lundi 30 mai 2011

LUMIERE SUR... CHRIS SPROUSE (1)


Chris Sprouse.
















Les pages ci-dessus sont extraites de America's Best Comics Preview, un fascicule élaboré pour présenter les séries écrites par Alan Moore au sein du label Wildstorm de DC Comics, parmi lesquelles on découvrit Tom Strong, Top Ten ou Promethea.

Naissance aux Etats-Unis.
Scénariste, dessinateur, encreur, lettreur, cover-artist, designer.
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Merci à Artemus Dada membre de http://www.superpouvoir.com/, autre grand fan de Sprouse et connaisseur érudit de Tom Strong (http://www.artemusdada.blogspot.com/).
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Le site de l'artiste : http://www.sprousenet.blogspot.com/

mercredi 25 mai 2011

Critique 233 : MARVEL : LES GRANDES SAGAS 4 - X-MEN, de Ed Brubaker et Trevor Hairsine


Ce quatrième volume de la collection "Marvel : Les Grandes Sagas" est consacré aux X-Men et reprend la saga Genèse Mortelle (Deadly Genesis, en vo), écrite par Ed Brubaker et dessinée par Trevor Hairsine, publiée par Marvel Comics de Janvier à Juillet 2006.
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Qui est ce mystérieux et puissant mutant qui, surgi de nulle part, en veut tant au Professeur Xavier ? La réponse se trouve dans le passé du mentor des X-Men, et plus précisèment lorsque ses premiers élèves (Cyclope, Marvel Girl, le Fauve, Iceberg, Angel, Havok et Polaris) furent pris au piège sur l'île vivante de Krakoa. La version officielle de l'Histoire prétend que pour les libérer, Charles Xavier recruta une nouvelle équipe, cosmopolite (avec Wolverine, Diablo, l'Epervier, le Hurleur, et Tornade). Mais Moira MacTaggert entraînait elle aussi de jeunes mutants dont le Pr X n'hésita pas à se servir comme de la chair à canon. Et aujourd'hui, l'un d'entre eux réclame vengeance...
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Ce récit en six parties tient une place à part pour moi car il fait partie des premiers que j'ai découvert en revenant aux comics super-héroïques après m'en être longtemps éloigné. C'était en 2007 dans les pages de la revue "Astonishing X-Men" et ce fut une lecture mémorable car elle faisait référence à une autre histoire, un grand classique, Uncanny X-Men King-Size 1, écrit par Len Wein et Chris Claremont et dessiné par Dave Cockrum, à l'origine de la relance triomphale de la série en 1976.
Ed Brubaker a imaginé une "retcon" astucieuse : il a profité d'un espace narratif dans la continuité des X-Men pour réécrire l'histoire et introduire de nouveaux personnages tout en rendant le Pr X responsable d'une odieuse manipulation. Dans cette révision du passé, l'équipe moderne a été précédée par un groupe d'élèves dirigé par Moira MacTaggert et sacrifié par Charles Xavier pour tenter de sauver ses premiers disciples.
Le procédé même de la "retcon" est sujet à débat puisqu'il s'agit au mieux d'enrichir la mythologie d'une série, au pire d'y intégrer des éléments qui risquent de ne pas être exploités par la suite. Dès lors, on peut s'interroger : pourquoi revenir sur le passé au lieu de se concentrer sur le présent ? Brubaker a néanmoins créé avec Vulcan un méchant accrocheur, dont on comprend le ressentiment, dont la réapparition ébranle les X-Men, et le scénariste développera son histoire dans un arc de douze épisodes, L'avènement et la chute de l'empire Shi'ar (The rise and fall of the Shi'ar empire, en vo), inégal mais ambitieux, avant que Vulcan ne soit utilisé par le duo Andy Lanning-Dan Abnett dans leurs sagas cosmiques.
Les deux autres additions notables à Genèse mortelle sont le personnage de Darwin, autre survivant de cette génération intermédiaire,dont le pouvoir est très original, et l'exclusion du Pr X, privé de ses pouvoirs à la suite de House of M - ce dernier fait a conduit Cyclope à devenir le véritable nouveau leader de la "mutanité".
Ces épisodes restent assez plaisants à la relecture, l'intrigue est efficace avec une vraie progression dramatique, malgré un affrontement final un peu expédié.
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Graphiquement, en revanche, le résultat est beaucoup plus inégal. La faute en incombe à Trevor Hairsine : après avoir dessiné le premier épisode, il n'a plus livré que des layouts (des planches à peine esquissées, voire incomplètes) et laissé à plusieurs encreurs successsifs (comme Kris Justice, Scott Hanna ou Mike Perkins) le soin de terminer les pages, parce que sa femme attendait leur premier enfant et qu'il n'a pas supporté la pression des délais d'un côté et de sa future paternité de l'autre. Une attitude bien peu professionnelle de la part d'un artiste que Joe Quesada présentait comme une des futures vedettes de Marvel, et dont la carrière depuis n'a fait que confirmer l'irrégularité.
C'est d'autant plus dommage que le premier épisode promettait beaucoup (sans être grandiose toutefois) et que les autres ne sont ensuite, au mieux, que moyens, avec des personnages aux expressions crispées, dans un découpage paresseux, aux finitions quelconques.
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Prochaine parution de cette collection : Wolverine par Jeph Loeb et Simone Bianchi (autant dire que ça ne risque pas d'être fôlichon)...

vendredi 20 mai 2011

Critique 232 : BATMAN : STREETS OF GOTHAM 1 - HUSH MONEY, de Paul Dini et Dustin N'Guyen

