parfaite.
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Le scénario, quant à lui, inspire donc un sentiment plus partagé. Grant Morrison n'est d'abord pas capable de nous passionner à chaque fois pour chacun de ses Sept Soldats :
- ainsi, le parcours du Shining Knight est confus et le sort du personnage n'est guère intéressant en soi - il apparaît en trop grand décalage par rapport aux autres, provenant d'une milieu trop éloigné (le monde de la chevalerie mythique), avec en outre une révèlation qui n'apporte rien de plus (Justin est en fait une fille ayant dissimulé sa sexualité pour prendre les armes).
- Parfois aussi, Morrison nous raconte une histoire qui sans être déplaisante ne se raccroche qu'in extremis au propos de sa saga : c'est le cas de Bulleteer, anti-héroïne pourvue de pouvoirs accidentellement, découvrant les moeurs douteuses de son défunt mari et combattant une méchante perverse et cinglée, avant d'être abordée par le Vigilant (ou son fantôme ?)... Dont elle repousse l'offre d'intégrer sa bande de Soldats !
A côté de ça, le scénariste parvient à nous embarquer dans des univers parallèles fascinants.

- Zatanna est ainsi décrite de manière savoureuse comme une accro à la magie dont la "toxicomanie" a provoqué la mort de plusieurs amis magiciens alors qu'elle voulait retrouver son père. Sa rencontre avec une apprentie, leur périple rocambolesque, à la fois comique, absurde et effrayant, est réjouissant.
- Le récit du Manhattan Guardian est construit sur un postulat original : celle d'un homme ordinaire qui devient super-héros en représentant un journal. Une de ses enquêtes l'emmène dans les profondeurs de New York où deux gangs rivaux se disputent à coups de détournements de rames de métro, dans une ambiance foutraque, aussi hallucinée qu'hallucinante. Mais en même temps, Morrison décrit avec justesse l'évolution de son héros qui perd beaucoup dans l'affaire tout en acceptant finalement d'essayer de sauver le monde.
- Enchanteresse est la trajectoire de Klarion, adolescent fuyant la société souterraine, mythique, secrète, où il a grandi pour débarquer en ville, esquiver le mal absolu puis trahir tout le monde en finissant par aller s'emparer du trône des Sheeda. Plein de malice, ce récit est peut-être le plus réussi de tous car c'est celui où Morrison parvient à nous entraîner où il veut tout en prenant le lecteur totalement à contre-pied à la fin.
- Saisissante est parfois l'errance de Frankenstein, mais parfois seulement : pour en arriver là où il sera, il n'y avait certainement pas besoin de quatre épisodes. Le personnage possède un charisme évident, quelques scènes sont fulgurantes, mais il subsiste une impression d'inachevé, d'inaccompli. C'est dommage.
- Par contre, la lutte désespérée de Mr Miracle est narrée avec une habilité envoûtante : toute sa série est à l'image du personnage, tenant dans un tour de passe-passe, et la pirouette finale suggérant qu'il a même réussi à échapper au châtiment de Darkseid est de la même veine. C'est jubilatoire et ça confirme que Morrison est le plus à l'aise dans ce registre, celui où il décrit une magie complexe, rompant avec les clichés de la représentation de cet exercice. Mr Miracle étant un héros évoquant Harry Houdini, lui-même roi autoproclamé de l'évasion, on peut dire que Morrison, de la même façon, sait se libérer des chaînes que les comics lui a posé... Quelquefois, en tout cas.
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A mon humble avis, la meilleure manière d'apprécier cette entreprise est de la lire en recueils et comme un récit expérimental, en acceptant le fait que certains éléments vous échappent, en se laissant prendre au jeu tout en ne maîtrisant pas l'entièreté du projet.
Grant Morrison ne caresse pas forcèment le lecteur dans le sens du poil et nul doute qu'on peut puisse taxer son travail d'hermétique, voire de prétentieux. Mais c'est aussi un objet unique, très personnel, qui sort des sentiers battus tout en jonglant avec les codes basiques des comics super-héroïques - personnages costumés aux pouvoirs et aux destins extraordinaires affrontant une menace d'envergure - le tout avec un sens de l'ambiguïté rare - car, au fond, on n'est jamais sûr que tout cela soit autre chose qu'une vaste farce pour l'auteur.
La récurrence des figures magiques dans le récit en donne la clé : on ne sait pas comment c'est fait, ni même si ça signifie quelque chose, mais on est souvent subjugué par ce livre fou, inclassable, déraisonnable.
La beauté du projet l'emporte sur sa qualité en définitive : si on cherche des sensations fortes, suivre ces Sept Soldats vous en garantit. On le lirait pas ça tous les jours mais la parenthèse est puissamment dépaysante ! 

