lundi 20 avril 2015

Critique 608 : L'ENVERS DES RÊVES, de Eric Warnauts et Guy Raives


L'ENVERS DES RÊVES est un récit complet écrit par Eric Warnauts et dessiné par Eric Warnauts et Guy Raives, publié en 1995 par Casterman.
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Hollywood, du dimanche 11 au dimanche 18 Juin 1952. Le nouveau film produit par C.D. Trumb, un polar, est présenté en avant-première à un public-test. La projection est un échec cuisant, les réactions du panel sont négatives et certains spectateurs sont même partis avant la fin.
Trumb prend des mesures immédiates et drastiques : il commande à son partenaire, Jerry, de ré-écrire, re-filmer et re-monter le film en une semaine pour l'améliorer.
Jerry recrute Mary Kriford, une "script-doctor" ; débarque le metteur en scène et confie la réalisation à son assistant, l'ambitieux Tommy McKay ; et s'en remet à l'expérimenté "Skinny" pour livrer un nouveau montage.
Mais, en coulisses, d'autres intrigues se nouent entre infidélités conjugales, méfiances, arrivisme, querelles d'ego... Le film sera-t-il, malgré tout cela, un succès critique et public ? Et qui en profitera le plus ?

En 2002, au festival de la bande dessinée de Clermont-Ferrand, j'ai eu la chance de rencontrer deux auteurs dont je dévorais alors chaque nouveau livre, Warnauts et Raives, et j'obtins même deux beaux dessins dédicacés pour deux albums (L'envers des rêves et Lettres d'Outremer). 

Ce week-end, alors que je cherchais quelques bonnes affaires sur priceminister, sans arriver à me décider, j'ai alors eu envie de relire L'envers des rêves, comme souvent dans ce genre de cas, pour vérifier si la bonne impression qu'il m'avait laissé était encore valable. Je découvris, pour commencer, que ce récit complet datait en vérité d'il y a déjà vingt ans, c'est-à-dire quand j'étais encore étudiant, dans ma vingtaine, une époque où justement j'avais délaissé la bande dessinée comme lecteur pour tenter d'en faire comme auteur.

Je me suis alors souvenu pourquoi j'aimai tellement la production du duo Warnauts et Raives alors : ils livraient régulièrement de belles histoires, aussi bien écrites que dessinées, des récits complets situés dans des cadres très divers (Congo 40, Intermezzo, L'innocente, le recueil de "short stories" Equatoriales), où les relations sentimentales des héros prévalaient généralement sur l'intrigue.

Avec L'envers des rêves, pourtant, les deux auteurs réussirent à trouver un équilibre entre caractérisations et scénario via un hommage au cinéma hollywoodien des années 50. La période n'est pas choisie au hasard : c'est l'âge d'or des grands studios, l'après-guerre, le glamour, la "chasse aux sorcières" anti-communiste initiée par les sénateur Joseph McCarthy, les calendriers avec les pin-ups, les belles voitures américaines... Tout un ensemble d'éléments esthétiques fournissant un cadre foisonnant pour un récit au casting riche et aux rapports complexes. On a donc à la fois des protagonistes forts, comme les affectionnent Warnauts et Raives, mais aussi une toile de fond ambitieuse.

L'action est très dense, ramassée sur une semaine, entre la preview catastrophique d'un film et ses retakes ordonnées par un producteur autoritaire et son assistant à qui il fixe ce délai pour corriger le tir. Le rythme est donc soutenu, on ne s'ennuie jamais, et Eric Warnauts construit à partir de ça une mosaïque très divertissante, où les luttes de pouvoir, les efforts de séduction, les tromperies, sont soulignés par l'urgence de la situation. Chaque personnage est bien campé et certains dynamisent l'histoire avec quelques scènes bien inspirées, comme la script-doctor. D'autres agissent de manière plus trouble et discrète et ne se révèlent, dans tout leur machiavélisme, qu'à la fin, comme le couple faussement ingénu formé par Tommy et Kathleen McKay. Une troisième catégorie sont à l'oeuvre, plus ou moins dans l'ombre, pour sauver leurs places, profiter de leurs positions, prendre une revanche, comme avec l'acteur vieillissant mais toujours séducteur John Powell, Norma la secrétaire de CD Trumb. 

Tout le processus de ré-écriture, tournage et montage du film est bien évoqué, sinon montré, sans occuper beaucoup de pages, ou tout du moins en étant traité au moyen d'une narration parallèle très prenante. C'est une vraie réussite.

Ce qui se dit ici sur l'interdépendance de plusieurs départements d'un studio de cinéma et de leurs responsables peut s'interpréter facilement comme une métaphore du travail des auteurs car Eric Warnauts et Guy Raives collaboraient très étroitement à l'époque de la réalisation de cet album. Le lecteur attentif vérifiera ainsi, page 43, de la place de chacun ("Warnauts : writer", "Raives : pictures") mais, en vérité, c'est plus raffiné. 

Si Warnauts écrivait bel et bien les scripts, leurs histoires étaient souvent conçues à deux ; de même que si Raives dessinait, encrait et mettait en couleurs les planches, Warnauts participait au découpage et aux designs. Pendant longtemps, avant que je les rencontre, leur association était un mystère pour moi, ignorant qui faisait vraiment quoi (maintenant, ces précisions sont à la portée de tous en cherchant sur le net).

Guy Raives est un artiste dont le trait a depuis évolué vers plus de spontanéité, quitte à paraître relâché, mais pour L'envers des rêves (et plus tard Lettres d'Outremer), son style avait atteint une qualité exceptionnelle.

Tout y était : expressivité subtile des personnages, soin apporté aux décors (reproduits avec une exactitude confondante ici : on se croirait vraiment revenu dans les studios, les villas, du Los Angeles des années 50), aux véhicules (l'amateur se régalera avec les belles américaines d'alors).

Le découpage privilégie les cases de grandes dimensions pour bien planter chaque séquence, parfois aussi pour clore des chapitres aux ambiances choisies (bords de mer la nuit par exemple), chaque plan grouille de détails sans pour autant encombrer le regard, les personnages possèdent tous un look, une gestuelle bien mis en valeur dans des compositions bien dosées. Le trait est fin, fluide, très élégant.

Enfin, la colorisation, à l'aquarelle, permet à Raives de disposer d'une palette remarquablement nuancée : les vêtements, les lieux, la lumière, tout rappelle les tons vifs et contrastés de l'époque de l'histoire (avec même des passages en noir et blanc relevés de gris au lavis pour les scènes du film projetées) sans pourtant singer une sorte de technicolor en BD. C'est absolument superbe (même si, en total n&b, cet album serait bien nu).

Voilà un livre de 95 pages admirablement mené - peut-être le chef d'oeuvre de ce duo si spécial que forment Warnauts et Raives.

dimanche 19 avril 2015

Critique 607 : SPIROU N° 4018 (15 Avril 2015)


Le retour d'Imbattable assure un bon moment de lecture. Les héroïnes des Nombrils figurent sur le bandeau, pour, elles aussi, un court récit.
(La semaine de Spirou : un édito très marrant cette semaine !)

J'ai aimé :

- Dad. Papa prend le frais dans un square avec Bébérinice: ne croyez jamais que c'est simple de surveiller un bébé ! Nob est toujours au sommet : en quatre bandes et 11 cases, il brode des péripéties drôles et tendres, avec une chute "smoutch" à souhait. Les dessins sont merveilleux.

- Dent d'ours : Werner (5/9). Et si Werner n'était pas celui qu'on croyait : le secret sur sa véritable identité et son passé se trouvent dans un drame de jeunesse...
Encore un épisode très bref (4 pages) mais Yann y dévoile un twist vraiment épatant, qui relance complètement l'intrigue, ses enjeux : on peut toujours déplorer le rythme de cette pré-publication mais malgré tout, ce récit est prenant. Et les dessins de Henriet sont superbes, même quand il est privé d'avions.

- Ma grand-mère est une sorcière : La disparition. Frudule a perdu, comme chaque année à la même période, sa grand-mère, Mamita, et sollicite l'aide de ces deux nigauds de Thierry et Clint.
Guillaume Bouzard renoue avec sa meilleure veine dans ce court récit (4 pages) : sur un argument très simple, il nous mène par le bout du nez. C'est une série bizarre, au graphisme décalé, mais dont la légère étrangeté fait tout le charme.

- Boni : Les monstres en dessous du lit. Ian Fortin réalise quatre nouveaux strips très rigolos, qui ne manqueront pas d'évoquer, par son thème, un gag récurrent de Calvin & Hobbes, mais sans imiter Bill Watterson. La chute de la dernière bande est irrésistible.

- Imbattable : Le retour du Plaisantin. La Némésis d'Imbattable a trouvé un moyen de s'évader de prison, mais Imbattable va se dresser sur son chemin.
Pascal Jousselin, à chaque nouvel épisode de sa série, joue en virtuose avec les règles du découpage, sans la lignée des expérimentateurs comme Marc-Antoine Matthieu ou Fred, avec une malice supplémentaire : cette fois encore, il mystifie le lecteur, qui devra lire en transparence les deux dernières planches (sur les 6 que compte l'aventure) pour apprécier l'astuce. C'est bluffant, aussi bien en ce qui concerne la narration que la prouesse graphique.

- Minions. Didier Ah-Koon et Renaud Collin ne sont pas toujours inspirés avec leurs lutins jaunes, mais le gag de cette semaine renoue avec leurs meilleures trouvailles : tous ceux qui auront joué au "catcher" dans une foire foraine apprécieront...

