ASTERIX AUX JEUX OLYMPIQUES est le 12ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1968 par Dargaud.
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En surprenant le légionnaire Cornedurus à l'entraînement dans la forêt voisine de leur village, Astérix et Obélix apprennent qu'il se prépare pour les jeux olympiques.
Panoramix apprend aux gaulois en quoi consistent ces jeux et à quelle fréquence ils ont lieu après que le centurion Tullius Mordicus soit venu demander à Abraracourcix que ses hommes ne perturbent pas son champion (grâce aux performances duquel il espère obtenir une promotion).
Mais le chef du village décide de participer aux jeux. Le souci, c'est que seuls les romains et les grecs y sont admis, mais Astérix fait remarquer que la Gaule étant envahie par César ils peuvent s'y présenter comme romains.
Une fois à Olympie, les villageois visitent les monuments grecs, s'entraînent (à leur manière), mais un magistrat olympique les informe d'un point crucial du règlement : il leur est interdit de consommer leur potion magique dans le cadre des compétitions !
Astérix s'aligne donc seul à la course et Panoramix élabore un stratagème pour piéger les romains afin de les vaincre dans cette épreuve...
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ASTERIX : LA ZIZANIE est le 15ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1970 par Dargaud.
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Furieux que le village des gaulois lui résiste toujours et contrarié par les sénateurs qui refusent de le soutenir dans de nouvelles campagnes de conquêtes tant qu'il ne fait pas régner l'ordre dans tout le pays occupé, César accepte de suivre la proposition d'un de ses conseillers en semant la zizanie dans le camp ennemi.
Son arme secrète : Tullius Detritus, spécialiste pour monter n'importe qui contre les siens. Il est envoyé au camp d'Aquarium, dirigé par Caius Aérobus, et ne tarde pas à se présenter au village où il offre un présent à Astérix en s'adressant à lui comme au chef de l'endroit.
La jalousie gagne toute la population, mais Detritus n'en a pas terminé avec sa guerre psychologique puisqu'il réussit à faire croire que les romains possèdent la recette de la potion magique. Astérix, Obélix et Panoramix usent alors de la même fourberie pour retourner l'opinion de leurs amis et instiller le doute dans le camp romain...
Faute de disposer à la bibliothèque municipale du tome 13 (Astérix et le chaudron), je serai donc dans l'impossibilité de le critiquer. J'ai pu cependant mettre la main sur les tomes 12 et 15 (après vous avoir parlé du 14, Astérix en Hispanie, récemment), et je vais relire les 16, 19, 23 et 24 pour lesquels j'écrirai deux futurs articles groupés (je ne prévois pas de lire les albums écrits et dessinés par Uderzo seul, ni les tomes précédents le 12 - que j'ai toujours trouvés moins aboutis, au moins visuellement).
Voilà pour le programme. Maintenant, passons aux albums Astérix aux Jeux Olympiques et La Zizanie.
Tout d'abord, c'est à partir des J.O. que, à mes yeux, le graphisme d'Uderzo sur la série commence à arriver à maturité : les personnages trouvent leurs formes définitives (c'est particulièrement notable avec Obélix, qui sans perdre sa silhouette "enveloppée" a gagné en longitude), et surtout le trait du dessinateur a atteint une fluidité remarquable, avec cet encrage au pinceau si reconnaissable, qui ne peut que susciter l'admiration. Bien des dessinateurs, y compris n'évoluant pas dans des BD du même registre humoristique qu'Astérix, s'en inspireront (je pense par exemple à Denis Bodart, qui avait expliqué dans le journal "Spirou" qu'il avait trouvé avec Uderzo son premier maître avant de découvrir Jordi - Torpedo - Bernet).
Le cadre choisi par Goscinny pour l'histoire permet à l'artiste de montrer toute l'étendue de son talent : la suggestion du mouvement y est prédominante, dès les premières pages, quand Cornedurus s'entraîne et tombe sur Astérix et Obélix. La série a fait et fera encore son sel de l'exploitation des exploits physiques, exagérés par les effets de la potion magique (le deus ex machina de bien des intrigues), et durant tout ce récit, on assiste à une sorte de succession de performances corporelles puisque cela aboutit aux jeux olympiques.
Cette dimension permet aux auteurs de distinguer avec malice deux modèles d'athlètes : d'un côté, il y a les gaulois, qui boivent, s'empiffrent, bref ignorent toute diététique avant les épreuves sportives ; et de l'autre, les romains et les grecs, présentés comme des individus aux muscles saillants, à la discipline absolue, mais qui se mettent à douter (de manière différente) face à cet adversaire inattendu (les romains redoutent évidemment la potion magique ; les grecs, plus orgueilleux, déplorent le mauvais exemple donné par les gaulois, la décadence qu'ils incarnent - ce qui inspire à Goscinny plusieurs calembours, toujours aussi peu drôles).