vendredi 6 novembre 2009

Critique 111 : TALENT - UNIQUE SURVIVANT, de Christopher Golden, Tom Sniegoski et Paul Azaceta

Talent : Unique Survivant rassemble les épisodes 1 à 4 de la série écrite par Christopher Golden et Tom Sniegoski et dessinée par Paul Azaceta, publiée par Boom ! Studios, en 2006-2007.
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Un avion de ligne explose en plein vol juste avant son atterrissage à New York. Seul un passager survit au crash, un véritable miracle puisqu'il est repêché par les secours après douze heures passées sous l'eau !
Cet homme s'appelle Nicholas Dane, c'est un banal professeur, mais très vite son cas va susciter l'intérêt au point que les autorités gouvernementales ouvrent une enquête à son sujet. Et s'il avait provoqué le crash ?
L'agent chargé des investigations travaille aussi pour le compte d'une mystérieuse organisation pour qui l'existence de Dane est gênante et aux trousses duquel sont envoyés deux tueurs.
Comment le miraculé va-t-il pouvoir faire face ? En découvrant qu'il a hérité des dons particuliers de tous les passagers morts ! Mais aussi en devenant, malgré lui, l'élu d'une force mystique luttant contre l'organisation qui le veut mort...
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Cette production indépendante évoque bien sûr la série télé Lost, les disparus, avec son crash d'avion, son traitement fantastique, sa conspiration... Pourtant, Talent a sa propre identité et une efficacité redoutable.
Le pitch est développé avec intelligence et inventivité : Golden et Sniegoski ont injecté à leur récit le meilleur de la narration des séries télé. Ce n'est guère étonnant puisqu'ils ont rédigé des scripts pour Buffy ou Smallville.
Loin d'être décompressée, ladîte narration est au contraire d'une admirable densité, utilisant les ressorts de l'intrigue avec un brio éprouvé : la prise de conscience du personnage principal est subtilement amenée, tout comme sont révèlées les coulisses de l'affaire (sans por autant que tous les mystères soient résolus).
Nicholas Dane n'est d'ailleurs pas un héros franchement sympathique : il fait preuve d'un sens de la répartie cinglant, se montre insolent, entraîne dans son sillage des amis innocents (qui le paieront cher). Il reçoit ses dons sans plaisir et riposte plus par volonté de se débarrasser de cette malédiction que pour rétablir la justice ou l'équilibre de forces énigmatiques comme le lui explique l'étrange jeune femme qui lui apparaît fréquemment pour le guider.
La partie parallèle consacrée au complot est en comparaison moins réussie, sans doute parce qu'elle mérite de plus amples développements (j'ignore si la série se poursuit en vo et quand et par qui elle sera traduite en vf, la collection Angle Comics n'existant plus). C'est assez frustrant car on devine un potentiel très séduisant : compte tenu du nombre de passagers, Dane a dû hériter de biens des talents, qui pourraient le mener loin - et donc révèler une conspiration d'envergure.
Les dialogues sont également très bien sentis : pas de bla-bla inutile mais un style sec, rythmé, au diapason de l'histoire.
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Visuellement, c'est à l'excellent Paul Azaceta qu'est revenu le soin d'illustrer le titre : il s'en acquitte avec maîtrise d'un trait dépouillé, anguleux, où le jeu sur les lumières produit une ambiance de série noire palpitante.
Le découpage est sobre mais vif, ce qui rend la lecture très agréable.
Seule la mise en couleurs est un peu fade et l'on peut même se demander si l'oeuvre n'aurait pas gagné en force en restant en noir et blanc. Mais c'est un petit bémol.
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Acquis lors d'une braderie, ce livre est une révèlation : si vous mettez la main dessus, faîtes-en l'achat sans hésiter. C'est une pépite à côté de laquelle il serait ballot de passer !

mardi 3 novembre 2009

Critiques 110 : Revues VF Novembre 2009


DARK REIGN 2 :

- Les Vengeurs Noirs : Le règne du mal (2).
Osborn ayant mis sur pied sa nouvelle équipe, quelle va être leur première mission ?
Sauver Fatalis n'est pas a priori l'entrée en scène idéale, sauf que Morgane est bien résolue à faire la peau au roi de Latvérie. Attention, ça va saigner !

