samedi 29 juin 2019

DIAL H FOR HERO #4, de Sam Humphries et Joe Quinones


Avec sa couverture parodiant Superman, ce quatrième numéro de Dial H for Hero promet beaucoup. Et Sam Humphries avec Joe Quinones ne déçoivent pas : cet épisode est une pépite, irrésistiblement drôle et toujours aussi mouvementé. Pas de doute, c'est bien le titre indispensable du label "Wonder Comics".


Miguel et Summer sont à Detroit avec l'espoir d'y trouver Superman afin de lui remettre le téléphone magique. Mais ils sont accueillis par Snapper Carr, la mascotte de la défunte Justice League Detroit, gardien du QG avec des automates.


Dans le Heroverse, l'Opérateur/Robby Reed s'inquiète du désordre provoqué par le téléphone, bien qu'il ait enfermé Mr. Thunderbolt dans un caisson. Mais l'esprit de celui-ci s'en est échappé et prépare sa revanche.


En s'infiltrant dans le QG de laJLD, il corrompt les automates afin qu'ils attaquent Miguel, Summer et Snapper. Livrés à eux-mêmes, ils veulent utiliser le téléphone en même temps...


... Et Summer se transforme en Chimp Change, Snapper en Alien Ice Cream et Miguel en Lil'Miguelito. Vexé, le garçon recompose un numéro sur le cadran du téléphone mais Mr. Thunderbolt en se faisant passer pour l'Opérateur le pousse à la faute.


Thunderbolt se réincarne et saisit l'appareil avec lequel il ouvre un portail dimensionnel. Summer et Snapper perdent leurs pouvoirs comme Miguel. N'écoutant que son courage, celui-ci part à la poursuite de Thunderbolt dans sa dimension parallèle.

Depuis la parution du précédent numéro, le statut de la série a changé puisque, visiblement satisfaite des chiffres de vente, DC a décidé qu'elle se poursuivrait au-delà des six épisodes prévus pour six supplémentaires. Une belle récompense.

Comment cela va-t-il affecter Dial H for Hero ? Est-ce que Sam Humphries va développer son intrigue sur un an ou édifiera-t-il deux arcs successifs ? On verra. En tout cas, ça bouge déjà pas mal ce mois-ci.

En effet, pour la première fois, le scénariste nous éclaire sur le statut de Mr. Thunderbolt, le méchant de l'histoire. On découvre qu'il est détenu par l'Opérateur mais que sa conscience se déplace sur un plan astral, lui permettant d'influencer les humains et les machines.

C'est ainsi qu'il provoque l'attaque à laquelle font face Miguel et Summer. Mais aussi Snapper Carr, devenu le vigile du QG de la défunte Justice League Detroit. Cette équipe était née dans le sillage de la Justice League International de Giffen, De Matteis et Maguire dans les années 80, et se composait de héros de seconde zone, indignes en quelque sorte de la Justice League of America et de la JLI (c'est dire le niveau). Quant à Snapper Carr, il s'agit d'un personnage encore plus ancien (des années 50), sorte de mascotte ridicule de la JLA dont la particularité horripilante est de claquer des doigts pour manifester son enthousiasme.

Humphries se moque de façon hilarante de la JLD et plus encore de Snapper Carr, dont il fait un post-ado vaniteux et pathétique, pour qui le téléphone rouge représente une opportunité miraculeuse (il en a d'ailleurs profité une fois dans le passé).

Au moment où l'appareil est sollicité, Miguel, Summer et Snapper ont droit à trois métamorphoses gratinées pour lesquelles Joe Quinones, avec l'aide de Tom Fowler à l'encrage, s'est à la fois lâché et fait preuve d'un talent protéiforme saisissant. Il n'est en effet pas donné à tout le monde de pouvoir singer avec autant de génie les styles de Frank Miller (pour Chimp Change, tout droit sortie des pages de Sin City), de Moebius (pour l'Alien Ice Crime) et à la fois de Charles Schulz et Dik Browne (pour Lil'Miguelito, hommage désopilant à Peanuts et Hagar the Horrible).

Et c'est tout cela combiné qui distingue Dial H for Hero des autres titres du label "Wonder Comics" : cette liberté de ton et cette assurance artistique. Ecrite solidement et avec panache et illustrée avec brio, la série supplante le retour de Young Justice (au scénario lâche et aux dessins inégaux), Naomi (un pétard mouillé mais joliment graphique) ou Wonder Twins (potache mais sans grand relief).

Savoir que l'aventure va durer plus longtemps est donc une excellente nouvelle. Souhaitons juste que Humphries ne se calme pas et que Quinones tienne la cadence.    

BAD LUCK CHUCK #4, de Lela Gwenn et Matthew Dow Smith


Bien partie, la mini-série de Lela Gwenn et Matthew Dow Smith s'est vite enlisée. Pourtant, alors qu'il n'y avait rien à attendre de sa conclusion, Bad Luck Chuck s'offre un final assez marrant, avec des nonnes bouddhistes qui font le coup de poing, des flics qui en prennent plein la tronche, et une chute malicieuse.