- Le Club des Huns. Les hommes d'Attila sont d'humeur taquine et le pauvre Bruno en fait les frais avant que le chef prenne cher : Dab's est très en forme encore une fois. Sa troupe de barbares aussi bête que leur leader produisent des gags désopilants que le dessin économe sert à merveille.

- Zizi chauve-souris. Pas simples, les retrouvailles entre le mentor de Suzie et sa grand-mère : Trondheim et Bianco ont l'art et la manière de nous faire marrer avec trois fois rien, jouant sur le comique de répétition en orfèvres.

- L'Atelier Mastodonte. Trondheim et Bianco, encore eux, se rappellent du dernier festival d'Angoulême : une épreuve de patience pour le premier, le décadence pour le second. Pas le meilleur cru de la série (d'autant que la situation commence quand même à dater), mais les mésaventures de Bianco sont quand même croquignolettes.

- Tash & Trash. / Captaine Anchois. Dino et Floris à leur top : une rupture poilante et un jeu avec les pirates qui dégénère mais dans les deux cas, des strips imparables

En direct de la rédak donne la parole à Delaf et Dubuc, les auteurs des Nombrils : dommage que leur BD ne soit pas aussi intéressante que leur discours... La semaine prochaine, numéro spécial pour la journée mondiale de la Terre (avec donc un sommaire qui sera un peu chamboulé).
Les aventures d'un journal revient sur la carrière d'Arthur Piroton, le mythique dessinateur de Jess Long : j'ai eu la chance, il y a longtemps (dans les années 80) de rencontrer cet artiste fabuleux, et ça me fait plaisir de voir que Spirou lui rende hommage, vingt après sa mort.

Les abonnés ont droit à un beau Fan-Art : Les Tuniques Bleues, avec des contributions, entre autres, de Bonhomme, Henriet, Dab's, et Jousselin.

mercredi 15 avril 2015

Critique 606 : ASTERIX, TOMES 23 & 24 - OBELIX ET COMPAGNIE & ASTERIX CHEZ LES BELGES, de René Goscinny et Albert Uderzo


ASTERIX : OBELIX ET COMPAGNIE est le 23ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1976 par Dargaud.
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César est excédé et cherche une solution pour définitivement faire plier les irréductibles gaulois, pour cela il demande conseil à ses sénateurs. Mais c'est d'un jeune diplômé qu'il reçoit une idée.
Saugrenus est donc envoyé au camp de Babaorum et il convainc Obélix, qu'il rencontre dans la forêt, de lui livrer des menhirs contre rétribution, lui promettant d'en faire l'homme le plus important de son village grâce à ce contrat.
La réussite d'Obélix, qui emploie à tour de bras des assistants dans sa carrière et pour chasser des sangliers à sa place, aiguise les ambitions de ses voisins, qui se lancent à leur tour dans ce commerce, mais précipite aussi sa brouille avec Astérix et même son petit chien Idéfix.
Toutefois, le plan de Saugrenus montre vite ses limites : le stock de menhirs achetés à prix d'or ruine César et l'encombre, puis provoque une révolte des tailleurs de pierre romains.
Astérix, avec l'aide de Panoramix, va alors s'employer à raisonner tout le monde car Saugrenus refuse désormais tout nouvel achat...
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ASTERIX CHEZ LES BELGES est le 24ème tome de la série, écrit (pour la dernière fois) par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1979 par Dargaud.
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La relève de légionnaires arrive au camp de Laudanum, mais les nouveaux soldats désarçonnent Astérix et Obélix quand ils en rencontrent un dans la forêt : en effet, celui-ci est content d'être affecté dans la région après une campagne douloureuse en Belgique dont les guerriers ont été qualifiés de plus braves des résistants par César !
En apprenant cela, le sang du chef Abraracourcix ne fait qu'un tour et décide, contre l'avis du conseil du village, de partir vérifier si ces belges font de si bons adversaires. Astérix et Obélix le suivent et font ainsi la connaissance de Gueuselambix et ses troupes.
Pour départager les deux peuples, il est convenu de détruire un maximum de camps romains dans le plat pays afin que César révise ou non son jugement. Mais la compétition aboutit à un match nul. Néanmoins, les dégâts sont assez considérables pour le légat Volfgangamadéus prévienne César de la situation et que celui décide d'aller raisonner tous ces barbares, belges et celtes : des romain revanchards, voilà de quoi réconcilier les rivaux !

Ainsi donc, avec ces deux tomes, prenait fin l'ère Goscinny : le décès, aussi absurde (dans ces circonstances) que triste (pour la bande dessinée, et en particulier les séries qu'il écrivait), du scénariste allait porter un coup particulièrement rude à Astérix, peut-être son titre favori, en tout cas le plus populaire, et à son partenaire Uderzo, qui restera inconsolable et hésitera longtemps à entretenir la flamme.

Que reste-t-il du chant du cygne de Goscinny sur Astérix ?

A dire vrai, au risque de paraître sévère, pas grand-chose de bon. Pour un peu, on pourrait croire que l'auteur, même s'il avait vécu plus longtemps, avait fait le tour de la question ; on voit en tout cas mal ce qu'il aurait pu raconter de plus, et surtout de meilleur. Et le meilleur était déjà derrière lui avec Astérix.

Ni Obélix et compagnie ni Astérix et les belges n'ajoutent quoi que ce soit à la légende de la série ni au prestige de son scénariste : les deux histoires sont moyennes, pour ne pas dire médiocres. La magie n'opère plus, la mécanique tourne dans le vide, ne subsiste que des formules répétitives, un humour de moins en moins opérant. Déjà, à cette époque, on remarque à quel point le titre est devenu moins une BD qu'un concept, une machine à cash qui se contente du minimum pour exister, forte d'un lectorat plus que conséquent et acquis à sa cause au point d'acheter chaque nouvel album sans plus regarder ce qu'il propose. C'est assez triste en vérité.

Prenons Obélix et compagnie : l'argument est minimaliste mais prometteur. Un jeune ambitieux propose à César un plan délirant pour (encore) monter les irréductibles gaulois les uns contre les autres et, ce faisant, précipiter leur chute face à l'empire romain. On a déjà vu ça à de nombreuse s reprises dans la série et le burlesque assumé de la situation de départ suscite un sourire aimable, bienveillant : c'est tellement absurde que c'est rigolo.

Mais Goscinny n'en fait rien : cette idée n'est pas développée sinon pour finir par admettre qu'elle est effectivement bête, vouée à l'échec, et se résoudra dans une énième séance de bourre-pifs contre une garnison de romains, après le désaveu de César. Encore une fois, les jalousies créées dans le camp gaulois sont aussi vite expédiées qu'elles sont nées : qu'importe, à la fin, nos héros auront une nouvelle fois corrigé les légionnaires et se goinfreront au clair de lune, avec leur barde écrasé sous un menhir. D'une certaine manière, toute l'inertie qui a rongé la série est alors résumée : ce que provoquent ou subissent les irréductibles ne durent que le temps d'un album, les personnages n'évoluent pas d'un iota. 

Astérix ou le refus de grandir, d'évoluer : on comprend là l'une des raisons de son succès puisqu'en lisant un titre qui ne bouge jamais vraiment, qui revient toujours à sa base (à l'image des voyages de son héros), ses fans n'ont pas non plus l'impression de vieillir, d'être dérangé dans leur confort. La paresse de l'écriture de la série rejoint en quelque sorte la paresse de beaucoup de lecteurs de BD, catégorie tellement conservatrice (et ne croyez pas que je m'épargne en disant cela : le fait d'avoir relu ces albums m'a fait mesurer à quel point, par fainéantise, je préfère parfois revenir à des classiques que tenter des découvertes).

Pour Astérix chez les belges, la logique est encore plus poussée : ce stupide concours de dévastation de camps romains en Belgique est motivé par les plus bas instincts, les plus grotesques mobiles - l'orgueil d'Abraracourcix ne vaut pas mieux que la mauvaise foi de Gueuselambix. D'ailleurs Goscinny excuse tout à ces deux chefs bouffis de vanité et aussi gras du bide que niveau humour : où sont passés les gags sur les pays visités par Astérix et Obélix, le malicieux contraste entre les caractères gaulois et étrangers ? On n'en trouve plus trace dans ce tome-là, quelques allusions rapides et sans génie sur Jacques Brel, les pommes frites, les moules rappellent à peine que l'action se déroule ailleurs qu'en Gaule - un comble !

La série n'est plus que le fantôme de ce qu'elle a été au niveau narratif, son insolence, sa drôlerie se sont évaporées au même rythme que Goscinny a réduit ses histoires à de vagues trames tellement grossièrement tissées qu'on sait dès les premières pages où cela va et comment.

Le plus dramatique dans ces échecs, c'est que, parallèlement à ce naufrage scénaristique, la partie visuelle est de plus en plus agréable. Le modelé du trait de Uderzo a atteint une authentique perfection, la capacité de l'artiste à tout dessiner, sa maîtrise technique sont éblouissantes.

Mais ce talent ne servant plus que de pseudo-récits se gâche aussi terriblement : avec l'âge, on le sait, le grand Uderzo fera appel à un véritable petit studio pour l'assister, créditant discrètement ses collaborateurs (qui ne feront jamais plus que peaufiner les crayonnés du patron, sans apporter de plus value réelle - à des lieues de ce qu'accomplirent les adjoints occasionnels ou durables comme Will ou Jidéhem chez Franquin ou même Edgar P. Jacobs et Bob De Moor avec Hergé). Pourtant, dans Obélix et compagnie comme dans Astérix chez les belges, on déjà ce sentiment de lire des albums réalisés avec le renfort de petites mains, ou alors d'un dessinateur se contentant parfois du strict minimum (comme lorsqu'il représente les décors belges - ou plutôt l'absence de décors...).

