vendredi 14 juin 2019

PRODIGY #6, de Mark Millar et Rafael Albuquerque


Bon, on va faire vite et simple parce que vous avez sûrement mieux à faire, et que je ne prends aucun plaisir à tailler des costards. La fin de Prodigy est aussi nulle qu'on pouvait s'y attendre, c'est un des pires trucs qu'aura pondu Mark Millar, et même Rafael Albuquerque ne devrait pas être fier de ce qu'il a produit.


Rachel Straks est donc la demi-soeur de l'ignoble Francis Dashwood, ce noble dégénéré qui prépare l'arrivée d'envahisseurs en provenance d'une Terre parallèle. Edison Crane, l'homme le plus intelligent du monde, n'a rien venir !


Et tout ça parce qu'en fait Dashwood a été humilié à l'école par Crane. Mais pas que, car en vérité Francis et Rachel sont aussi les descendants de la première famille royale du monde parallèle.


Sauf que... Edison Crane est quand même trop fort : il a refilé des coordonnées pourries à Francis et Rachel et du coup, hé bien, les envahisseurs, au lieu de débarquer sur Terre, vont cramer avec leur flotte dans le soleil.


Rachel est tuée par un vaisseau ennemi qui se crashe dans le repaire de Francis. Edison se libère de ses menottes et écarte une flopée de gardes. Il monte dans le vaisseau dont il fait activer le champ de force...


... Et largue une de ses bombes pour détruire le repaire de Francis. Puis pour ne plus être embêté par ce gredin, il lui loge une balle dans la tête : ça lui apprendra à être un "asshole" ! Le monde est sauvé, Edison Crane peut reprendre ses activités.

Je suis un bon client de Mark Millar, et avant Prodigy, je considère qu'il a même livré un de ses meilleurs tafs avec The Magic Order. La réussite du bonhomme force, quoi qu'on pense de sa production, le respect : après avoir brillé chez DC en étant associé à Grant Morrison, il est devenu une star chez Marvel en co-créant l'univers "Ultimate" puis en écrivant l'event Civil War, énorme carton.

Puis il a développé discrètement son label "Millarworld" pour des projets en creator-owned, avec un succès indéniable : Wanted, Kick-Ass... L'atout dans le jeu de Millar, ce sont des artistes réputés à qui il offre des conditions imbattables (la moitié des bénéfices sur tout ce que rapporte une série - les comics mais aussi les produits dérivés, les droits d'auteur sur les adaptations cinéma...). 

Son tableau de chasse est impressionnant : John Romita Jr, Frank Quitely, Sean Murphy, Duncan Fegredo, Goran Parlov, Dave Gibbons, Stuart Immonen, Leinil Yu, Greg Capullo, Rafael Albuquerque, etc. Millar les chouchoutte en leur rédigeant des histoires sur mesure, en cinq ou six épisodes, au terme desquels ils retournent chez les "Big Two".

Bien entendu, la machine est trop bien huilée pour ne pas révéler ses mécanismes : les intrigues fonctionnent selon des schémas un peu répétitifs et parfois, effectivement, on a l'impression de lire des super-storyboards avant le film. Mais ce sont aussi souvent des lectures vraiment efficaces, divertissantes.

Avec son abattage coutumier, Millar vend ses projets sur la foi d'une formule synthétique (exemple : "Starlight, c'est Impitoyable qui rencontre Flash Gordon"). Mais parfois, comme ici, avec Prodigy, le slogan n'est que ça : une ébauche, un embryon, qui ne raconte rien de valable et dont la chute, narrative, est aussi éditoriale.

Au début de cet ultime épisode, Rachel dit à Edison Crane qu'elle a supporté pendant ces dernières semaines son côté supérieur, prétentieux et c'est exactement ce qu'on pourrait dire à Millar cette fois. Son héros est une tête à claques horripilante, son aventure est un ramassis de clichés et d'énormités, dont la résolution est indigne. Le méchant est sans charisme, son plan grotesque. C'est tout simplement nul. 

Millar s'est planté. On verra dès le 3 Juillet prochain si sa nouvelle série, Space Bandits, pour laquelle il a réussi à attirer dans ses filets Matteo Scalera (le dessinateur de Black Science de Rick Remender, également publié par Image), rachétera cet échec : ce "Butch Cassidy et le Kid féminin dans l'espace et le futur" s'annonce en tout cas fun.

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