Enlevée par les sbires de sa mère, Fayola est remise à Sterling pendant que Papa Freedom fait sortir Mme Afolayan de prison. Rendez-vous est donné au monastère où Chuck a trouvé refuge pour le règlement de compte final.
  

Accompagné des flics qu'il a corrompus, Papa Freedom sonne la charge. Mais les nonnes les attendent de pied ferme et engagent le combat. Sterling, qui a senti le vent tourner et sa conscience le tarauder, se range du côté de Chuck.


Lorsqu'une balle perdue touche une nonne, Chuck passe à l'action et affronte Papa Freedom, avec la complicité de Fayola et Sterling. Mme Afolayan décide de battre en retraite et ses sbires mettent le feu au monastère.


Ani contemple le bâtiment en flammes et se tourne vers Sterling dont la compagnie d'assurances dont il fut l'agent prendra en charge les frais du sinistre. De nouveaux policiers arrivent, sans rapport avec Papa Freedom.


Ani, Fayola, Sterling et Chuck sont jugés. La nonne et l'agent d'assurances échappent à la prison et attendent Chuck et Fayola quand elle s'évadent peu après. Ensemble, ils fuient, et subsistent grâce à des chantages montés par Chuck.

Il y a quelque chose de frustrant dans cette mini-série, non à cause de sa briéveté, mais parce que son concept avait un potentiel que Lola Gwenn n'a pas su exploiter pleinement.

L'idée d'une détective qui porte la poisse parce qu'elle est maudite laissait penser à un thriller fantastique avec une dose de comédie, mais le récit s'est avéré très terre-à-terre, préférant développer une intrigue autour d'un héritage avec beaucoup de prétendants.

Entre la mère de Fayola, le gourou Papa Freedom, l'agent Sterling, l'histoire a multiplié les seconds rôles sans jamais vraiment leur donner chair. Et la fameuse malédiction de Chuck est restée une allusion jamais explicitée (était-elle vraiment maudite ? Ou accablée par une malchance terrible qu'elle avait appris à retourner contre ses ennemis ?). Dommage.

Le résultat, c'est que tout ce que Lela Gwenn a mis en place pour souligner les différents aspects attenants à Chuck semble n'avoir servi à rien et les effets comiques qui pouvaient en découler ont fait "pschitt". Pourtant la scénariste avait disposé beaucoup d'éléments (la maniaquerie de Chuck, ses superstitions, un adversaire gourou, une tante bouddhiste).

Néanmoins, à l'heure de conclure, on a droit à un final marrant, un peu WTF, avec des nonnes karatékas contre des flics ripoux, Papa Freedom et ses fers à cheval brandis contre Chuck, l'incendie du monastère couvert par l'assurance de la compagnie de Sterling. Autant de points qui font mouche, trop tard mais bon.

L'autre souci de la série, c'est que Matthew Dow Smith n'était pas le dessinateur qu'il lui fallait. Avec son style au carrefour de plusieurs influences écrasantes (Gaydos, Azaceta...), il lui manque un dynamisme indispensable pour rythmer une histoire déjà bien mal ficelée.

Ses personnages souffrent aussi d'un manque d'expressivité et les couleurs de Kelly Fitzpatrick de vivacité. Tout ça est visuellement un peu trop terne, plat, pour soulever l'enthousiasme ou susciter l'indulgence.

Quatre épisodes, c'est peu pour faire ses preuves, mais bien assez pour ce qui demeure un échec. Décidément, Chuck n'a pas de chance.

vendredi 28 juin 2019

JUSTICE LEAGUE DARK #12, de James Tynion IV et Alvaro Martinez


Ce douzième numéro (en moins d'un an) de Justice League Dark confirme une nouvelle fois le redressement net de la série depuis quelques mois. James Tynion IV aura pris des chemins bien détournés pour raconter son histoire, dont un acte important connaît ici son issue, mais le résultat est impeccable. Et comme Alvaro Martinez produit toujours des planches de folie, le plaisir est total.


Il y a quelques mois. Wonder Woman entraîne la Justice League dans la salle des archives du Hall de Justice. Elle veut qu'une équipe soit dédiée à la lutte contre les forces occultes et elle la dirigera.


Aujourd'hui. Wonder Woman et Zatanna, investies par la magie du Chaos de Mordru, interrompt Nabu et une des seigneurs de l'Ordre alors qu'ils ôtent leurs pouvoirs aux réfugiés de l'empire de Korr.


Transformés, Swamp Thing, Man-Bat et Bobo affrontent les Seigneurs de l'Ordre. Nabu est défié à la fois par son élève Khalid Nassour et par Kent Nelson. Dépassé, le Dr. Fate voit alors ses pairs battre en retraite.


En unissant leurs forces, Nelson, Nassour, Jason Blood, le Phantom Stranger et Zatanna exflitrent Nabu du haume de Fate. La dernière alliée de Nabu reprend forme humaine et Bobo découvre qu'il s'agit de Mme Xanadu, qui était sous emprise.


Quelques mois plus tôt. Batman, seul avec Wonder Woman, la met en garde contre le combat qu'elle veut mener avec son groupe. Elle est pourtant résolue à semer la peur chez les sorciers. Aujourd'hui, elle brise le rubis de Sargon et promet de protéger la communauté magique avec sa Ligue de Justice.