Batman : Streets Of Gotham 1 - Hush Money rassemble les épisodes 852 de Detective Comics, 685 de Batman et 1 à 4 de Batman : Streets Of Gotham, écrits par Paul Dini et dessinés par Dustin N'Guyen, publiés par DC Comics en Mars 2009 (Detective Comics et Batman) et de Août à Novembre 2009 (Batman : Streets Of Gotham).
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Le Dr Thomas Elliot tente de se suicider après avoir été corrigé et ruiné par Catwoman, mais il est sauvé par des marins et décide d'en profiter pour se venger. Ayant pris les traits de Bruce Wayne dont il a découvert la double identité, il sait que Batman n'est plus apparu en public depuis de longs mois et en déduit qu'il est mort, une occasion idéale pour prendre la place du playboy milliardaire de Gotham en détournant sa fortune.
Mais Elliott se montre trop gourmand et il est repéré puis enlevé par Catwoman qui le remet à Nightwing et Robin. Il est enfermé dans une cellule du manoir Wayne.
Dick Grayson endosse le costume et le nom de Batman et Damian Wayne continue de le seconder comme Robin alors que Firefly, un ancien agent du criminel Black Mask, met littéralement Gotham à feu et à sang. Profitant de la situation, Elliot s'échappe et usurpe publiquement l'identité de Wayne. Grayson et Damian, avec quelques amis, sont obligés de composer et autorise Elliot à jouer son rôle tout en l'empêchant d'aller trop loin.
Cependant, Black Mask, après l'arrestation de Firefly, confie une partie de son empire à Zsaz. De quoi occuper Batman et Robin...
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Pour apprécier cet album et les épisodes qu'il rassemble, il convient de faire le point sur la situation de Batman : Grant Morrison, le scénariste de la série consacrée au Dark Knight, a règlé son compte au justicier en deux temps. D'abord, il a fait subir au héros une longue descente aux enfers dans la saga du Gant Noir, avant, dans le crossover Final Crisis, de le faire succomber face à Darkseid. En vérité, Bruce Wayne, que tous ses amis croient vraiment mort, a été transporté dans la préhistoire et son retour attendu fait l'objet d'une saga intitulée Return of Bruce Wayne.
En attendant, ces épisodes écrits par Paul Dini, responsable de l'autre titre, l'historique Detective Comics (tout comme Action Comics est le titre original de Superman), reviennent sur la période entre la disparition de Wayne et son retour. Grant Morrison a établi (comme Ed Brubaker avec Captain America) que Dick Grayson, le disciple du héros, a décidé d'assumer l'héritage de Batman en se glissant dans son costume. Il est secondé par Damian, le fils de Wayne et Talia Al-Ghul. Désormais, Batman est l'élément "sage" du tandem tandis que Robin est un gamin violent.
Paul Dini, dans les deux premiers épisodes de ce recueil, s'emploie d'abord à conclure le dossier de Hush (Silence en vf), cet ennemi de Batman, créé par Jeph Loeb et Jim Lee dans la saga éponyme. En cavale, il est repris par Catwoman et Grayson, encore en action sous l'alias de Nightwing.
Puis, c'est le début de la série Batman : Streets of Gotham, lancée après Final Crisis, mi-2009. Grayson est devenu Batman entretemps, Hush est détenu dans une cellule du manoir Wayne, et Black Mask commande aux criminels de la ville.
Dini pilote la série selon un principe ingénieux puisque chaque épisode multiplie les narrateurs en voix-off, donnant à la fois le point de vue des "gentils" (comme le commissaire Gordon) et des "méchants" (Firefly).
Fidèle à la méthode déjà à l'oeuvre sur Detective Comics, dans un recueil comme Private Casebook, Dini écrit des récits brefs mais à l'action tendue, mais plus spectaculaire, en deux épisodes. Le personnage de Elliot/Hush sert de fil rouge aux six épisodes de l'album, de sa tentative de suicide à son sauvetage puis durant sa cavale jusqu'à sa capture, son incarcération et son évasion avant d'être "mis sous tutelle" par Grayson, Damian et leurs amis (les Outsiders, Zatanna, quelques membres de la JLA).
L'ensemble est très plaisant à lire, le rythme est soutenu, très fluide, la diversité des narrateurs conférant une ampleur à la série en suggérant la profondeur de la criminalité de Gotham. De la belle ouvrage, plus accessible que ce qu'écrit Morrison, où l'abondance de références au passé de Batman et les délires sur sa psyché tortueuse peuvent égarer les non-initiés.
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Graphiquement, c'est également brillantissime : Dustin N'Guyen forme vraiment un duo parfait avec Paul Dini, et son style à la fois "cartoony" et aux ambiances soignées conjugue à la fois originalité et qualité.
La force de l'artiste, dont le trait s'est à la fois affiné et diversifié, affranchi de tout réalisme tout en proposant des planches saisissantes (voir Gotham en feu) ou des vignettes savamment suggestives (le jeu sur les ombres, comme lorsqu'il révèle que Hush est surveillé par le Creeper alors que ce dernier est en civil), est de prolonger visuellement toutes les malices narratives sans que jamais le tempo ne s'en ressente.
A bien des égards, c'est le dessinateur le plus singulier et le plus efficace de DC aujourd'hui, avec, qui plus est, une productivité assez ahurissante (il signe les couvertures de la série et de bien d'autres !).
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Même si la série est désormais terminée Outre-Atlantique, voilà une production magistrale dont ce premier album donne très envie de découvrir la suite.

dimanche 15 mai 2011

Critique 231 : MARVEL - LES GRANDES SAGAS 3 : IRON MAN, de Warren Ellis et Adi Granov


