dimanche 29 septembre 2019

ACTION COMICS #1015, de Brian Michael Bendis et Szymon Kudranski


La notion d'univers partagé est au coeur des comics super-héroïques. Mais si elle est acceptable généralement, il arrive aussi qu'elle encombre plus qu'elle n'améliore vraiment lesdits comics. C'est ce qui se passe avec les séries de Brian Michael Bendis en ce moment, où il doit composer avec des personnages qui se croisent - et ralentissent substantiellement ses intrigues en cours. Et, pour ne rien arranger dans le cas d'Action Comics, c'est visuellement moche.


Naomi McDuffie vient de se crasher à Metropolis. Superman arrive sur place et rassure la jeune fille en lui proposant son aide. Elle lui explique n'avoir découvert ses pouvoirs que depuis une heure et ne désire faire aucun mal autour d'elle.


Superman conduit Naomi au Hall de Justice pour qu'elle y soit examinée. Le Dr. Ray Palmer (Atom) se joint à eux tandis que la jeune fille révèle ses origines à Superman. Ainsi apprennent-ils leur point commun : tous deux sont des orphelins venus d'une autre planète.


Batmana arrive, sollicité parce qu'il a l'habitude des jeunes. Il teste Naomi sur ses pouvoirs, après qu'elle ait tenté, en vain, de situer sa planète natale sur une carte du Multivers. Batman l'écoute évoquer Zumbado, qui a détruit son monde et menace la Terre.
  

Superman doit s'absenter. Il s'interpose entre Red Cloud et Rose and Thorn dans un club attaqué par cette dernière. Mais Red Cloud a désormais des pouvoirs nettement augmentés grâce à l'intervention de Lex Luthor, lui-même investi d'une partie de la puissance cosmique de Perpetua.


Le combat qui s'engage entre Superman et Red Cloud se déplace ailleurs dans la ville. Mais l'homme d'acier est en sérieuse difficulté. Il subit et retient ses coups, espérant que son adversaire acceptera de se faire aider. Mais Red Cloud s'acharne et met Superman à terre...

Avec l'irruption de Naomi dans les pages d'Action Comics, c'est un peu la répétition de celle de la Légion des Super Héros dans Superman que semble nous rejouer Brian Michael Bendis. Mais autant les héros du futur ont rapidement justifié leur intervention (due à l'idée de Jon Kent d'unifier les planètes en une formation similaire aux Nations Unies), autant Naomi tombe comme un cheveu dans la soupe et son passage promet d'être pénible.

Je l'ai écrit à l'occasion de la parution de la série qui lui était consacrée, mais Naomi a été une déception. Copie peu inspirée de Miles Morales, et ersatz de Superman, la créature de Bendis manque singulièrement de relief et n'égale franchement pas ses modèles. Bien qu'une seconde saison de sa série soit prévue, on sait par ailleurs que la jeune fille va ensuite grossir les rangs déjà bien garnis de Young Justice, comme s'il fallait lui trouver un endroit où exister.

L'idée, ici, c'est qu'elle se crashe à Metropolis (coup de bol puisque c'est justement là où elle voulait aller) juste une heure après la découverte de ses pouvoirs. C'est donc la suite directe du dernier épisode de sa propre série... Qui date d'il y a quand même deux mois ! Mais, baste, passons sur ce léger décalage horaire.

Bendis est habile et consacre les trois quarts de l'épisode à l'examen de Naomi que Superman rencontre, puis emmène au Hall de Justice pour qu'elle soit analysée par Ray Palmer (Atom) puis Batman. Les scènes que le scénariste écrit sonnent très juste, on reconnait son talent pour faire vivre des personnages d'âges divers et tisser entre eux des liens naturels (Naomi est orpheline, comme Batman, et vient d'une autre planète, comme Superman. Mais elle traîne un adversaire potentiellement dangereux à sa suite).

Néanmoins, je me suis dit, en lisant cela, que tout aurait eu mieux sa place dans Naomi, la série. On s'en rend compte avec le dernier quart de l'épisode quand Superman doit subitement partir du Hall de Justice. "Leviathan ?" demande Batman (comme le lecteur). Non : Red Cloud (la méchante intermittente de la série). Comme elle a été upgradée par Luthor, elle flanque une raclée au kryptonien. Qui va l'arrêter ?

La réponse, évidente, puisqu'elle est en couverture, devient embarrassante. Peut-être est-ce une ruse, une fausse piste - et je l'espère. Mais ce serait bien pratique : Naomi neutralise Red Cloud, elle fait ainsi ses preuves devant Batman et Superman - qui se trouve débarrassé à bon compte, avant de pouvoir s'inquiéter à nouveau de Leviathan (dont on saura tout en Novembre).

Comme je le disais en préambule, l'univers partagé est un des piliers des comics de super-héros. En soi, ça ne me pose aucun problème. Mais je préfère quand ça n'implique pas ce genre de parasitage où un personnage est en transit dans une série où il n'a rien à faire, surtout au moment où le héros de la série en question ne manque déjà pas d'occupations.

Je préférerai aussi qu'on soit déjà en Novembre pour être débarrassé de Szymon Kudranski dont les planches me sortent par les yeux tant elles sont laides et mal foutues. Que DC attribue à Action Comics un vrai dessinateur, régulier, à ce titre !

Pénible à presque tous les égards.

DIAL H FOR HERO #7, de Sam Humphries et Joe Quinones, Colleen Doran, Mike Avon Oeming, Erica Henderson et Stacy Lee


Ce septième épisode de Dial H for Hero est une parenthèse dans la série. Peut-être produit suite à l'annonce de la modification du titre, qui est passé de six à douze numéros. Peut-être pour permettre à Joe Quinones de souffler. Mais Sam Humphries en profite pour revenir sur l'heure où Mr. Thunderbolt a doté de super-pouvoirs tout Metropolis, et avec quelques artistes invités, s'amuse à réfléchir sur ce que cela a représenté pour quelques co-citoyens de Superman...


Pendant une heure, Mr. Thunderbolt, en possession du téléphone magique, a pourvu les habitants de Metropolis de super-pouvoirs, créant un chaos ahurissant. Mais qui en a vraiment profité comme Miguel, qui a sauvé la ville du crash d'un avion de ligne ?


Tony faisait son jogging en pensant à son petit ami Kevin lorsqu'il répondit à l'appel de Thunderbolt. Transformé en Sir Prize, il découvrit son compagnon dans les bras d'un autre homme. Dévasté, il trouva néanmoins du réconfort auprès d'autres individus également changés.


Tara était chez elle, malade, dans l'impossibilité de se soigner à cause de son assurance souscrite chez Lexcorp. Devenue Phanstama, elle partit se venger en terrorisant l'employé qui suivait son dossier, au point qu'il lui accorda les fonds pour qu'elle soit prise en charge.


Lucy, elle, s'était changée en chasseuse de monstres et sa première cible serait sa tante Rita, qu'elle savait responsable de l'empoisonnement de sa mère pour toucher son héritage. Hélas ! pour Lucy, Rita était devenue une créature trop puissante pour qu'elle l'arrête.


Enfin, Fiona avait été métamorphosée en détective Flamingo enquêtant sur l'Ange Gardien... Qui n'était autre qu'un brave chien. L'Opérateur du Heroverse se demandait encore qui serait son successeur tout en sachant que pour stopper Mr. Thunderbolt, il devrait leurs origines à tous les deux.