Il y a, comme ce résumé en témoigne, comme un parfum de fin dans cet épisode. Pas la fin de la série, mais celle d'un premier acte, d'un premier Livre, d'un premier cycle.

Je regretterai toujours que James Tynion IV se soit tellement compliqué la tâche en rédigeant une si longue exposition. Certes, il a mis en place un vaste chantier, avec une distribution pléthorique, des enjeux spectaculaires, mais sur douze épisodes, il aurait pu s'épargner (et à nous épargner du même coup) bien des détours (le crossover The Witching Hour avec Hécate, qui a surtout servi à introduire Circé).

Mais les cinq derniers mois ont vu un redressement épatant du projet : avec l'arc Lords of Order, le récit a gagné en densité, en nerf, en tension. Tout n'a pas été parfait et il demeure des scories (Man-Bat reste le maillon faible), mais l'ensemble est bien plus satisfaisant.

Or, donc, grâce à l'apport assez indirect finalement de Mordru, la JLD est en mesure de défier Nabu et sa clique. Tynion IV convoque aussi Kent Nelson (un des hôtes les plus connus du Dr. Fate) dans ce moment critique et le combat est vraiment épique, plein de rage, de démesure. Pour le lecteur, c'est un plaisir particulier, comme une récompense, d'assister à la revanche des héros.

Tynion IV encadre l'action avec des flash-backs sur la réunion de Wonder Woman avec ses partenaires de la Justice League (Superman, Batman, Flash, Martian Manhunter, Aquaman, Cyborg) à qui elle soumet son projet d'une équipe dédiée aux menaces magiques. Cela produit un dialogue particulièrement bien inspiré entre l'amazone et le dark knight, qui se souvient avoir été en partie formé par Giovanni Zatara (comme on pouvait le voir dans les épisodes de Detective Comics du même scénariste), et qui se méfie de l'ivresse de la magie. En retour, on découvre Diana dans une logique très "Batmanienne" puisqu'elle veut insuffler la peur dans le camp des sorciers à la manière de son collègue avec ses adversaires : bien vu.

Pour représenter pareil morceau (l'épisode est plus long, presque trente pages, comme un Annual), il faut un dessinateur qui pète le feu et Alvaro Martinez nous en donne pour notre argent.

L'espagnol a pris le parti depuis un moment de visualiser les manifestations magiques de façon littérale, c'est-à-dire en montrant que les cases d'une page sont altérées par le déferlement de puissance convoquée. Ce parti-pris est casse-gueule car il faut un découpage à la fois inventif et très maîtrisé - dans ce domaine, peu rivalisent avec un J.H. Williams III (le dessinateur de Promethea et de Batwoman, période Rucka).

Mais Martinez tourne à plein régime et ose tout. Mieux : il réussit ce qu'il entreprend. Progressivement, plus on tourne les pages, plus son dessin s'enhardit jusqu'à des scènes incroyables, dont on se demande comment il a fait pour les réaliser sans dépasser les délais.

La taille et la forme des cases sont délirantes à souhait mais les informations visuelles restent étonnamment lisibles malgré tout, grâce à un encrage et une colorisation magistraux (merci Raul Fernandez et Brad Anderson). Il y a des effets de fondus enchaînés superbes, des explosions flamboyantes, un vrai feu d'artifices, à la (dé)mesure du programme.

In fine, on comprend que l'Acte II va revenir aux personnages de Circé et de l'Homme Inversé (sans doute distinctement, pour ne pas risquer d'embouteillage). Si cette suite est à la hauteur de ce qu'on a lu récemment dans la série, alors Justice League Dark a de beaux jours devant elle.  

PUNK MAMBO #3, de Cullen Bunn et Adam Gorham


La mini-série de Cullen Bunn et Adam Gorham arrive à mi-parcours : c'est donc le moment pour que l'intrigue bascule, en dévoilant une part de son mystère tout en acculant son héroïne. C'est ce plan que suivent les auteurs avec adresse et toujours un impeccable sens du rythme.
  

La capture de l'esprit de Marie Laveau par l'oncle Gunnysack provoque la colère de Josef, même si Punk Mambo a réussi à placer sur le démon un traceur magique. Elle doit pourtant continuer la traque seule car son partenaire ne tolère plus son attitude.


Punk Mambo suit la piste de l'oncle Gunnysack jusqu'à une sucrerie désaffectée dans laquelle elle s'introduit en se rendant invisible. Là sont exploités des médiums, des prêtres, des spirites.
  

L'intuition de Punk Mambo se vérifie vite : Gunnysack sert les intérêts de quelqu'un et c'est Azaire Aguilliard. Celui-ci n'a pu accéder au rang de sorcier et veut dominer les dieux du vaudou en attaquant leurs entités les plus puissantes.


Et, justement, pendant ce temps, à la congrégation, Josef se voit reprocher par les divinités vaudous son attitude envers Punk Mambo. Il souhaite que tout le monde évacue mais l'oncle Gunnysack et ses sbires surgissent pour achever leur besogne.