Ce troisième album de la collection "Marvel : Les Grandes Sagas" est aussi le premier à proposer une seule histoire complète - et pas des moindres : c'est une histoire qui a fait date, puisqu'elle rassemble les 6 premiers épisodes du volume 4 de la série Iron Man, écrits par Warren Ellis et illustrés par Adi Granov, publiés par Marvel entre Janvier 2005 et Mai 2006.
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Tony Stark est un homme d'affaires richissime et un futurologue : il a construit l'armure d'Iron Man après avoir été la cible de terroristes en Afghanistan et est devenu un super-héros. Mais sa position est ambiguë : il veut à la fois pacifier le monde tout en faisant commerce d'armes, fournissant l'armée et le contre-espionnage. A l'époque où il a commencé à mener, en secret, sa double vie, il a également rencontré Maya Hansen, une brillante scientifique étudiant la formule du super-soldat (qui a engendré Captain America) : aujourd'hui, elle a mis au point l'Extremis, un concentré bioélectronique dopant le métabolisme, mais encore expérimental. Ce sérum a été vendu par le Dr Aldrich Killian de Futurepharm à un terroriste, Mallen, dont la famille a été exécutée par les agents fédéraux et qui veut se venger. Iron Man pourra-t-il le vaincre ? Et si oui, à quel prix ?
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La conception de cette histoire en six parties a marqué d'une pierre blanche la série Iron Man, non seulement parce qu'elle en inaugurait le quatrième volume, mais aussi par la qualité de son équipe créative et la durée de sa réalisation. Marvel a laissé le temps à Adi Granov, dont la technique graphique est laborieuse, de travailler : commencés en Janvier 2005, ces épisodes n'ont été achevés qu'un an et demi après, en Mai 2006 !
Commençons, une fois n'est pas coutume, par parler justement de Granov : adepte du style photo-réaliste, ses planches sont saisissantes, mélangeant des photos retouchées, des dessins peints numériquement, mais si cette méthode est bluffante quand il s'agit de représenter le héros en armure (à tel point que ses designs seront réutilisés pour l'adaptation cinématographique d'Iron Man, réalisé par Jon Favreau, avec Robert Downey Jr), le résultat est plus mitigé lorsqu'il s'agit de personnages ordinaires. De fait, le rendu est un peu froid, désincarné, les postures sont raides, l'expressivité des personnages limitée (quand bien même Granov s'est visiblement inspiré de Tom Cruise pour son Tony Stark).
Depuis Granov se consacre exclusivement à son activité de designer et de cover-artist, sans que ses productions soient plus vivantes.
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Le choix de Warren Ellis pour la rédaction du scénario est une évidence : l'auteur de Planetary est en effet obsédé par les rapports entre la technologie et l'homme/surhomme. On retrouve ce thème dans cette histoire où Stark est à la croisée des chemins, s'interrogeant sur son rôle de marchands d'armes, affrontant un adversaire modifié scientifiquement, et décidant de se transformer radicalement pour le terrasser. Jamais plus le personnage ne sera le même après cette saga.
Ellis alterne chapitres rythmés et séquences plus calmes, mais sa décompression narrative dont il a été le praticien le plus emblématique de sa génération (en faisant une sorte de "parrain" des Millar, Bendis, Brubaker et compagnie) ne fonctionne jamais aussi bien que lorsqu'il l'emploie dans des projets personnels. Ici, il exécute une commande sans beaucoup s'y investir et en devant respecter le cadre d'un héros qu'il ne peut pas révolutionner profondèment. Ce n'est pas désagrèable, mais impersonnel et inégal, parfois redoutablement efficace, parfois terriblement banal.

Un album important malgré ses faiblesses. A suivre : X-Men : Deadly Genesis par Ed Brubaker et Trevor Hairsine...

mardi 10 mai 2011

Critique 230 : BLACK WIDOW - THE NAME OF THE ROSE, de Marjorie Liu et Daniel Acuña

Black Widow : The Name Of The Rose rassemble les épisodes 1 à 5 de la série écrite par Marjorie Liu et dessinée par Daniel Acuña, ainsi que son prologue, Coppelia, issu de l'anthologie Enter The Heroic Age, écrit par Kelly Sue DeConnick et dessiné par Jamie McKelvie, publiés en 2010 par Marvel Comics.
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Lorsqu'on est, comme Natasha Romanoff, une très belle femme, une espionne (d'abord pour la Russie puis les Etats-Unis) et une super-héroïne (membre des Vengeurs), on accumule les raisons d'avoir de sérieux ennuis. Son passé tortueux et lointain lui a valu de nombreux ennemis, même si, après avoir été la maîtresse de justiciers comme Hawkeye, Daredevil, Hercule, elle vit aujourd'hui une belle histoire d'amour avec Bucky Barnes (le nouveau Captain America).
Mais lorsqu'elle reçoit une rose noire, la Veuve Noire comprend qu'on cherche à nouveau à lui nuire - et elle a raison : elle est gravement blessée, on lui dérobe de précieux renseignements (pourtant soigneusement cachés), elle est publiquement discréditée et bientôt recherchée par les autorités. Elle ne peut que compter sur quelques amis (certains connus comme Wolverine ou Tony Stark, d'autres moins comme Black Rose) et doit affronter de redoutables rivales (comme Elektra ou Lady Bullseye) pour découvrir qui lui en veut et pourquoi, au terme d'un long et douloureux voyage...
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Mine de rien, la Veuve Noire est une des plus anciennes héroïnes de Marvel, avec la Femme Invisible et la Guêpe, puisqu'elle est apparue en 1964 dans les pages de Tales of Suspense #52 (où se déroulaient les aventures de Iron Man). Elle n'a cependant pas été créée par Stan Lee mais par un certain N. Korok, de son vrai nom Don Rico (il écrivait sous un pseudonyme car il signait chez d'autres éditeurs des romans). A la fin du présent recueil, John Rett Thomas a rédigé une biographie bienvenue de l'héroïne, et dans le n° 63 du magazine Comic Box, un article de Xavier Fournier expliquait à quel point les scénaristes de la Maison des Idées n'avaient pendant longtemps pas vraiment su quoi faire de ce personnage.
Aujourd'hui, Black Widow figure dans deux séries à succès, comme second rôle récurrent dans Captain America et membre des Vengeurs Secrets, toutes deux écrites par Ed Brubaker. A l'occasion du passage du "Dark Reign" à l' "Heroic Age", Marvel a voulu donner à nouveau à l'héroïne sa propre série en en confiant la réalisation à une équipe créative prometteuse : la romancière Marjorie Liu au scénario et l'artiste espagnol Daniel Acuña au dessin. Cet album rassemble l'intégralité de leur collaboration, cinq épisodes, mais le titre n'a pas survécu longtemps à leur départ et a été rapidement annulé comme d'autres séries (re)lancées au même moment (Atlas, Hawkeye and Mockingbird, Thor the mighty avenger).
The name of the Rose se présente davantage comme un récit d'espionnage que comme une histoire super-héroïque, et c'est peut-être ce qui explique son échec (bien que dans un marché en crise et où, hors des franchises "Avengers"-"X-Men", ou "Spider-Man", toutes les nouveautés se plantent). C'est regrettable car cela signifie que le lectorat ne donne pas sa chance à des projets alternatifs et néanmoins accessibles, et surtout que la présence d'une bonne scénariste et d'un bon dessinateur ne garantit pas la viabilité d'une série.
Marjorie Liu accomplit un remarquable travail sur ce personnage, même si c'est un peu au détriment de l'intrigue : en effet, le script est efficace mais le choix de l'adversaire et son mobile manque de piment, Imus Champion n'étant pas vraiment un méchant assez connu (le même reproche peut d'ailleurs être adressé à Hawkeye and Mockingbird de Jim McCann et David Lopez ou Atlas de Jeff Parker et Gabriel Hardman, qui s'adressent plus à des connaisseurs qu'à des nouveaux venus). Cependant, l'écrivain réussit brillamment les séquences précédant la chute, ponctuant chaque épisode de face-à-face tendus, aux dialogues piquants (mention pour la scène dans le train avec Lady Bullseye). Liu parvient également à ponctuer l'enquête de la Veuve Noire de belles bagarres (contre Elektra ou Imus Champion). Bref, on ne s'ennuie pas une seconde et Natasha Romanoff possède une vraie voix, qui prouve qu'elle est une héroïne capable de rivaliser en charisme avec Captain America ou Wolverine.
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La partie graphique est donc l'oeuvre de Daniel Acuña, un artiste souvent balloté de série en série par Marvel, et qui a eu là l'occasion de s'exprimer sur une durée plus conséquente. Son style, fondée sur la colorisation directe, avec une palette chromatique vive, le distingue de la majorité des dessinateurs "au trait" et au réalisme classique. Mais il faut reconnaître que l'espagnol est particulièrement à son avantage avec l'héroïne, à laquelle il donne de la classe et du tempérament.
Acuña soigne également les décors, urbains ou bucoliques, et les ambiances, majoritairement nocturnes, sans noyer son dessin sous une masse de détails inutiles : c'est clair, dynamique, élégant. Un vrai régal, atypique mais accrocheur.
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Comme d'habitude, les éditions "Premiere" de Marvel sont parfaitement "packagées" : couverture dure avec une jaquette en papier glacé comme les pages intérieures, l'intérieur compte de jolis bonus - variant covers à foison, et l'épisode introductif extrait de l'anthologie Enter the Heroic Age, écrit par Kelly DeConnick et dessiné par Jamie McKelvie (intitulé Coppélia, d'un intérêt toutefois anecdotique).