L'avant-dernière planche du tome 24 prouve pourtant la virtuosité fulgurante de Uderzo quand il signe une splendide pleine page entièrement peinte, inspirée par Bruegel l'ancien, pour une scène de banquet entre belges et celtes réconciliés. Mais comme ce morceau de bravoure paraît bien isolé, esseulé...

On ne saura jamais si Goscinny, et dans une moindre mesure Uderzo, auraient rebondi positivement après deux opus aussi décevants. En avaient-ils seulement envie avec une machine aussi bien huilée, déjà enrichie par moults produits dérivés (en premier lieu des dessins animés, eux-même peu fôlichons, puis plus tard des films live très inégaux) ? 
Astérix n'était déjà plus une simple BD depuis longtemps : elle était (et est restée) quelque chose de pire - un phénomène (de société, d'édition) : ce genre de monstres de librairie qui endort tout (ses auteurs, son public). S'il ne faut jamais condamner une BD parce qu'elle est un succès, il faut au moins des créateurs solides et audacieux pour que ce succès ne transforme pas des idées en formules et tue un titre.

mardi 14 avril 2015

Critique 605 : ASTERIX, TOMES 16 & 19 - ASTERIX CHEZ LES HELVETES & LE DEVIN, de René Goscinny et Albert Uderzo


ASTERIX CHEZ LES HELVETES est le 16ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1970 par Dargaud.
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Le gouverneur romain de Rennes, Gracchus Garovirus, détourne massivement l'argent des impôts en attendant de partir loin et pour, entretemps, payer ses orgies.
Tout se complique lorsqu'il reçoit la visite du questeur Claudius Malosinus qui vient procéder à une enquête sur les finances de la ville. Garovirus, pour s'en débarrasser, l'empoisonne mais le percepteur entend parler par un légionnaire de Panoramix, un druide qui pourrait le soigner.
Au chevet du malade, Panoramix affirme être en mesure de préparer un antidote mais il a besoin pour cela d'un edelweiss et envoie Astérix et Obélix en cueillir dans les montagnes suisses. C'est le début d'une folle course-poursuite : les deux gaulois partent en Helvétie, Malosinus est transporté pour sa sécurité au village du druide et Garovirus fait prévenir son ami le gouverneur Diplodocus qu'il faut supprimer les deux hommes chargés de trouver l'étoile d'argent...
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ASTERIX : LE DEVIN est le 19ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1972 par Dargaud.
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Une nuit d'orage (signe que le ciel va leur tomber sur la tête car les dieux sont en colère ?), les irréductibles gaulois, tous réfugiés dans la maison de leur chef, reçoivent la visite d'un devin Prolix. Celui-ci les baratine pour les abuser, à l'exception d'Astérix qui le considère comme un charlatan.
Au matin, le beau temps revenu, le devin repart mais Bonemine, la femme d'Abraracourcix, le rattrape dans la forêt, convaincu qu'il peut lui révéler son avenir. Prolix en profite pour abuser de ses largesses et répète la manoeuvre avec d'autres habitants qui viennent le consulter en secret.
Lorsqu'il est arrêté par les légionnaires du camp de Petibonum, Prolix doit composer avec son centurion, le sceptique et manipulateur Faipalgugus, qui veut se servir de lui pour se débarrasser des gaulois.
Effrayés par une nouvelle prédiction du devin, les villageois quittent leurs domiciles... sauf Astérix et Obélix qui sont rejoints par Panoramix, de retour d'une réunion de druides et qui apprend la situation. A eux trois, ils vont donner une bonne leçon à la fois aux faux oracle, aux romains et à leurs amis en mystifiant les uns et en rassurant les autres...

Voilà deux excellents crus ! Réalisés à deux ans d'écart, ils témoignent de la meilleure inspiration de leurs auteurs, qui s'appuient sur ce qu'ils savent le mieux faire dans les deux registres de prédilection de la série : d'un côté, on a une aventure fondée sur un voyage ; de l'autre, un récit qui se déroule dans le village.

Le périple qui entraîne Astérix et Obélix en Suisse est motivé par un argument simple mais ingénieux puisque c'est un romain qui, sollicitant l'aide de Panoramix, est à l'origine de leur mission (ramener un edelweiss, l'étoile d'argent, une fleur rare et délicate qu'on trouve en altitude - et nécessaire pour un antidote du druide). Voir les gaulois sauver la mise d'un romain (le questeur Malosinus) mais qui va permettre quand même d'en punir un autre (le gouverneur Garovirus) n'est pas banal et efficace.

Goscinny est étonnamment sobre et subtil quand il aborde les suisses et ne s'en moque que gentiment avec des gags sur la fondue, les coffres de leurs banques, et le yodel. C'est néanmoins drôle, même si l'histoire en elle-même est assez fournie pour presque s'en passer car les rebondissements sont nombreux. 
Cela se corse un peu quand Obélix s'enrhume durant le séjour puis se goinfre d'un chaudron entier de fondue avant de vider un tonneau complet de vin : il est alors tellement repu et ivre qu'il perd connaissance ! Astérix et ses complices helvètes doivent alors grimper une montagne en rappel tout en tirant Obélix avant qu'au sommet ils trouvent la fleur puis que le petit gaulois effectue la descente sur le ventre de son ami, toujours inconscient, comme sur une luge : une séquence mémorable et visiblement directement inspirée par les cartoons américains qu'adoraient Goscinny et Uderzo.

Le devin est encore un meilleur album : il exploite l'idée de l'élément perturbateur, un classique de la série (voir Le cadeau de César, tome 21, ou La Zizanie, tome 15), avec l'apparition d'un étranger dans le microcosme que symbolise le village gaulois, semeur de troubles. 

Son efficacité est d'autant plus redoutable, pour les héros, et jubilatoire, pour le lecteur, que Prolix n'apparaît même comme un agent de César, c'est un profiteur de passage qui saisit l'opportunité de manipuler une foule superstitieuse et susceptible. 
Il est remarquable de constater avec le recul à combien de reprises le scénariste est revenu sur ce postulat de la discorde sans jamais en avoir exploité durablement les effets : à chaque fois, Goscinny s'est contenté, de manière frustrante, de tirer cette ficelle, talentueusement, sur une histoire mais jamais plus, comme s'il ne fallait pas trop la creuser, comme s'il ne fallait pas bouleverser le ronron de la série. 
Dommage car on voit, à chaque fois, que tout n'est pas si paisible dans le village - en vérité, ils sont nombreux à ne pas s'aimer, voire à se vouer une profonde détestation (le vieillard Agecanonix et le forgeron Cétautomatix, Cétautomatix et le poissonnier Ordralfabétix, sans compter les ressentiments éprouvés et/ou subis par le barde Assurancetourix, Bonemine, etc.). Si les auteurs avaient eu plus de courage, Astérix n'aurait pas été simplement une série souvent efficace, aux ventes prodigieuses, mais une saga remuante dépassant le divertissement routinier.

Visuellement, ces deux tomes sont aussi des réussites, chacun dans leur domaine. Uderzo ne force pas son talent pour l'aventure helvétique mais réussit quelques séquences remarquables, comme la représentation répugnante des orgies de Garovirus, ou, donc, l'escalade de la montagne et sa descente, en passant par la longue scène des coffres (une merveille comique, avec un découpage très fluide).

En revanche, pour Le devin, l'artiste produit des planches souvent exceptionnelles, à commencer par l'ouverture de l'album : l'orage dans toute sa fureur, l'arrivée de Prolix - avec des jeux d'ombres très élaborés (assez rares pour être notés dans une BD humoristique où l'éclairage n'est pas forcément l'objet d'une attention spéciale), la forêt, et encore la vie dans le camp romain. 

Uderzo prouve, si besoin était, qu'il composait des plans avec un soin étudié, avec des angles de vue inattendus (par exemple, des plans généraux en légère plongée, ou des ruptures dans les enchaînements très énergiques, quand il passe de plans généraux ou d'ensemble à des gros plans - des ponctuations visuelles qui répondent parfaitement aux gags les plus basés sur l'expressivité). La physionomie des personnages est toujours très variée et précise, ce qui économise au scénario des suppléments explicatifs sur la moralité des acteurs : Uderzo sait toujours incarner un vilain impeccable, qu'il soit bête ou méchant, en le dotant d'un look bien senti, d'une gueule bien taillée.