Passée à tabac par les hommes de main de Aguilliard, Punk Mambo ne peut répliquer car sa magie est inopérante face son adversaire. Elle parvient à regagner Port-au-Prince où elle découvre le massacre commis par Gunnysack dans l'église.

Depuis le début de l'histoire de Punk Mambo, l'oncle Gunnysack fait figure de croquemitaine, l'ennemi désigné à abattre. Pourtant avec ce troisième épisode, la situation évolue car l'héroïne a deviné qu'elle se trompait de cible : le démon travaille pour quelqu'un, qui, lui, reste caché.

C'est à la découverte de ce dernier que nous entraîne ce nouveau chapitre et le moins qu'on puisse dire, c'est que Cullen Bunn a décidé de secouer Punk Mambo comme le lecteur. 

Dans ce cadre, le scénariste profite du fait que son personnage principal est une femme, ce qui induit chez le lecteur (consciemment ou non, à tort ou à raison) qu'elle est plus faible qu'un homme. Certes elle a du répondant, la langue bien pendue et le coup de poing facile, donc on ne craint pas pour sa vie, mais elle va quand même être durement rudoyée.

L'autre élément à soigner, c'est le mobile du vilain et Azaire Aguilliard se présente comme un adversaire ingénieux. N'ayant pas pu, bien qu'il soit issu d'une lignée prometteuse, devenir un sorcier, il a entrepris de mettre au pas les dieux du vaudou en les intimidant (grâce à la capture d'esprits puissants par l'oncle Gunnysack). Audcieux autant qu'insensible parce que vexé, Aguilliard a de quoi répliquer à une grande gueule comme Punk Mambo - qui mesure instantanément le danger.

La scène où elle se fait passer à tabac et où elle comprend en même temps qu'elle doit encaisser parce qu'elle n'a pas d'autre issue est glaçante, tout comme sa fuite désespérée car Aguilliard la laisse décamper pour mieux savourer son humiliation.

Le dessin d'Adam Gorham traduit parfaitement la brutalité de ce traitement dont on ressent l'intensité sans mal. La colorisation de José Villarubia passe ainsi de tons presque pastels quand Punk Mambo infiltre la sucrerie en étant invisible à des teintes plus vives comme le sang qui défigure la jeune femme rossée.

Par ailleurs, Gorham impressionne toujours autant par son souci du détail dans les décors. Qu'il représente une rue de Port-au-Prince après une bagarre ou désertée après le carnage dans l'église de la congrégation de Josef, puis l'intérieur de la surcrerie avec une figuration importante, les cases et les planches sont fournies, sans être saturées, et témoigne d'un véritable effort.

Le prochain épisode s'annonce comme celui de la revanche avant un final explosif. Car Punk Mambo progresse avec maîtrise, sachant qu'elle ne dispose que de cinq numéros.  

jeudi 27 juin 2019

ISOLA #8, de Brenden Fletcher, Karl Kerschl et Msassyk


Cet épisode d'Isola, c'est un peu le changement dans la continuité. Ceux qui sont exaspérés par le rythme lent et la parution bimestrielle le seront encore, mais pourtant les choses bougent. Brenden Fletcher avec Karl Kerschl et Msassyk parient sur les ambiances, comme toujours, mais introduisent un rebondissement qui redistribue les rôles et va certainement altérer l'intrigue.


Rook et Olwyn ont repris leur route après leur escale mouvementée dans le village troglodyte des femmes aux enfants disparus. Rook consulte ses cartes et entraîne Olwyn dans un canyon, à l'écart des manoeuvres de l'armée et des rebelles.


Une nuée d'oiseaux inquiétants et au cri strident éprouve durement Rook qui, ensuite, en traversant une forêt, tombe malade. Olwyn remarque une femme commerçant avec un membre d'un clan local.
  

Celle-ci examine Rook et l'emmène chez elle où elle la soigne. Pourtant Olwyn est sur ses gardes. Elle remarque dans une cabane attenante des enfants prisonniers mais lorsqu'ele veut s'en approcher, elle en est incapable.


Une seconde tentative, en suivant Miluse, leur bienfaîtrice, révèle le sombre secret de celle-ci : elle semble être une sorcière qui transforme les enfants en animaux. Rook, cependant, se rétablit et accepte de poursuivre son repos sur place.


Miluse est visiblement attirée sexuellement par Rook et ceci, plus ce qui se passe dans la cabane, déplaît à Olwyn. La sanction tombe : la tigresse n'a plus le droit de séjourner à l'intérieur.

La reprise du voyage de Rook et Olwyn laisse d'abord penser à un épisode et une nouvelle étape dans l'intrigue de Brenden Fletcher et Karl Kerschl. Mais c'est un faux semblant : d'ailleurs, tout ce chapitre est construit sur des fausses pistes.

Le tournant s'opère rapidement quand, de manière brusque et inexpliquée, Rook tombe malade et est recueillie par une sorte de guérisseuse itinérante, Miluse. Elle héberge la capitaine et sa tigresse chez elle et soigne la jeune femme avec beaucoup d'attention.

Le comportement de Miluse est un exemple parfait de l'écriture de la série : rien n'y est explicite, tout est suggéré et finit par devenir évident. C'est d'une finesse admirable : la bienveillance de la guérisseuse dérange par son insistance, ses paroles mielleuses. Il est vite acquis qu'elle est lesbienne et nourrit des sentiments ad hoc pour Rook.