Un bel album pour cinq épisodes très séduisants - c'est vraiment dommage que Liu (ayant préféré se consacrer à d'autres projets) et Acuña n'aient pas rencontré le succès que méritaient leurs efforts.

Critique 229 : THOR THE MIGHTY AVENGER - VOL. 2, de Roger Langridge et Chris Samnee

Thor The Mighty Avenger Volume 2 rassemble les épisodes 5 à 8 de la série écrite par Roger Langridge et dessinée par Chris Samnee, publiée en 2010 par Marvel Comics. En complément, on trouve les épisodes 85-86 de Journey Into Mystery, écrits par Stan Lee et Larry Lieber et dessinés par Jack Kirby, édités en 1962.
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Thor ignore toujours pour quelles raisons il a été banni d'Asgard par son père Odin, mais il a décidé de profiter de sa romance avec Jane Foster en lui offrant une escapade en Australie, où le dieu du tonnerre va croiser la route de Namor, puis en Norvège, où il se rappelle sa dernière rencontre avec Heimdall, gardien du royaume des dieux nordiques. Il comprend que son impétuosité lui a valu d'être envoyé sur Midgard (la Terre) et qu'il va lui falloir se montrer humble et brave.
Thor va avoir l'occasion de prouver son courage lorsqu'il est enlevé par le mystérieux mécène d'un groupe de savants, responsable de son amnésie et convoitant ses pouvoirs. Jane Foster, inquiète de la disparition de son héros, sollicite l'aide d'Iron Man via Tony Stark dont Hank Pym lui a donné les coordonnées...
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Ce second recueil de Thor The Mighty Avenger contient les quatre derniers épisodes de cette série dont l'insuccès a entraîné l'annulation, au grand dam de ses fans (trop peu nombreux, mais tous séduits). On ne pourra que regretter que Marvel n'ait pas laissé à Roger Langridge le temps de conclure son intrigue, conclusion planifiée au #12 : c'est rageant, seulement 4 chapitres supplémentaires et tout aurait été bouclé.
Car, c'était prévisible, la série ne connaît pas de véritable dénouement et on ignore l'identité de l'individu qui a fait perdre la mémoire de Thor, s'il réussira à retourner sur Asgard et à s'expliquer avec son père. Quelle misère vraiment : Marvel supporte des âneries comme Deadpool mais ne peut même pas permettre à une série comme celle-ci d'être correctement terminée...
Néanmoins, Langridge rédige des épisodes au charme irrésistible : l'histoire d'amour entre Thor et Jane Foster est écrit avec une délicatesse et un humour d'une subtilité exemplaires, les apparitions de guest-stars comme Namor, Heimdall et Iron Man sont superbement exploitées.
Thor, qui, dans les quatre premiers épisodes, était décrit comme un sympathique balourd, ne perd pas son impulsivité mais gagne en sensibilité, par petites touches - et c'est cette légèreté qui est si agrèable à la lecture de cette série, où rien ne semble jamais forcé mais joue avec la complicité du lecteur. Ah, mais comment les lecteurs américains ont pu ne pas aimer cette merveille ? Quel gâchis !
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Chris Samnee illustre ces nouveaux et ultimes épisodes avec le même brio : l'expressivité de ses personnages, la sobriété de son découpage, est un pur régal. Il donne une humanité et une drôlerie tendre à cet univers de super-héros comme peu d'artistes y parviennent.
J'avais évoqué l'influence de maîtres comme Ditko ou Toth dans le trait épuré de Samnee : il mérite d'être comparé à eux, et on ne peut qu'espérer que le grand public saura apprécier le dessinateur à sa juste valeur dans un avenir proche puisqu'il participera à la future série Captain America and Bucky co-écrite par Ed Brubaker et Marc Andreyko.
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Les épisodes de Lee et Kirby complètent joliment le sommaire.