Je peux me tromper (DC n'a pas communiqué à ce sujet) mais il me semble évident que lé décision de l'éditeur d'accorder le statut de maxi-série en douze épisodes à Dial H for Hero a obligé Sam Humphries à modifier son intrigue. Cet épisode en témoigne qui revient sur les événements du précédent numéro comme pour gagner du temps, en invitant plusieurs dessinateurs à suppléer Joe Quinones (qui ne signe que deux planches) pour qu'il soit prêt à illustrer le second acte de l'histoire.

Pourtant, le résultat n'est pas un bouche-trou laborieux, mais une occasion pour le scénariste de creuser le thème de l'héroïsme, de manière à la fois ludique et lucide - car parmi les quatre cas sur lesquels il se penche, tous ne sont pas animés par de bons sentiments.

Dans Metropolis peuplé de milliers de super-héros pendant une heure, on croise des individus improbables, un vrai festival digne d'un carnaval, pour lesquels la situation va servir de révélateur plus ou moins douloureux.

Avec Colleen Doran, Humphries dresse le portrait d'un jeune homosexuel sous pression car il cherche par tous les moyens à correspondre à l'idéal masculin de son compagnon. Quand Mr. Thunderbolt lui offre la possibilité d'une transformation, il ignore de quelle nature elle va être mais il l'accepte car les termes choisis du manipulateur vont dans le sens de ses espoirs. Pourtant, c'est une déconvenue cruelle à l'arrivée, même si Tony trouve une épaule réconfortante ensuite.

Le look de Sir Prize, l'alter ego éphémère de Tony, est particulièrement kitsch, digne d'un défilé de la gay pride, mais l'écriture de Humphries évite toute moquerie et tire l'ensemble vers la fable, tandis que Doran ne s'économise pas en planches très fournies.

Avec Mike Avon Oeming, on a droit au segment le plus spectaculaire : l'artiste vole carrément la vedette au scénariste en produisant des pages aux compositions et au découpage hallucinant. Visiblement, le personnage de Phantasma l'a inspiré et on traverse ce passage ébahi.

La charge contre le système de santé et de couverture sociale américains est claire et sans appel. Et malgré son visuel dément, c'est paradoxalement la nouvelle la plus ancrée dans le réel du lot.

Avec Erica Henderson, on glisse dans un moment plus étrange, trouble. Lucy chasse des monstres bien humains, et sa quête de vengeance est finalement très noire. Le graphisme de la dessinatrice de The Imbeatable Squirrel Girl emprunte ici volontiers à celui d'européens (on pense à Sfar, Blain). C'est superbe.

Humphries démontre une fois encore la diversité des registres abordés en se servant du fantastique pour traiter de la famille. Magistral.

Enfin, le dernier segment dessiné par Stacy Lee est celui qui m'a le moins convaincu et plu. Je ne suis pas un fan du style manga, même si je reconnais que l'intégrer à un épisode spécial comme celui-ci n'a rien d'incongru. Mais surtout la morale de ces pages est faible, et même franchement niaise (le Saint-Bernard transformé en Ange Gardien). Bof.

Très étonnante sur la forme et variée sur le fond, cette pause dans la série n'est pas sans qualités. Toutefois, la suite directe de l'intrigue, et la promesse de révélations dramatiques sur Mr. Thunderbolt et l'Opérateur, nous mettent l'eau à la bouche. Vivement le mois prochain !

vendredi 27 septembre 2019

JUSTICE LEAGUE DARK #15, de James Tynion IV et Alvaro Martinez


L'arc de la guerre des sorcières se poursuit et confirme que James Tynion IV a franchi un palier important depuis la fin de la première "saison" de la Justice League Dark. On assiste à une vraie montée en puissance, avec un casting fourni, de multiples rebondissements et une ambiance de plus en plus horrifique - ce que j'espérai depuis le début du titre. Ajoutez Alvaro Martinez toujours aussi déchaîné au dessin et vous obtenez un must-read.


Wonder Woman a convoqué dans les archives du Hall de Justice Zatanna, Bobo, Swamp Thing, Man-Bat, Kent Nelson et Khalid Nassour. Elle demande à Swamp Thing de se connecter au Vert pour localiser Circé, avec l'aide de Bobo, Khalid et Man-Bat.


Puis l'amazone entraîne Zatanna et Kent Nelson dans les entrailles du bâtiment, à l'intérieur d'une pièce où elle a enfermé les plus dangereux artefacts magiques. Elle révèle avoir été contactée par Giovanni Zatara qui l'a mise en garde sur le danger qu'elle représentait car elle était toujours investie d'une part du pouvoir de Hécate.


Parmi les reliques magiques, se trouve le diamant noir d'Eclipso, à l'intérieur duquel il a été enfermé. Grâce à lui, Wonder Woman veut retourner sur la lune pour y inspecter la source des pouvoirs de Hécate et Zatanna et Kent Nelson doivent l'y aider.


Cependant, la mission de Swamp Thing dégénère de manière terrible pour lui. Repéré par Woodrue, qui négocie une alliance avec le Parlement des Fleurs, Alec Holland est vaincu par son ancien mentor et se décompose littéralement devant Bobo et Khalid Nassour.


Juste après, sous l'emprise maléfique de Klarion, Man-Bat s'injecte une nouvelle formule de son sérum et se transforme en un monstre difforme. Klarion et Salomon Grundy arrivent à Necropolis pour que la Mort y reconnaisse Circé comme nouvelle maîtresse... Alors qu'elle attend Wonder Woman sur la lune.

Cet épisode prouve la maîtrise narrative de James Tynion IV, très en verve pour ce qui s'annonce comme son histoire la plus ambitieuse depuis le début de son run sur Justice League Dark. Il sait conjuguer un rythme sans faille à un récit dense et épique, où ses héros sont en grande difficulté. La qualité de l'équipe adverse est redoutable et confère à l'ensemble un suspense imparable.

Si la première "saison" de la série (ses douze premiers épisodes) avait laborieusement démarré pour se conclure en beauté, on a clairement le sentiment que Tynion a mis le turbo d'entrée pour ce deuxième acte. En deux épisodes, il a établi les ennemis de la JLD et développé une multitude d'entrées correspondant aux menaces qui assaillent de toutes parts les héros.

Ainsi Wonder Woman s'affirme comme une vraie chef et a conçu un plan d'attaque audacieux. Trop sans doute quand on devine ce qui l'attend à la dernière page et ce qui a déjà eu raison de deux de ses partenaires. A ce sujet, Tynion lâche les chevaux et verse dans l'horrifique en n'épargnant pas Swamp Thing ni Man-Bat. La série devient flippante, comme ce qu'elle aurait toujours dû être. C'est comme si elle s'assumait enfin, qu'elle franchissait un palier. Et, si certains apprécieront sans doute moins, il me semble que c'est une direction plus naturelle.

L'épisode offre au lecteur une galerie de personnages, de situations et de décors que les dessins, magnifiques, d'Alvaro Martinez représente avec une efficacité exemplaire. L'artiste espagnol en a lui aussi sous le capot et visiblement, ce registre lui plaît car son imagination graphique aboutit à des images marquantes. La transformation de Man-Bat est particulièrement mémorable.

Le combat entre Woodrue et Swamp Thing est aussi magnifiquement découpé, avec des cases verticales et tangentes, qui sont spectaculaires, et aboutissent à une défaite d'Alec Holland tout à fait saisissante. 

