C'est parti : Event Leviathan débute ce mois-ci et pour six mois, ce "mystery thriller" va devoir résoudre l'intrigue amorcée dans les pages d'Action Comics sur la série d'attentats qui a visé les organisations du DCU. Brian Michael Bendis est aux manettes de cette saga dessinée par (et pour) son fidèle acolyte Alex Maleev. Un début piano mais alléchant.
Batman inspecte, seul, de nuit, les ruines de l'Odyssée, ce qui reste du nouveau Q.G. de l'ARGUS, récemment détruit. Il y surprend Lois Lane dont le père, Sam, était un des cadres de l'organisation avant d'être hospitalisé.
Superman en mission, ils partagent leurs soupçons sur les suspects. Mais leur conversation est interrompue quand Batman aperçoit Steve Trevor, sonné mais vivant. Il était là quand le site a été touché et raconte ce qui s'est passé...
Alors qu'il prévenait le Dr. Strand, responsable du bâtiment, des attaques d'autres agences, le destructeur est apparu et a enfermé Trevor dans un champ de force. Strand a disparu avant que l'immeuble ne s'effondre.
Trevor comme Lois et Batman comprennent que Leviathan ne laisse en vie des témoins que pour en faire des suspects et les monter les uns contre les autres. Trevor s'en prend à Lois mais Green Arrow intervient.
Lois invite les super-héros à enquêter avec elle, en compagnie d'autrs détectives spéciaux. Dans l'ombre, la Question les observe. Ailleurs, le Dr. Strand se réveille en présence de Leviathan qui la convainc de participer à son projet pour un monde meilleur.
Le premier mérite de cet épisode inaugural est de situer l'intrigue pour tout le monde, y compris ceux qui ne lisent pas Action Comics où elle s'est développée depuis onze mois. Donc pas d'inquiétude à avoir : vous comprendrez tout, et rapidement.
Car, c'est le deuxième mérite de l'entreprise, Brian Michael Bendis ne perd pas de temps pour contextualiser la menace. Plusieurs officines gouvernementales et terroristes sont tombées lors d'attentats perpétrées par Leviathan : Kobra, la Task Force X (qui abrite la Suicide Squad dirigée par Amanda Waller), ARGUS (où travaille le père de Lois Lane), la DEO (dont le patron, Bones, a été empoisonné), Spyral (qui surveille les méta-humains).
L'histoire débute dans les ruines d'une nouvelle agence, l'Odyssée, qui devait remplacer l'ARGUS, sous la direction du Dr. Strand. Le capitaine Steve Trevor (compagnon de Wonder Woman et homme de main d'Amanda Waller) a assisté à son attaque et à l'enlèvement de Strand. Lorsque Batman et Lois Lane le trouvent dans les ruines, indemne mais parano, ils comprennent que les survivants des attentats sont épargnés pour être considérés comme des suspects et croire que les autres rescapés sont derrière Leviathan. Green Arrow neutralise Trevor quand il accuse violemment Lois d'être le terroriste. Dans l'ombre, la Question observe toute la séquence. Ailleurs, Strand rallie la cause de Leviathan qui veut bâtir un monde plus sûr et meilleur, selon les thèses de son invitée.
L'essentiel de l'épisode repose donc sur les dialogues, mais Bendis ne cède pas au bavardage. Il met en perspective la situation et souligne la paranoïa ambiante puis justifie le groupement de super-détectives - Batman, Green Arrow, Lois Lane, d'autres vont s'y greffer (la Question, Manhunter - qui est en cavale - et Plastic Man).
Coupé par un flash-back, qui apporte une touche spectaculaire mais aussi l'évidence que le destructeur épargne méthodiquement des individus et en téléporte d'autres à l'abri (confirmant la thèse avancée par Superman dans le dernier n° d'Action Comics), ce redoutable page-turner se dévore d'une traite, frustrant juste ce qu'il faut le lecteur et le renseignant par ailleurs. Leviathan s'est bel et bien emparé de l'organisation de Talia Al Ghul et son objectif est plus ambigü qu'à l'ordinaire : il ne s'agit pas d'un simple méchant terroriste mais d'un individu ambitionnant un nouvel ordre, plus juste, plus sûr, qui fera mieux que les super-héros.
En creux, nous dit Bendis, les justiciers masqués ont échoué. Et c'est une évidence que partageront les lecteurs lucides : chaque bataille menée, chaque ennemi affronté indiquent bien que les super-héros ne résolvent rien durablement. C'est le mythe de Sisyphe réinterprété, un labeur sans cesse répété, et pour un résultat nul. Leviathan a déjà prévenu : quand les héros connaîtront son projet, ils s'y rallieront spontanément. L'assurance de cette affirmation trouble.
Très efficace aussi est la manière dont Bendis sème le soupçon car qui se cache derrière le masque de Leviathan. Sa méthode (laisser des surivants pour en faire des suspects et installer la tension entre eux) est habile, surtout si, effectivement, un des rescapés est Leviathan. Bendis a, par exemple, plusieurs fois insisté sur le fait que Lois Lane était la femme la plus dangereuse du DCU : est-ce que Steve Trevor a raison de la soupçonner ? Damian Wayne a aussi confié à son père, Batman, qu'il pensait que Jason Todd/Red Hood (qui s'est engagé dans une voie plus radicale) était Leviathan.
Conformément à la promesse de DC, Green Arrow fait son grand retour peu de temps après l'arrêt de sa série et joue déjà un rôle important. Bendis a déjà ramené la Question (Vic Sage) dans la partie, tout comme Kate Spencer/Manhunter. Je suis curieux de voir comment il va introduire le fantasque Plastic Man à l'enquête.
Visuellement, Event Leviathan a été écrit pour Alex Maleev qui avait demandé à Bendis de lui donner une histoire avec Batman. Du coup, c'est aussi le premier event du dessinateur : un choix culotté car son style se situe aux antipodes de ce qu'on peut attendre avec ce genre de récit.
Mais choix aussi approprié si on revient au terme de "mystery thriller" qui définit cette saga. Avec Bendis, Maleev s'est fait connaître grâce à des histoires noires, "character's driven" (conduites par les personnages), depuis Sam & Twitch jusqu'à Scarlet en passant évidemment par leur run sur Daredevil. Il est donc dans son élément et l'épisode le confirme.
Le dessin, peu dynamique mais aux ambiances tendues, convient parfaitement à ce numéro, qui se déroule quasi entièrement dans des ruines plongées dans la pénombre. Batman est traité comme une silhouette sombre, une ombre quasi fantomatique, épurée au maximum. Maleev assumant aussi sa colorisation a tout le loisir pour distinguer les scènes : ainsi le flash-back avec la destruction de l'Odyssée crépite de couleurs vives et l'épilogue baigne dans des tons chauds, rassurants, par contraste avec le reste. Cela peut être vu comme une métaphore : les héros sont dans la nuit, ils ne savent encore rien, tandis qua Leviathan contrôle tout et se pose comme la lumière du monde à venir.
Tout comme l'autre event DC du moment (DCeased), Event Leviathan a une identité narrative et graphique forte, et ne s'encombre pas de tie-in multiples (même si Action Comics devrait être un bon complément de programme). Cela rend la lecture efficace et digeste tout en conservant un vrai suspense (une gageure quand on anime des personnages comme Batman). Prometteur donc.
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