Cela introduit une sorte de rivalité implicite entre Miluse et Olwyn, tout en confirmant (si besoin était) que Rook aime les femmes qui la dominent (une reine, une rebouteuse). C'est d'autant plus troublant que la capitaine apparaît d'abord comme la guide de ce périple : encore une fausse piste donc.

Puis Olwyn remarque de drôles de choses dans la cabane attenante au logis de Miluse et là, les auteurs font un lien, tacite toujours, avec ce qui se passait dans l'épisode 7 (le village troglodyte avec ces femmes dont les enfants disparaîssaient ou devenaient des hybrides à moitié animaux). Les soupçons concernant la guérisseuse se confirment : elle n'est pas digne de confiance.

Inévitablement, le clash survient : Olwyn tente de s'interposer entre Rook, de plus en plus soumise (par politesse mais aussi parce qu'elle demeure affaiblie par la maladie), et Miluse. La reine changée en tigre va coucher dehors, sous la pluie. Le piège s'est refermée en même temps qu'il a séparé les deux partenaires. On pense à une répétition du premier arc, quand le shaman Moro avait entraîné Olwyn dans sa tribu, sauf que là, c'est infiniment plus pervers. Tout est beaucoup plus mal engagé pour la suite, et donc l'histoire rebondit de façon palpitante.

Kerschl est une sorte de miniaturiste génial sur ce titre : son dessin ne doit jamais souligner ce que le script suggère mais bien accompagner les intentions du récit. Tout passe par des détails, des attitudes, des expressions.

Le découpage est d'une précision redoutable et, par exemple, il est remarquable de constater que l'artiste déploie des doubles pages pour des scènes où le temps se dilate et où la menace sourd de chaque image. 

Pratiquement tout l'épisode est narré du point de vue d'Olwyn, ce qui rend l'expérience fascinante parce qu'on ressent intensèment la frustration, l'inquiétude, l'umpuissance de la tigresse face la situation. Le seul moment où elle réagit précéde sa défaite mais Kerschl ne devance jamais le lecteur.

Bien entendu, comme toujours, la colorisation de Msassyk est magique : des premières pages lumineuses aux dernières, dans des teintes délavées correspondant à la déchéance d'Olwyn, tout est traduit avec subtilité.

La couverture du #9, représentée à la fin du numéro, promet beaucoup sans garantir quoi que ce soit. A l'image de cette série, pour laquelle il faut être patient certes, mais qui récompense à la mesure de l'attente.

La variant cover de Fiona Staples.

ACTION COMICS #1012, de Brian Michael Bendis et Szymon Kudranski


Ce nouveau numéro d'Action Comics est un tie-in à Event Leviathan - mais dont la lecture n'apporte pourtant pas grand-chose, si ce n'est dans ses ultimes pages. Brian Michael Bendis meuble un peu, et même beaucoup, en attendant que Superman n'apparaisse vraiment dans sa saga. L'autre point noir de l'épisode est son graphisme : après un an en compagnie d'illustres artistes, Szymon Kudranski n'est vraiment pas à la hauteur.


Mr. Strong convoque ses associés dans son bunker pendant que son technicien surveille les allers et venues de Superman. Comme il est assez loin, la discussion permet de trancher sur le commerce d'une nouvelle drogue : l'Apocalypse.


Pendant ce temps, à la Forteresse de Solitude, Superman se prépare à rejoindre son père, Jor-El, en conflit ouvert avec plusieurs adversaires (voir Superman). Lois, elle, doit peaufiner la rédaction de son manuscrit et mettre à jour son dernier article.


Justement, au "Daily Planet", Perry White s'impatiente et confie à Robinson Goode un papier sur la destruction de l'Odyssée, le nouveau siège de l'ARGUS. Puis, alors que Trish lui montre des photos de Lois avec Superman, la reporter reçoit un coup de fil.


Rose Canton lui donne rendez-vous dans une serre pour lui raconter comment, sous son autre personnalité, Thorn, elle s'en prend aux dealers d'Apocalypse, sans être dérangée ni par Superman ni par la police.


Goode fait son rapport à Mme Leone qui compte en tirer profit pour dénoncer une corruption au sein des forces de l'ordre. Thorn, elle, est abordée par Leviathan pour intégrer son organisation.

Un an après avoir pris en main la direction d'Action Comics, c'est malheureusement le moment choisi par Brian Michael Bendis pour livrer son épisode le plus faible. On sent que le scénariste a clairement la tête ailleurs et qu'il essaie, poussivement, de rattacher ce qui se passe dans cette série au début récent de son Event Leviathan.

C'est que Bendis a préparé cette saga dans les pages d'Action Comics, donc avec Superman. Or l'homme d'acier n'est pas encore apparu dans Event Leviathan et cela créé un drôle de décalage, comme si l'acteur principal du récit n'était pas encore dans le cadre. Ce qui ne saurat tarder bien entendu, mais bon.

