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mardi 5 septembre 2023

THUNDERBOLTS OMNIBUS VOL. 1, de Kurt Busiek et Mark Bagley


Longtemps réclamé, l'Omnibus Thunderbolts de Kurt Busiek et Mark Bagley est enfin disponible en vf chez Panini Comics depuis le mois dernier. C'est un bon gros bébé de près de 1200 pages, qui contient l'intégralité des épisodes (33) écrits par Busiek et quasiment tous dessinés par Bagley, plus quelques numéros de séries dont les héros ont croisé la route des T-Bolts. Plutôt qu'une longue critique exhaustive, je vous propose de passer en revue les temps forts de ce pavé pour un titre qui vingt-six après a conservé intacte son originalité et son énergie.


Comme le raconte Kurt Busiek dans la préface, l'idée de Thunderbolts est venue lors d'une retraite Marvel, une sorte de séminaire organisé par l'éditeur avec les auteurs phares et les editors (les directeurs de collection), juste après l'event Onslaught. Cette saga culte s'achevait par la disparition de plusieurs héros emblématiques (Avengers, Fantastic Four), ce qui inspira cette question à Busiek : "qu'allait-il arriver aux gens sans la protection de leurs champions ?", et, en discutant avec Tom Brevoort, le scénariste imagina un twist renversant pour une nouvelle série, avec des personnages inédits.

Restait à convaincre l'editor-in-chief Bob Harras. Evidemment, je suis obligé à partir de là de spoiler, donc si vous ne connaissez pas le secret des Thunderbolts, lisez cet omnibus et revenez lire cet article.



Ces super-héros sont en réalité les Maîtres du Mal : Citizen V (qui usurpe le nom d'un héros de la seconde guerre mondiale) est le Baron Zemo, Météorite et Opale, Songbird et Screaming Mimi, Atlas est Goliath, Mach 1 est le Scarabée, Techno est le Fixer ! Et le plan de leur leader est simple : gagner la confiance du peuple et des autorités pour devenir les maîtres du monde en l'absence des vrais héros.
  

Un septième membre s'ajoute à la liste dès l'épisode 4 avec Jolt, une jeune femme qui a été victime des expériences du savant fou Arnim Zola, pratiquées sur des sans-abri après la bataille contre Onslaught.. Mais Jolt ignore tout du passé de ses partenaires et de leur projet. Cela fournit au personnage une innocence véritable et le suspense consiste à savoir combien de temps il lui faudra pour découvrir la supercherie.
 

La série a la chance d'être dessinée par Mark Bagley : à cette époque, il a déjà une belle carrière et il est réputé pour sa rapidité. Mais c'est sur Thunderbolts qu'il va vraiment franchir un cap et gagner en notoriété. Son style très énergique convient à merveille aux histoires bourrées d'action de Busiek : rien ne semble lui faire peur, ni animer un team-book (pourtant exigeant), ni composer des batailles épiques auxquelles viennent participer des guest-stars comme Spider-Man (que Bagley aura souvent l'occasion de dessiner ensuite), les Heroes for Hire, Hulk, Daredevil, les New Warriors (qu'il avait contribué à lancer auparavant).


Un premier tournant dans la série survient lorsque les T-Bolts croisent la Veuve Noire qui s'étonne de la complémentarité qu'ils démontrent en action alors qu'ils sont en activité depuis peu. On sent qu'elle soupçonne quelque chose mais n'a aucune preuve. Surtout, cela lui évoque dans l'épisode 9 l'époque du "kooky quartet" : il s'agit de la formation des Avengers qui succéda à la toute première, après le départ des fondateurs (Thor, Ant-Man et la Guêpe, Iron Man, Hulk), quand Captain America décida d'offrir une seconde chance à d'anciens vilains comme Scarlet Witch, Quicksilver et Hawkeye (qui fut le complice de Black Widow quand elle était espionne).  Si d'aventure, comme le pense la Veuve, les T-Bolts avaient quelque chose à se reprocher, elle leur accorde comme Captain America jadis une chance de se réhabiliter.


Zemo/Citizen V sent le danger d'autant que plusieurs membres de l'équipe commencent à se faire à leur nouvelle situation et à apprécier de jouer les héros. C'est particulièrement frappant avec Songbird, qui a perdu ses partenaires dans le passé, et Mach 1, qui a été souvent humilié face aux héros : ces deux-là tombent d'ailleurs amoureux. Pour Atlas, qui s'est épris de Dallas Riordan, qui joue le rôle d'agent de liaison entre l'équipe et la mairie de New Yok, c'est un vrai dilemme car il sait qu'il la perdra si elle apprend la vérité. Techno est le plus fidèle à Zemo tandis que Météorite se tient prête à remplacer Zemo s'il est démasqué.


Au bout d'un an de publication, et des batailles contre des ennemis aussi variés et redoutables que les Démolisseurs, le Penseur Fou, l'Enclave (qui refera parler d'elle ensuite), les Nouveaux Maîtres du Mal, l'installation des T-Bolts au Four Freedom Plaza (le QG des Fantastic Four), les retrouvailles avec Arnim Zola (qui coûteront la vie à Techno - mais qui survivra sous une autre forme), Zemo a enfin accès aux informations confidentielles détenues jadis par les Avengers. Il décide donc de révéler au monde qui sont les Thunderbolts et leur plan... Mais les FF et les Avengers resurgissent au même moment. Après quelques péripéties, Opale, Mach 1, Songbird, Atlas et Jolt se livrent mais disparaissent subitement !
 

Busiek et Bagley ont téléporté leurs anti-héros sur la planète Kosmos, d'où Zemo avait arraché Atlas. Cet arc n'est franchement pas très inspiré et semble surtout servir de prétexte pour organiser la cavale des T-Bolts qui reviennent ensuite sur Terre et tentent de faire profil bas. Pourtant, la majorité, sous l'impulsion de Jolt, toujours aussi exaltée, ne veut plus sombrer de nouveau dans la criminalité. Seul moyen de prouver leur bonne foi : agir en véritables héros, sans arrière-pensée. Opale suit la bande, mais toujours en espérant tirer les marrons du feu. Durant cette période, l'équipe affronte Charcoal qu'ils auront l'occasion de recroiser.
 

Zemo et Techno ont trouvé refuge en Amérique du Sud où ils conspirent à la fois pour redevenir les maîtres du monde mais aussi pour châtier les T-Bolts. Ceux-ci sont également agressés par les Nouveaux Maîtres du Mal, désormais dirigés par l'énigmatique Crimson Cowl : Busiek va faire réfléchir ses lecteurs sur l'identité de cette dernière pendant un bon moment et il aboutira encore une fois à un twist savoureux. Mal engagés dans un affrontement contre leurs ennemis jurés, les T-Bolts reçoivent l'aide de Dreadknight qu'ils accueillent dans leur repaire de fortune. Et là, nouveau coup de théâtre ! Il s'agit de Hawkeye ! L'archer, autrefois repêché par Captain America au sein du "kooky quartet", offre aux fugitifs de les diriger, leur servant de caution morale. Opale enrage. Et Songbird se désespère car Hawkeye réclame un sacrifice : que Mach 1 se livre à la police pour un meurtre qu'il a commis quand il était le Scarabée.
 