Faîtes-vous ce cadeau et procurez-vous les deux albums de ce titre : vous lirez un des comics les plus enchanteurs qu'ait produit Marvel en 2010 !

vendredi 6 mai 2011

Critique 228 : RUSE 1 - L'AFFAIRE MIRANDA CROSS, de Mark Waid et Butch Guice

Après avoir découvert El Cazador, vestige de CrossGen, j'ai voulu poursuivre ma découverte de ce défunt éditeur en acquérant le premier tome de Ruse, série qui en compte trois. Je me le suis procuré en v.o. mais j'édite la couverture de l'édition française (Semic), qui avait traduit le titre dans un format à l'italienne parfaitement indiqué.
Ruse est écrit par Mark Waid, scénariste expérimenté, à qui on doit un brillant run sur les FF avec le regretté Mike Wieringo, et dessiné par Butch Guice, qui s'est distingué dans moults productions de qualité chez Marvel (en ce moment Captain America) et DC (Aquaman, par exemple). Ajoutez-y Mike Perkins à l'encrage et Laura Depuy Martin aux couleurs, et vous aurez une idée de la "dream team" à l'oeuvre sur Ruse, publiée en 2001-2002.
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Le héros de Ruse est peut-être moins Simon Archard, infaillible détective, que son assistante Emma Bishop, capable d'agir sur le temps en le figeant. A Partington en Angleterre, où les gargouilles sont réellement animées et planent au-dessus de cette cité en pleine révolution industrielle à la fin du XIXème siècle, la police fait souvent appel à ces fins limiers pour débrouiller des affaires criminelles. Leur résolution flatte l'égo d'Archard mais ne suffit plus à tromper son ennui.
Jusqu'à ce qu'arrive en ville la mystérieuse et troublante Miranda Cross, Baronne de Kharibast, dont la présence semble liée à des troubles parmi les notables. Rapidement en effet, le maire, le patron de la gazette locale, le chef de la police et le banquier se retournent contre Archard qui, de chasseur, devient proie. Pour ne rien arranger, Miranda ne craint pas les pouvoirs d'Emma...
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La référence à Sherlock Holmes n'aura échappé à personne, mais Mark Waid a élaboré une variation astucieuse de la créature d'Arthur Conan Doyle en nous narrant ses exploits du point de vue de sa partenaire. En transformant le Dr Watson en femme, qui plus est pourvu de charmes et de pouvoirs surnaturels, il ironise sur l'arrogance du détective génial dont il fait un homme rongé par l'ennui quand bien même il évolue dans des affaires et un cadre fantastiques.
Le procédé est habile et permet au récit d'être gentiment pimenté, même si Waid abuse de la voix-off qui ralentit l'action. De fait, Ruse ennuie un peu le lecteur comme ses enquêtes ennuient Simon Archard, poliment mais sûrement. On a parfois le sentiment que Waid s'est un peu bridé, n'osant pas traiter de manière plus sarcastique son sujet et son héros, alors même qu'il est un scénariste tout à fait capable à la fois de respecter les codes d'un genre tout en prenant ses distances (ses FF en étaient le meilleur exemple).
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En revanche il est difficile de faire la fine bouche devant la qualité exceptionnelle de l'équipe graphique, assurèment une des plus belles qu'on puisse apprécier sur un comic-book : Butch Guice et Mike Perkins ont uni leurs efforts pour livrer des planches somptueuses, aux décors incroyablement fouillés, aux personnages fortement typés et à l'allure d'une élégance fabuleuse. Le résultat est bluffant.
Laura Depuy Martin magnifie cela avec une palette de couleurs d'une admirable subtilité : c'est un régal pour les yeux.
Le 6ème épisode est réalisé par Dave Johnson et Paul Neary, sur des couleurs de Jason Lambert, sans qu'ils aient à rougir de la comparaison, même si c'est un cran en dessous - inévitablement a-t-on envie d'ajouter.
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Un titre atypique, référentielle, mais pas tout à fait abouti, qui vaut surtout pour ses illustrations impressionnantes. CrossGen produisait du matériel de qualité, à redécouvrir assurèment - et Marvel l'a compris puisqu'une nouvelle série Ruse a été commandée, toujours avec Waid aux commandes et Marco Pierfederici aux dessins.

mercredi 4 mai 2011

Critique 227 : UNCANNY X-MEN - FROM THE ASHES (#168-176), de Chris Claremont, Paul Smith, Walter Simonson et John Romita Jr


Uncanny X-Men : From the ashes rassemble les épisodes 168 à 176, publiés en 1983, de la série écrite par Chris Claremont et dessinée par Paul Smith (#168-170, 172-174, et les 29 premières planches du #175), Walter Simonson (#171) et John Romita Jr (les 9 dernières pages du #175 et le #176).
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Trois histoires composent ce recueil : la première introduit les Morlocks (#168-171), la deuxième se déroule au Japon (#172-173) et la dernière voit le retour du Cerveau (#174-176).

- Professor Xavier is a jerk - Catacombs - Dancin' in the dark - Rogue (#168-171). Kitty Pryde est furieuse en apprenant que le Pr Xavier a décidé de l'intégrer à l'équipe des Nouveaux Mutants alors qu'elle pensait avoir fait ses preuves au sein des X-Men. Sur les conseils de son amie Illyana Raspoutine, elle déploie toute son imagination pour qu'il change d'avis... Cependant, en Alaska, Scott Summers/Cyclope (qui a quitté les X-Men depuis la mort de Jean Grey/Phénix - cf. #137) rencontre Madelyne Pryor, qui est le sosie de son amour de jeunesse. Warren Worthington III/Angel est enlevé par Callisto, leader des Morlocks, des mutants vivant dans le sous-sol de New York. Tornade, Diablo, Colossus et Kitty Pryde partent sauver leur ami mais doivent affronter ces parias. Pour les raisonner, Ororo Munroe devra vaincre Callisto - une épreuve qui annonce de profonds bouleversements pour elle. Malicia, membre de la Confrérie des Mauvais Mutants, quitte Mystique et Destinée pour demander au Pr Xavier de l'aider car, après avoir absorbé les pouvoirs et la mémoire de Carol Danvers/Ms Marvel, elle est désorientée. Son admission au sein de l'institut divise les X-Men - et le courroux de Binaire (le nouvel alias de Carol Danvers).