Une nouvelle fois, donc, Bendis construit son épisode en montrant très peu Superman (tout comme Clark Kent et Lois Lane). Il est mentionné la bataille dans l'espace représenté dans Superman #12, également les récents déplacements à Londres (dans l'épisode du mois dernier). Mais C'est tout.

Etrange impression donc que de lire une série sans son héros. Robinson Goode est aux premières loges : on remarque fugitivement qu'elle semble ne pas (plus ?) maîtriser complètement ses pouvoirs de Red Cloud, puis surtout elle rencontre Rose Canton alias Rose & Thorn. Cette schizophrène aux capacités semblables à celles de Poison Ivy (elle agit sur les végétaux) combat les dealers de Mr. Strong en toute impunité.

Bendis renoue alors avec le thème du premier arc - comment discréditer discrétement Superman - : par la voix de Rose & Thorn, on s'interroge sur le fait qu'une déséquilibrée puisse agir sans que l'homme d'acier ni la police ne s'interpose. Voilà la matière pour un scandale potentiel. Puis la jeune femme est abordée par Leviathan : celui-ci, pour l'instant, semble recruter des personnages de seconde zone (le Golden Guardian), mais sans trop d'effort pour les convaincre.

Sur un rythme assez pépére, l'épisode se déroule, sans ennui, sans captiver non plus. Mais le métier de Bendis aide quand même à rendre la lecture supportable car ce ne sont pas les dessins de Szymon Kudranski qui aident.

On a été gâtés en un an : Gleason, Sook, Paquette, Epting... La série n'a pas d'artiste régulier mais de sacrés invités. Quand on pense que, pendant ce temps-là, Chris Samnee subsiste en vendant des commissions arts, c'est quand même incompréhensible que DC ne le signe pas (alors qu'il est employé par l'éditeur pour des couvertures de Batman Beyond)... 

Quoi qu'il en soit, Kudranski produit des planches médiocres, visiblement le plus souvent composées de photos retouchées, auxquelles la colorisation de Brad Anderson n'apporte rien. C'est très sombre, à la limite du lisible même, affreusement chargé : pénible.

Un anniversaire raté donc. 

La variant cover de Ben Oliver.

mardi 25 juin 2019

SABRINA THE TEENAGE WITCH #3, de Kelly Thompson et Veronica Fish


La mini-série arrive à mi-chemin (toujours pas d'annonce pour une prolongation en ongoing. Qu'attend Archie Comics ?) et Kelly Thompson continue de ravir avec les aventures de Sabrina the Teenage Witch. Le récit se resserre sur l'enchaînement d'événements récents sans oublier l'aspect romantique. C'est délicieux, et servi à merveille par le dessin de Veronica Fish.


En voulant confronter Allen, Sabrina a déclenché sa transformation en dragon. Il la traîne désormais dans la forêt voisine. Mais la jeune sorcière connaî bien l'endroit et en profite, grâce un sort, pour se libérer et fuir.


Elle gagne un terrain voisin où stationnent des mobil'homes. Sabrina frappe à la porte de l'un d'eux. Surprise : c'est Radka qui lui ouvre et accepte de la laisser entrer chez elle.


Sabrina appelle ses tantes pour qu'elles viennent la récupérer mais Ren, le frère de Radka, arrive alors et offre de la ramener. Une fois à destination, il lui fait promettre de ne rien dire sur leur domicile. Ils s'embrassent.
  

Sabrina retrouve ses tantes Hilda et Zelda et leur résume ses dernières mésaventures. Aussitôt elles descendent dans leur antre pour y préparer une potion mais envoie Sabrina dans sa chambre.


Sabrina confie ses doutes à son chat Salem après que Hilda ait consenti à lui révéler que ses problèmes n'étaient pas de nature magique. Mais alors pourquoi ses deux tantes sortent-elles dans la nuit en habits de sorcière et s'enfoncent-elles dans les bois ?

Il y a définitivement quelque chose d'exquis dans cette mini-série (qui, je l'espère, sera convertie en série régulière par Archie Comics, avec la même équipe créative). On la lit comme on savoure une friandise, mais attention, cette sucrerie n'est pas mièvre.

Bien sûr, il y a dans ce nouvel épisode de Sabrina the teenage witch un côté fleur bleue avec la romance entre l'héroïne et Ren. Mais Kelly Thompson s'en amuse avec malice en n'hésitant pas à souligner les clichés du genre : les amoureux adolescents flirtent à moto, une étoile filante passe dans le ciel de Greendale, et un baiser sera échangé sous une lune bien pleine.

De même, la scénariste rit (et nous fait rire) avec les éléments les plus incongrus du récit, symbolisés par le chat Salem (qui est la réincarnation d'un puissant sorcier, doué de parole et affublé d'un caractère bien trempé). Envoyée dans sa chambre par ses tantes pour qu'elles les laissent travailler, Sabrina prend son matou à témoin mais celui-ci n'entend pas jouer les animaux de compagnie traditionnels. Pourtant, quelques caresses ont raison de ses résistances et le voilà qui ronronne comme un bienheureux : on ne résiste pas à Sabrina.