Evidemment, l'initiative de Hawkeye ne va pas passer inaperçu. Si, jusque-là, les rencontres entre les Thunderbolts et d'autres héros Marvel dans les séries de ces derniers n'ont pas abouti à des histoires mémorables (comme Incredible Hulk 449, Spider-Man Team-Up 7, Heroes for Hire 7), le crossover avec les Avengers est une réussite. Il faut dire que c'est également Busiek qui, alors, écrit Avengers, dessinée par le regretté George Pérez et j'ai beau ne pas être un grand fan de ce run, ce numéro a une sacrée gueule. Spectaculaire, haletant, il résume toute une époque, tout un esprit, avant la mode de la narration décompressée, une sorte de fin de l'âge de bronze des comics Marvel.


On approche ensuite de la fin de l'omnibus. Et cela se sent : Busiek va recycler des idées et peine visiblement à se renouveler. Malgré le leadership de Hawkeye et quelques scènes mémorables (le baiser échangé entre l'archer et Météorite), la série avance avec moins de grâce. Heureusement que Bagley ne s'essouffle pas : songez qu'à part l'épisode 7 (dessiné par Jeff Johnson) le 9 (avec un long flashback sur le "kooky quartet" par Ron Frenz) et l'Annual 1 (où il a été rejoint par Bob McLeod, Tom Grummett, Ron Randall, Gene Colan, Darick Robertson, Chris Marrinan et George Pérez pour illustrer les origines des membres du groupe), il n'a jamais fait défaut ! Une régularité impressionnante, qui a même épuisé le premier encreur du titre (l'excellent Vince Russell, remplacé ensuite par Scott Hanna). Seuls faits vraiment notables : l'intégration de Charcoal dans l'équipe, le renfort de U.S.Agent et du Jury contre les Nouveaux Maîtres du Mal (avec la révélation de l'identité de Crimson Cowl, mais je ne spoilerai pas), et le recutement de Mach 1 par une agence gouvernementale.


Busiek, en quête d'un second souffle, joue une certaine surenchère en opposant ses héros à un adversaire surpuissant : Graviton. C'est méchant aux motivations mégalomaniaques classiques, avec un look très 90's, qui donnera effectivement du fil à retordre à l'équipe et Bagley est déchaîné pour mettre en images un combat paroxystique. Mais le problème, c'est que la série n'avance plus : on voit les ficelles, les coups de théâtre, on compte les ennemis, mais c'est devenu routinier. Comme un aveu de cette impuissance à se renouveler, à surprendre, on assiste à l'apparition d'un nouveau Citizen V qui revendique être la vraie descendante du héros de la seconde guerre et donc en veut à Zemo et aux T-Bolts. Mais Busiek ne développe pas ce personnage.
 

Après une dernière empoignade avec l'Empire Secret, et la découverte de l'Ogre, que les T-Bolts prennent d'abord pour Techno, dans leur repaire high-tech, le run de Busiek s'achève sans éclat, mais avec un cliffhanger qu'il reviendra à son successeur, Fabian Nicieza, d'exploiter. Ne vous m^éprenez pas : même moins inspirée, la série reste un page-turner incomparable, d'un dynamisme imparable, mais son scénariste a perdu sa verve, peut-être son envie (ce qui n'est pas indigne au bout de trente épisodes).

Panini ayant visiblement décidé de freiner ses sorties d'omnibus, il faudra certainement être très patient avant de profiter de la suite. Mais souhaitons quand même que l'éditeur n'oublie pas de proposer le vol. 2 de Thunderbolts. Mëme à 90 Euros, on en a pour son argent et la qualité est au rendez-vous, y compris avec des bonus appréciables. Niveau confort de lecture, évidemment, un pavé de plus de 1000 pages, ce n'est pas idéal, mais bon, l'idée était de compiler tous les épisodes de Busiek en un seul tome. C'est donc un très bon investissement. Et des heures de lecture jubilatoires.

lundi 31 juillet 2023

THUNDERBOLTS : LIKE LIGHTNING, de Jeff Parker, Kev Walker et Declan Shalvey


Et nous voici arrivés au dernier recueil des épisodes de Thunderbolts écrits par Jeff Parker. Ce volume rassemble les épisodes 169 à 174 de la série lancée en 1997 et le n°172 marque d'ailleurs le 15 anniversaire du titre. Kev Walker et Declan Shalvey se partagent els dessins de ces six épisodes comme d'habitude tandis que Mark Bagley, l'artiste des débuts, revient pour les couvertures. Mais est-ce vraiment la fin des Thunderbolts historiques ?


Les Thunderbolts en cavale (Fixer, Satana, Mr. Hyde, Gunna la troll, Centurius, Moonstone, Bommerang) continuent à remonter le temps et arrivent en 537 ap. J.C. , en Grande Bretagne. Gunna s'aventure dans une forêt où elle rencontre et affronte Sir Percy/Black Knight qui est neutralisé par Boomerang qui le ramène à la Tour avec son épée d'ébène. Mais Merlin, le roi Arthur et ses chevaliers arrivent ensuite pour réclamer qu'on leur rende leur compagnon. La situation dégénère et Merlin envoie les Thunderbolts dans les oubliettes de Camelot.
 

Le Fantôme, aspiré dans les couloirs du temps, surgit dans les oubliettes et se manifeste devant ses anciens collègues. Il les guide jusqu'à l'observatoire de Merlin et Fixer peut voir Arthur tenter d'entrer dans la tour de Thunderbolts. Pour créer une diversion, Boomerang libère les monstres détenus par Merlin dans les donjons, ce qui mobilisent les chevaliers de la table ronde. L'équipe regagne leur tour et en utilisant la pierre de lune de Moonstone, effectuent un nouveau bond dans le temps... Pour arriver à l'époque où les premiers T-Bolts se sont formés !
 

Pendant ce temps, Songbird profite d'un congé bien mérité accordé par Luke Cage. Elle prend du bon temps en Polynésie française où elle rencontre un séduisant guide qui l'emmène visiter une île déserte. C'est un piège et voilà Melissa Gold prisonnière du Dr. Lorcas qui veut, grâce à elle, se venger de Namor. Elle réussit à se libérer et rentre au Raft.


Les Thunderbolts en fuite doivent éviter les Thinderbolts originels pour ne pas créer de paradoxe temporel. Mais leur tour trahit leur présence et la confrontation devient inévitable. Poursuivie par elle-même, Moonstone piège son double antérieur et lui propose un marché...
 

Alors que Satana réussit à mettre un terme à la bataille entre les deux équipes de Thunderbolts, Zemo/Citizen V propose l'aide de son groupe pour aider les fugitifs à regagner leur époque. L'idée est de voler la machine temporelle du Dr. Fatalis en Latvérie. Mais une dispute éclate entre les Fixer d'hier et d'aujourd'hui et Techno est assassiné par son double actuel !


En tuant son moi antérieur, Fixer plonge le monde dans un chaos temporel, la réalité s'effondre et menace de tout détruire. Fixer comprend qu'il ne reste qu'une solution pour éviter l'impensable : il décide de rester à cette époque tandis que les souvenirs des premiers Thunderbolts seront effacés pour que nul ne se souvienne de ces événements.

Ces six derniers épisodes de Thunderbolts par Jeff Parker résument parfaitement le style débridé du scénariste. On y trouve ce mélange de folie et de maîtrise dans le récit, les situations s'enchaînent à un rythme infernal sans perdre leur logique ni leur fil conducteur, et même quand un numéro s'intéresse à un personnage en dehors de l'intrigue à la manière d'une intermède, on a quand même droit à un one-shot totalement captivant.

A l'heure où Marvel a plusieurs scénaristes mis en avant sans qu'on puisse dire qu'aucun d'eux ne propose grand-chose de palpitant et attire les lecteurs sur une hype artificiellement créée par l'éditeur (un peu à la manière de ce qui est fait avec les dessinateurs et les promotions successives de "stormbreakers"), Jeff Parker, lui, anime la série dont il a la charge avec pour objectif unique de servir le titre et pas de se mettre en avant.