- Scarlet in glory - To have and have not (#172-173). Tornade, Diablo, Colossus, Kitty Pryde et Malicia arrivent à Tokyo, au Japon, où Wolverine s'apprête à épouser Maryko Yashida. Mais le père de la jeune femme, récemment mort, avait partie liée avec le crime organisé et le demi-frère de Maryko, Keniuchio Harada/le Samouraï d'Argent, compte bien lui succèder, après avoir, avec la complicité de Viper, membre de l'Hydra, neutralisé Wolverine et les X-Men. Seul avec Malicia, le mutant griffu, dont les camarades ont été drogués, est sur le pied de guerre, tandis que Tornade accomplit une mue radicale au contact de la ronin Yukio.

- Romances - From the ashes... - Decisions (#174-176). Scott Summers/Cyclope file désormais le parfait amour avec Madelyne Pryor. Parfait, vraiment ? Pas si sûr car, d'une part, il doit décider s'il quitte la Terre en compagnie de son père et des Starjammers, et d'autre part, la ressemblance troublante entre Madelyne et feu Jean Grey le dérange de plus en plus. Serait-elle la réincarnation de Phénix ? Ou un ennemi dans l'ombre tire-t-il les ficelles pour le manipuler et détruire les X-Men ? Pour le savoir, les mutants devront mener une nouvelle rude bataille. Et Scott faire un choix crucial pour la suite...
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En 1983, quand paraissent ces épisodes, voilà déjà deux ans que le duo magique Chris Claremont-John Byrne s'est séparé, et leur éditeur, Jim Shooter, qui s'est successivement fâché avec eux deux, a laissé sa place à Louise Simonson. Dave Cockrum est revenu entretemps pour illustrer quelques épisodes moyens (Bob McLeod a également fait un bref passage), mais la magie a disparu de la série, qui reste néanmoins le plus gros succès commercial de Marvel.
Lorsque Paul Smith devient le nouvel artiste régulier d'Uncanny X-Men (parfois supplée par Walter Simonson, le mari de Louise, qui va redynamiser à la même époque Thor), la série opère immédiatement un virage esthétique et va y gagner une nouvelle jeunesse, un nouvel élan. Cela commencera pourtant par une saga inégal, très influencé par le triomphe cinématographique d'Alien, avec les Broods, entraînant les mutants dans un de ces voyages au fin fond de l'espace comme ils en feront souvent. Puis viendront les chapitres collectés dans ce recueil, véritable sommet du tandem Claremont-Smith, avant que John Romita Jr ne débarque.
Le titre de l'ouvrage indique clairement que ces épisodes sont placés sous le signe du Phénix, donc de Jean Grey, dont la mort a été pour toute une génération de lecteurs un des moments les plus forts des comics Marvel. Après cela, plus rien n'a été pareil : des millions de fans firent l'expérience de la mort d'un super-héros au terme de cette histoire spectaculaire, préparée de longue date par Claremont et Byrne. Le pseudonyme de Jean Grey ne pouvait qu'inspirer au scénariste une nouvelle séquence dans laquelle il jouerait avec l'idée qu'elle ait survécu et reviendrait hanter ses co-équipiers.
Claremont, maître-és sub-plots, n'abat pas ses cartes tout de suite mais sème des indices tout au long de ces huit épisodes, qui trouble Scott Summers jusqu'à la réunion du leader emblématique des mutants avec l'équipe qu'il a quittée suite à la perte de son amour de jeunesse. Entretemps, l'auteur va nous faire vivre des aventures contrastées, introduisant une foule de personnages qui animeront longtemps après la série - les Morlocks, résidents des catacombes new-yorkaises - et nous faisant voyager jusqu'au Japon.
Les chapitres concernant les Morlocks sont déjà importants car ils vont radicalement transformer le personnage de Tornade, en proie à une lente métamorphose depuis la saga spatiale des Broods (où elle a été l'hôte d'un de ces monstres extra-terrestres) : la maîtrise de ses pouvoirs lui échappent et son comportement devient de plus en plus violent. Son duel à mort (ou presque...) avec Callisto va définitivement sceller cette mue dont l'achèvement passera par un relooking des plus radicaux - c'est le moment où Ororo va devenir une punk, à la coiffure iroquoise, vêtue d'un pantalon et d'un blouson de cuir noir : un choc pour les amateurs à l'époque, mais adroitement amené.
Le périple au Japon est un autre climax à double titre : Wolverine est sur le point de se marier (!) mais Claremont continue de développer l'intrigue relative à Phénix, encore une fois d'une façon redoutablement subtile. Le rebondissement final va durablement, lui aussi, marquer le personnage du griffu canadien et produire une réplique encore culte près de trente après (le fameux "You are not worthy" - "Tu ne le mérites pas"). En outre, ce dyptique offre un combat d'anthologie entre Wolverine et le Samouraï d'Argent (absurdement censuré/remonté par Lug en vf à l'époque, alors que le découpage était admirablement suggestif).
Enfin, le climax de l'album : on découvre qui veut faire croire au retour du Phénix et comment Cyclope, tout en affrontant ses ex-co-équipiers abusés, les sauvera, eux et Madelyne Pryor. Tout cela aboutit à un épisode "king-size" de presque 40 pages, virtuose, avant un épilogue plus anecdotique sur la lune de miel, forcèment perturbée, des jeunes mariés.
Ce qui est et reste formidable, même après toutes ces années, c'est le talent de conteur de Claremont, qui nous amène précisèment là où il l'a prévu, développant une histoire par petites touches jusqu'à un final spectaculaire, tout en nous ayant, entretemps proposé des aventures exotiques et étranges, haletantes et émouvantes, dans des décors parfaitement choisis pour divertir (aussi bien dans le sens d'amuser que de nous entraîner sur de fausses pistes). Son écriture est d'une fluidité exemplaire, les personnages sont puissamment caractérisés, les situations exploitées à fond, la dynamique du groupe d'une efficacité magistrale. Chaque personnage a son "grand moment" et l'équipe fonctionne comme une horloge même avec le départ ou l'arrivée de certains membres. Une leçon de narration.
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Paul Smith illustre ces histoires avec un trait clair, simple, d'une lisibilité jamais prise en défaut, mais surtout, déjà, d'une fabuleuse élégance. La beauté de ses héroïnes permet à Claremont de les mettre plus que jamais en vedette. Smith est aussi à l'aise pour représenter la métamorphose de Tornade que la jeunesse de Kitty Pryde ou le doute de Malicia ou le conflit intérieur de Maryko Yashida.
Mais quand il s'agit d'animer les personnages masculins, Smith n'est pas en difficulté non plus : nul mieux que lui a su donner une telle prestance à Diablo, souligner la juvénilité de Colossus, la rudesse de Wolverine ou la sveltesse de Cyclope, sans se départir de la finesse qui caractérisait ses créatures féminines.
Mais la réussite de Paul Smith, c'est aussi celle de son encreur, Bob Wiacek, qui a embelli ses planches comme celles de John Byrne (sur quelques épisodes d'Alpha Flight) et a été maintenu à son poste quand Walter Simonson et John Romita Jr ont supplée Smith. Partenaire du légendaire Jerry Ordway, Wiacek est un encreur qui mérite d'être redécouvert et salué.
Seul bémol concernant la partie graphique : comme tous les comics de cette époque, les couleurs tramées de Glynis Oliver ont mal vieilli, ce n'était déjà pas beau alors, ça ne l'est pas devenu depuis, et il est dommage que Marvel ne "restaure" pas ces épisodes en les rééditant car l'impression des films, souvent baveuses, ne flatte pas la beauté de ces planches.
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From the ashes est un superbe recueil qui témoigne de la qualité des X-Men époque Claremont - la suite de son run, avec John Romita Jr, Jon Bogdanove, jusqu'à Marc Silvestri, ne déméritera pas... Et montre à quel point la série a aujourd'hui perdu de sa superbe, avec des auteurs et des artistes souvent beaucoup moins inspirés.

