ASTERIX CHEZ LES HELVETES est le 16ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1970 par Dargaud.
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Le gouverneur romain de Rennes, Gracchus Garovirus, détourne massivement l'argent des impôts en attendant de partir loin et pour, entretemps, payer ses orgies.
Tout se complique lorsqu'il reçoit la visite du questeur Claudius Malosinus qui vient procéder à une enquête sur les finances de la ville. Garovirus, pour s'en débarrasser, l'empoisonne mais le percepteur entend parler par un légionnaire de Panoramix, un druide qui pourrait le soigner.
Au chevet du malade, Panoramix affirme être en mesure de préparer un antidote mais il a besoin pour cela d'un edelweiss et envoie Astérix et Obélix en cueillir dans les montagnes suisses. C'est le début d'une folle course-poursuite : les deux gaulois partent en Helvétie, Malosinus est transporté pour sa sécurité au village du druide et Garovirus fait prévenir son ami le gouverneur Diplodocus qu'il faut supprimer les deux hommes chargés de trouver l'étoile d'argent...
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ASTERIX : LE DEVIN est le 19ème tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo, publié en 1972 par Dargaud.
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Une nuit d'orage (signe que le ciel va leur tomber sur la tête car les dieux sont en colère ?), les irréductibles gaulois, tous réfugiés dans la maison de leur chef, reçoivent la visite d'un devin Prolix. Celui-ci les baratine pour les abuser, à l'exception d'Astérix qui le considère comme un charlatan.
Au matin, le beau temps revenu, le devin repart mais Bonemine, la femme d'Abraracourcix, le rattrape dans la forêt, convaincu qu'il peut lui révéler son avenir. Prolix en profite pour abuser de ses largesses et répète la manoeuvre avec d'autres habitants qui viennent le consulter en secret.
Lorsqu'il est arrêté par les légionnaires du camp de Petibonum, Prolix doit composer avec son centurion, le sceptique et manipulateur Faipalgugus, qui veut se servir de lui pour se débarrasser des gaulois.
Effrayés par une nouvelle prédiction du devin, les villageois quittent leurs domiciles... sauf Astérix et Obélix qui sont rejoints par Panoramix, de retour d'une réunion de druides et qui apprend la situation. A eux trois, ils vont donner une bonne leçon à la fois aux faux oracle, aux romains et à leurs amis en mystifiant les uns et en rassurant les autres...
Voilà deux excellents crus ! Réalisés à deux ans d'écart, ils témoignent de la meilleure inspiration de leurs auteurs, qui s'appuient sur ce qu'ils savent le mieux faire dans les deux registres de prédilection de la série : d'un côté, on a une aventure fondée sur un voyage ; de l'autre, un récit qui se déroule dans le village.
Le périple qui entraîne Astérix et Obélix en Suisse est motivé par un argument simple mais ingénieux puisque c'est un romain qui, sollicitant l'aide de Panoramix, est à l'origine de leur mission (ramener un edelweiss, l'étoile d'argent, une fleur rare et délicate qu'on trouve en altitude - et nécessaire pour un antidote du druide). Voir les gaulois sauver la mise d'un romain (le questeur Malosinus) mais qui va permettre quand même d'en punir un autre (le gouverneur Garovirus) n'est pas banal et efficace.
Goscinny est étonnamment sobre et subtil quand il aborde les suisses et ne s'en moque que gentiment avec des gags sur la fondue, les coffres de leurs banques, et le yodel. C'est néanmoins drôle, même si l'histoire en elle-même est assez fournie pour presque s'en passer car les rebondissements sont nombreux.
Cela se corse un peu quand Obélix s'enrhume durant le séjour puis se goinfre d'un chaudron entier de fondue avant de vider un tonneau complet de vin : il est alors tellement repu et ivre qu'il perd connaissance ! Astérix et ses complices helvètes doivent alors grimper une montagne en rappel tout en tirant Obélix avant qu'au sommet ils trouvent la fleur puis que le petit gaulois effectue la descente sur le ventre de son ami, toujours inconscient, comme sur une luge : une séquence mémorable et visiblement directement inspirée par les cartoons américains qu'adoraient Goscinny et Uderzo.
Le devin est encore un meilleur album : il exploite l'idée de l'élément perturbateur, un classique de la série (voir Le cadeau de César, tome 21, ou La Zizanie, tome 15), avec l'apparition d'un étranger dans le microcosme que symbolise le village gaulois, semeur de troubles.
Son efficacité est d'autant plus redoutable, pour les héros, et jubilatoire, pour le lecteur, que Prolix n'apparaît même comme un agent de César, c'est un profiteur de passage qui saisit l'opportunité de manipuler une foule superstitieuse et susceptible.
Il est remarquable de constater avec le recul à combien de reprises le scénariste est revenu sur ce postulat de la discorde sans jamais en avoir exploité durablement les effets : à chaque fois, Goscinny s'est contenté, de manière frustrante, de tirer cette ficelle, talentueusement, sur une histoire mais jamais plus, comme s'il ne fallait pas trop la creuser, comme s'il ne fallait pas bouleverser le ronron de la série.
Dommage car on voit, à chaque fois, que tout n'est pas si paisible dans le village - en vérité, ils sont nombreux à ne pas s'aimer, voire à se vouer une profonde détestation (le vieillard Agecanonix et le forgeron Cétautomatix, Cétautomatix et le poissonnier Ordralfabétix, sans compter les ressentiments éprouvés et/ou subis par le barde Assurancetourix, Bonemine, etc.). Si les auteurs avaient eu plus de courage, Astérix n'aurait pas été simplement une série souvent efficace, aux ventes prodigieuses, mais une saga remuante dépassant le divertissement routinier.
Visuellement, ces deux tomes sont aussi des réussites, chacun dans leur domaine. Uderzo ne force pas son talent pour l'aventure helvétique mais réussit quelques séquences remarquables, comme la représentation répugnante des orgies de Garovirus, ou, donc, l'escalade de la montagne et sa descente, en passant par la longue scène des coffres (une merveille comique, avec un découpage très fluide).
En revanche, pour Le devin, l'artiste produit des planches souvent exceptionnelles, à commencer par l'ouverture de l'album : l'orage dans toute sa fureur, l'arrivée de Prolix - avec des jeux d'ombres très élaborés (assez rares pour être notés dans une BD humoristique où l'éclairage n'est pas forcément l'objet d'une attention spéciale), la forêt, et encore la vie dans le camp romain.
Uderzo prouve, si besoin était, qu'il composait des plans avec un soin étudié, avec des angles de vue inattendus (par exemple, des plans généraux en légère plongée, ou des ruptures dans les enchaînements très énergiques, quand il passe de plans généraux ou d'ensemble à des gros plans - des ponctuations visuelles qui répondent parfaitement aux gags les plus basés sur l'expressivité). La physionomie des personnages est toujours très variée et précise, ce qui économise au scénario des suppléments explicatifs sur la moralité des acteurs : Uderzo sait toujours incarner un vilain impeccable, qu'il soit bête ou méchant, en le dotant d'un look bien senti, d'une gueule bien taillée.
Avec ces deux histoires, parues en peu de temps, on est vraiment au coeur des meilleurs épisodes de la série.
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