La visite des profondeurs du Hall de Justice (dont les entrailles semblent décidément quasi-infinies, puisque, dans Batman / Superman #2, on découvre que Batman y a aussi installé une cellule pour le Batman-qui-rit) donne aussi l'occasion à Martinez, son encreur et son coloriste de nous faire apprécier leur génie du clair-obscur. Lorsque Wonder Woman, Kent Nelson et Zatanna sont éclairés par le diamant noir d'Eclipso, le résultat est franchement splendide.

Cette guerre des sorcières promet énormément et remplit parfaitement son contrat. Le seul risque est que, partie sur des bases aussi élevées, elle s'essouffle si elle s'étire trop. Mais Tynion paraît avoir retenu les leçons de sa précédente "saison", donc tous les espoirs sont permis.

jeudi 26 septembre 2019

POWERS OF X #5, de Jonathan Hickman et R. B. Silva


C'est déjà l'avant-dernier numéro de Powers of X, mais ne comptez pas sur Jonathan Hickman ni pour bâcler, ni pour délayer la sauce : cet épisode est encore plein comme un oeuf, avec des bonds dans le temps, des précisions cruciales, des situations clés, et des mystères qui s'éclaircissent. Le programme est copieux et superbement mis en images par RB Silva. C'est sans conteste le projet le plus abouti de Marvel cette année.


X-Men, An 1. Dallas, Texas. Charles Xavier rencontre Forge et lui demande de perfectionner Cerebro pour qu'il puisse, en plus de localiser des mutants partout dans le monde, recopier leur esprit. Xavier offre à Forge une source d'énergie illimitée, provenant des Shi'ar, pour développer ce projet.


X-Men, An 10. Paris, le Louvre. Emma Frost est abordée par le Pr. X et Magneto qui lui révèlent leur plan impliquant Krakoa. Sur place, elle accepte de participer à leur entreprise en devenant la distributrice, via le Club des Damnées, des drogues miracles produites par l'île.


Il lui est aussi demandé de convaincre Sebastian Shaw de devenir le porte-parole de la Nation X avec les pays qui ne reconnaîtront pas sa souveraineté. Pour la convaincre, X et Magneto offrent deux places (sur douze) au conseil de Krakoa, leur gouvernement provisoire. Elle en obtient une troisième.


Le Pr. X bat le rappel des mutants en les invitant tous à Krakoa. Amis et ennemis sont conviés pour bâtir un refuge. Mais un seul refuse : Namor fait remarquer à X qu'il adopte une position similaire à la sienne depuis des années, sans en mesurer les conséquences.


X-Men, An 1000. Les Phalanx acceptent d'intégrer les bibliothécaires dans leur structure en les y assimilant. Pour cela, il tue leur Ancien. La structure est prédatrice mais offre une protection aux bibliothécaires. Seuls deux entités effraient les Phalanx : Galactus... Et le Phénix.

Powers of X intervient souvent depuis le début de sa parution comme une sorte de complément à House of X, avec des sortes de scènes coupées, ou de making-of. Ce que HoX montre, c'est l'action, le mouvement. PoX, souvent les coulisses de ces manoeuvres, l'avant ou l'après, les rectifications effectuées en fonction des connaissances héritées des multiples vies de Moira McTaggert.

C'est particulièrement flagrant dans cet épisode qui revient sur des faits, de plus ou moins grandes importances en termes dramatiques, mais déterminants pour la compréhension de l'ensemble. On peut y observer la construction d'éléments purement mécaniques comme d'autres, plus symboliques ou politiques. Et cette scrutation de l'intérieur est fascinante. On a vraiment l'impression de relire l'histoire sous un autre angle, quelquefois plus intimiste, plus secret. C'est la petite histoire de la grande Histoire.

Jonathan Hickman a aussi conçu PoX comme une mini-série plus expérimentale, plus ludique, plus cryptique aussi. On s'y déplace dans le temps, à travers un chapitrage basique, avec des stations souvent éloignées les unes des autres, qui nous permettent d'apprécier l'évolution du projet de Nation X, les enseignements qu'ont tirés Magneto et Xavier des informations de Moira, les alliances scellées, les manipulations tactiques, et leurs répercussions dans un futur éloigné. Tout le processus de PoX est celui d'un grand architecte, pour qui tout est lié, et pour qui tout est édifice, alliance, ascension.

On démarre avec une scène entre Xavier et Forge au sujet de Cerebro qui dévoile la progression technologique de ce casque détecteur de mutants en une machine capable d'enregistrer leur âme et de la réinjecter, comme on l'a vu lors de la résurrection des huit X-Men tués en mission sur la station Orchis (HoX #4). Forge est un mutant dont le génie s'applique précisément aux machines, il vit dans un gratte-ciel à la réalité augmentée, entourée d'animations hyper-réalistes recopiant un environnement propice à ses créations - ici des fonds marins (ce qui me semble être une allusion préparatoire à une scène ultérieure entre le Pr. X et Namor, littéralement dans les profondeurs aquatiques).

Hickman, parmi toutes les qualités qu'il a déployées pour ce projet, se distingue par l'emploi de personnages secondaires auxquels il donne un rôle décisif. On l'a vu avec Cypher (qui est devenu l'interlocuteur de Krakoa), Mr. Sinister (le généticien qui a permis la résurrection des mutants), et bien entendu Moira McTaggert. Forge a été un membre actif des X-Men mais aussi un personnage trouble, qui, à cause d'une arme qu'il avait conçue, a un temps privé Tornade de ses pouvoirs (un chapitre mémorable pour les fans de ma génération dans le run de Chris Claremont). Ici, il est mis en scène à la périphérie et tardivement dans le déroulement de l'histoire, mais pour un usage déterminant (son nom a été précédemment mentionné pour la biotechnologie de Krakoa). Et une data page décrit encore plus l'amélioration qu'il a portée à Cerebro, ainsi que la création de divers "berceaux", depuis lesquels cet appareillage complexe est conservé.

Ensuite, nous avons droit au coeur de l'épisode, une séquence en trois temps, longue et passionnante. Emma Frost y tient la vedette. Jusqu'à présent, la reine blanche du Club des Damnés n'est que peu apparue, et pourtant Hickman a déclaré qu'elle était sa X-Woman favorite. C'est donc l'occasion de le prouver, et c'est fait en beauté.

Quel rôle joue-t-elle sur l'échiquier ? On l'a vue aux premières loges dans HoX #5, lors du vote aux Nations Unies pour la reconnaissance de Krakoa comme Nation mutante, et sa complicité avec le Pr. X était troublante (au point que le premier pardonnait, étonnamment, l'influence exercée par la seconde sur le vote). Cette fois, on assiste à la manière dont X et Magneto l'ont intégrée à leur plan d'ensemble. Elle y fait office de manager, de femmes d'affaires, et cette nuance modifie intelligemment le regard porté sur le Hellfire Club et sa reine blanche (au passage, une mention dans le dialogue indique que cette scène intervient après le récent one-shot X-Men Black : Emma Frost, où Emma délogeait Sebastian Shaw de son trône de Roi Noir).

