ASTERIX EN HISPANIE est le 14ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1969 par Dargaud.
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César est en Espagne avec son armée et rencontre de la résistance dans la région d'Hispalis. Il capture opportunément le fils du chef Soupalognon Y Crouton et s'en sert pour tenter de faire plier le fier ibère.
En attendant que son adversaire soit plus raisonnable, l'empereur envoie le gamin au camp de Babaorum, dans les environs du village des gaulois, mais Pépé (abréviation de Périclès, car il a des origines grecques...) réussit à fausser compagnie à ses gardiens.
Retrouvé par les gaulois, Abraracourcix lui offre sa protection et confie à Astérix et Obélix le soin de le ramener auprès de son père. Le voyage est animé : Pépé et Idéfix deviennent inséparables, ce qui rend jaloux Obélix, ils croisent en mer les pirates (pour le malheur de ceux-ci), puis doivent payer les services d'un passeur une fois en Espagne.
Lorsque le légionnaire à qui César avait confié Pépé découvre par hasard que celui-ci est sur le point de retrouver son père, il fait tout pour le capturer à nouveau...
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ASTERIX EN CORSE est le 20ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1973 par Dargaud.
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Pour fêter leur résistance à l'envahisseur romain, Abraracourcix convie à une fête tous ses amis résidant en Gaule et ailleurs. Au programme : un banquet et l'attaque des camps encerclant le village. Mais les légionnaires, prévenus, désertent leurs bases, à l'exception de Babaorum au chef duquel on confie un prisonnier corse.
Lorsque les gaulois et leurs alliés donnent l'assaut, Obélacatérinatchitchix est libéré et explique sa situation à Abraracourcix qui, après avoir salué ses invités, charge Astérix et Obélix de le raccompagner jusque chez lui.
Une nouvelle fois, le périple est agité et les pirates en font les frais. Puis c'est la découverte de l'île de beauté et du mode de vie de ses habitants par les deux gaulois. Enfin sonne l'heure de la riposte contre le prêteur Suelburnus, qui dépouille les corses pour remplir les caisses de César...
Comme j'emprunte ces albums d'Astérix à la bibliothèque municipale, il est compliqué de les lire dans l'ordre chronologique de leur parution et c'est donc la raison pour laquelle je critique ici les tomes 14 et 20. Mais cela n'affecte pas vraiment leur lecture puisque chaque aventure est indépendante. Il n'y a guère que dans Astérix en Corse qu'on trouve des personnages étant apparus dans des épisodes antérieurs, mais sans que cela nuise à la compréhension de l'intrigue principale.
La série de Goscinny et Uderzo se partage en deux catégories d'histoires : il y a, d'un côté, celles qui opposent plus ou moins directement les irréductibles gaulois à César et/ou ses légionnaires ; et, d'un autre côté, celles qui entraînent Astérix et Obélix en voyage (parfois dans des régions gauloises, parfois dans d'autres pays).
Les périples en Espagne (Hispanie) et en Corse sont parmi les meilleurs de la série, et ce pour des raisons au demeurant très simples : Goscinny peut s'y livrer à son exercice préféré, celui où il est le plus doué, c'est-à-dire épingler de manière ironique mais jamais méchante les travers à la fois des gaulois et ceux qu'ils sont amenés à visiter. Le décalage induit par le déplacement d'Astérix et Obélix aboutit à des situations comiques faciles où les caractères des deux héros sont en constant décalage avec les gens qu'ils rencontrent, mais aussi parce que les hôtes du récit sont décrits d'une façon gentiment caricaturale.