Brian Bendis semble à l'évidence beaucoup s'amuser avec sa nouvelle équipe, et son amusement est communicatif : sa bande de crapules est quand même un ramassis de bad guys et de détraqués (quand ce ne sont pas les deux) jouissif, dont les méthodes sont d'une brutalité halluciante. Sans vouloir jouer les effarouchés, il est vrai que le logo "pour lecteurs avertis" s'impose (et pas que pour cette série).
C'est affreux, méchant, régressif mais en même temps donc étrangement drôle, et on pressent déjà le potentiel de ce titre pour bouleverser le paysage : j'ai déjà hâte de voir ce que va donner la rencontre avec les Nouveaux Vengeurs, remontés comme des coucous, le mois prochain dans "Icons".
En prime, Bendis nous offre le dialogue du mois :

Arès : - C'est Morgane la fée(...).
Venom : - Je peux la manger ?
Daken : - Pourquoi faut-il toujours que tu ramènes tout à la bouffe ?

Visuellement, Mike Deodato est déjà pied au plancher et j'adore : ça dépote sec, avec des cadrages barrés, une lumière violente, du spectacle absolu !
Et la dernière planche suggère que ce n'est qu'un début !

Enorme !

- Secret Warriors 1 : Nick Fury seul contre tous (1).
(Tiens, pourquoi traduit-on "Dark Avengers" en "Vengeurs Noirs" et pas "Secret Warriors" en "Guerriers Secrets" ? Mystère paninien...)
Et si le plus grand espion de tous les temps découvrait, avec son groupe de débutants, que le SHIELD avait été depuis toujours sous l'emprise de l'Hydra ?

Pour ses débuts, la production de Bendis et Jonathan Hickman démarre très fort elle aussi : l'ambiance mixant espionnite et action est très agréable et originale, et le simple fait de retrouver Fury réjouira ceux à qui il manquait. Le personnage a un charisme intact(et des plans prometteurs) dans le Dark Reign.
L'intrigue est bien conduite, les dialogues accrocheurs.

Au dessin, il faut aimer Stefano Caselli. Bien que je ne sois pas client, je le trouve meilleur que sur L'Initiative (série insupportable déjà au scénario). Mais une colo un peu plus "light" ne serait pas superflue...

Séduisant.

- Thunderbolts 126-127 : La chute de la maison Thunderbolts (1-2).
(Là aussi, pourquoi pas "Coups de tonnerre" au lieu de "Thunderbolts" ? Ah, ces "Vengeurs Noirs", c'est vraiment pas l'idée du siècle en matière de trad' !)
Osborn à la tête d'une nouvelle formation, que vont devenir ses anciens agents, et particulièrement ceux qui n'approuvaient guère ses méthodes comme Songbird, Radioactive Man et Swordsman ?Disons juste qu'ils ne sont pas à la fête... Restructuration musclée en perspective !

Andy Diggle et Roberto De La Torre mettent les petits plats dans les grands avec ces deux épisodes de haute facture, réussissant à me faire vibrer comme au temps d'Ellis et Deodato.Le rythme est haletant, le sort de Songbird vous prend à la gorge et ne vous lâche pas, le tout avec un sens du dialogue rare (quelle sublime garce que cette Opale - tiens, une autre qui retrouve son nom français !).

Et graphiquement, grosse claque ! Le découpage est une leçon du genre, les personnages vivent vraiment sous le crayon déchaîné de De La Torre. C'est juste superbe.
Dommage là encore que la colo soit trop chargée : faudrait se calmer un peu sur ce plan. Quand on a des artistes pareils, pas la peine d'en rajouter !