C'est ingrat parce que, aujourd'hui, personne ou presque ne se souvient de son run sur Thunderbolts (ni de ses autres travaux chez Marvel, sur Hulk, Agents of Atlas, etc.). Parker n'a jamais été une vedette, à la mode, il n'a eu aucun héritier (même si Jason Aaron a pu sembler marcher dans ses traces avec Avengers, mais avec beaucoup moins de brio). Marvel lui a fait confiance, certes, mais sans lui accorder plus de crédit que ça. Une fois que Parker a fait son temps, il a été oublié et remplacé. Souvent par des auteurs moins inventifs que lui.

Si vous en doutez, cherchez qui a écrit Thunderbolts depuis. Et plus encore ce qu'est devenu ce nom, cette marque, complètement dénaturé, une sorte de Suicide Squad sauce Marvel, interchangeable, et dont la prochaine itération (par Jackson Lanzing & Collin Kelly et Geraldo Borges, à la rentrée) sert à préparer le futur film du MCU.

Mais revenons-en à ces épisodes. Ils ne représentent pas la fin du travail de Jeff Parker. Mais en 2012, Marvel va décider, incompréhensiblement, de remplacer ensuite le titre par une relance de Dark Avengers, espérant sans doute retrouver les lecteurs de Bendis. Ce ne sera pas un relaunch au #1, mais une continuation grotesque avec un n° 175 ! Entre la série initiale de Bendis et sa reprise par Parker, il y a donc un troua béant de... 159 épisodes !

Pour le contenu des histoires de ce recueil, il apparaît clairement que Parker préfère les T-Bolts en cavale remontant le temps à ceux restés dans ce qui reste du Raft, avec Luke Cage, Songbird et Mach V. D'ailleurs, il va continuer encore un temps avec ce voyage dans le temps dans ses premiers épisodes de Dark Avengers. Pour l'heure, Moonstone, Bommerang, Centurius, Fixer, Gunna la troll, Mr. Hyde, Satana atterrissent en 537 ap. J.C. et rencontrent le premier Black Knight mais aussi Merlin, le roi Arthur et les chevaliers de la table ronde. Il y a aussi un dragon, pour faire bonne mesure. C'est très drôle, complètement échevelé. Et quand Centurius et Fixer cherchent à comprendre pourquoi ils continuent à dériver dans le passé, les explications sont totalement farfelues, mais comment pourrait-il en être autrement lorsqu'on a voulu se faire la malle en mélangeant magie et technologie ?

Parker rédige une sorte d'entracte où on suit Songbird en vacances. Celles-ci seront toutes sauf reposantes, mais on apprécie que le scénariste n'oublie pas une T-Bolt historique, une des rares aussi à avoir eu une longue carrière héroïque (parmi les Avengers - Kurt Busiek l'emploiera d'ailleurs dans sa mini-série culte Avengers Forever).

Puis ça repart de plus belle avec un bouquet final d'épisodes où Thunderbolts d'hier et d'aujourd'hui se croisent et manquent de peu de dévaster le continuum espace-temps. Parker, tel un chat, retombe sur ses pattes en "sacrifiant" Fixer au terme d'une succession de rebondissements cataclysmiques, avec une baston entre les deux formations et une énième tentative de Karla Sofen de mystifier tout le monde.

Kev Walker dessine les trois premiers épisodes (jusqu'à celui avec Songbird en vacances donc) et il est en feu. Suivant d'un script barré, il signe des planches explosives, avec des monstres, des chevaliers, un dragon, des péripéties incessantes. Son trait brut, son découpage aux cases de dimensions toujours généreuses, le retour du Fantôme, tout ici est un cadeau pour les amateurs de comics insensés.

Puis Declan Shalvey prend la relève pour mettre en scène la rencontre entre les deux formations de Thunderbolts. Ses planches sont extraordinaires, d'une ampleur et d'une souplesse comme il n'en a plus beaucoup réalisées ensuite. Je le répète, je radote, mais Shalvey, en s'éloignant des super-héros, me semble avoir commis une erreur alors qu'il a un talent naturel pour les animer. Certes, son run sur Moon Knight (avec Warren Ellis, qu'il suivra ensuite chez Image pour Injection avant que le scénariste ne soit rattrapé par de sordides affaires) était excellent, mais je conserve une affection pour ses épisodes de Thunderbolts, j'adorai la manière qu'avait Shalvey de les illustrer.

Donc, actuellement, je suis en pleine relecture de Dark Avengers et je vous proposerai dès que possible les critiques de deux tomes (une quinzaine d'épisodes en tout) de cette reprise par Jeff Parker (avec encore Walker et Shalvey, mais aussi Neil Edwards), pour boucler la boucle. Ceux à qui cette rétrospective a donné envie pourront se procurer un omnibus collectant tout le run (Dark Avengers compris) de Jeff Parker le 5 Décembre prochain : commencez à économiser !

dimanche 30 juillet 2023

THUNDERBOLTS : VIOLENT REJECTION, de Jeff Parker, Kev Walker et Declan Shalvey

 

Après les sorties de la semaine, je reprends ce dimanche cette rétrospective consacrée aux Thunderbolts écrits par Jeff Parker au début des années 2010 chez Marvel Comics. Le recueil intitulé Violent Rejection est le premier à bénéficier d'une numérotation et rassemble les épisodes 152 à 157, illustrés par Kev Walker  et Declan Shalvey.

 


Crossbones écarté du groupe, Luke Cage a besoin d'un élément très puissant pour une nouvelle mission et il intègre Hypérion. Les Thunderbolts se rendent à Yokohama au Japon qui est menacée par des monstres gigantesques. Mais une fois sur place, l'équipe est sévèrement malmenée, seul Hypérion reste debout et il s'en prend alors Man-Thing...


Le Fléau affronte Hypérion qui avoue être issu d'une Terre parallèle où il était le chef de Sinister Squadron. Moonstone, sauvée par le Fantôme de la noyade, lui vient aide avant que le Fantôme, à nouveau, active les nanites libéranty de l'argonite dans le corps de Hypérion et le neutralise. Tandis que Luke Cage, Songbird et Mach V se débarrassent des monstres, Hypérion est livré à Man-Thing qui le brûle vif.


Mais ce fait n'échappe pas aux inspecteurs du Raft qui considère la créature comme un danger. Toutefois, avant de pouvoir s'en assurer, Man-Thing est enlevé par la sorcière Jennifer Kale qui le renvoie dans les marais des Everglades dont il est le gardien et qui sont le théâtre d'une invasion dimensionnelle. Luke Cage s'en mêle et jure à Jennifer Kale qu'aucun mal ne sera fait à la créature qui rentre volontairement au Raft. En contrepartie, il s'engage à engager un magicien pour y veiller.


Cage demande à Stephen Strange de l'aider dans cette démarche et Daimon Hellstrom les envoie tous les deux chez sa soeur Satana. Pendant ce temps, John Walker, la gardien du raft, obtient l'accord du gouvernement de former une seconde équipe, baptisé Underbolts, et il charge Songbird et Mach V d'en recruter les membres, ce qui vexe Fixer, écarté de la procédure.


Cage présente Satana, qui a accepté d'intégrer l'équipe par intérêt pour Man-Thing, aux autres membres et il les accompagne à Stuttgart pour une nouvelle mission dans un château hanté. Pendant ce temps, Songbird et Mach V enrôlent les Underbolts : Shocker, Boomerang, Centurius, Gunna la troll et Mister Hyde...