Ce traitement, même s'il est écrit dans le but de faire rire, n'en reste pas moins légèrement douteux et rappelle une certaine tendance de l'humour français à moquer d'autres cultures en les décrivant plus rigides alors que, nous, nous serions de sympathiques hédonistes, servis par la chance, et dotés d'une solide prétention, d'une suffisance certaine. Lorsque les hommes du village partent pour Olympie, bien entendu leurs femmes ne les accompagnent pas, et Goscinny n'est pas inspiré en faisant dire à Bonemine (l'épouse d'Abraracourcix) qu'elles vont en profiter pour.. Faire du ménage ! Personnellement, c'est ce genre de passages consternants qui m'a de tout temps déplu dans Astérix : quand l'ironie devient sarcasme (Hugo Pratt avait une jolie formule pour comparer ces deux tournures d'esprit en disant que "le sarcasme est à l'ironie ce que le pet est à la bulle de champagne") et qu'un machisme primaire s'y révèle.
Ce tome 12 est de toute façon assez faible narrativement : il faut attendre la moitié de l'album pour arriver en Grèce et les jeux ne démarrent qu'à la 35ème (sur 44) planche ! Tout cela met un temps fou à se mettre en place et Goscinny n'utilise finalement que très peu les épreuves sportives pour fournir des gags dans un récit que le titre met pourtant en avant. La couverture de l'album spoile d'ailleurs le dénouement !
Comment s'étonner alors que le film qui en a été adapté soit lui-même mauvais (une énorme production mal réalisée, avec pléthore de guest-stars, tout ça pour plaire à Uderzo qui n'avait pas apprécié les libertés prises par Alain Chabat dans Astérix : Mission Cléopâtre) ?
Heureusement, La Zizanie est d'une bien meilleure qualité. Goscinny part en effet d'une situation très simple, comme il savait si bien les imaginer, un énième plan tordu de César (même s'il le met en oeuvre après qu'un de ses conseillers lui a inspiré) pour des conséquences maximales sur les irréductibles gaulois. On retrouvera d'ailleurs un motif similaire dans Le cadeau de César (tome 21).
Detritus, est resté, à juste raison, comme un des meilleurs vilains de la série, car sa capacité de nuisance n'a d'égale que l'efficacité de sa méthode, et le scénario réussit excellemment à mettre en scène ses manoeuvres, de façon rapide et imparable : on souffre de voir les héros ainsi manipulés, tombant dans le piège tendu, se divisant. La menace fonctionne à plein régime.
Les gags sont très drôles, d'une méchanceté surprenante qui souligne les rapports tendus de la communauté des héros : c'est un des rares (sinon le seul) albums où on a le sentiment que ce chacun exprime révèle la vérité de ce qu'il pense - jalousie, brutalité, orgueil, bêtise. Le tableau n'est vraiment pas flatteur et le seul regret qu'on peut nourrir au terme de cette intrigue est que Goscinny n'ait pas exploré plus longtemps ce que cette histoire avait dévoilé entre les habitants du village : le fait que tout le monde se réconcilie, comme si finalement rien de grave ne s'était passé, trahit une certaine frilosité éditoriale, comme s'il ne fallait absolument pas faire évoluer ce microcosme - cette inertie narrative qui frappe bien des séries pour n'en faire que des produits, parfois certes bien faits, mais sans aspérités.
Mais ne boudons pas trop notre plaisir car, en prime, Uderzo est en grande forme : la majorité des scènes se déroulant dans le village, il choisit une option visuelle étonnante en préférant non pas détailler plus franchement le décor (en montrant par exemple les différentes maisons, rues) mais consacrer ses efforts à découper le plus efficacement possible l'action.
On assiste à un défilé de portes qui claquent, de chutes (Abraracourcix et ses porteurs), de revirements (Obélix ne supportant pas de se fâcher avec Astérix), mais aussi à un véritable concours de mimiques très expressives (la face éternellement sournoise de Detritus, la bonhomie roublarde de Panoramix, la lassitude exaspérée d'Abraracourcix, l'incompréhension débonnaire d'Obélix, la complicité entendue d'Astérix). Et les femmes du village ont aussi de grands moments de crèpage de chignons, qui en disent aussi long sur leur caractère envieux les unes envers les autres que sur les sentiments qu'elles éprouvent pour leurs compagnons (dont elles déplorent et encouragent tour à tour la situation sociale).
On notera par ailleurs que Uderzo, qui, comme beaucoup de ses collègues de l'époque (Franquin, Morris, Tibet...), était à l'occasion un caricaturiste-portraitiste fameux, a donné au centurion Caius Aérobus les traits de Lino Ventura.
Deux tomes encore une fois très partagés qui soulignent l'inégalité de la série, capable de sombrer dans une production peu inspirée comme d'atteindre une force comique épatante.
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