Avec ces deux histoires, parues en peu de temps, on est vraiment au coeur des meilleurs épisodes de la série.

lundi 13 avril 2015

Critique 604 : ASTERIX, TOMES 12 & 15 - ASTERIX AUX JEUX OLYMPIQUES & LA ZIZANIE, de René Goscinny et Albert Uderzo


ASTERIX AUX JEUX OLYMPIQUES est le 12ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1968 par Dargaud.
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En surprenant le légionnaire Cornedurus à l'entraînement dans la forêt voisine de leur village, Astérix et Obélix apprennent qu'il se prépare pour les jeux olympiques.
Panoramix apprend aux gaulois en quoi consistent ces jeux et à quelle fréquence ils ont lieu après que le centurion Tullius Mordicus soit venu demander à Abraracourcix que ses hommes ne perturbent pas son champion (grâce aux performances duquel il espère obtenir une promotion).
Mais le chef du village décide de participer aux jeux. Le souci, c'est que seuls les romains et les grecs y sont admis, mais Astérix fait remarquer que la Gaule étant envahie par César ils peuvent s'y présenter comme romains.
Une fois à Olympie, les villageois visitent les monuments grecs, s'entraînent (à leur manière), mais un magistrat olympique les informe d'un point crucial du règlement : il leur est interdit de consommer leur potion magique dans le cadre des compétitions !
Astérix s'aligne donc seul à la course et Panoramix élabore un stratagème pour piéger les romains afin de les vaincre dans cette épreuve...
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ASTERIX : LA ZIZANIE est le 15ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1970 par Dargaud.
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Furieux que le village des gaulois lui résiste toujours et contrarié par les sénateurs qui refusent de le soutenir dans de nouvelles campagnes de conquêtes tant qu'il ne fait pas régner l'ordre dans tout le pays occupé, César accepte de suivre la proposition d'un de ses conseillers en semant la zizanie dans le camp ennemi.
Son arme secrète : Tullius Detritus, spécialiste pour monter n'importe qui contre les siens. Il est envoyé au camp d'Aquarium, dirigé par Caius Aérobus, et ne tarde pas à se présenter au village où il offre un présent à Astérix en s'adressant à lui comme au chef de l'endroit.
La jalousie gagne toute la population, mais Detritus n'en a pas terminé avec sa guerre psychologique puisqu'il réussit à faire croire que les romains possèdent la recette de la potion magique. Astérix, Obélix et Panoramix usent alors de la même fourberie pour retourner l'opinion de leurs amis et instiller le doute dans le camp romain...

Faute de disposer à la bibliothèque municipale du tome 13 (Astérix et le chaudron), je serai donc dans l'impossibilité de le critiquer. J'ai pu cependant mettre la main sur les tomes 12 et 15 (après vous avoir parlé du 14, Astérix en Hispanie, récemment), et je vais relire les 16, 19, 23 et 24 pour lesquels j'écrirai deux futurs articles groupés (je ne prévois pas de lire les albums écrits et dessinés par Uderzo seul, ni les tomes précédents le 12 - que j'ai toujours trouvés moins aboutis, au moins visuellement).

Voilà pour le programme. Maintenant, passons aux albums Astérix aux Jeux Olympiques et La Zizanie

Tout d'abord, c'est à partir des J.O. que, à mes yeux, le graphisme d'Uderzo sur la série commence à arriver à maturité : les personnages trouvent leurs formes définitives (c'est particulièrement notable avec Obélix, qui sans perdre sa silhouette "enveloppée" a gagné en longitude), et surtout le trait du dessinateur a atteint une fluidité remarquable, avec cet encrage au pinceau si reconnaissable, qui ne peut que susciter l'admiration. Bien des dessinateurs, y compris n'évoluant pas dans des BD du même registre humoristique qu'Astérix, s'en inspireront (je pense par exemple à Denis Bodart, qui avait expliqué dans le journal "Spirou" qu'il avait trouvé avec Uderzo son premier maître avant de découvrir Jordi - Torpedo - Bernet).

Le cadre choisi par Goscinny pour l'histoire permet à l'artiste de montrer toute l'étendue de son talent : la suggestion du mouvement y est prédominante, dès les premières pages, quand Cornedurus s'entraîne et tombe sur Astérix et Obélix. La série a fait et fera encore son sel de l'exploitation des exploits physiques, exagérés par les effets de la potion magique (le deus ex machina de bien des intrigues), et durant tout ce récit, on assiste à une sorte de succession de performances corporelles puisque cela aboutit aux jeux olympiques.

Cette dimension permet aux auteurs de distinguer avec malice deux modèles d'athlètes : d'un côté, il y a les gaulois, qui boivent, s'empiffrent, bref ignorent toute diététique avant les épreuves sportives ; et de l'autre, les romains et les grecs, présentés comme des individus aux muscles saillants, à la discipline absolue, mais qui se mettent à douter (de manière différente) face à cet adversaire inattendu (les romains redoutent évidemment la potion magique ; les grecs, plus orgueilleux, déplorent le mauvais exemple donné par les gaulois, la décadence qu'ils incarnent - ce qui inspire à Goscinny plusieurs calembours, toujours aussi peu drôles).

Ce traitement, même s'il est écrit dans le but de faire rire, n'en reste pas moins légèrement douteux et rappelle une certaine tendance de l'humour français à moquer d'autres cultures en les décrivant plus rigides alors que, nous, nous serions de sympathiques hédonistes, servis par la chance, et dotés d'une solide prétention, d'une suffisance certaine. Lorsque les hommes du village partent pour Olympie, bien entendu leurs femmes ne les accompagnent pas, et Goscinny n'est pas inspiré en faisant dire à Bonemine (l'épouse d'Abraracourcix) qu'elles vont en profiter pour.. Faire du ménage ! Personnellement, c'est ce genre de passages consternants qui m'a de tout temps déplu dans Astérix : quand l'ironie devient sarcasme (Hugo Pratt avait une jolie formule pour comparer ces deux tournures d'esprit en disant que "le sarcasme est à l'ironie ce que le pet est à la bulle de champagne") et qu'un machisme primaire s'y révèle.

Ce tome 12 est de toute façon assez faible narrativement : il faut attendre la moitié de l'album pour arriver en Grèce et les jeux ne démarrent qu'à la 35ème (sur 44) planche ! Tout cela met un temps fou à se mettre en place et Goscinny n'utilise finalement que très peu les épreuves sportives pour fournir des gags dans un récit que le titre met pourtant en avant. La couverture de l'album spoile d'ailleurs le dénouement !

Comment s'étonner alors que le film qui en a été adapté soit lui-même mauvais (une énorme production mal réalisée, avec pléthore de guest-stars, tout ça pour plaire à Uderzo qui n'avait pas apprécié les libertés prises par Alain Chabat dans Astérix : Mission Cléopâtre) ?

Heureusement, La Zizanie est d'une bien meilleure qualité. Goscinny part en effet d'une situation très simple, comme il savait si bien les imaginer, un énième plan tordu de César (même s'il le met en oeuvre après qu'un de ses conseillers lui a inspiré) pour des conséquences maximales sur les irréductibles gaulois. On retrouvera d'ailleurs un motif similaire dans Le cadeau de César (tome 21).

Detritus, est resté, à juste raison, comme un des meilleurs vilains de la série, car sa capacité de nuisance n'a d'égale que l'efficacité de sa méthode, et le scénario réussit excellemment à mettre en scène ses manoeuvres, de façon rapide et imparable : on souffre de voir les héros ainsi manipulés, tombant dans le piège tendu, se divisant. La menace fonctionne à plein régime.

Les gags sont très drôles, d'une méchanceté surprenante qui souligne les rapports tendus de la communauté des héros : c'est un des rares (sinon le seul) albums où on a le sentiment que ce chacun exprime révèle la vérité de ce qu'il pense - jalousie, brutalité, orgueil, bêtise. Le tableau n'est vraiment pas flatteur et le seul regret qu'on peut nourrir au terme de cette intrigue est que Goscinny n'ait pas exploré plus longtemps ce que cette histoire avait dévoilé entre les habitants du village : le fait que tout le monde se réconcilie, comme si finalement rien de grave ne s'était passé, trahit une certaine frilosité éditoriale, comme s'il ne fallait absolument pas faire évoluer ce microcosme - cette inertie narrative qui frappe bien des séries pour n'en faire que des produits, parfois certes bien faits, mais sans aspérités.

Mais ne boudons pas trop notre plaisir car, en prime, Uderzo est en grande forme : la majorité des scènes se déroulant dans le village, il choisit une option visuelle étonnante en préférant non pas détailler plus franchement le décor (en montrant par exemple les différentes maisons, rues) mais consacrer ses efforts à découper le plus efficacement possible l'action. 

On assiste à un défilé de portes qui claquent, de chutes (Abraracourcix et ses porteurs), de revirements (Obélix ne supportant pas de se fâcher avec Astérix), mais aussi à un véritable concours de mimiques très expressives (la face éternellement sournoise de Detritus, la bonhomie roublarde de Panoramix, la lassitude exaspérée d'Abraracourcix, l'incompréhension débonnaire d'Obélix, la complicité entendue d'Astérix). Et les femmes du village ont aussi de grands moments de crèpage de chignons, qui en disent aussi long sur leur caractère envieux les unes envers les autres que sur les sentiments qu'elles éprouvent pour leurs compagnons (dont elles déplorent et encouragent tour à tour la situation sociale).

On notera par ailleurs que Uderzo, qui, comme beaucoup de ses collègues de l'époque (Franquin, Morris, Tibet...), était à l'occasion un caricaturiste-portraitiste fameux, a donné au centurion Caius Aérobus les traits de Lino Ventura.

Deux tomes encore une fois très partagés qui soulignent l'inégalité de la série, capable de sombrer dans une production peu inspirée comme d'atteindre une force comique épatante.

dimanche 12 avril 2015

Critique 603 : SPIROU N° 4017 (8 Avril 2015)


Yoko Tsuno revient et a donc droit aux honneurs de la "une" : la série de Roger Leloup a quand même pris un coup de vieux, 44 ans après sa création...

J'ai aimé :

- Dad. Roxane réécrit les contes de fée de que son père raconte à Bébérénice : toujours pas crédible, mais plus tonique. Nob ne quitte pas les sommets où il est confortablement installé pour son 65ème gag.

- Les aventures de Spirou. Suite et fin du poisson d'Avril bluffant concocté par Fred Neidhardt : tout se termine de manière délirante, mais on saluera le travail de l'artiste qui a su amuser la galerie en rendant un hommage très soigné à Rob-Vel.