Les Thunderbolts toujours occupés en Allemagne, Fixer doit réquisitionner les Underbolts, à peine recrutés, pour une intervention urgente en Irak. Sur place, ils font face à des zombies et sont vite dépassés. Luke Cage arrive en renfort avec son groupe sans que la situation ne s'améliore...

Mine de rien, cela fait maintenant 23 mois consécutifs (quasiment deux ans donc) que Jeff Parker écrit  Thunderbolts. Marvel semble lui avoir accorder sa confiance pleine et entière, appréciant sa capacité à composer avec des histoires imaginées par d'autres (comme lors de l'event Shadowland) tout en remplissant le cahier des charges de la série (beaucoup d'action, l'utilisation de personnages historiques liés au titre et l'incorporation de nouvelles têtes).

Si, dans les faits, Thunderbotls n'a plus rien à voir avec le concept original de Kurt Busiek (des super-vilains se faisant passer pour des super-héros en l'absence de ces derniers), Jeff Parker tient quand même à respecter la dimension presque sociale puisqu'il s'agit de montrer que certaines crapules peuvent prendre goût à faire le bien.

De ce point de vue, avoir écarté Crossbones, le membre le plus antipathique et violent, a été un choix décisif. Mais le scénariste ne s'assagit pas pour autant. Le recrutement de Hypérion produit des étincelles et une paire d'épisodes plutôt radicaux. En effet, Parker joue sur le fait qu'il existe des Hypérion différents dans le multivers et bien entendu, Luke Cage ignore lequel est détenu au Raft. Pour corser l'affaire, ce sera celui qui dirigeait le Sinistre Escadron ! 

Ce recueil fonctionne par des arcs narratifs brefs, de deux épisodes chacun, centré sur un personnage en particulier. Après Hypérion, Parker se penche sur le cas de Man-Thing pour lequel il a un attachement évident. Même s'il ne répond pas à la question de sa détention au Raft (où il a atterri après avoir capturé par les Dark Avengers de Norman Osborn, mais d'où personne n'a pensé à le relâcher depuis le début de l'Heroic Age), il va quand même s'interroger sur le rôle et la puissance de la créature.

Comme il aime à le faire, le scénariste convoque un personnage de seconde zone, en l'occurrence la sorcière Jennifer Kale, soucieuse de ramener Man-Thing dans son environnement naturel et son rôle initial, de protecteur de la nature et de nexus dimensionnel. Le mutisme de Man-Thing en fait un membre des Thunderbolts fascinant et difficile à saisir mais qui n'est pas dénué de conscience, de libre arbitre. Il choisit de rentrer au Raft (et Parker glisse que Moonstone y est pour quelque chose, insinuant que la créature nourrit des sentiments pour Karla Sofen).

Enfin, un troisième récit va introduire une future vedette du run de Parker en la personne de Satan, la soeur de Daimon Hellstrom. Elle est recrutée par Luke Cage pour veiller sur Man-Thing mais sa personnalité affirmée et excentrique en fait un membre tout de suite haut en couleur. Le scénariste s'en amuse et quand elle est présentée à l'équipe, cela donne une scène hilarante où elle met tout le monde en émoi en révélant leurs désirs les plus profonds (des désirs tout ce qu'il y a de plus sexuellement explicite !). Parker a à l'évidence voulu Satana et il ne va plus cesser ensuite de l'exploiter comme l'élément incontrôlable, l'électron libre de la série, à la fois très puissante, complétement désinhibée et ambivalente, (jamais complètement méchante, mais pas franchement héroïque non plus).

Sur les six épisodes de ce tome, les n° 152-153 et 155-156 sont entièrement dessinés par Kev Walker. Comme toujours avec lui, l'efficacité est de mise et sa manière de composer des scènes d'action spectaculaires est mise à contribution. Il peut se défouler avec Hypérion, les monstres à Yokohama, le château hanté à Stuttgart et les zombies irakiens. Autant de morceaux de bravoure où l'influence de Mike Mignola est très manifeste (spécialement dans les scènes à Stuttgart).

Declan Shalvey signe les planches des épisodes 154 et se partagent celles du 157 avec Walker (qui fatigue quand même un peu). Seul, l'irlandais se montre très à l'aise, et le numéro consacré à Man-Thing est superbe, chargé d'une atmosphère très envoûtante. Quand il doit cohabiter avec Walker, le lecteur peut avoir du mal à passer du trait de Shalvey à celui de son collègue tant ils sont dissemblables, mais on comprendra ensuite que Marvel cherchait la bonne formule pour partager la charge de travail entre les deux artistes.

On va, après ces épisodes, arriver aux tie-in de Fear Itself puis à l'arc The Great Escape (soit les épisodes 158 à 168) présents dans l'album de la collection Marvel Gold disponibles chez Carrefour. Je vous renvoie à l'article dans lequel j'en parle :  Thunderbolts : Fear Itself / La Grande Evasiontion-marvel-gold-carrefour .

mardi 25 juillet 2023

THUNDERBOLTS : SHADOWLAND, de Jeff Parker, Declan Shalvey et Kev Walker

 

Comme l'indique le titre de ce recueil, la série Thunderbolts est impliqué dans l'event Shadowland de 2011. Du moins pour les deux premiers épisodes (# 148-149), écrits par Jeff Parker et dessinés par Declan Shalvey (qui va devenir le second artiste régulier du titre). Ensuite, Kev Walker revient pour le 150ème numéro anniversaire, avec les Avengers en guest-stars. Puis le n°151 raconte les origines du mystérieux Fantôme. Un programme copieux et varié.



Daredevil, de retour du Japon, est devenu le chef de la Main et il veut restaurer l'ordre dans le quartier de Hell's Kitchen, avant de s'attaquer au reste de New York, avec l'aide des ninjas de cette organisation. Plusieurs héros s'unissent pour lui faire entendre raison, mais Luke Cage confie aux Thunderbolts une mission spéciale : retrouver un jeune flic enlevé par la Main.
 

Assaillis par des ninjas, les Thunderbolts sont diminués quand Fixer est blessé et que Songbird l'évacue, confiant la direction des opérations à Moonstone. Le Fantôme, le Fléau et Crossbones livrent un combat où ils ont l'autorisation de tuer l'ennemi. Mais la mission s'achève par un drame tandis que le Fantôme découvre le secret de Crossbones : il a hérité de pouvoirs après avoir été exposé aux cristaux terrigènes lors de leur virée en Nouvelle-Guinéé.


Steve Rogers, Iron Man et Thor se rendent au Raft pour une tournée d'inspection. Luke Cage, excédé par la désobéissance des T-Bolts, songe à démissionner, mais doit d'abord montrer ses agents en action. Le Fantôme en profite pour pirater la téléportation de Man-Thing et avec Crossbones et le Fléau, ils sont séparés de Cage, Rogers, Thor et Iron Man. Perdus dans une dimension parallèle, ils finissent par se rendre après avoir affronté les quatre Avengers sauf Crossbones qui révèle au grand jour ses nouveaux pouvoirs. Finalement, de retour au Raft, Luke accepte de rempiler à la tête de l'équipe maintenant que Crossbones n'en fait plus partie.


En attendant que Luke choisisse un remplaçant à Crossbones et réfléchisse à une nouvelle façon d'opérer, les Thunderbolts sont consignés au Raft. Moonstone en profite pour questionner le Fantôme sur ses origines. Il se confie sur son passé de programmateur dans la société Omnisapient et son amour pour sa collègue Shana, vite éliminée par ses patrons qu'elle menaçaient de révéler leurs magouilles. Il se venge en expérimentant sur lui-même ses inventions puis en s'en prenant à d'autres patrons peu scrupuleux. Moonstone est réintégrée dans l'équipe où Luke a décidé de faire entrer Hyperion.