Le bilan est très positif donc. Mais une quatrième série n'aurait pas gâchée la vue : elle aurait même équilibré la revue...
MARVEL ICONS 55 :

- Les Nouveaux Vengeurs 49 : Sans Compromis.
Luke Cage a demandé l'aide de Norman Osborn pour retrouver son enfant, enlevé par le Skrull qui s'était substitué à Jarvis. Le héros va-t-il vendre son âme au diable et récupérer son bambin ? La réponse est dans ce numéro.

Brian Bendis emballe son histoire avec énergie : il donne à Cage une nouvelle occasion de prouver qu'il n'est pas qu'une armoire à glace invulnérable mais aussi un père attentionné et un subtil stratège. Jouer n'est pas gagner pourrait être la morale de ce récit en deux parties, commencé le mois dernier, et cela s'applique aussi bien au Vengeur qu'à celui à qui il a demandé de l'aide. Chacun espérait manipuler l'autre, cela aboutit à un match nul plutôt inspiré.
Néanmoins, les hostilités restent ouvertes comme en témoigne la chute de ce chapitre et l'épisode du mois prochain promet d'être un vrai feu d'artifices : en effet, il s'agira du fameux 50ème volet des New Avengers où ces derniers affrontent les Dark Avengers, le tout illustré par un casting de dessinateurs de haute volée !

De haute volée n'est pas l'expression qui s'impose lorsqu'il s'agit de juger les planches de Billy Tan, qu'on a connu plus inspiré. Néanmoins, je serai tenté d'accabler plutôt son encreur, Matt Banning, qui a la main toujours aussi lourde.
Il est dommage, sans doute pour des problèmes de délais, que Tan ne s'encre pas lui-même (exercice où il est à l'aise). Faute de quoi, il abuse parfois de copier-coller, alors qu'il est capable d'employer de sympathiques effets visuels (comme ce travelling arrière lorsque Cage devine qui vient de loger une balle entre les deux yeux d'un Skrull).

- Iron Man 9 : Dans La Ligne De Mire (2).
Je fais l'effort de lire la série maintenant que le sort d'Iron Man est vraiment engagé avec la situation post-SI... Mais que c'est pénible !

Matt Fraction étire laborieusement deux idées sur une vingtaine de pages pour mettre en scène la vengeance d'Osborn contre Stark qui, lui, veut effacer de sa mémoire toutes les infos utiles dont le même Osborn pourrait se servir s'il le capturait.

C'est vraiment mou, dialogué sans inspiration - on a peine à croire que c'est le même auteur qui a écrit l'Annual des X-Men !

Et visuellement... Autant se taire plutôt que commenter encore une fois l'abomination absolue que nous inflige Salvador Larroca !

Une purge !

- Captain America (vol.5) 45 : La Flêche du Temps (3).
Ed Brubaker
nous livre un épisode plein d'action où Bucky/Cap doit lutter contre l'Homme sans visage et Batroc qu'il essaie d'empêcher de commettre un audacieux braquage. Cependant, la Veuve Noire découvre ce que veulent justement dérober Batroc et son complice - et pour qui. La réponse se situe dans le passé de Bucky, et même plus généralement dans les origines du Marvelverse (cherchez parmi les personnages initiaux de la Maison des Idées...).

Si le scénario reste un modèle d'efficacité et de fluidité, usant de flash-backs et de séquences d'action avec une exemplaire maîtrise, je dois dire que la partie graphique m'a un peu déçu.En comparaison avec les deux précédents volets de cet arc, Luke Ross est en-deçà de ce qu'il avait produit. Et la contribution de Butch Guice est trop discrète pour relever le niveau. Malgré tout, c'est d'une (très) belle facture !

- Fantastic Four 563 : M. & Mme Chose.
Après les obséques de la Femme Invisible, ce mois-ci est l'occasion d'un évènement plus heureux puisque Ben Grimm va épouser l'institutrice Debbie Green... Mais la jeune femme est-elle vraiment l'oie blanche qu'elle paraît être ? Son ex semble avoir des choses à dire sur son compte. Et Jane Richards la met en garde sur le bouleversement que va occasionner ce mariage dans sa vie.
Alors que Johnny Storm prend du bon temps en compagnie de la Sorcière Rouge et Tornade (ou presque...), les Maîtres de Fatalis nous font une démonstration saisissante de leur puissance : Red Richards a raison de s'inquièter de leur existence...