- Dent d'ours : Werner (4/9). Hanna choisit Werner/Max pour la seconder dans le cadre du "projet A". Le jeune homme se souvient des persécutions subies par lui et sa famille à cause des jeunesses hitlériennes.
L'histoire suit son cours, cahin-caha : on aimerait aimer davantage ce récit au rythme inégal même si Yann sait intriguer le lecteur. En revanche, les dessins de Henriet sont toujours magnifiques et rattrapent en quelque sorte la narration. A voir quand même si cela tiendra sur les 5 épisodes restants (c'est la limite d'une pré-publication aussi longue).

- Boni : La petite sortie en famille. Ian Fortin, après ses premiers strips où son drôle de héros subissait beaucoup, rectifie le tir en en faisant un personnage plus malicieux : ça reste un bonheur.

- Le Club des Huns. De l'art de donner l'assaut et de celui de l'hémistiche : Dab's continue à dérouler tranquillement mais de façon réjouissante ses doubles strips et prouve qu'il est aussi à l'aise avec le gag visuel qu'avec l'humour qui s'appuie sur le texte.

- Rob. James et Boris Mirroir explorent la libido de leur robot quand il se fait draguer : c'est toujours aussi absurde et réussi, ça ne ressemble à rien mais c'est ça qui est bien.

- Zizi chauve-souris. Trondheim et Bianco mettent en scène avec toujours un humour acide la tentative de retrouvailles entre le coach de Suzie et sa mère : trois strips où le dessin expressif et les dialogues féroces se marient à merveille.

- L'Atelier Mastodonte. Les cafards ont envahi l'atelier : Trondheim refuse d'y retourner tant que le problème n'est pas réglé, Jousselin le rassure (aux dépens de Caillez). Pas du meilleur niveau pour cette série, mais quand même agréable (et sans crainte pour la suite, vu la faculté de rebond du titre).

En direct de la rédak donne la parole à Arthur de Pins en pleine production de son dessin animé adapté de sa BD Zombillenium (apparemment, l'artiste va continuer à donner régulièrement des nouvelles de ce projet ambitieux). Et, joie, la semaine prochaine, Imbattable est de retour !
Les aventures d'un journal revient sur le n° 2000 de la revue dans laquelle démarra la pré-publication de La Soupe aux Schtroumpfs, auquel Marc Wasterlain participa activement mais pour qui l'expérience s'avéra très ingrate.

Pour agrémenter ce n° plutôt moyen, les abonnés ont droit à un stripbook narrativement inventif (mais hélas ! pauvrement dessiné) : Andy & Angie - Happy bofday

vendredi 10 avril 2015

Critique 602 : ASTERIX, TOMES 14 & 20 - ASTERIX EN HISPANIE & ASTERIX EN CORSE, René Goscinny et Albert Uderzo


ASTERIX EN HISPANIE est le 14ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1969 par Dargaud.
*

César est en Espagne avec son armée et rencontre de la résistance dans la région d'Hispalis. Il capture opportunément le fils du chef Soupalognon Y Crouton et s'en sert pour tenter de faire plier le fier ibère.
En attendant que son adversaire soit plus raisonnable, l'empereur envoie le gamin au camp de Babaorum, dans les environs du village des gaulois, mais Pépé (abréviation de Périclès, car il a des origines grecques...) réussit à fausser compagnie à ses gardiens.
Retrouvé par les gaulois, Abraracourcix lui offre sa protection et confie à Astérix et Obélix le soin de le ramener auprès de son père. Le voyage est animé : Pépé et Idéfix deviennent inséparables, ce qui rend jaloux Obélix, ils croisent en mer les pirates (pour le malheur de ceux-ci), puis doivent payer les services d'un passeur une fois en Espagne.
Lorsque le légionnaire à qui César avait confié Pépé découvre par hasard que celui-ci est sur le point de retrouver son père, il fait tout pour le capturer à nouveau... 
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ASTERIX EN CORSE est le 20ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1973 par Dargaud.
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Pour fêter leur résistance à l'envahisseur romain, Abraracourcix convie à une fête tous ses amis résidant en Gaule et ailleurs. Au programme : un banquet et l'attaque des camps encerclant le village. Mais les légionnaires, prévenus, désertent leurs bases, à l'exception de Babaorum au chef duquel on confie un prisonnier corse.
Lorsque les gaulois et leurs alliés donnent l'assaut, Obélacatérinatchitchix est libéré et explique sa situation à Abraracourcix qui, après avoir salué ses invités, charge Astérix et Obélix de le raccompagner jusque chez lui.
Une nouvelle fois, le périple est agité et les pirates en font les frais. Puis c'est la découverte de l'île de beauté et du mode de vie de ses habitants par les deux gaulois. Enfin sonne l'heure de la riposte contre le prêteur Suelburnus, qui dépouille les corses pour remplir les caisses de César...

Comme j'emprunte ces albums d'Astérix à la bibliothèque municipale, il est compliqué de les lire dans l'ordre chronologique de leur parution et c'est donc la raison pour laquelle je critique ici les tomes 14 et 20. Mais cela n'affecte pas vraiment leur lecture puisque chaque aventure est indépendante. Il n'y a guère que dans Astérix en Corse qu'on trouve des personnages étant apparus dans des épisodes antérieurs, mais sans que cela nuise à la compréhension de l'intrigue principale.

La série de Goscinny et Uderzo se partage en deux catégories d'histoires : il y a, d'un côté, celles qui opposent plus ou moins directement les irréductibles gaulois à César et/ou ses légionnaires ; et, d'un autre côté, celles qui entraînent Astérix et Obélix en voyage (parfois dans des régions gauloises, parfois dans d'autres pays).

Les périples en Espagne (Hispanie) et en Corse sont parmi les meilleurs de la série, et ce pour des raisons au demeurant très simples : Goscinny peut s'y livrer à son exercice préféré, celui où il est le plus doué, c'est-à-dire épingler de manière ironique mais jamais méchante les travers à la fois des gaulois et ceux qu'ils sont amenés à visiter. Le décalage induit par le déplacement d'Astérix et Obélix aboutit à des situations comiques faciles où les caractères des deux héros sont en constant décalage avec les gens qu'ils rencontrent, mais aussi parce que les hôtes du récit sont décrits d'une façon gentiment caricaturale.

La configuration narrative de ces tomes est rigoureusement identique, malgré les 4 ans qui les séparent dans leur réalisation, signe de l'aspect routinier, mécanique, de la série : il ne fait plus de doute que les auteurs avaient trouvé une formule et qu'ils l'ont employée paresseusement, elle les rassurait certainement autant que leurs nombreux lecteurs qui savaient ce qu'ils savaient lire. C'est à la fois la force de la série, car le procédé est efficace, le fait même de l'avoir trouvé et appliqué est ingénieux, mais aussi sa faiblesse, car dénuée de surprise, d'une roublardise indigne du talent de ses créateurs. Astérix est, à cet égard, une sorte de modèle pour beaucoup car c'est une série qui est parvenu à se définir solidement et durablement avec un succès considérable, mais c'est aussi une sorte de production industrielle, où Goscinny et Uderzo ont cessé de prendre des risques, de faire grandir leur projet, préférant le profit de leurs ventes que le risque d'étonner leur lectorat et de faire évoluer leur oeuvre.

Dans les deux cas, on a donc un prisonnier (Pépé, le fils de Soupalognon Y Crouton ; Obélacatérinabellatchitichix, le rebelle corse), récupéré par hasard par les irréductibles gaulois et confié par le chef Abraracourcix à Astérix et Obélix pour l'escorter jusque chez lui et lui prêter assistance contre l'envahisseur et oppresseur romain (en la personne de César ou d'un de ses subalternes). Goscinny va même jusqu'à répéter des motifs à l'intérieur de ses gags comme le fait qu'Idéfix soit utilisé comme une espèce de relais entre les deux héros gaulois et celui qu'ils raccompagnent (le toutou devient l'ami de Pépé, puis Obélix l' "offre" au corse pour qu'Astérix accepte qu'il soit du voyage). A ce niveau de ressemblance dans le récit, on pourrait presque penser que le scénariste radote...

Néanmoins, les deux aventures ont en commun d'être divertissantes, et c'est bien là la grande qualité de la série : même quand elle est agitée par des ficelles aussi grossières sur le plan narratif, elle se lit facilement et assure un agréable moment de lecture. Astérix me fait rarement rire ni vibrer, mais en revanche ce n'est jamais ennuyeux (bon, il faut dire qu'avec des albums de 44 planches, ce serait le comble !).

Et puis l'autre atout de ce titre, c'est de disposer d'un dessinateur exceptionnel en la personne d'Uderzo : lorsqu'on examine d'ailleurs les artistes aux commandes des séries emblématiques de cette époque, qu'elles aient été publiés par l'un ou l'autre des "big two" de la BD franco-belge (Dargaud ou Dupuis), on voit au travail une génération exceptionnelle (qui comptait des talents comme Franquin, Uderzo, Morris, Peyo, Roba, Tillieux).

Dans ce lot, Uderzo a été celui a décroché la timbale avec Astérix, mais son triomphe n'est pas immérité : cet artiste prodigieux avait une productivité folle (dont ce titre n'est que la partie la plus visible) et une technique extraordinaire. Goscinny pouvait s'appuyer sur son partenaire en étant sûr de qu'il ne serait jamais pris en défaut.

Qu'il s'agisse dès lors de croquer des trognes mémorables pour des seconds rôles très divers, des légionnaires aux guest-stars (ici le jeune Pépé, la perfection pour un gamin capricieux, et Obélacatérinabellatchitchix, avec son physique en lame de couteau impayable), ou de les représenter dans des décors immédiatement crédibles (l'Espagne des montagnes ou des plaines, ou la Corse majestueuse), Uderzo est toujours formidable. Et lorsque les fameuses bagarres éclatent, il s'en donne à coeur joie, avec parfois des idées de découpage très rusées (comme à la fin d'Astérix en Corse où, plutôt que de montrer le champ de bataille, il cadre quatre pépés en train de commenter ce qui se déroule hors champ).