Quatre épisodes, c'est peu, mais notons quand même que ce recueil compte le 150ème numéro de la série depuis sa création. Pour l'occasion, on a droit à un chapitre avec une pagination augmentée, les Avengers (du moins sa trinité) en guest-stars, la réédition du premier épisode (par Kurt Busiek et Mark Bagley) et les Ghost's files (une série de planches revenant sur le passé des Thunderbolts).

Avant cela, ce tome s'ouvre sur une paire d'épisodes en lien avec l'event Shadowland. A cette époque (2011), Andy Diggle a succédé à Ed Brubaker comme scénariste de Daredevil et il lance une saga qui trouve ses racines dans la fin du précédent run. Daredevil s'est sacrifié pour prendre la tête de la Main, évinçant le Caïd et Lady Bullseye, il part donc au Japon avec le projet secret de réformer cette organisation criminelle de l'intérieur, mais la situation lui échappe et, envoûté, il bascule du côté obscur.

De retour à New York, il décide de nettoyer Hell's Kitchen avec ses ninjas avant d'étendre son action à tout New York. Lorsqu'il tue Bullseye, ses amis héros comprennent qu'il a franchi la ligne rouge et s'unissent pour le stopper. Bien entendu, Marvel va multiplier les tien-in de qualité très variable sur une histoire déjà peu convaincante sur sa trame centrale. Disons-le simplement : Shadowland est un des pires récits impliquant Daredevil, l'ultime étape dans la déchéance de l'Homme sans Peur, et il faudra le changement de direction radicale imprimé par Mark Waid pour que DD retrouve sa superbe.

Jeff Parker n'a cependant pas le choix : il doit composer avec Shadowland pour deux épisodes de Thunderbolts. Premier défi : il doit se passer de Luke Cage, accaparé par la saga centrale, même si c'est lui qui donne leur mission aux T-Bolts. Le scénariste invente une intrigue-prétexte (un jeune flic noir, fils d'un ami de Cage, capturé par la Main) pour entraîner ses anti-héros dans les égouts de Hell's Kitchen et y affronter une horde ninjas déchaînés. Evidemment, ça tourne mal très vite : Songbird évacue Fixer blessé et laisse donc seuls Moonstone, le Fléau, le Fantôme et Crossbones, qui va commettre un carnage.

Le vrai intérêt de ces deux numéros repose surtout dans le fait que la série accueille Declan Shalvey au dessin. Il va devenir le partenaire de Kev Walker sur le run de Parker. Même si j'apprécie toujours ce qu'il fait, car c'est un auteur complet, j'avoue que je préférai Shalvey à cette époque. Son trait était plus simple, plus épuré, plus dynamique. Son encrage, surtout, était merveilleux, avec un usage magnifique de trames, des effets d'ombres très expressionnistes. Et puis vraiment les T-Bolts lui allaient bien, tous les épisodes qu'il dessinera ont une sacrée classe, se complétant bien avec l'aspect plus brut de décoffrage de Walker.

La parenthèse Shadowland fermée, Parker a l'honneur (ou la charge, c'est selon) d'écrire le 150ème épisode du titre. Comme il n'est pas impressionnable, il préfère ne pas s'y arrêter spécialement pour une commémoration mais plutôt pour s'amuser. Il a le droit de convoquer la trinité des Vengeurs, Steve Rogers (alors dans son rôle de Super-Soldier, chef des Secret Avengers et de la sécurité nationale des USA), Iron Man (en pleine période Stark Resilient, suite au run de Matt Fraction où il a absolument tout perdu durant le Dark Reign) et Thor (qui vient d'assister à la chute d'Asgard et a contribué à la réconciliation entre Rogers et Stark dans Avengers Prime, de Brian Michael Bendis et Alan Davis). 

Mais ils ne viennent pas au Raft pour le plaisir de visiter leur ami Luke Cage : c'est une inspection pour vérifier que la réforme entamée sous la direction de Cage fonctionne. Parker orchestre dans un premier temps les retrouvailles de Iron Man et du Fantôme, puis de Steve Rogers et Crossbones, et la rencontre entre Thor et Gunna la troll (avec à la clé une scène hilarante). Puis Cage emmène tout ce beau monde (sauf Gunna mais avec Man-Thing) pour une mission-test. C'est là que le Fantôme décide de faire des siennes en organisant une évasion à laquelle il convie le Fléau et Crossbones. Mais la situation lui échappe et tous se retrouvent dans une dimension parallèle.

Cage et ses collègues découvrent le secret de Crossbones, qui, exposé aux cristaux terrigènes lors du voyage en Nouvelle-Guinée (dans le tome précédent), a développé d'effrayants pouvoirs. On a droit à une spectaculaire baston entre Thor, Cage et le Fléau, une explication troublante entre Iron Man et le Fantôme (qui apprend la situation financière de Stark et renonce à le tracasser), et surtout un face-à-face musclé entre Rogers et Crossbones. Parker va l'écarter du groupe définitivement, à raison (c'était le membre le plus discutable de la série), puis réintégrer Moonstone avant de recruter Hypérion.

Le dernier épisode de l'album est comme le n°150 dessiné par Kev Walker. On peut apprécier l'abattage de l'artiste qui enchaîne les épisodes avec une énergie assez folle, même si, comme à son habitude, il se débarrasse régulièrement des décors pour se concentrer sur les personnages en pleine action. N'empêche, c'est un régal car il excelle à animer ces crapules avec des gueules cassés et des psychologies tordues, comme donc, ici, Moonstone, la manipulatrice, et le Fantôme, le plus mystérieux des T-Bolts.

Parker retrace ses origines pathétiques avec efficacité et en fait un vilain avec des principes bien spéciaux, s'en prenant à des puissants industriels que leur pouvoir autorise au pire (malversations financières, crimes crapuleux). On sent que le scénariste adore le personnage, au moins autant que Man-Thing, et lui donne une place à part dans la série et l'équipe, de telle sorte que le lecteur partage cette fascination.

Curieusement, les deux premiers recueils des Thunderbolts par Jeff Parker ne sont pas numérotés. Cela débutera avec le prochain tome, Violent Rejection, tout aussi fou furieux et qui, surtout, marquera le début d'un véritable feuilleton.

lundi 24 juillet 2023

THUNDERBOLTS : CAGE, de Jeff Parker et Kev Walker

Le mois dernier, à l'occasion de la commercialisation de Collection Marvel Gold - Carrefour : Thunderbolts , j'évoquais le projet de consacrer quelques entrées retraçant le run de Jeff Parker sur la série Thunderbolts, une collection d'épisodes que j'adore par un auteur que je trouve sous-estimé. Je vais donc m'y atteler, en plusieurs étapes, en espérant que cela vous convaincra de (re)lire tout ça.



Thunderbolts : Cage rassemble les épisodes 144 à 147 de la série. S'il ne s'agit pas des premiers épisodes écrits par Jeff Parker, qui avait commencé à travailler sur la série durant l'event Siege avec des numéros tie-in, son run démarre vraiment à partir de ce tome jusqu'au #174, après quoi il continuera d'animer ces personnages sous le titre Dark Avengers (pour une quinzaine de chapitres). Il est accompagné au dessin par Kev Walker qui deviendra son partenaire le plus prolifique.