Mark Millar continue de s'amuser avec le quatuor : chacun appréciera la manière dont il le fait, mais pour peu qu'on soit client du scénariste, l'épisode comporte son lot de scènes savoureuses (le cadeau de la Panthère Noire à Ben Grimm) ou épouvantables (les Maîtres de Fatalis en action). Il sait poser ses pions avec malice, assez pour nous donner envie d'en savoir plus. Moi, j'aime bien.

Graphiquement, Bryan Hitch fournit une de ses meilleures prestations, sans doute bien aidé par la complémentarité du duo d'encreurs Cam Smith-Andrew Currie. Même la colo de Paul Mounts est mieux dosée. Du coup, les planches sont parmi les plus agréables à lire depuis le début du run Millar-Hitch.
Piquant et percutant.

Bilan : un bon cru, même si graphiquement, Hitch mis à part, ce numéro est mineur.

X-MEN 154 :

Deuxième mois consécutif que j'acquiers la revue, après l'histoire complète du mois dernier. Rien ne dit que ça va durer, mais enfin tant qu'on échappe à Land, c'est déjà ça. Surtout quand on a à la place Breitweiser, Acuna ou Oliver et Paquette...

- X-Men Legacy 219 : Jagannatha.Le Fléau et Charles Xavier se retrouvent pour une petite explication sur leurs parcours respectifs. Entre le mastodonte que rien n'arrête et son demi-frère cérébral, l'ambiance est tendue... Mais le plus puissant télépathe du monde a assuré ses arrières.

Cet épisode vaut surtout pour son scénario, pourtant signé par un auteur dont je ne suis guère client, Mike Carey. Des dialogues bien senties, qui retracent une large partie du passé des deux frangins, une narration fluide, et surtout un dénouement astucieux et pervers : cela donne une petite merveille.

Au dessin, le frenchie Phil Briones, présenté en couverture comme la "superstar française" (quel humour chez Panini !), présente un travail pour le moins inégal, techniquement approximatif. Quelques bonnes idées de découpage ne suffisent pas à excuser des proportions hasardeuses, un trait sommaire, que ne sauve pas l'encrage de Cam Smith. Il m'en faudra plus pour que Briones supplante Coipel !

- Uncanny X-Men Annual 2 : Reine blanche, règne noir.Le gros morceau de cette revue, qui m'a convaincu de l'acheter, est cet épisode de 40 pages écrit par Matt Fraction et co-dessiné par Mitch Breitweiser et Daniel Acuna.

Pourquoi Emma Frost a-t-elle intégré la Cabale de Norman Osborn ? On l'apprend ici dans ce récit qui révèle les liens inattendus mais originaux et à fort potentiel entre la Reine Blanche et Namor. On découvre aussi pourquoi et comment Sebastian Shaw est aux mains désormais des X-Men, comme on l'a vu dans le dernier épisode du mois dernier...

Fraction emballe son affaire avec une belle dextérité et on dévore ces 40 pages sans s'ennuyer : la relation qu'il tisse entre le Prince des Mers et la sensuelle mutante est finement décrite. On est étonné, saisi, c'est un bijou.
A quand un relaunch de Namor, digne de celui de THOR ? Ce personnage est passionnant et mériterait son titre avec une équipe artistique de première main.

Graphiquement, associer Mitch Breitweiser (pour les scènes au présent) et Daniel Acuna pour les flashbacks a de quoi surprendre, tant le style de deux hommes diffèrent. Mais qu'importe après tout le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse !
Breit' m'a toujours séduit par son trait spontané, vif, et il restitue à merveille le charisme de Namor et la séduction d'Emma.
Acuna a été plus en forme, mais je garde de l'affection pour cet artiste dont le style est vraiment identifiable au premier regard.

Une réussite !