On retiendra enfin que Astérix en Hispanie aurait dû être la troisième adaptation au cinéma en "live" (réalisé par Gérard Jugnot, le projet capota inexplicablement, après les cartons des deux premiers films) et, bien entendu, tout le monde se souvient du savoureux avant-propos de Goscinny sur la Corse et la susceptibilité de ses habitants - ils n'avaient pourtant rien à reprocher à cette histoire qui est une des meilleures de la série et a contribué, à sa manière, au prestige de l'île.

mercredi 8 avril 2015

Critique 601 : ASTERIX, TOMES 21 & 22 - LE CADEAU DE CESAR & LA GRANDE TRAVERSEE, de René Goscinny et Albert Uderzo


ASTERIX : LE CADEAU DE CESAR est le 21ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1974 par Dargaud.
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Le légionnaire Roméomontaigus a terminé son service dans l'armée romaine mais il est arrêté en état d'ivresse la veille de son départ en congé. Apprenant cela, César, contre toute attente, ne le sanctionne pas. Quoique... Il lui fait cadeau d'une terre prétendument conquise en Gaule : le village des irréductibles gaulois !
Contre un peu de vin en plus, l'ex-légionnaire donne son titre de propriété à un aubergiste, Orthopédix, qui convainc sa femme, Angine, et sa fille, Coriza, de le suivre en Armorique.
Evidemment, une fois sur place, Abraracourcix n'accepte pas de céder la place ni le contrôle du village. Sauf que Angine se dispute avec Bonemine. La guerre est déclarée et Orthopédix se présente pour devenir le nouveau leader de l'endroit pendant que son épouse sème la discorde entre les habitants. Sans compter sur le retour imprévu de Roméomontaigus qui vient reprendre son bien...
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ASTERIX : LA GRANDE TRAVERSEE est le 22ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1975 par Dargaud.
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Une énième bagarre a lieu dans le village à cause du poisson pas frais d'Ordralfabétix, qui décide alors de fermer provisoirement boutique, refusant d'aller pêcher alors que l'océan est pourtant tout proche.
Pourtant Panoramix a besoin de poisson pour préparer sa potion magique. Astérix et Obélix se dévouent pour aller à la pêche. 
Pris dans une tempête la nuit, ils dérivent considérablement et échouent sur le Nouveau Monde, sans connaître les indigènes. Ni se douter que des vikings sont dans les parages, en quête de nouveaux territoires à explorer et conquérir...

Réunis dans un album double édité par France Loisirs, ces deux histoires, qui ont déjà une quarantaine d'années, proposent, en somme, le pire (ou en tout cas le moins bon) et le meilleur de la série. Encore deux tomes et Goscinny ne sera d'ailleurs plus là (il mourra dans des circonstances ahurissantes, victime d'une crise cardiaque alors même qu'il passait un test d'effort chez un médecin !) : après, plus rien ne sera jamais pareil - Uderzo hésitera plusieurs années avant de continuer l'aventure seul, et ses albums seront souvent fraîchement reçus par la critique, malgré un accueil public toujours aussi favorable. Mais la magie ne sera plus au rendez-vous (c'est aussi ce qui frappera Lucky Luke, même si Morris aura la sagesse de poursuivre avec des auteurs, parfois inspirés)...

Le cadeau de César est un bon exemple de ce que Astérix pouvait donner quand son scénariste était en verve : la situation initiale est à la fois simple et efficace, développée avec beaucoup d'adresse et utilisant des ingrédients familiers - une manigance de César, un élément perturbateur introduit dans le village des gaulois, l'incapacité des légionnaires romains voisins à en tirer profit, une résolution rapide et habile, le tout avec un dosage parfait d'humour et d'action.

Les dialogues sont particulièrement drôles et les scènes s'enchaînent en réservant des moments percutants : la crise qui touche les gaulois est originale puisqu'elle est provoquée par un autre gaulois, et le confort de personnages importants est bousculé - qu'il s'agisse de l'amitié entre Astérix et Obélix, de celle entre Obélix et Idéfix, de l'autorité d'Abraracourcix, de l'infléxibilité de Panoramix. Le vieillard Agecanonix est employé comme un second rôle particulièrement valorisé, à l'origine là aussi de rebondissements savoureux.

A bien des égards, c'est un des récits qui met le plus et le mieux en scène la dynamique du village, agitant des acteurs qui faisaient partie du décor sans qu'on imagine les voir sortir de leurs rôles de figurants (comme les porteurs d'Abraracourix), de faire-valoir (comme Bonemine) ou d'instruments comiques (comme Assurantourix). En insistant ainsi sur les rapports humains au moins autant, si ce n'est davantage, que l'action, au moyen d'une intrigue diabolique, on apprécie mieux ce qui lie ou peut distendre le duo Astérix et Obélix (d'ailleurs je n'ai jamais compris pourquoi la série ne s'était jamais appelé "Astérix et Obélix" : c'est dans sa logique. Imaginerait-on parler d'une série "Spirou" sans adjoindre dans le titre "et Fantasio" ?) lorsque "Zaza", la fille d'Orthopédix se met à courtiser l'un puis l'autre pour suivre les plans de sa mère.

En revanche, relire La grande traversée fait mesurer sa faiblesse. C'est pourtant un épisode pour lequel j'ai une certaine tendresse, sans grand rapport avec sa qualité narrative : en effet, deux pages m'ont toujours spécialement plu - la première, page 26, montre Astérix et Obélix tentant d'expliquer par le mime aux indiens qui ils sont ("Nous sommes courageux... Nous n'avons peur que d'une chose : que le ciel nous tombe sur la tête... Nous aimons rigoler ! Nous aimons bien manger et bien boire... Nous sommes râleurs... Nous sommes indisciplinés et bagarreurs... Mais nous aimons les copains ! Bref, nous sommes des gaulois !" et le chef indien les prend pour des fous) ; la seconde est la dernière vignette de la page 33 montrant un superbe drakkar la nuit et cette image, je l'avais dessinée quand j'étais en CM2 sur un panneau en bois puis pyrogravée (je l'ai hélas ! ensuite perdue).

Mais, au-delà de ces souvenirs sentimentaux, il faut bien admettre que c'est un album très faible, avec un argument qui tient sur un timbre poste, juste un argument justement. Un prétexte pour entraîner les deux héros dans un voyage (un procédé maintes fois pratiqué dans la série) en terre inconnue. Sauf que Goscinny n'y va pas avec le dos de la cuillère cette fois puisqu'il les expédie en Amérique du Nord à la suite d'une tempête (sacré grain pour que les deux gaulois aient traversé tout l'océan Atlantique !) !

A partir de là, le récit traîne et ne décolle jamais : la rencontre avec les indiens, puis les vikings, n'aboutissent qu'à des scènes peu drôles, sans rythme, avec des clins d'oeil peu inspirés (encore une fois le célibat d'Obélix est en jeu, et comme toujours, hors de question d'explorer la question, l'ami d'Astérix sur-réagit comme si on le privait de sanglier et alors l'enjeu se déplace vers la fuite des deux égarés gaulois). Quant aux vikings, leur potentiel est très mal exploité et n'aboutit qu'à une bagarre, par ailleurs vite expédiée. A la fin, tout le monde rentre chez soi (un autre naufragé vient même s'ajouter aux habitants du village) et voilà !

Heureusement, visuellement, Uderzo est plus inspiré et produit des planches de très belle facture, de ce trait rond et énergique, encré au pinceau, admirable. Il n'a pas à se forcer pour illustrer les séquences mais tire son épingle du jeu grâce au découpage.

Si l'artiste n'a jamais été adepte d'expériences pour mettre en scène les aventures d'Astérix, ne s'autorisant qu'exceptionnellement quelques fantaisies (comme des pleines pages, des doubles pages, ou des vignettes aux dimensions inhabituelles), cette retenue sert ici intelligemment le propos en en soulignant le ressort séquentiel : par exemple, dans Le cadeau de César, page 39, la bande 2 est composée de trois cases verticales sans changement d'angle de vue, ce qui donne une fluidité brillante à la scène (Astérix est en haut d'une tour d'un camp romain, sommé d'en descendre par le chef des légionnaires il s'exécute, les romains s'effraient en le reconnaissant car ils craignent qu'il ait bu de la potion magique et ne flanque une dérouillée, et quand le gaulois est enfin en bas de la tour la voie est libre pour qu'il s'échappe - car il n'a pas bu de potion).

De même dans La grande traversée, pages 26 et 38, Uderzo répète la même séquence de cases sur trois des quatre bandes en utilisant un gaufrier, lorsque Astérix, Obélix et Idéfix miment qui ils sont aux indiens puis aux vikings. Le dessinateur, qui n'a donné aucun décor à ces plans, produit encore un bel enchaînement, où il se sert d'effets qu'il maîtrise parfaitement (les mouvements décomposés, l'expressivité des personnages, les attitudes bien campées).

Son génie pour les tronches reste éclatant, et dans La grande traversée, il s'amuse (et nous amuse) avec les indiens et les vikings. C'est aussi dans ces cas-là qu'on regrette qu'Uderzo n'ait pas tenté autre chose quand il pensait arrêter Astérix après le décès de Goscinny : en préférant demeurer dans le confort de cet univers, avec ces héros, il s'est privé (et nous avec) de dessiner d'autres genres de récits où son talent aurait fait merveille.