Après l'attaque contre Asgard menée par Iron Patriot (Norman Osborn) et ses Dark Avengers, Steve Rogers, en charge de la sécurité nationale, veut réformer le programme Thunderbolts. Il convainc Luke Cage d'être son homme sur le terrain en estimant que son passé de détenu servira d'exemple. Avec Songbird, Mach V et Fixer, il recrute le Fléau, Moonstone, Crossbones et le Fantôme et teste tout de suite leur loyauté...


Luke partage donc son temps entre les New Avengers, qui se sont établis dans l'ancien manoir des Avengers, et les Thunderbolts, dont les membres résident dans la super-prison du raft. Le gardien n'est autre que John Walker, l'ex-USAgent, lourdement handicapé. Mach V s'occupe de la sécurité, Fixer de la maintenance et Songbird des entraînements. La première mission des T-Bolts tombe : ils doivent récupérer trois trolls qui se sont enfuis lors de l'attaque contre Asgard à Broxton.


De retour au Raft avec les trolls, Luke Cage découvre que l'un d'eux est une jeune fille que Valkyrie identifie comme Gunna, une asgardienne enlevée et élevée par ces créatures. Jusqu'à nouvel ordre, elle restera là. Cage emmène ensuite les T-Bolts en Nouvelle-Guinée à la recherche d'agents du SHIELD dont on est sans nouvelles alors qu'ils cherchaient des cristaux terrigènes comme ceux qui donnent leurs pouvoirs aux Inhumains.


Sur place, l'équipe découvre que les agents ont été transformés en monstres par les cristaux. Ils sont tués pour abréger leurs souffrances. Revenus au Raft, une panne d'électricité provoque une émeute alors que les élèves de l'Académie des Avengers sont en visite sur place. Tous ensemble, les héros rétablissent l'ordre. Mais Man-Thing a disparu de sa cellule...

Nous sommes en 2010 quand Jeff Parker devient le nouveau scénariste régulier de Thunderbolts. Il a pris la relève de Andy Diggle durant l'event Siege (écrit par Brian Michael Bendis), qui clôturait la période Dark Reign durant laquelle Norman Osborn était en charge de la sécurité intérieure aux Etats-Unis. Il avait en effet gagné la confiance du Président au cours de Secret Invasion par son comportement héroïque mais ensuite il a travesti les Thunderbolts en Dark Avengers pour traquer les New Avengers de Luke Cage (dans la clandestinité depuis Civil War).

Osborn devient incontrôlable et lance ensuite un assaut sur Asgard, qui flotte au-dessus d'une plaine dans l'Oklahoma, près de la bourgade de Broxton. Mais la situation lui échappe à cause de Sentry qui tue sauvagement Arès avant d'être lui-même éliminé par Thor. Osborn est arrêté et le Président des Etats-Unis le remplace par Steve Rogers. C'est l'acte de naissance d'un nouveau statu quo : l'Heroic Age.

A cette époque, Marvel fait alors feu de tout bois et multiplie les titres Avengers (tandis qu'au cinéma on se prépare à l'adaptation de la première réunion de ces personnages, sous la direction de Joss Whedon) : Avengers et New Avengers (par Bendis), Secret Avengers (par Ed Brubaker), Avengers Academy (par Christos N. Gage), Young Avengers (le second volume par Allan Heinberg). Que faire de Thunderbolts dans ce nouvel âge des héros après un court mais explosif run par Warren Ellis et sa suite par Andy Diggle ?

Jeff Parker a une idée farfelue : poursuivre le postulat de Dark Avengers mais avec Luke Cage à la tête de l'équipe. C'est comme si on demandait à Jean Valjean de réinsérer d'authentiques criminels. Le scénariste impose de choix curieux, voire choquants, comme lorsqu'il recrute Crossbones, un assassin raciste, néo-nazi, ennemi de Captain America. Mais il va exploiter cette idée avec intelligence, sans complaisance.

Luke Cage accepte le job à contrecoeur : il est le chef officieux des New Avengers, marié et père de famille et la perspective de s'occuper de crapules pour des missions dangereuses ne le ravit pas. Jeff Parker souligne bien à quel point cela lui déplaît mais aussi qu'il rend un service à Steve Rogers, une autorité morale, auprès de qui il a travaillé depuis le début de New Avengers. Surtout, Cage va s'avérer un leader, un vrai, qui ne se cache pas derrière ce titre (comme dans New Avengers), intraitable. Il sait ce qu'est la prison, il en fait en ayant été condamné injustement et s'est battu pour être réhabilité et croit pouvoir remettre dans le droit chemin quelques-uns des T-Bolts, les "réparer".

L'équipe elle-même est composée en deux parties : d'un côté, il y a des membres historiques, qui se sont rachetés (Songbird, Mach V, Fixer), et de l'autre, de nouvelles recrues (le Fléau, Crossbones, le Fantôme, et Moonstone). Ces dernières sont des éléments imprévisibles et le lecteur se demande en permanence s'ils vont trahir Cage et ses adjoints (et si oui, quand et comment). 

Surtout, Parker y ajoute un dernier membre, en marge, avec Man-Thing. Celui-ci a été brutalement capturé par les Dark Avengers et enfermé dans une sorte de terrarium géant du raft : étant donné qu'il brûle ceux chez qui il ressent de la peur, personne n'ose l'approcher, sauf Hank Pym qui a réussi à sympathiser suffisamment avec lui et lui a trouvé une fonction peu ordinaire - celle de servir de moyen de transport pour les T-Bolts grâce à sa faculté à se téléporter à travers l'espace-temps. Jeff Parker va faire de Man-Thing la mascotte de l'équipe et l'exploiter de manière très originale, à la fois drôle et terrifiante.  

Le recueil Cage ne compte que quatre épisodes mais la narration est très animée. Parker ne perd pas de temps, les personnages sont tout de suite sous pression, envoyés en mission dans des endroits hostiles, contre des adversaires coriaces, placés dans des situations extrêmes. Le scénariste marie le délire au spectaculaire sans sacrifier la caractérisation et les ambiances, preuve qu'il a son affaire bien en mains et une vision claire de son projet.

Et il peut s'appuyer sur un dessinateur qui n'a pas froid aux yeux et s'adapte facilement à son écriture échevelée. En effet, ces quatre épisodes sont illustrés par Kev Walker, un artiste expérimenté qui peut se laisser aller avec ces anti-héros tenus en laisse mais imprévisibles. Le style de Walker convient parfaitement à ces aventures complètement barrés car il est doué pour animer ces gueules, ces forts tempéraments, et mettre en scène de l'action explosive.

L'influence de Mike Mignola est évidente : Walker zappe souvent les décors au profit de grands à-plats noirs profonds et les cadres de l'action le lui permettent : on chasse des trolls dans une forêt, on recherche des agents du SHIELD dans une grotte, le Raft est situé sur une île loin de tout, cette prison a des intérieurs lugubres à souhait - que la colorisation froide de Frank Martin sert idéalement. Peu importe alors que tout ne soit pas détaillé, l'essentiel étant le mouvement, les coups, les destructions. Et ce n'est que le début ! 

Prochaine étape : un détour par Shadowland, l'event centré autour de Daredevil, et le 150ème épisode de la série depuis sa création (par Kurt Busiek et Mark Bagley) !

lundi 19 juin 2023

Collection Marvel Gold - Carrefour : THUNDERBOLTS, de Jeff Parker, Declan Shalvey et Kev Walker


Vous en avez maintenant l'habitude : voici une entrée consacrée à un des tomes de la collection Marvel Gold disponible dans les hypermarchés Carrefour au prix de 3,99 E. Cette fois, c'est au tour du tome consacré aux Thunderbolts d'être commenté. Même si depuis la création du titre par Kurt Busiek et Mark Bagley, le concept a été considérablement altéré, les épisodes choisis ici renvoient au run de Jeff Parker, vraiment excellent (et qui feront l'objet d'un omnibus en vo à la rentrée), et bien accompagné au dessin.