En effet, à elle le Pr. X confie le soin de commercialiser les drogues miracles produites par Krakoa et distribuées aux pays ayant reconnu la souveraineté de l'île comme Nation X. Hickman, une fois encore, fait preuve d'habileté pour donner une place à part entière à un pan (à ma connaissance) inexploité chez les mutants : pour être pris au sérieux sur un plan économique, ils établissent donc une sorte de comptoir, depuis lequel s'écoulera leur production, leur richesse naturelle. Le scénariste a posé Krakoa comme un refuge, un pays, il en fait désormais une place financière. D'une certaine manière, c'est ce qui manque à toutes les équipes de super-héros classiques : souvent financées par un de leurs membres disposant de gros moyens (Batman pour la Justice League, Iron Man ou Black Panther pour les Avengers) ou alors au service d'un Etat comme un groupe d'intervention gouvernemental, elles sont en vérité des satellites, tiraillés entre leur envie de rester indépendantes et leur loyauté au pays dont sont originaires la majorité de ses membres (donc souvent les Etats-Unis). Et quand les éditeurs tentent d'animer des formations plus atypiques (comme avec les Inhumains), l'exploration de la société est négligée (on se rappellera que Marvel, lorsqu'il a voulu développer la franchise Inhumains, ambitionnait d'en faire un équivalent comics de Game of Thrones. Ce fut un échec, car les scénaristes n'ont jamais trouvé le moyen de dérouler des séries de cette ampleur.).

Mais Emma Frost ne devient pas que la ministre du commerce de Krakoa. Elle accepte de ramener dans la partie Sebastian Shaw, qui, lui, est sollicité pour devenir une sorte de ministre des affaires étrangères, en particulier pour parler (et négocier) avec des pays qui ne reconnaissent pas la souveraineté de Krakoa. C'est très malin, parce qu'ainsi la nature du personnage est conservée (une sorte d'intrigant peu fréquentable mais utile) tout en entretenant un partenariat avec les chefs mutants et sa rivale affichée. On devine tout le potentiel de la situation (et la future série Marauders de Gerry Duggan semble celle où tout cet aspect sera développé, avec un groupe de mutants au secours de leurs semblables dans des endroits à risques, financée par Frost et signalée par Shaw). Tout ça est fabuleusement excitant, et quand un scénariste réussit à piquer l'intérêt du lecteur, y compris pour des titres qu'il ne conduira pas, c'est fort.

Enfin, un troisième temps a lieu avec l'invitation de Xavier à tous les mutants de la Terre à venir s'installer à Krakoa. Cela a abouti à la scène finale de HoX #5, avec Apocalypse en chef de cortège d'une première vague d'anciens ennemis des X-Men ayant répondu favorablement. Il me semble évident que l'idée est à la fois celle de Xavier mais plus encore celle de Magneto car qui mieux que le maître du magnétisme a pu inspiré au Pr. X qu'il faut mieux avoir ses ennemis à portée de vue, voire même s'allier à eux, plutôt que de les tenir à distance et entretenir l'adversité. Il n'empêche, c'est une vraie poudrière, et sans doute que la future série X-Men (écrite par Hickman) s'appuiera là-dessus en partie (même si Apocalypse figure dans la nouvelle incarnation d'Excalibur).

Le scénariste a promis avant la parution de Powers of X #5 le retour du mutant que tout le monde attend. Et cette guest-star n'est autre que Namor (ce qui signifie que Hickman lui a conservé son statut de mutant). La scène, brève, mais intense, entre le prince des mers et X est exceptionnelle. Xavier implore presque Namor de "rentrer à la maison", Namor réplique sèchement en expliquant au professeur qu'il va devenir ce que, lui, est depuis toujours, quelqu'un préférant vivre à l'écart des humains. Mais le télépathe mesure-t-il l'importance de sa résolution ? Sans doute que oui, considérant les informations dont il dispose grâce à Moira McTaggert. Mais dans la bouche de Namor, et eut égard à ce qu'il traverse actuellement dans des séries comme Avengers (de Jason Aaron) et Invaders (de Chip Zdarsky), cela prend un relief particulier.

En effet, depuis plusieurs mois, Namor est redevenu une sorte de méchant, qui se bat avec une équipe pour protéger les océans, qu'il revendique comme son domaine exclusif. Il n'a pas hésité pour cette cause à tuer (donc à devenir un méchant) et à s'opposer à des amis d'hier (son amitié avec Captain America est désormais entamée comme jamais). Surtout les divers auteurs qui ont utilisé Namor semblent lui avoir conféré un regain de puissance notable (il a tenu tête, sans difficulté, à lui seul, tous les Avengers d'Aaron, qui compte des big guns comme Captain Marvel ou She-Hulk, voire Ghost Rider). Ainsi upgradé, Namor n'est pas seulement un bad guy en liberté, mais un adversaire qu'il convient de ne vraiment pas prendre à la légère. Une piste pour une future bataille entre X-Men et le prince des mers (comme avec Black Panther, puisque le Wakanda n'a pas reconnu Krakoa aux Nations Unies ?)? En tout cas, Namor figure ici comme l'égal, au plan politique, autoritaire, de Xavier, Magneto, Apocalypse - ce n'est pas un mutant de plus, mais un des leaders, qui fait sécession. Un authentique échec au tableau des conquêtes du Pr. X.

Cette longue séquence centrale est formidablement dessinée par RB Silva, peut-être ses meilleures pages depuis les premiers numéros avec les chapitres futuristes de l'An 100 (sur lequel Hickman n'est pas revenu depuis le braquage des archives de Nimrod et la fin de la neuvième vie de Moira). Silva anime Emma Frost avec un plaisir évident, sachant lui conserver sa séduction dangereuse tout en composant des plans où elle est face à Xavier et Magneto, des hommes à sa mesure.

L'artiste favorise les plans rapprochés sur la reine blanche pour souligner les émotions, les expressions du personnage. C'est une femme qui ne s'en laisse pas compter, moins froide, moins dans la retenue, qu'on a pu le voir auparavant (elle s'emporte immédiatement quand on évoque l'idée de rassembler tous les mutants à Krakoa - en souvenir de l'échec d'Utopia ?). Mais elle demeure surtout une négociatrice féroce, capable d'arriver à ses fins sans efforts (irrésistible moment où Magneto revient instantanément sur le pourcentage qu'il accorde à Emma pour les affaires qu'elle devra conduire).

Silva ne néglige pas non plus les décors (les simulations dans le labo de Forge, splendides). Il reproduit superbement la Victoire de Samothrace au Louvre, puis la végétation luxuriante de Krakoa, avant de passer au cadre hyper-futuriste de l'An 1000. Et la colorisation de Marte Gracia lui convient aussi bien qu'à Pepe Larraz.

Il est donc temps de dire un mot de la fin de l'épisode, située donc dans le futur lointain, avec les bibliothécaires des archives de Nimrod et les Phalanx. Depuis le début, Hickman entretient une écriture cryptique sur cette partie du récit, sauf que cette fois on commence vraiment à y voir plus clair. 

Le lien entre cette époque et les précédentes ne sautait pas aux yeux, mais il est question d'assimilation et de développement et de protection. Assimilation à une structure vaste, riche et puissante comme les X-Men pour tous les mutants hier, et avec les Phalanx ensuite. Développement parce que cette assimilation doit aboutir à une progression pour les bibliothécaires, dont le système sociétal est arrivé à son terme, voire commence à régresser dangereusement, tout comme les mutants se réorganisent dans le passé par rapport aux échecs répétés vécus par Moira dans ses vies antérieures. Et protection car les Phalanx assurent une sécurité aux bibliothécaires dans un concert cosmique où pour survivre, perdurer, il faut être absorbé par plus gros que soi, de la même manière que les mutants du passé ont fait de Krakoa leur refuge.