- Young X-Men 10 : Qui est Cypher ? & X-Men : Manifest Destiny 3 - Abomination.
Ces deux épisodes présentent un intérêt plus problèmatique pour un lecteur comme moi qui ne suit pas la revue.Les Young X-Men sont de sombres inconnus et ce n'est ce qui leur arrive ici, dans un chapitre multipliant des références diverses, qui arrangera les choses.Restent de jolies images par Ben Oliver - même si j'ai connu cet artiste plus inspiré...
Quant à la petite histoire qui clôt la marche, elle est assez anecdotique et déjà vue (énième cas de mutant persécuté atrocement). Yannick Paquette illustre ça sans démériter. Mais bon, bref, pas de quoi s'extasier non plus...

Bilan mitigé, mais l'Annual a le mérite d'éclairer quelques évènements récents, en plus d'être très bien fichu.


SPIDER-MAN 118 :

- Spider-Man 578-579 : Arrêt imprévu (1 & 2/2).
En allant voir si mon buraliste avait reçu MARVEL ICONS ce matin (ce qui ne fut pas le cas), j'ai feuilleté le nouveau numéro de SPIDER-MAN et là, joie ! Marcos Martin (puis Lee Weeks) était à l'honneur ! Il ne faut pas résister à l'irrésistible et j'ai donc dépensé 4 E pour me procurer la revue (que je n'avais plus achetée depuis la fin des Thunderbolts d'Ellis et Deodato).

Cette histoire complète tient en deux chapitres écrits par Mark Waid : Peter Parker prend le métro dont un des wagons est occupé par les jurés du procés d'un mafieux. Peu après, l'engin déraille dans un tunnel. Le Shoker n'est pas loin et parmi les passagers, Spidey va faire une rencontre étonnante...

C'est une petite merveille, dense, ramassé, tendu que nous a concoctés Waid : le rythme est soutenu, on ne s'ennuie pas une minute. L'action se situe sous terre, dans un climat de huis-clos oppressante, où notre héros doit s'occuper à la fois des rescapés de l'attentat, du responsable de l'accident, et de conditions météo gratinées.Waid n'a rien perdu de son sens des dialogues et de la narration : c'est un régal.

Graphiquement, Martin nous gratifie de planches magnifiques, qui témoignent d'un art de la composition, du jeu des lumières, du choix des cadres comme on aimerait toujours le voir à l'oeuvre sur cette série (à la merci de dessinateurs les plus inégaux).
Une véritable cure pour les yeux quand on doit supporter par ailleurs des Larroca, Land ou Pham.

- Spider-Man 580 : En rouge... Et gris.
On poursuit dans le haut de gamme en compagnie du mythique Roger Stern et de l'excellent Lee Weeks, pour un troisième épisode rondement mené.

Spidey doit affronter un malfaiteur aux capacités étonnantes, le bien nommé Monochromatik (une vieille connaissance pour ceux qui lisaient West coast avengers). Ce braqueur peu commun va donner du fil à retordre au Tisseur, mais il résout l'affaire avec ingéniosité...

Là encore, preuve est faîte qu'en un épisode on peut raconter quelque chose qui se suffit à soi-même, sans excès de bla-bla, avec ce qu'il faut d'action, et un joli swing. Stern connaît son affaire (lui aussi, comme Waid), et sans faire la révolution livre un récit accrocheur, extrèmement plaisant.

Weeks est comme d'habitude irréprochable : pourquoi Marvel ne lui confie-t-il pas une vraie série régulière, exposée, qui permettrait à cet artiste solide d'être reconnu à sa juste valeur ? Il possède pourtant tout ce qu'il faut : un storytelling fluide et nerveux, un trait à la fois vif et élégant - que du bonheur !

- Spider-Man : La longue route.
Pour terminer, un épisode bouche-trou qui ne paie pas de mine mais qui n'est pas si mal.

Une petite frappe jadis alpaguée par le Tisseur doit désormais assumer son passé de délinquant et sa rancoeur envers le justicier masqué. Va-t-il récidiver ?

John Arcudi livre une mini-fable très morale mais bien troussée, dont le dénouement est à la fois sarcastique et émouvant. On n'est pas au niveau de Waid ou Stern, c'est l'évidence, mais c'est habile.

Visuellement, dommage que Ramon Bachs n'ait pas le talent des autres artistes du numéro : c'est le seul point noir. Sans être catastrophique, c'est techniquement très faible.

Le bilan reste très positif - mais comment aurait-il pu en être autrement en considération des talents à l'oeuvre ce mois-ci ?