En posant ainsi le personnage (comme une jeune fille craquante), le danger est d'oublier l'intrigue. Thompson compose parfaitement avec tout cela et suggère habilement que les manifestations magiques auxquelles a été confrontée récemment Sabrina ne sont pas le fruit du hasard : dragon, wendigo, forêt voisine, cela signifie que quelque chose est déréglé à Greendale. Pourtant la dernière page montre Hilda et Zelda, en tenue de "travail", partir dans les bois...

L'épisode ne laisse pas de répit, ni à son héroïne ni au lecteur, sans pourtant donner le sentiment d'être assailli par les péripéties. Une action conduit à la suivante, le tout est d'une fluidité imparable, et cela tient aussi au découpage de Veronica Fish.

L'artiste, toujours épaulée par son mari Andy Fish pour une superbe colorisation à la fois vive et nuancée, donne l'impression de mener son affaire dans effort. Mais cette simplicité signifie au contraire une maîtrise éprouvée de la narration.

Fish alterne action trépidante (la fuite dans les bois) et moments plus calmes (la balade de Sabrina avec Ren) ou scènes de pure comédie (le résumé de Sabrina à ses tantes). Elle varie la valeur des plans, soigne les expressions, la gestuelle, c'est très vivant. Le trait est élégant et alerte à la fois. Un bonheur.

D'une fraîcheur imbattable et revigorante, cette série continue d'enchanter. 
   
Les couvertures de Veronica Fish (Regular) et 
Victor Ibanez et Jenn St Onge (Variants).

lundi 24 juin 2019

TRINKETS (Saison 1) (Netflix)


Depuis l'échec (critique et commercial) de Everything sucks !, chaque série sur la jeunesse produite et/ou diffusée par Netflix est redoutée comme le loup blanc. Mais Trinkets va sûrement effacer ce faux pas car elle réussit à combiner sensibilité et originalité, sans tirer sur les ficelles de la nostalgie. Adaptée des romans de Kristen Smith par l'auteur et Amy Andelson et Emily Meyer, ces "Babioles" sont touchantes et sonnent remarquablement justes.

 Tabitha, Moe et Elodie (Quintessa Swindell, Kaina Madeira, Brianna Hildebrand)

Depuis la mort de sa mère dans un accident de la route au Nouveau-Mexique, Elodie vit chez son père, remarié et père d'un petit garçon, dans l'Oregon. Cleptomane, la jeune fille est prise en flagrant délit et doit suivre des réunions thérapeutiques où elle rencontre Tabitha et Moe, camarades de lycée mais brouillées et qui la considèrent avec méfiance.

 Trois jeunes cleptomanes

En se mesurant l'une à l'autre dans un magasin, les trois filles apprennent à s'apprécier lentement. Chacune connaît des difficultés personnelles : Tabitha, issue d'un milieu aisé, subit les mauvais traitements de son copain, Brady ; Moe vit avec sa mère célibataire car son père est en prison ; Elodie n'apprécie pas sa nouvelle famille et culpabilise au sujet de l'accident de sa mère. 

 Trois amies

Le vol à la tire mais aussi le goût des études les réunissent. Lors de la journée de service civique organisée par le lycée, elles profitent de la pause pour faire un peu de "shopping" dans un sex-shop où elles échangent sur leurs relations amoureuses. Elodie avoue avoir été amoureuse d'une fille à Albuquerque mais être encore vierge. Tabitha et Moe entreprennent de remédier à son célibat.

 Tabitha et Brady (Quintessa Swindell et Brandon Butler)

Après avoir surpris, en compagnie de Elodie et Moe, son père avec une autre femme, Tabitha participe à son anniversaire, morose. Elle rompt avec Brady qui va l'humilier publiquement. Elodie présente Moe à son père et apprend que son amie espère partir étudier en Corée du Sud le semestre prochain, même si elle fréquente Noah.

 Une vengeance qui dégénère

Brady publie une photo intime de Tabitha sur les réseaux sociaux. Moe et Elodie entraînent leur amie dans une vendetta en volant la voiture du mufle. L'opération dégénère lorsque Elodie prend le volant et que lui reviennent des images de l'accident de sa mère. Le véhicule finit dans la rivière et les trois fills pensent que rien ne les relie au méfait. 

 Noah et Moe (Odiseas Georgiadis et Kaina Madeira)

Elodie doit témoigner pour le procès du chauffard qui a tué sa mère. Moe, de son côté, surprend Noah en compagnie de son ex, Kayla, et rompt brutalement. Tabitha dénonce l'infidélité de son père à sa mère et il quitte le foyer familial, puis elle se rapproche de Luka, rencontré aux Cleptomanes Anonymes.

 Luka et Tabitha (Henry Zaga et Quintessa Swindell)

Invitées par Sabine, une chanteuse qui se produit au bar où travaille Luka, Elodie, Moe et Tabitha prennent part à une fête où elles consomment de l'ecstasy. Elodie et Tabitha apprennent que Sabine et Luka ont été amants. Puis, désinhibée par la drogue, Moe fait un aveu surprenant à ses amies, qui va bouleverser leur trio.

 Elodie et Sabine (Brianna Hildebrand et Kathryn Cunningham)

L'aveu de Moe conduit Moe et Elodie à ne plus lui adresser la parole, s'estimant trahies. Elodie revoit Sabine et échange un baiser avec elle, qui lui annonce partir bientôt en tournée en l'invitant à l'accompagner. Moe se réconcilie avec Noah mais celui-ci lui annonce avoir couché avec Kayla. Tabitha et Luka deviennent amants.