Surtout, dans un dialogue entre une réplique de Nimrod et un bibliothécaire, on comprend ce que Hickman a derrière la tête (semble-t-il). Les Phalanx représentent une force complexe, une singularité. L'étape presque ultime dans l'évolution. Mais surtout l'ampleur de cette structure apparaît dans son aspect qui ressemble à une chaîne déployée sur plusieurs galaxies et (peut-être) dimensions. Cependant, deux bémols apparaissent : d'abord, avec la scène où le doyen des bibliothécaires est dévoré par les Phalanx après qu'ils aient accepté d'accorder l'ascension, ce qui signifie que ce sont des protecteurs mais aussi des prédateurs. Et ensuite, et là c'est également très excitant pour ce que ça suggère, parce que les Phalanx ne craignent que deux choses, deux puissances qui leur sont supérieures : Galactus (lui-même un dévoreur) et... Le Phénix (pas besoin de vous faire un dessin pour expliquer le lien avec les X-Men, leur mythologie, leur malédiction la plus fameuse). 

Encore une fois, c'est une longue entrée que je consacre à la série. Mais c'est tellement dense, passionnant, il y a un tel potentiel, Hickman sait tellement bien piquer notre intérêt et inspirer nos réflexions sur sa réfection de l'univers mutant, qu'il est impossible de n'effectuer qu'un survol critique classique. C'est une oeuvre qui motive le commentaire, l'analyse, l'extrapolation, l'hypothèse. C'est ce qui pouvait arriver de mieux aux X-Men.  

mardi 24 septembre 2019

BLACK HAMMER : AGE OF DOOM #12, de Jeff Lemire et Dean Ormston


La fin annoncée de Black Hammer : Age of Doom est donc bien effective avec ce douzième numéro. Même si Dark Horse et Jeff Lemire promettent qu'il y aura d'autres spin-off, c'est quand même une page qui se tourne, une grande aventure qui se conclue. Une fin satisfaisante, avec bien entendu Dean Ormston au dessin, mais qui ne saurait consoler les fans...


Abraham, Barbalien, Gail et le colonel Weird ont retrouvé Mme Dragonfly dans un pavillon de banlieue où elle a refait sa vie. Mais sans perdre la mémoire, dans cette réalité réécrite, grâce à sa magie. Elle tombe le masque, tout en jurant ne rien pouvoir faire contre le retour de l'Anti-Dieu.


Si elle a effacé une nouvelle fois les souvenirs de ses partenaires, c'était pour leur permettre comme elle de refaire leur vie, de goûter au bonheur. Celui-ci est menacé par l'ennemi encore. Et si, comme le suggère Lucy Weber, la solution n'était pas dans le combat, mais dans la disparition ?


La fille de Black Hammer a compris que l'Anti-Dieu et l'équipe dépendaient l'un de l'autre. L'affronter n'avait rien réglé la première fois. Mais si les héros quittaient cette dimension, alors le problème serait résolu. Mme Dragonfly ouvre un portail dimensionnel...


Abe est à la ferme de Rockwood, marié à Tammy Trueheart. Ils reçoivent leur fils Mark (Barbalien) avec son compagnon, Paul Quinn. Et leur fille, Gail. Celle-ci retrouve vite le petit voisin, Sherlock (Frankenstein) pour jouer.


Toute la famille passe à l'intérieur. Abraham reste encore un bref instant dehors, savourant son bonheur. A Spyral City, Lucy Weber/Black Hammer veille sur la ville où le calme est totalement revenu.

Depuis que j'ai découvert Black Hammer, sa lecture m'a procuré parmi les meilleurs moments de ces dernières années dans la production comics. Cette série réunissait le meilleur des deux mondes, avec ses références aux héros mainstream et son ton résolument indépendant. L'oeuvre de Jeff Lemire et Dean Ormston (qu'il faut créditer comme co-créateur et pas seulement comme dessinateur) a, je pense, produit le même effet chez ceux qui l'ont suivie : de la curiosité d'abord, puis une addiction jamais démentie.

En annonçant, lors de son onzième épisode, que la fin était pour le prochain numéro, les auteurs nous ont pris par surprise (car on imaginait sans mal qu'il y avait encore de quoi tenir un bon moment) et en même temps ont fait preuve d'une intégrité exemplaire, en sachant conclure plutôt que de presser le citron et surfer sur un succès acquis depuis un moment.

Il n'empêche, ce terminus programmé chagrinait. Quand on aime, on ne compte pas, et surtout on ne veut pas que ça cesse. Les concepts développés par l'histoire sont si riches que Black Hammer pouvait encore durer un moment, voire même entamer un troisième acte après Age of Doom. D'autant plus que les séries dérivées continuent de paraître (comme l'actuel crossover avec la Justice League, Hammer of Justice !, et que d'autres sont en vue).

Mais dans un monde où les séries sont justement majoritairement des ongoing, illimitées, épuisant tout leur charme dans des relaunchs voire des reboots, finir, c'est aussi, pour des créateurs, dire au public que le format traditionnel n'est pas une norme incontournable. C'est aussi se mettre au défi de bien conclure. Dignement.

De ce point de vue, le dénouement de Black Hammer : Age of Doom est exemplaire. Il forme une sorte de boucle, qui ramène le lecteur et les héros au point de départ, tout en introduisant de subtiles variations. Et ce sont dans ces petits changements dans la continuité que se loge toute l'émotion. Il apparaît ainsi que Mme Dragonfly, qui a été le personnage le plus ambigu du lot, se révèle le plus bouleversant, et qu'elle se sacrifie pour sauver ses amis et le monde. C'est si discret, si pudiquement écrit qu'on ne le mesure pas complètement en le lisant : il faut le relire et analyser l'ensemble de l'épisode pour le saisir.

Lemire imagine aussi une issue pour Barbalien très sentimentale et malicieuse, à laquelle il associe Gail - et Sherlock Frankenstein. C'est tout à fait savoureux mais surtout très malin, mais sans ostentation. La scène finale est étrange et apaisante à la fois, on peut l'interpréter de bien des manières et je vous laisse donc cette liberté sans vous imposer mon avis. De toute façon, si la série nous apprend quelque chose, c'est de nous laisser porter par le fil du récit. Peut-être est-ce nous, les vrais habitants de la Para-Zone, qui avons assisté aux périples de cette équipe, et où a peut-être été renvoyé le colonel Weird et son robot Talky Walky...

Cette retenue s'applique au dessin de Dean Ormston. Je dois l'avouer, j'ai mis du temps à m'habituer à son style, à l'apprécier. On peut trouver qu'il n'est pas assez joli, pas assez beau, pas assez ceci ou cela. Mais finalement, en nous glissant entre les doigts, en échappant à la critique, c'est un dessin fuyant qui correspond idéalement à une série qui, elle-même, se dérobe, nous désoriente, nous déroute, nous défie.

Ormston est en tout cas, ça, j'en suis sûr, un narrateur impeccable. Il fait l'effort constant de rester toujours lisible, accessible, simple. Grâce à cela, Black Hammer évite le piège de la BD "auteuriste" trop bizarre pour séduire totalement, ou élitiste pour ne plaire qu'à un certain public. Sans la rigueur d'Ormston, sans doute le projet aurait-il été trop absurde, trop déjanté, trop difficile à suivre tout bonnement.