Critique 226 : TOM STRONG - DELUXE EDITION, BOOK 2 (#13-24), d'Alan Moore, Chris Sprouse et Jerry Ordway

Ce deuxième volume hardcover de Tom Strong rassemble les épisodes 13 à 24 de la série co-créée par Alan Moore (au scénario) et Chris Sprouse (au dessin). Leah Moore (la fille du Maître) et Peter Hogan (qui a développé l'histoire de Terra Obscura, spin-off de Tom Strong) ont également participé à l'écriture de quelques épisodes. Jerry Ordway, Kyle Baker, Russ Heath, Peter Poplaski, Hilary Barta, Howard Chaykin et Shawn McManus ont parfois supplée Sprouse comme illustrateurs.
Ces 12 chapitres ont été publiés par DC Comics, via le label Wildstorm et la collection "America's Best Comics", de 2001 à 2004.
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- Tom Strong #13 - The Tower at Time's End! (Mai 2001) Ecrit par Alan Moore et dessiné par Chris Sprouse, Kyle Baker, Russ Heath et Pete Poplaski.
Le mystérieux Time-Keeper (Gardien du Temps) à la fin du temps divisent en trois le rubis de l'Eternité et l'envoie en trois lieux et trois époques différentes pour qu'il ne tombe pas entre les mains de diverses versions du criminel Paul Saveen, ayant investi son repaire. Tom Strong, adulte et adolescent, et Warren Strong, le double du héros à l'aspect de lapin, mais aussi la fille du héros, Tesla, unissent leurs efforts pour cette mission.

Ce prologue est sympathique et sans prétention : Alan Moore s'amuse avec son héros et ses incarnations, y compris celle farfelue de Warren le lapin. L'intrigue est caractéristique du scénariste qui joue sur les lignes temporelles tout en développant une intrigue parfaitement claire et compréhensible. Les situations donnent également à Moore l'occasion de signer des dialogues piquants (comme pour d'autres épisodes de ce volume), soulignant sa volonté de distraire le lecteur et de tordre le cou à sa légende d'auteur sérieux (voire sinistre).

Les dessinateurs changent à chaque partie, signalant esthétiquement les périodes et l'univers de chaque version de Tom Strong, Chris Sprouse se chargeant évidemment d'animer l'incarnation classique du héros. Les autres invités fournissent une copie plus inégale, mais l'exercice l'impose.

C'est léger, mais adéquat pour entamer cette nouvelle et consistante collection.
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- Tom Strong #14 - Space Family Strong / The Land Of Heart's Desire! / Baubles Of The Brain Bazaar! (Août ) Ecrit par Alan Moore et dessiné par Chris Sprouse et Hilary Barta.
*Space Family Strong - Située en 1954, cette courte aventure narre les vacances désastreuses de la famille Strong sur une planète particulièrement hostile. Le ton est à la franche parodie, en total décalage avec la série.
*The Land of Heart's Desire - En 1955, Tom et Dahlua Strong visitent une nouvelle planète apparemment idyllique mais dont l'environnement est en vérité un terrible piège, offrant aux visiteurs la possibilité de vivre leurs fantasmes pour mieux les capturer.*Baubles Of The Brain Bazaar! - Sur le chemin du retour sur Terre, la famille Strong est happée dans une faille temporelle qui la propulse 40 millions d'années dans le futur. Dahlua est enlevée par une marchande d'esclaves dont Tom la libère avec le concours de Johnny Future, dont le partenaire a été également kidnappé.

Cette suite de trois petits épisodes forment un lot assez disparate mais qui prouvent le polymorphisme de la série. Dans le premier récit, Alan Moore et Hilary Barta sont déchaînés et caricaturent Tom Strong en parfait crétin : le résultat est détonant mais hilarant, avec un graphisme grotesque et des gags s'enchaînant à toute allure.
Plus troublant est le deuxième segment où Tom et son épouse, dans un décor paradisiaque mais trompeur, font face à leurs secrets et fantasmes : la brièveté de l'épisode accentue son intensité, l'écriture de Moore est diaboliquement efficace. Et le dessin de Chris Sprouse est d'une beauté à la mesure du cadre dans lequel se débattent les héros.
Le troisième chapitre est un peu décevant, il s'agit en fait d'un prélude aux Terrific Tales, autre spin-off de la série (collecté dans un album indépendant). Cette team-up entre Tom Strong et Johnny Future n'a pas grand intérêt même si elle se lit sans ennui. En fait, les dessins de Sprouse constitue la véritable attraction : comme d'habitude, les planches sont magnifiques, avec un soin remarquable apporté aux décors et designs de personnages qui ne font pourtant que passer.
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- Tom Strong #15 - Ring Of Fire! (Janvier 2002) Ecrit par Alan Moore et dessiné par Chris Sprouse.
Tesla Strong est enlevée par un "démon de feu" qui lui déclare littéralement sa flamme. Il s'agit en fait d'une vieille connaissance puisqu'on a déjà rencontré ces créatures vivant sous terre dans le 8ème épisode de la série (Sparks). Tom Strong récupère sa fille, avec l'aide de Dahlua et Salomon, et accueille chez lui, par la même occasion, son gendre.