Ces deux tomes sont donc inégaux : faciles à lire, mais un peu trop facilement écrits, ils valent surtout pour la qualité graphique, et annoncent, sans le savoir, la fin de l'âge d'or créatif de la série.

mardi 7 avril 2015

Critique 600 : FLASH ANTHOLOGIE - 75 ANNEES D'AVENTURES A LA VITESSE DE L'ECLAIR

Et nous y voilà ! 600ème critique : quelle aventure !
Comment marquer le coup ? En parlant d'un gros bouquin récemment acquis, contenant quelques pépites, par exemple !

FLASH ANTHOLOGIE : 75 ANNEES D'AVENTURES A LA VITESSE DE L'ECLAIR rassemble 20 épisodes, réalisés par plusieurs scénaristes et dessinateurs, dont les différentes incarnations du super-héros Flash sont les vedettes, depuis l'apparition du personnage en 1940 jusqu'en 2014.
Cet album a été publié en 2015 par Urban Comics.
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Plutôt que de vous livrer une critique détaillée de chaque épisode, ce qui serait fastidieux et risquerait de vous spoiler, je vous propose de partager ce que m'a inspiré cette lecture.

Je ne suis pas un spécialiste du personnage de Flash, mais il m'a toujours été sympathique : visuellement, il possède un des meilleurs designs qui soit, similaire d'ailleurs à celui d'un autre de mes super-héros favoris, Daredevil, avec son costume à dominante rouge.

C'est aussi une figure passionnante car il incarne vraiment la notion de temporalité chez son éditeur : il ne s'agit pas simplement d'un des plus anciens super-héros de DC Comics, avec ses 75 ans au compteur, mais d'un personnage dont le pseudonyme a servi à trois acteurs différents, successivement - Jay Garrick, Barry Allen et Wally West (on peut même ajouter l'éphémère Bart Allen).
Dans un article pour le magazine bimestriel Comic Box, Xavier Fournier avait souligné que si Green Lantern symbolisait l'espace (c'est un héros cosmique, investi par les gardiens de la planète Oa pour protéger un secteur précis de l'univers), Flash, lui, personnifiait le temps et les thèmes qui lui sont rattachés, comme la transmission, la vitesse, la mort, l'héritage, le retour.

C'est aussi un super-héros majeur car son apparition dans le n°4 de la revue Showcase de Septembre 1956 marqua le début de ce qu'on appelle le silver age, l'âge d'argent, c'est-à-dire la deuxième génération de super-héros dans les comics, initiée par l'editor Julius Schwartz. Darwyn Cooke, dans sa mini-série DC : The New Frontier (au sujet de laquelle j'ai rédigée récemment une entrée - critique n° 585) le cite d'ailleurs.
A cette époque, les comics super-héroïques n'existaient pratiquement plus et Schwartz eut cette intuition géniale qu'en réinventant des personnages déjà existant, en les modernisant narrativement et visuellement, leur renaissance était possible. La suite appartient à l'Histoire du 9ème Art, avec le succès qu'on sait. C'est au scénariste Robert Kanigher et au dessinateur Carmine Infantino qu'on doit ce retour de Flash, mais avec Barry Allen à la place de Jay Garrick sous ce nom et un nouveau costume.

En 1985, Flash déclencha un nouveau bouleversement et connut une nouvelle vie : lors de la saga-événement Crisis On Infinite Earths, écrite par Marv Wolfman et dessinée par George Pérez et Jerry Ordway, le héros se sacrifiait pour contrarier sérieusement les plans de destruction cosmique de l'Anti-Monitor. Barry Allen mourait d'une manière épique, inoubliable pour toute une génération de lecteurs (qui lurent d'abord cette histoire dans la revue Super Star Comics en France).
Une nouvelle fois, l'alias du bolide écarlate changea et c'est logiquement que Wally West joua le rôle : celui qui fut le sidekick  de Barry Allen puis un membre de New Teen Titans (série produite également par Wolfman et Pérez) sous le pseudonyme de Kid Flash confirmait l'importance symbolique de la lignée des speedsters dans l'univers DC.

En 2008 puis 2011, deux autres sagas majeures modifièrent encore les destins intimement liés de Flash et de DC Comics : dans Final Crisis, le scénariste Grant Morrison (avec les dessinateurs J.G. Jones et Carlos Pacheco) mettait en scène le retour de Barry Allen parmi les vivants ; puis dans Flashpoint, le scénariste Geoff Johns et le dessinateur Andy Kubert chamboulait profondément les fondations des séries de l'éditeur pour aboutir à la "Renaissance" ("New 52" en v.o.), un reboot dont on suit encore aujourd'hui les conséquences.

On peut donc constater que Flash n'est pas seulement le super-héros le plus rapide du monde dans l'univers DC, un justicier masqué qui a été inspiré par le dieu de la mythologie romaine Mercure puis un personnage en collant rouge et jaune : c'est aussi, surtout, celui qui a, plusieurs fois, provoqué des révolutions dans le cours de l'Histoire de son éditeur. 
Et c'est que cette Flash Anthologie publiée par Urban Comics permet de mesurer, en plus de découvrir une importante collection d'épisodes allant de 1940 à nos jours, réalisés par des auteurs et des artistes souvent remarquables (parfois moins aussi, il faut l'avouer, mais c'est le jeu avec ce genre d'ouvrages où il y a à boire et à manger).

Le livre est divisé en quatre parties, comme suit.
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PREMIERE PARTIE  : PREMIERES FOULEES 
(1940-1949) (32 pages)
 Flash Comics #1 : Les Origines de Flash (1940)
(Gardner Fox / Harry Lampert)
 Flash Comics #104 : Le rival de Flash (1949)
(Robert Kanigher / Carmine Infantino)

Pour commencer, on a donc droit à deux très anciens épisodes dont le premier Flash, Jay Garrick, est le héros. Ecrits par Gardner Fox (un des futurs artisans du silver age de DC au milieu des années 50) et dessinés par Harry Lampert puis Carmine Infantino (qui créera visuellement le Flash moderne), ces histoires témoignent du charme désuet de leur époque : on ne peut s'empêcher de les lire avec un sourire amusé, même si elles demeurent efficaces, avec un sens du rythme indéniable - ce qui est une sorte de devoir avec un héros dont la rapidité est le pouvoir.

Surtout, avec Jay Garrick, c'est toute une généalogie de bolides qui débute, et plus généralement l'idée que DC Comics a longtemps entretenu une tradition de générations de héros, balayée (hélas !) par le "New 52". 
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DEUXIEME PARTIE : A TOUTE ALLURE
(1956-1982) (122 pages)
 Showcase #4 : Le mystère de l'éclair humain (1956)
(Robert Kanigher / Carmine Infantino)
Flash #110 : Voici Kid Flash ! (1959)
(John Broome / Carmine Infantino)
 Flash #129 : Double danger sur Terre (1962)
(Gardner Fox / Carmine Infantino)
Flash #165 : Un marié de trop (1966)
(John Broome / Carmine Infantino)

Cette deuxième partie, nettement plus conséquente (même si elle n'est pas la plus volumineuse), est sans nul doute la plus passionnante, et il faut d'abord s'arrêter aux quatre premiers épisodes de son sommaire, tous dessinés par Carmine Infantino.

Mort l'an dernier, Infantino a été un géant, le mot n'est pas trop fort, de la bande dessinée, et pas seulement américaine, avec une carrière qui couvrit six décennies (!). C'était un artiste extraordinaire, mais aussi un scénariste, un editor, un directeur éditorial. 
Lorsqu'il fut chargé d'inventer avec le scénariste Robert Kanigher, qui fut son partenaire privilégié avec John Broome, le Flash moderne, Infantino cherchait simplement des commandes auprès des éditeurs, et Julius Schwartz lui donna carte blanche pour designer le bolide écarlate. Résultat : un des meilleurs visuels super-héroïques de tous les temps, d'une admirable simplicité et d'une puissance évocatrice épatante !
Mais Infantino révolutionna aussi la manière même de dessiner les pouvoirs de Flash, à eux seuls un défi atypique pour un artiste de bande dessinée : en effet, comment représenter le mouvement, la vitesse, dans des images fixes ?
On peut dire qu'il s'en sortit avec le même génie que Franquin dans Gaston Lagaffe, imaginant une multitudes d'astuces graphiques pour suggérer les déplacements, la sensation de rapidité, les effets optiques, l'exploitation de la "force véloce". Et tout ça sans jamais sombrer dans une surenchère spectaculaire, au contraire : le trait est toujours élégant, simple, le lecteur éprouve les sensations produites par les pouvoirs de Flash de façon suggestive et économe.

Pour tout cela, Infantino peut être véritablement crédité comme co-auteur des épisodes qu'il illustra pendant plus de dix ans (sans compter les autres séries auxquelles il contribua, car comme Jack Kirby, Alex Toth, c'était un travailleur à la productivité insensée, incomparable avec celle des dessinateurs actuels), soutenu par des encreurs de première classe (Joe Giella et Murphy Anderson).

L'anthologie ponctue les épisodes avec des pages reproduisant des couvertures célèbres signées par Infantino, où on peut remarquer son sens si particulier de la composition (avec des constructions en diagonales très efficaces et surprenantes, ou des symétries audacieuses). Les couleurs éclatantes des costumes de la rogue gallery si riche de Flash ajoutent à l'émerveillement.

Les récits sont également sensationnels, souvent plus brefs que le format traditionnel (une quinzaine de pages), permettant l'ajout d'histoires de complément (des back-up stories) où les scénaristes présentaient des personnages secondaires, dont Kid Flash, qui allait prendre une importance cruciale dans la série de Flash et dans l'Histoire de DC.