Ormston sert le script, l'histoire. C'est tout ce qui compte - et tout ce qui devrait compter. Lorsque Mme Dragonfly est démasquée, il ne met pas en scène ce moment de manière théâtrale : au contraire, il insiste sur la lassitude, la peine, le remords de l'héroïne. La confession qui suit sur l'amour qu'elle porte à ses amis, le mal qu'elle leur a fait pour leur bien, devient poignant. On lui pardonne alors tout comme les autres héros, désarmés.

Une seule fois, l'artiste lâche les chevaux quand ses personnages quittent notre dimension, mais la représentation du portail dimensionnel (Mme Dragonfly elle-même) est plus poétique formellement que spectaculaire. Ce refus du tape-à-l'oeil est superbe, un vrai pied-de-nez aux habitudes de bien d'autres dessinateurs pour qui une double page doit en mettre plein la vue au mépris de la narration et du sens du récit, de la cohérence générale du projet.

Il n'y a donc pas de grande bataille finale contre l'Anti-Dieu (et Lemire le justifie sans appel dans l'épisode). L'émotion contenue, l'impression de félicité dominent. Jusqu'au bout Black Hammer n'aura rien fait comme les autres. Tant mieux.  

vendredi 20 septembre 2019

SUPERMAN #15, de Brian Michael Bendis et Ivan Reis avec Brandon Peterson


Derrière cette couverture un peu rétro par sa composition se trouve la conclusion de la (très) longue Unity Saga, démarré par Brian Michael Bendis quand il a repris la série Superman. Après les derniers numéros un peu hasardeux, le scénariste livre un dénouement satisfaisant, magnifiquement illustré une fois de plus par Ivan Reis (qui va pouvoir souffler un peu).


Superman observe Rogol Zaar placé en stase par les autorités de Thanagar. Adam Strange le rejoint et s'enquiert de la situation : il apprend que la Légion des Super Héros est apparue inopinément et a fait une offre surprenante à son fils, Jon Kent.


Mais ces jeunes héros du XXXIème siècle sont arrivés un peu trop tôt car les différentes délégations planétaires présentes sur Thanagar n'avaient pas encore accepté l'idée de Superboy de se rassembler en Nations Unies de l'espace.


Néanmoins, grâce à la promesse de Superman de veiller à la représentation de tous, un consensus est voté et Superboy fête le Jour de l'Unité, confirmant par là même l'inspiration à l'origine de la création de la Légion. Celle-ci lui accorde 24 heures de réflexion pour décider s'il se joint à elle.


Mais Adam Strange est aussi et surtout là pour annoncer que le conseil galactique a prononcé son jugement vis-à-vis de Jor-El et de ses nombreuses infractions. Il a été décidé de le renvoyer dans le passé, au moment de la destruction de Krypton.
  

Bien qu'il n'ait pu ni défendre ni dire "au revoir" à son père, Superman se plie au verdict. Il accepte ensuite la trêve soumise par le général Zod, qui veut bâtir une nouvelle Krypton. Supergirl, Krypto, Superboy et Superman rentrent sur Terre.

Compte tenu de sa durée (quinze mois !), il est indéniable que cette saga a souffert de longueurs et on accueille sa conclusion avec soulagement (on va enfin pouvoir passer à autre chose) sans manquer de constater que Brian Michael Bendis expédie un peu son affaire sur certains points.

C'est en effet le curieux sentiment qu'on éprouve : le scénariste paraît avoir voulu tourner la page un peu vite après avoir bien pris son temps auparavant. Peut-être en avait-il lui aussi assez... 

Par exemple, la densité de l'épisode n'élude pas le règlement de certaines pistes narratives dont on avait fini par se demander comment Bendis les solderait. Rogol Zaar finit donc placé en stase sur Thanagar, mais alors qu'on apprend, au détour d'une ligne dialogue, qu'il a été "créé" par Jor-El (quand il était membre du Cercle donc), le sujet en reste là. Pour ma part, je ne regretterai pas ce méchant lassant, mais j'aurai préféré que Bendis en dise plus sur ses origines au lieu de multiplier ses affrontements avec Zod et Superman.

Le sort réservé à Jor-El est aussi brusque. Personnellement, la mort du père de Superman ne me dérange pas car je n'ai jamais aimé l'idée qu'il ait survécu et se comporte comme un magouilleur. Mais les circonstances de sa condamnation laisse perplexe car elle est décidée alors que le conseil galactique vient juste d'accepter l'idée de Nations Unies de l'espace. Commencer par tuer la grand-père de l'adolescent (Superboy) qui a inspiré cette institution ne me paraît pas très adroit. Superman a tout intérêt à surveiller les instances de cette assemblée dans l'avenir pour éviter qu'elle ne tranche toutes les têtes qui dépassent.

A côté de cela, Bendis marque des points. Et le plus important concerne la Légion des Super Héros. Son apparition le mois dernier était un peu providentielle et ressemblait à un teaser forcé pour la série à paraître en Novembre. Mais cette fois, le scénariste traite leur intervention avec humour et surtout se donne un peu d'air avant d'exfiltrer Superboy vers le XXXIème siècle. (En clair, le #16 verra l'ultime réunion des "Super Sons" et certainement une explication avec Lois Lane.)

De même le cas du général Zod demeurait une inconnue. Ennemi puis allié de Superman face à Rogol Zaar, mais animé par une rancune tenace envers Jor-El, qu'allait-il faire, devenir ? Bendis choisit de pacifier la situation entre l'officier renégat et Superman, de manière assez habile, avec une morale à laquelle il est facile de souscrire ("ne répétons pas les erreurs de nos pères.").

Et enfin, visuellement, l'épisode est de toute beauté : Ivan Reis accomplit encore un remarquable travail, très détaillé, ne lésinant pas sur la figuration (très conséquente !) et des scènes intimistes traitées avec sobriété.

Superman est vraiment au coeur de cet épisode et Reis le représente à la fois en grand rassembleur, sage, qui en impose, mais aussi en fils brisé, en père inquiet, en ami chaleureux. C'est une image synthétique du personnage, qui prouve que l'artiste, comme le scénariste, l'a bien saisi.

Curieusement, Reis cède sa place, le temps de deux pages, à Brandon Peterson dans la scène où Jor-El revient sur Krypton et lorsque la planète explose. Le dessinateur brésilien a-t-il manqué de temps ? Ou bien a-t-on voulu que, graphiquement, ces deux planches se distinguent du reste ? Ce n'est pas choquant en tout cas.

De tout ça se dégage une impression de fin de "saison". La série va prendre un nouvel élan, en souhaitant que le prochain arc narratif soit plus concis. Et que les remplaçants (David Lafuente et Kevin Maguire) de Reis (qui revient en Décembre) soient à la hauteur.     

jeudi 19 septembre 2019

HOUSE OF X #5, de Jonathan Hickman et Pepe Larraz


Avec ce cinquième et pénultième épisode de House of X, nous entrons dans le dernier quart du projet de Jonathan Hickman (puisqu'il ne reste que quatre épisodes à paraître, toutes séries confondues). Et cette dernière ligne droite se dessine nettement cette semaine avec un numéro qui synthétise pas mal d'idées et ouvre d'ultimes portes. Le résultat est encore une fois emballant, et magnifiquement mis en images par Pepe Larraz, au diapason de son scénariste.