Je disais plus haut qu'aujourd'hui les Thunderbolts n'ont plus grand-chose à voir avec l'idée (géniale) originale du titre. Aujourd'hui, Marvel l'exploite sous la forme d'une Suicide Squad avec des super-vilains qui acceptent des missions périlleuses en échange de remise de peine. Dans cet album, on retrouve 9 épisodes issus du run écrit par Jeff Parker, un scénariste que j'adore mais qui n'est plus employé hélas ! par Marvel.

Il est de prime abord surprenant d'avoir sélectionné pour démarrer des épisodes attachés à l'event Fear Itself, mais cela se justifie ensuite, et au demeurant, ces tie-in sont excellents. Les Thunderbolts sont alors composés de Moonstone, Songbird, Mach-V, Fixer (les historiques de la bande, et le Fantôme, Shocker, Boomerang, Satana, Man-Thing, Troll, Mister Hyde et Centuruis. Luke Cage commande ce groupe de gredins (une idée curieuse mais le personnage est peu présent dans ces épisodes) et il vient d'écarter le Fléau. Mauvaise inspiration : il va être choisi par Cul le Serpent, frère d'Odin, pour faire régner la terreur sur Terre.
 

Les T-Bolts se séparent en deux groupes : l'un va rattraper les détenus de la prison du Raft qui se sont échappés quand le Fléau l'a dévastée, l'autre part affronter le Fléau. Mais certains membres du premeir groupe vont surtout en profiter pour se faire la belle...

On trouve tout ce qu'on aime (ou pas) chez Jeff Parker dans ces épisodes sur-vitaminés, où ça explose de partout, où le chaos est total, où le danger est insurmontable, où beaucoup de personnages cachent leur jeu. Parker ne craint pas de submerger le lecteur : c'est même son objectif, ne pas lui laisser de répit, l'oppresser autant que les héros. Mais c'est bigrement efficace, sans aucun temps mort. Qu'il ne soit pas devenu un scénariste star est une énigme pour moi parce que, lui, vraiment, y va à fond les ballons dans le registre super-héroïque et grand spectacle.

Sur ces épisodes, il va être soutenu par deux dessinateurs en alternance et pas des manches : Declan Shalvey et Kev Walker. J'adorai le style de Shalvey à cette époque, super nerveux, et Walker ne faisait pas dans la dentelle non plus. Ils animent un casting très fourni, mettent en scène des actions ébouriffantes, ça n'arrête pas. Sur l'épisode 159, Parker avec Jen Van Meter, Joe Caramagna et Frank Tieri multiplient les points de vue dans un numéro king-sized et Valentine de Landro, Matthew Southworth et Eric Canete illustrent les segments écrits par les auteurs invités.
  

On pourrait croire qu'avec  l'arc suivant, en seulement deux épisodes, Jeff Parker va lever le pied. Que nenni ! La série suit alors la cavale des T-Bolts qui ont disparu avec la Tour qui abritait leur Q.G. ! Grâce au mélange de la technologie du Fixer, et de la magie de Man-Thing et Satana, ils ont remonté le temps et l'espace pour atterrir en pleine seconde guerre mondiale. Moonstone, Fixer, Boomerang, Troll, Mr. Hyde, Centurius, Satana croisent la route des Invaders qui traquent le Baron Zemo... Dont le fils, Helmut fondera des années plus tard les Thunderbolts ! 

Ce postulat délirant inspire à Parker une intrigue complètement échevelée et jouissive où les fugitifs changent d'apparence et essaient de modifier le cours de l'Histoire sans trop faire de dégâts, comme en suggérant à Zemo le prénom de son rejeton et de ne pas lui bourrer le crâne avec l'idéologie nazie ! Evidemment tout ça au nez et à la barbe de Captain America, Namor et la Torche Humaine (Jim Hammond) !
 

C'est évidemment très drôle et le trait de Kev Walker sied à merveille à ce joyeux bordel plein de feu, de neige, de coups fourrés et de paradoxes temporels. l'artiste se montre particulièrement à son avantage quand il s'agit malgré tout de montrer les émotions contraires qui agitent ces T-Bolts qui peuvent changer le futur tout en risquant leur peau et leur propre avenir. Walker se fiche pas mal de flatter les personnages, il excelle à leur croquer des trognes, dans des décors tour à tour à peine évoqués et grandiloquents (n'oublions pas que le gang se déplace à bord d'une tour). Et le plus amusant, c'est qu'à la fin ces crapules passent pour d'authentiques héros que Namor, Captain America et la Torche jurent d'honorer.


Enfin, l'album se clôt par un arc aussi foutraque. Si, dans le présent, Luke Cage est hors de lui en apprenant l'évasion d'une moitié de son équipe et que le Fantôme s'emploie à les localiser pendant que Songbird et Mach-V ramènent des prisonniers dans leur cellule du Raft, lui-même en pleins travaux, les T-Bolts en cavale continuent de remonter l'espace-temps.

Les voici donc en 1888 à Londres. Mr. Hyde en a profité pour fausser compagnie à ses collègues et accomplit la série de meurtres attribuée à Jack l'éventreur, en compagnie de Satana. Deux inspecteurs chargés de l'enquête reçoivent le renfort des T-Bolts, relookés pour passer le plus inaperçus possible...


Declan Shalvey a repris les dessins et produit des planches exceptionnelles, à l'énergie contagieuse, avec une spontanéité et une capacité d'évocation qu'il me semble avoir perdu depuis. Je peux comprendre qu'il ait voulu autre chose pour sa carrière ensuite, mais quel dommage de ne plus le voir sur du super-héros, avec ce dynamisme, cette inventivité.

Jeff Parker continuera encore un bon moment à remonter le temps avec ces fugitifs, dans des histoires toujours aussi marrantes, improbables et déchaînées - ça me donne envie de relire tout ça, c'était vraiment un run infernal, un comic-book comme il n'y en a plus guère chez Marvel en tout cas (les dernières mini-séries Thunderbolts étaient d'une tristesse...), et même quand la série sera retitrée Dark Avengers, il ne se calmera pas.

Le dernier épisode de l'album (le n°168), dessiné par Matthew Southworth) est dispensable : Luke Cage mène une enquête en solo pour remonter la piste des fuyards et croise Mr. Fear tandis qu'au Raft Songbird et Mach-V expliquent à des officiels que leur boss est un leader méritant mais empêché par des recrues qu'on lui impose (comme le Fléau ou Satana) et qui sont ingérables.