 Le trio se réconcilie

Le marché de nuit va donner l'occasion au trio de se recomposer lorsque Elodie, qui devait surveiller son petit demi-frère, Spencer, le perd dans la foule. Une fois le garçon retrouvé, Elodie s'excuse auprès de son père et sa femme en expliquant se sentir responsable de l'accident de sa mère. Touchées par la scène, Moe pardonne à Noah et Tabitha invite Luka chez ses parents - sans savoir que Brady la surveille.

Avant de se séparer

La voiture de Brady est repêchée et celui-ci soupçonne Tabitha, Moe et Elodie. Il contraint Tabitha à sortir à nouveau avec lui si elle ne veut pas qu'il les dénonce. Le père de Elodie découvre la valise où elle cache ce qu'elle vole et veut l'envoyer dans un centre de traitement à Seattle. Moe apprend qu'elle n'ira pas en Coréee après avoir agressée Brady pour venger Tabitha. Elodie fugue avec la complicité de ses amies et part sur les routes avec Sabine.

Le premier épisode de la série déconcerte : que nous raconte-t-on ? Le thème de la cleptomanie est intrigant et s'en servir pour illustrer l'amitié entre trois adolescentes de trois milieux différents séduit. Mais ce n'est qu'un prétexte.

Car, par la suite, au long des dix épisodes de vingt-cinq minutes de cette première saison, Trinkets s'intéresse davantage à ses trois héroïnes et leurs tourments de jeunes filles qu'à leur manie et aux réunions thérapeutiques auxquells elles participent (sur le modèle des Alcooliques Anonymes dans un groupe de parole).

Tout procède ainsi dans cette production Netflix, adaptée des romans de Kristen Smith, qui est aussi une des trois showrunners du programme avec Amy Andelson et Emily Meyer (trois femmes donc pour autant de premiers rôles). Les vols à la tire, les larcins divers, sont là pour devancer et/ou accompagner ce que Elodie, Tabitha et Moe traversent dans leurs existences.

Considérant le passé récent de Elodie, on craint d'abord un mélo un peu chargé puisqu'elle vient de perdre sa mère et n'apprécie guère de vivre sous le même toit que son père, sa nouvelle femme et leur fils, le très fouineur Spencer. Ajoutez qu'elle a laissé à Albuquerque une fille qu'elle aimait (sans retour) et la jolie voleuse homosexuelle est bien lestée.

Tabitha, la "pauvre petite fille riche" qui découvre l'infidélité de son père et s'étonne de l'apathie de sa mère, obsédée par les clichés anodins qu'elle poste sur Instagram, amoureuse d'un mufle et attirée par un participant aux Cleptomanes Anonymes, et Moe, dont le père est en prison et la mère accaparée par son travail d'infirmière, flirtant avec le tombeur Noah que son ex ne veut pas lâcher et qui ambitionne de poursuivre ses études en Corée du Sud, sont également des personnages riches, presque trop.

Mais la série se suit sans déplaisir, déjouant les lourdeurs, et décrivant trois jeunes femmes au carrefour de leur existence. Elles ne s'apprécient pas au début (Moe et Tabitha ont été amies puis se sont brouillées sans vraie raison, Elodie est une étrangère), les préjugés ont la vie dure et leurs douleurs sont bien cachées derrière une espèce de morgue adolescente. Mais chacune tombe le masque en continuant à voler et en partageant cela comme un plaisir interdit mais grisant et fédérateur.

A mi-chemin, deux événements font basculer le récit lorsque le trio s'embarque dans une vendetta qui dégénère puis lors d'une fête trop arrosée où Moe se dévoile de manière choquante. Le ton se fait plus grave, on devine que tout cela ne va pas bien finir. Et effectivement les scénaristes osent boucler la saison sur une note vraiment risquée, qui rebat les cartes de l'histoire - et donne très envie d'une saison 2.

Les garçons n'ont pas le beau rôle, ou souffrent de la comparaison avec ces trois filles auxquells on s'attache facilement, sans qu'elles manquent de failles, de défauts. On peut reprocher d'ailleurs que les acteurs soient un peu fades, un peu trop mignons, et affadissent l'ensemble (même si Odiseas Georgiadis, étonnant clone de Bruno Mars, sort du lot).

Mais ce bémol est comblé par les interprétations parfaites de Brianna Hildebrand (découverte dans Deadpool), Quintessa Swindell (rivale déclarée de Logan Dear White People Browning pour le titre de plus belle actrice métisse de la télé US) et Kaina Madeira (l'outsider idéale du groupe). Voilà trois actrices qui se complètent à merveille, ayant investi leurs rôles magistralement, et qui donnent du coeur à la série.

Leurs "Babioles" (qu'il s'agisse des objets qu'elle dérobe ou des épreuves, dures ou dérisoires, qu'elles subissent) sont précieuses. On espère que Netflix les prolongera car, indéniablement, il y a là un potentiel remarquable et une émotion aussi sobre que poignante.