Krakoa. Polaris et son père, Magneto, assistent à la cérémonie des Cinq : Goldballs, Proteus, Hope, Elixir et Tempus redonnent vie aux huit X-Men abattus lors de la mission sur la station Orchis. Le professeur X achève le processus en leur rendant la mémoire.


S'ensuit une présentation, par Tornade, devant le peuple mutant. Les Cinq sont acclamés comme des faiseurs de miracles puis les huit ressuscités sont réintroduits dans la communauté en héros. Magneto hésite à se réjouir complètement car, le lendemain, a lieu un important rendez-vous.


Mais Charles Xavier est confiant, galvanisé par ce qu'ils ont déjà accompli. Aux Nations Unies a lieu le vote pour la reconnaissance de la Nation X. Emma Frost a préparé le terrain en compagnie du Fauve notamment.


Krakoa est admis dans le concert des pays de l'institution, avec l'intervention évidente d'Emma Frost, qui a influencé certains ambassadeurs. Xavier s'en accommode car ceux qui ont rejeté Krakoa sont identifiés et minoritaires donc. Et il a même prévu de grandes responsabilités pour la Reine Blanche.


Deux jours plus tard. Malgré les réticences de Wolverine, Xavier passe à une nouvelle étape en ouvrant les portes du refuge mutant à ses pires ennemis. En échange de leur promesse sacrée pour préserver Krakoa et se plier aux règles de la communauté, Apocalypse et d'autres sont accueillis.

Le succès commercial aidant, House of X (tout comme Powers of X) a tout pour devenir un jalon important dans l'histoire éditoriale des X-Men, comme l'ambitionnait Jonathan Hickman. Le scénariste a en effet totalement repensé la franchise en partant des fondations et en en développant le concept. C'est comme si la machine, bien grippée, re-fonctionnait comme au premier jour. Un miracle.

Le miracle est au coeur de l'ouverture de cet épisode puisqu'on assiste à la résurrection des huit X-Men morts sur la station Orchis. Et, comme je l'avais imaginé, tout renvoie à la toute première scène du premier épisode de HoX lorsque le Pr. X évoluait dans les entrailles de Krakoa et assistait à l'éclosion de cocons. La série est bâtie comme un fabuleux jeu sur la temporalité, entre la révélation des multiples vies de Moira McTaggert, le saut dans les futurs (dans cent et milles ans), et donc jusqu'à ce flash-forward inaugural qui trouve son explication dans ces pages.

Hickman emploie magistralement des mutants qui embarrassaient bien des scénaristes comme Hope Summers, Tempus et Goldballs (créés par Bendis dans ses Uncanny X-Men), ou même Proteus. Le rôle qu'il leur distribue est tout bonnement génial et permet de faire passer la résurrection des X-Men comme une lettre à la poste, tout comme il assigne à Cerebro une fonction insoupçonnée et pourtant évidente.

Mais ce qui suit est peut-être encore plus passionnant. On a droit à une célébration étonnante avec Tornade dans une partition tout à fait inédite. Faire de Ororo une sorte de pasteur qui enflamme une assemblée de mutants comme dans une église produit un effet ébouriffant. Et un soupçon de malaise bienvenu, car soudain la communauté des X-Men nous apparaît clairement comme une sorte de congrégation quasi-fanatique, exultant de manière presque hystérique, devant des faiseurs de miracles et des héros revenus d'entre les morts.

Nus comme des vers, Cyclope, Jean Grey, Nightcrawler, Angel, Wolverine, Husk, Monet, Mystique sont des divinités païennes troublantes, anges et démons, monstres et surhommes, encore maculés de la substance des oeufs dont ils viennent de sortir, à peine conscients. Ce sont des clones, mais avec une conscience préexistante, leurs âmes originelles restaurées comme leurs corps. Hickman ne mentait pas en donnant à Magneto cette réplique à la fin de HoX #1 comme quoi l'humanité avait de nouveaux dieux désormais.

Par ailleurs, le retour des morts renvoie à la rencontre entre Xavier, Magneto et Mister Sinister dans PoX #4 la semaine dernière : on comprend pourquoi Nathaniel Essex a été chargé de collecter l'ADN de tous les mutants, tout comme nous est dévoilée la fonction précise et le lien des Cinq, véritable entité à part (par exemple, Goldballs, mutant au pouvoir grotesque, devient un élément beaucoup plus riche que ne l'avait sans doute imaginé Bendis, et Hope assume elle aussi un rôle bien moins symbolique). Tout est si bien fichu, échafaudé dans le projet de Hickman qu'on ne peut qu'être impressionné - et ravi.

L'épisode s'ouvre par un dialogue entre Polaris et Magneto (cela induit-il que Hickman a décidé de revenir sur la retcon comme quoi Magneto n'était plus le père de Quicksilver et Scarlet Witch ? On verra. La question se pose aussi sur le statut de Namor, requalifié comme mutant depuis quelques années, mais totalement absent depuis le début de HoX-PoX.). Cet échange porte sur ce qui donne son titre à l'épisode : la notion de société, qui est la seule valablement conservée par les mutants.

Dans le contexte actuel, il s'agit d'un terre conquise et reconnue, dont les habitants ne peuvent plus être ignorés ni chassés. Et c'est l'enjeu de la deuxième partie de l'épisode quand les Nations Unies votent pour la reconnaissance officielle de Krakoa. Là encore, on a droit à quelques surprises sur la méthode : le Pr. X devine qu'Emma Frost a influencé les votes mais ne s'en formalise pas trop - au contraire, il promet même à la Reine Blanche un poste à responsabilité dans un futur proche.

Bien entendu, une telle attitude va encore nourrir les doutes sur la personnalité de Xavier, qui assume une part de manipulation de plus en plus évidente, un façon de suggérer que "la fin justifie les moyens" - la citation en exergue de l'épisode est encore plus explicite : le Pr. X y dit que la différence entre les mutants et les humains, c'est que les mutants n'ont jamais eu le choix jusqu'à présent... Une data page précise ensuite la liste des pays ayant rejeté la reconnaissance de la Nation X (parmi eux, le Wakanda - une piste pour un conflit à venir ?).

Enfin, la troisième partie de l'épisode ne dépareille pas puisque Xavier et Magneto ouvrent les portes de leur refuge (leur arche) à leurs anciens ennemis. Si Krakoa est le pays des mutants, la Terre Sainte de la "mutanité", alors tous les enfants de l'atome doivent pouvoir y résider. L'idée est dangereuse malgré sa générosité : en accueillant Apocalypse, Mister Sinister et d'autres canailles, Xavier n'ouvre-t-il pas la porte aux loups ? Un serment suffira-t-il à étouffer les ambitions politiques ou les divergences idéologiques d'hier ? J'ai pourtant le sentiment que Hickman procède de la sorte avec une intention ferme (et louable) de ne plus dresser les mutants les uns contre les autres afin de renouveler les futurs adversaires des X-Men. Car c'est aussi cela qui a fini par étrangler la franchise : les mutants ne faisaient que s'affronter entre eux, à coups de virus, de voyages dans le temps, de possessions - alors qu'ils sont aussi des aventuriers partant dans l'espace, des héros traditionnels, des experts (qui, si on les avait consultés au lieu de les provoquer, auraient pu éviter des crises - pensez à Avengers vs X-Men si Captain America avait demandé l'aide de Cyclope plutôt que de débarquer sur Utopia en réclamant Hope).