La configuration narrative de ces tomes est rigoureusement identique, malgré les 4 ans qui les séparent dans leur réalisation, signe de l'aspect routinier, mécanique, de la série : il ne fait plus de doute que les auteurs avaient trouvé une formule et qu'ils l'ont employée paresseusement, elle les rassurait certainement autant que leurs nombreux lecteurs qui savaient ce qu'ils savaient lire. C'est à la fois la force de la série, car le procédé est efficace, le fait même de l'avoir trouvé et appliqué est ingénieux, mais aussi sa faiblesse, car dénuée de surprise, d'une roublardise indigne du talent de ses créateurs. Astérix est, à cet égard, une sorte de modèle pour beaucoup car c'est une série qui est parvenu à se définir solidement et durablement avec un succès considérable, mais c'est aussi une sorte de production industrielle, où Goscinny et Uderzo ont cessé de prendre des risques, de faire grandir leur projet, préférant le profit de leurs ventes que le risque d'étonner leur lectorat et de faire évoluer leur oeuvre.
Dans les deux cas, on a donc un prisonnier (Pépé, le fils de Soupalognon Y Crouton ; Obélacatérinabellatchitichix, le rebelle corse), récupéré par hasard par les irréductibles gaulois et confié par le chef Abraracourcix à Astérix et Obélix pour l'escorter jusque chez lui et lui prêter assistance contre l'envahisseur et oppresseur romain (en la personne de César ou d'un de ses subalternes). Goscinny va même jusqu'à répéter des motifs à l'intérieur de ses gags comme le fait qu'Idéfix soit utilisé comme une espèce de relais entre les deux héros gaulois et celui qu'ils raccompagnent (le toutou devient l'ami de Pépé, puis Obélix l' "offre" au corse pour qu'Astérix accepte qu'il soit du voyage). A ce niveau de ressemblance dans le récit, on pourrait presque penser que le scénariste radote...
Néanmoins, les deux aventures ont en commun d'être divertissantes, et c'est bien là la grande qualité de la série : même quand elle est agitée par des ficelles aussi grossières sur le plan narratif, elle se lit facilement et assure un agréable moment de lecture. Astérix me fait rarement rire ni vibrer, mais en revanche ce n'est jamais ennuyeux (bon, il faut dire qu'avec des albums de 44 planches, ce serait le comble !).
Et puis l'autre atout de ce titre, c'est de disposer d'un dessinateur exceptionnel en la personne d'Uderzo : lorsqu'on examine d'ailleurs les artistes aux commandes des séries emblématiques de cette époque, qu'elles aient été publiés par l'un ou l'autre des "big two" de la BD franco-belge (Dargaud ou Dupuis), on voit au travail une génération exceptionnelle (qui comptait des talents comme Franquin, Uderzo, Morris, Peyo, Roba, Tillieux).
Dans ce lot, Uderzo a été celui a décroché la timbale avec Astérix, mais son triomphe n'est pas immérité : cet artiste prodigieux avait une productivité folle (dont ce titre n'est que la partie la plus visible) et une technique extraordinaire. Goscinny pouvait s'appuyer sur son partenaire en étant sûr de qu'il ne serait jamais pris en défaut.
Qu'il s'agisse dès lors de croquer des trognes mémorables pour des seconds rôles très divers, des légionnaires aux guest-stars (ici le jeune Pépé, la perfection pour un gamin capricieux, et Obélacatérinabellatchitchix, avec son physique en lame de couteau impayable), ou de les représenter dans des décors immédiatement crédibles (l'Espagne des montagnes ou des plaines, ou la Corse majestueuse), Uderzo est toujours formidable. Et lorsque les fameuses bagarres éclatent, il s'en donne à coeur joie, avec parfois des idées de découpage très rusées (comme à la fin d'Astérix en Corse où, plutôt que de montrer le champ de bataille, il cadre quatre pépés en train de commenter ce qui se déroule hors champ).
On retiendra enfin que Astérix en Hispanie aurait dû être la troisième adaptation au cinéma en "live" (réalisé par Gérard Jugnot, le projet capota inexplicablement, après les cartons des deux premiers films) et, bien entendu, tout le monde se souvient du savoureux avant-propos de Goscinny sur la Corse et la susceptibilité de ses habitants - ils n'avaient pourtant rien à reprocher à cette histoire qui est une des meilleures de la série et a contribué, à sa manière, au prestige de l'île.
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