Vous l'aurez compris, j'ai un gros coup de coeur pour ces épisodes, cette époque, cette série, ces personnage (même si, encore une fois, le concept original a été complètement dilapidé). Et si vous ne connaissez pas tout ça, alors jetez vous sur ce tome, pour ce prix-là vous ne risquez rien.

samedi 25 juillet 2009

Critique 79 : THUNDERBOLTS - CAGED ANGELS, de Warren Ellis et Mike Deodato

Thunderbolts : Caged Angels rassemble les épisodes 116 à 121 de la série publiée par Marvel Comics d'Octobre 2007 à Août 2008, écrits par Warren Ellis et dessinés par Mike Deodato.
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Après deux missions, les Thunderbolts regagnent leur base et font un bilan de leurs actions : Jack Flagg et Steel Spider ont été appréhendés, mais Bullseye a été gravement blessé par American Eagle. L'équipe est, en outre, minée par des tensions entre plusieurs de ses membres, notamment Moonstone et Songbird en désaccord sur le mode opératoire. Quant au véritable patron, Norman Osborn, il surconsomme des calmants.
C'est dans cette atmosphère étouffante que le Dr Leonard Samson débarque pour s'occuper spécialement de Penance, considéré comme un danger pour les autres (à cause de sa puissance - il a failli tuer Hellrazor, un détenu qui l'avait provoqué) et pour lui-même (à cause de ses pulsions suicidaires).
Peu après deux contrevenants au "register act" se livrent sans résistance : d'un côté, la séduisante Caprice ; de l'autre, le mystérieux Mindwave. Mais ces redditions intriguent Songbird...
Penance accepte la thérapie de choc auquel le soumet Samson, capable de résister à son pouvoir. En revanche, Osborn présente des signes inquiètants de troubles mentaux grandissants, comme lorsqu'il retrouve dans un tiroir de son bureau son costume de Bouffon Vert - mais il réussit à dissimuler son état pour l'instant.
Deux autres hors-la-loi, Mirage et Bluestreak, sont incarcérés et sont à l'évidence complices de Caprice et Mindwave pour saboter la base des T-bolts de l'intérieur.
Mc Gargan ne réussit bientôt plus à contenir le symbiote Venom aspirant à quitter le QG, quitte pour cela à en massacrer tout le personnel. C'est alors que le vaisseau de l'équipe, le Zeus, explose sous les yeux de Songbird et Radioactive Man, créant une confusion générale. Swordsman, ne supportant plus d'attendre qu'Osborn clone sa soeur défunte comme il s'y était engagé, soudoie des gardes pour une mutinerie... Alors que Venom a commencé à son carnage !
Les quatre détenus, grâce à leurs pouvoirs mentaux, manipulent les T-bolts pour les monter les uns contre les autres, comme le découvre Len Samson lorsque Mirage tente de le contrôler. Venom et Swordsman se croisent et le second pourfend littéralement le premier pour atteindre Osborn.
Osborn, dépassé par les évènements, perd complètement pied et endosse à nouveau son costume de Bouffon Vert pour rétablir l'ordre dans la base. Il ne tarde pas à défier Swordsman qu'il défait sans ménagement. Les gardes, sous l'emprise des détenus télépathes, neutralisent Radioactive Man et Songbird doit se cacher.
Caprice envoie Moonstone tuer Samson et Penance, qui la domine séchement. Osborn affronte Songbird, sans qu'aucun d'eux deux n'ait raison de l'autre. C'est alors que Bullseye, remis de ses blessures grâce à un traitement biotechnologique, gagne le quartier des prisonniers et, insensible à leurs pouvoirs, les éxécute tous froidement.
Le calme revient dans la base, Osborn calme les autorités extérieures mais Songbird obtient de récupérer le leadership de l'équipe en échange de son silence sur le fait qu'il ait repris son rôle de Bouffon Vert. Cependant, il la met en garde contre Bullseye...
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Ce second arc du tandem Ellis-Deodato tient toutes ses promesses, surpassant même en intensité dramatique le précédent tout en jouant sur un registre un peu différent.
En effet, dans Faith in monsters, logiquement, nous assistions à la formation et aux premières missions des Thunderbolts, l'action se déroulait donc en extérieur et culminait lors des combats entre le groupe et ses cibles. Cette fois, c'est un huis-clos puisque le récit se déroule (quasi)exclusivement à l'intérieur de la base et se focalise sur les divergences internes du groupe, attisées par un groupe de prisonniers aux pouvoirs psychiques.
Les motivations de ces détenus restent énigmatiques jusqu'au bout : agissent-ils pour le compte de quelqu'un ? Et si oui, qui et pourquoi ? Sont-ils des dissidents résolus à supprimer les T-bolts en les poussant à s'entretuer ? Ou des espions à la solde d'ennemis du gouvernement, opposés à ses méthodes ? Ellis ne révèlera même pas si Caprice, Mindwave, Mirage et Bluestreak sont des super-vilains ou des héros résistants ou des kamikazes. Mais ces quatre-là vont s'avèrer de redoutables mines, d'un calibre bien supérieur à Jack Flagg ou Steel Spider, et leur mission échouera de peu.
Pour corser une situation déjà compromise, Ellis introduit un autre "corps étranger" dans le Q.G. des T-bolts, dont l'influence va être aussi déterminante dans le déroulement des évènements : il s'agit du Dr Samson, appelé à se charger du plus puissant membre de l'équipe, mais aussi du plus instable psychologiquement - Penance.
L'ancien Speedball des New Warriors devient un élément pivotal de la mythologie des Thunderbolts puisqu'il a en quelque sorte provoqué leur formation actuelle : avec son ancienne bande, il avait causé la destruction de Stamford, à l'origine de la loi sur le recensement des méta-humains et la crise qui brisa cette communauté jusqu'à fonder l'unité chargé de capturer les dissidents restants.
Hanté par les morts de Stamford mais aussi traumatisé par le fait d'appartenir à cette équipe qui applique brutalement la loi, Penance se mutile pour expier - son costume est d'ailleurs rempli de piques activant son pouvoir en le blessant. Samson désapprouve l'exploitation de cette souffrance à des fins policières, et se méfie particulièrement de Moonstone (une psy comme lui) et d'Osborn (dont le passé devrait l'empêcher d'exercer ses fonctions) : en traitant (toniquement) Penance, il veut donc soigner le jeune homme de ses névroses mais aussi certainement établir un rapport objectif sur les T-bolts (et ses leaders).
Mais la présence de Samson sera, comme l'indique le résumé de l'histoire, aussi à l'origine de l'échec du sabotage des détenus : en résistant à Mirage puis en assistant à la victoire de Penance sur Moonstone, il évite un massacre.
Ellis fait feu de tout bois dans ce second arc : Swordsman organise une mutinerie sanglante et Venom, avec qui il aura un duel d'une ahurissante sauvagerie, tente de s'échapper en démembrant et en dévorant tous ceux qui vont essayer de l'en empêcher. Lorsqu'Osborn redevient le Bouffon Vert, on s'attend logiquement au pire... Evité de justesse.
La furia qui s'empare de la base donne lieu à une incroyable surenchère de pyrotechnie, de violence, qui fait basculer la série dans l'horreur. Pourtant, cette folie a quelque chose de jouissif : elle fait voler en éclats tous les cadres - au propre comme au figuré, car la mise en page traduit parfaitement cet état de faits - en vigueur dans les comics traditionnels. Ellis prend un plaisir manifeste à dynamiter les conventions du genre, comme un gamin qui casse ses jouets et veut savoir jusqu'où on le laissera aller.
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Visuellement, Deodato s'est complètement lâché : ses détracteurs seront outrés par la débauche d'effets employée. Les autres époustouflés par la démesure, la rage, qui se dégagent de ses planches : c'est l'Enfer, avec du sang, des tripes, des flammes, des explosions. Un festival tellement baroque et énorme qu'il suscite presque le rire : c'est une fresque aux accents satiriques, grotesques, qui est représentée.
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Chacun y goûtera, selon sa tolérance. Mais indéniablement, c'est impossible d'y être indifférent et je vois ça comme une qualité. Vous n'oublierez pas cette sarabande dont les auteurs, tels des Attila, n'ont rien laissé d'intact derrière eux.