Je me suis régalé en lisant ces épisodes, qui, de manière finalement assez terrible pour la suite du programme de l'Anthologie (et de la série du héros, tous volumes confondus), sont les meilleurs. On y sent des auteurs qui s'amusent, qui sont attachés au personnage, qui font montre d'une imagination sans limite : comment résister ?
 DC Special Series #1 : Comment se prémunir de l'éclair (1977)
(Cary Bates / Irv Novick)
New Teen Titans #20 : Cher Papa, chère Maman (1982)
(Marv Wolfman / George Pérez)

Si l'épisode écrit par Cary Bates et dessiné par Irv Novick n'a rien d'essentiel (c'est plutôt une curiosité dispensable, visuellement moyenne), celui de Marv Wolfman et George Pérez est excellent : il rappellera aux nostalgiques combien la série des Jeunes T. (telle qu'elle était baptisée à l'époque en v.f.) a été la meilleure version de cette équipe, rivalisant avec Uncanny X-Men de Chris Claremont et John Byrne chez Marvel.
Le récit choisi appartient au registre intimiste qui ponctuait régulièrement le titre mais il est superbement écrit et mis en images.
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TROISIEME PARTIE : POINT LIMITE
(1990-2001) (130 pages)
 Secret Origins #50 : Flash de deux mondes (1990)
(Grant Morrison / Mike Parobeck)
Flash (volume 2) #54 : Zéro mort (1991)
(William Messner-Loebs / Greg Larocque)
 Flash (volume 2) #91 : Hors du temps (1994)
(Mark Waid / Mike Wieringo)
 Flash (volume 2) Annual #8 : Kid Flash, deuxième jour (1995)
(Tom Peyer / Humberto Ramos)
Flash (volume 2) #134 : La vie tranquille à pleine vitesse (1998)
(Grant Morrison, Mark Millar / Paul Ryan)
 Flash (volume 2) #174 : Nouveau départ (2001)
(Geoff Johns / Scott Kolins)

Cette troisième partie est la plus volumineuse, et logiquement la plus inégale.

On y lit des choses réjouissantes, comme l'épisode écrit par Grant Morrison et dessiné par Mike Parobeck (trop tôt disparu), qui ouvre ce chapitre. DC à cette époque a réfléchi au retour des héros de l'âge d'or, rayé de la carte du Multivers par Crisis on infinite earths et des luttes de pouvoir au sein des équipes éditoriales (où s'affrontaient deux camps : celui qui préférait laisser dans leur remise ces antiquités, et celui qui désirait les en sortir pour renouer avec le riche passé de l'éditeur), et on commence à assister au retour de figures mémorables de l'âge d'or, comme Jay Garrick, le premier Flash. L'histoire est pleine de tendresse, émouvante et positive : une vraie pépite.

Après, ça se gâte. Choisir un épisode, comme celui écrit par William Messner-Loebs et (affreusement) dessiné par Greg Larocque, laisse perplexe : il est issu d'un crossover, visuellement repoussant, narrativement poussif.

Mark Waid et Mike Wieringo (un autre artiste parti trop tôt) relèvent le niveau : même si le dessinateur n'a pas encore totalement trouvé le style si sympathique, quasi-"Disney-ien" de ses épisodes de Fantastic Four chez Marvel (avec le même scénariste), le récit fonctionne très bien, manoeuvrant des ressorts dramatiques étonnants. De quoi espérer que Urban Comics propose, si cette Anthologie se vend bien, une traduction du run de Flash par les deux W, inédit en France ?

On retombe d'un cran avec l'Annual signé Tom Peyer et Humberto Ramos : il est vrai que je n'ai jamais aimé le style de ce dessinateur, et que, scénaristiquement, là encore, on peut discuter de la qualité du produit.

Le duo formé par Mark Millar et Grant Morrison au script du n° 134 (volume 2) est une agréable surprise : les deux anglais remplacèrent Mark Waid pendant un an sur la série et, tout en respectant le ton adopté par leur collègue, fournirent des épisodes très agréables. Si on y retrouve bien le goût pour le devoir de mémoire cher à Morrison, en revanche Millar n'était pas encore le provocateur roublard qu'il est devenu. Dommage que Paul Ryan soit si faiblard au dessin : ça méritait mieux.

Enfin, Geoff Johns et Scott Kolins ferme le ban : le scénariste, devenu aujourd'hui cadre créatif de DC, a produit un paquet d'épisodes, sur plusieurs volumes, avec Flash, souvent dessiné par son partenaire présent. Moi qui n'apprécie que très modérément le trait de Kolins (auquel un bon encreur a toujours manqué, et qui est souvent fantaisiste avec l'anatomie de ses personnages), j'ai été positivement surpris par le résultat, même si le script n'a rien de renversant (quoique Johns n'y succombe pas à son coupable penchant pour le gore glauque et les punchlines qui tombent à plat).  
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QUATRIEME PARTIE : DANS LE RETROVISEUR
(2002-2014) (110 pages)
 JLA Secret Origins : Origines secrètes (2002)
(Paul Dini / Alex Ross)
 DC Comics Presents The Flash #1 : Le défunt le plus rapide du monde (2004)
(Jeph Loeb / Ed McGuinness)

Deux pépites ouvrent cette dernière partie : d'abord, on a droit à deux pages peintes par Alex Ross sur un texte de Paul Dini, résumant les origines de Flash (version Barry Allen). C'est splendide, et je ne peux que vous conseiller de vous procurer tout l'album dont elles sont extraites (elles sont aussi présentes dans JLA : Justice et Liberté, en v.f. chez Semic, en préambule à une chouette aventure, également intégralement illustrée par Ross et écrite par Dini).

Puis Jeph Loeb et Ed McGuinness rendent un superbe hommage à Julius Schwartz dans ce petit épisode que j'ai découvert pour la première fois dans un n° du magazine Comic Box : c'est malicieux, pêchu, et les dessins sont excellents, dans un style cartoony, avec un découpage très tonique. (En prime, une autre splendide couverture de Alex Ross, "swipe" d'une image iconique de l'ère Infantino.)
Justice League of America (volume 2) #20 : Décision éclair (2008)
(Dwayne McDuffie / Ethan Van Sciver)

Passons rapidement sur ce segment issu du run (mouvementé, à cause d'interférences éditoriales infernales) du regretté Dwayne McDuffie, mis en images par Ethan Van Sciver (le Brian Bolland du pauvre). Voilà encore un choix très discutable : pourquoi donc Urban Comics l'a-t-il préféré au, par exemple, chapitre V de DC : The New Frontier (Fun City) de Darwyn Cooke (facile à présenter et qui aurait montré Flash dessiné par le maestro) ?
Wednesday Comics : Flash Comics  #1-12 (2009)
(Brendan Fletcher, Karl Kerschl / Karl Kerschl)

Voilà en revanche une initiative réjouissante (et qui laisse espérer que l'éditeur français prépare une nouvelle édition - à un prix plus abordable que l'album de Panini Comics - de Wednesday Comics) : le projet de Fletcher et Kerschl faisait partie d'une anthologie grand format publiée par DC en 2009, réunissant un ahurissant casting de créateurs pour des histoires de 12 pages inspirés des Sunday Pages d'antan.
Les deux compères ont imaginé une histoire délirante et plusieurs niveaux de lecture, qui synthétise plusieurs thèmes de la série et adresse de multiples clins d'oeil aux comics en général (y compris Peanuts de Charles Schulz !), avec des dessins magnifiques.
Qu'est-ce que j'aimerai voir un jour ces deux auteurs prendre en main la série régulière du bolide !

(A noter que pour respecter au mieux le format d'origine, Urban a été astucieux en proposant une lecture horizontale : c'est un peu délicat pour manier ce gros bouquin, mais le découpage si soigné de Kerschl souffre moins que le lecteur.)
Flash (volume 2) #0 : Catharsis (2012)
(Brian Buccellato, Francis Manapul)

Cet épisode 0 renvoie à la période la plus récente de la série, dans le cadre de la "Renaissance DC" (New 52), avec le duo Manapul-Buccellato aux commandes : si esthétiquement, leur run a été une grande réussite, scénaristiquement ce fut beaucoup plus inégal (en partie, là aussi, à cause d'incohérences éditoriales mais aussi faute d'inspiration). 

Urban vient de republier en album les 8 premiers épisodes de cette série (tome 1 : En avant !). 
Flash Season Zero #1 : Parade de monstres, 1ère partie (2014)
(Andrew Kreisberg, Katherine Walczak, Brooke Eikmeir / Phil Hester)

Enfin, l'album se termine avec l'adaptation en comic-book de la nouvelle série télé diffusée sur CW (après la précédente datant de 1990-91). Le résultat, en BD, n'a rien de folichon, aussi bien pour le scénario (qui modifie beaucoup l'univers du héros) que pour le graphisme (Hester est en toute petite forme, et je reste gentil).
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Il faut encore féliciter Urban Comics pour le soin apporté au contenu rédactionnel : chaque épisode, époque, personnage, auteur, est présenté de manière claire et rapide, contextualisé. Celui qui ne connaît absolument rien à Flash, ceux qui l'ont animé, les diverses périodes qu'il a traversées, son influence sur l'univers DC, ses ennemis, seront parfaitement instruits. 

Mieux encore : ce livre donne une irrésistible envie d'explorer plus profondément les aventures du super-héros, et on peut rêver d'une collection concernant le run de telle ou telle équipe créative (en premier lieu, à tout seigneur tout honneur, la production dessinée par Infantino  - un imposant Omnibus de presque 900 pages existe bien en v.o. qui pourrait être "retaillé" en plusieurs tomes en v.f.).