Visuellement, il faut mieux assurer quand on a un script d'une telle qualité et Pepe Larraz sort une nouvelle fois le grand jeu. L'espagnol restera comme la grande révélation/confirmation de HoX, il franchit un palier dont il faut espérer que Marvel ne le gâchera pas en cramant l'artiste sur des events débiles.

Dernièrement, sur Twitter, Bryan Hitch remarquait à quel point Immonen avait influencé les artistes Marvel ces dix dernières années et Larraz en est un des exemples. Il n'imite pas le canadien mais a su en s'inspirer de sa narration intelligemment, notamment dans des plans grandiosement composés. La figuration abondante ne lui fait pas peur et il l'exploite avec adresse pour donner toute l'ampleur requise dans des scènes clés (la première partie à Krakoa, avec la prêche de Tornade).

Le trait de Larraz emprunte aussi aux rondeurs d'un Alan Davis, à la souplesse de ce dernier. Les personnages masculins sont souvent athlétiques, avec des exceptions notables (Xavier), les femmes divinement roulées mais sans être objectivées sexuellement. Tout est justifié dans la mesure où l'histoire définit les protagonistes comme des êtres divins, des créatures révérées par les leurs. C'est ainsi qu'auraient dû être mis en images les Inhumains quand il s'agissait ostensiblement d'en faire les remplaçants des X-Men. Larraz, avec Hickman, en fait les Néo-Dieux du MCU.

L'iconographie religieuse est abondante dans la lecture des X-Men selon Hickman et Larraz, sans pourtant tomber dans une imagerie bondieusarde. Il s'agit d'incarner plus organiquement les acteurs de l'histoire, jamais de tomber dans une représentation trop éthérée ou chargée de symboles. Ce rôle est laissé à la couleur quand Marte Gracia enveloppe d'une lumière céleste, plus signifiante, l'entrée des méchants à Krakoa, mais, tout compte fait, ça reste discret. Sinon, l'aspect charnel, sensuel même, prévaut (souligné par des teintes chaudes).

Je me répète, mais bien volontiers, semaine après semaine, mais c'est une indiscutable réussite. Pas seulement ponctuelle, me semble-t-il, mais appelée à faire date.

    

dimanche 15 septembre 2019

BLACK HAMMER / JUSTICE LEAGUE : HAMMER OF JUSTICE ! #3, de Jeff Lemire et Michael Walsh


Hammer of Justice ! arrive à mi-chemin de son intrigue et Jeff Lemire épate toujours par son sens du récit. Pas à dire, ce diable de scénariste sait mener son affaire et il est actuellement bien le narrateur le plus excitant à suivre. Michael Walsh sait se hisser au niveau de son partenaire en livrant un épisode efficace et dense. Pour une histoire qui en a encore beaucoup sous le pied...


Arrêtés par les membres restants de la Justice League, l'équipe du Black Hammer clame son innocence dans la disparition de Superman, Batman, Wonder Woman, Cyborg et Flash. Frustrés, Aquaman, Martian Manhunter et Hawkgirl les enferment dans une cellule du Hall de Justice.


Aussitôt, Gail veut s'évader mais Abe tente de l'en dissuader car une telle initiative convaincrait leurs geôliers de leur culpabilité. Barbalien note aussi que le colonel Weird et Talky Walky n'ont pas été déplacés comme eux dans cette dimension. Gail, excédée, file.


Dans la ferme de Rockwood, Cyborg rejoint Bruce Wayne dans la grange où il bricole de quoi partir de là. En fouillant dans les affaires entreposées, Vic Stone découvre la carcasse de Talky Walky. Il ne rallume et le robot demande qui ils sont et ce qu'ils font là.


Dans la Para-Zone, le colonel Weird et John Stewart localisent le moment où l'étranger s'est manifesté simultanément à Rockwood et Metropolis. Mais c'est en voyant Flash tenter de quitter le ferme et risquer sa vie que tout déraille car Green Lantern le sauve... Et les expédie, lui, Flash et Weird dans une dimension inconnue du colonel.


Cependant, à Metropolis, Gail est surprise par Zatanna. La magicienne détecte que la fillette ne vient pas de cette dimension et lance un sortilège pour percer son secret. La formule qui transforme Gail aboutit à un résultat inédit : elle devient adulte !

L'habileté avec laquelle un scénariste réussit à remplir un épisode avec autant de péripéties sans étouffer le lecteur prouve sa maîtrise. Sur ce plan, Jeff Lemire est certainement l'auteur actuel le plus talentueux, surtout quand il déploie son talent dans l'univers qu'il a lui-même créé.

Alors, évidemment, on peut dire : c'est facile, il joue à domicile. Et c'est vrai. N'empêche, comment ne pas être épaté, par ailleurs, par l'originalité de ce crossover, qui évolue bien au-dessus de toutes les productions de ce genre. Lemire n'a pas besoin de convoquer les clichés, le folklore habituels pour nous distraire, nous captiver, nous surprendre : il nous emmène ailleurs, et ses personnages avec. C'est bien mieux.

Et il le fait avec style, le bougre ! L'épisode démarre par des pages découpées en "gaufriers" de neuf cases... Comme du Tom King ! Lemire, qui n'est pas du genre provocateur ni moqueur, rend un hommage très amusant à son confrère, surtout quand on lit les dialogues qu'il donne aux héros de Black Hammer, qui font tourner en bourrique les Justice Leaguers (mentions spéciales : la drague embarrassante de Gail avec Aquaman et le dépit de Barbalien devant le cliché du martien vert représenté par Martian Manhunter).

La partie à Rockwood avec Bruce Wayne et Cyborg a moins de relief mais elle aboutit à un twist comme Lemire en a le secret car on découvre avec eux que Talky Walky a échappé à la téléportation de l'étranger. Cette piste vient compléter le mystère du récit et, alors qu'il ne reste tout compte fait que deux épisodes avant le dénouement, montre que Lemire ne va pas se contenter de dérouler sa pelote tranquillement.

Direction : la Para-Zone. Et là encore, un coup de théâtre remet tout en jeu. Le scénariste n'a vraiment peur de rien en multipliant les décors, les subplots, et en les développant dans le cadre d'une histoire de seulement cinq épisodes. En tout cas, tous les protagonistes sont bien occupés. Et ce n'est pas l'apparition de Zatanna à la fin et le sort réservé à Gail qui contredira cela...

Michael Walsh a du travail pour illustrer une telle matière. De fait, c'est très dense, mais jamais étouffant. Au contraire, l'artiste fluidifie au maximum la narration en n'en rajoutant jamais graphiquement. Un peu trop sage ? Plutôt intelligemment sobre.

Walsh, comme Dean Ormston, ne cherche pas spécialement à faire joli, mais il sert le scénario, ne se met jamais en avant. Et c'est cette humilité qui paie. Là encore, c'est ce qui manque souvent aux crossovers, qui ressemblent trop à des pièces montées indigestes où le dessinateur semble chercher à en rajouter alors que le bon sens est de se laisser porter par les événements pour ne pas assommer le lecteur.

Pour le talent à l'oeuvre, Hammer of Justice ! mérite toutes ces louanges : Lemire et Walsh transcendent l'exercice de style tout en offrant un divertissement imprévisible et consistant.