Avant de proposer un arc complet, Alan Moore revient à la fois sur un personnage aperçu au début de la série et introduit un nouveau membre dans la famille Strong : Tom teste une nouvelle expérience inédite, sa fille trouve l'amour et notre héros doit composer avec cette situation, ce qui ne va pas sans mal.
La série grandit, mais c'est un principe chez Moore qui ne s'est jamais contenté d'un statu quo avec ses héros : ils n'évoluent pas seulement en vivant des aventures extraordinaires (et celle-ci est encore spectaculaire) mais au contact d'autres personnages, en nouant des relations qui altèrent leurs existences. Moore décrit cela avec une tendresse étonnante mais surtout avec amusement, ironisant sur la contrarièté que subit Tom Strong en voyant sa fille s'éprendre d'un prétendant peu commun. En comparaison, Dahlua appréhende tout cela avec beaucoup plus de philosophie.

Graphiquement, Chris Sprouse est décidèment en grande forme : la double page qui ouvre l'épisode, le design des armures de diamant, le royaume souterrain, c'est un enchantement. Le découpage est d'une telle fluidité qu'on tourne les pages sans s'en rendre compte. De la très belle ouvrage.
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- Tom Strong #16 - Some Call Him The Space Cowboy. (Février 2002) Ecrit par Alan Moore et dessiné par Chris Sprouse.
*Pt 1 : Alors que Tom Strong s'habitue bon gré mal gré à la présence du fiancé (qui a quitté son trône et son peuple par amour) de sa fille, un étrange cowboy tombant du ciel atterrit à Millenium City pour prévenir le protecteur de la ville d'une menace aussi imminente que conséquente : une invasion extra-terrestre !
- Tom Strong #17 - Ant Fugue! (Juillet 2002) Ecrit par Alan Moore et dessiné par Chris Sprouse.
*Pt 2 : Tom Strong et le Weird Rider (le cowboy de l'espace) préparent la riposte à l'invasion de fourmis extra-terrestres en rameutant divers alliés, parmi lesquels Svetlana X, l'équivalent féminin et russe de Tom, ou le Modular Man.
- Tom Strong #18 - The Last Roundup. (Octobre 2002) Ecrit par Alan Moore et dessiné par Chris Sprouse.
*Pt 3 : Tom Strong et ses amis contrecarrent l'invasion extra-terrestre dans l'espace, tout en devant sauver les Strongmen, les jeunes fans du héros de Millenium City, qui ont cru bon de se mêler aux combats... Et ont été pris en otages par les fourmis géantes qui veulent coloniser la Terre.

La brièveté de cette saga ne doit pas masquer sa densité, son sens du spectacle, son suspense et son efficacité : Alan Moore convoque un grand cliché de la littérature de science-fiction et d'aventures avec le thème de l'invasion extra-terrestre. Il mixe des éléments empruntés au western (avec le personnage du Weird Rider), au space opera (avec la résistance des amis de Tom Strong), au récit de guerre (le sauvetage des Strongmen par Tom et Svetlana) et même de la screwball comedy (avec l'impayable personnage de Svetlana X, dont les maladresses rhétoriques - concernant principalement des allusions sexuelles - sont drôlatiques). Le résultat pourrait être bancal, il est virtuose, le récit culmine dans des scènes de bataille spatiales après avoir exposé une situation bien compromise.

Chris Sprouse livre des planches éblouissantes où son génie de designer et sa science du découpage sont une véritable leçon de storytelling : dans ces conditions, le retard pris à cette époque par la série s'explique facilement tant chaque image est incroyablement soignée (sans compter que le dessinateur a alterné les illustrations de Tom Strong avec celles d'autres séries).

Si ce n'est déjà fait, ces épisodes ne peuvent que combler l'amateur de la série : ils comptent parmi les plus accomplis aussi bien scénaristiquement que visuellement.
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- Tom Strong #19 - Electric Ladyland! / Bad To The Bone / The Hero-Hoard Of Horatio Hogg! (Février 2003) Ecrit par Alan Moore et Leah Moore, et dessiné par Chris Sprouse, Howard Chaykin, Shawn McManus.
*Electric Ladyland! - Après une soirée en amoureux à l'opéra, Tom va devoir sauver Dhalua, kidnappée par une organisation secrète exclusivement composée de femmes... A qui il va rendre un précieux service.*Bad To The Bone - Où l'on apprend la fin pathétique de Paul Saveen, l'ennemi de toujours de Tom Strong, alors qu'il recherchait le Temple de la Vie Eternelle.
*The Hero-Hoard Of Horatio Hogg! - Tom et Tesla sont faits prisonniers par un collectionneur fou de comics qui les a piègés dans un de ses illustrés. Heureusement, entre héros, on sait s'aider, même si certains s'accommodent de leur vie entre les pages de la revue.

De ces trois segments, le meilleur reste le dernier, dont la légèreté apparente dissimule un petit discours sarcastique sur, à la fois, le comportement de certains fans de comics, la censure qui pèse sur les revues, et la méta-textualité chère à l'oeuvre d'Alan Moore, qui s'amuse de lui-même. Comme d'habitude, Chris Sprouse illustre cela avec élégance, inventant des personnages mémorables en quelques cases.
Le récit de la mort de Paul Saveen est signé par Leah Moore, la fille d'Alan, qui est elle-même une scénariste (collaborant avec Jon Reppion). Il est notable qu'elle reprend des astuces narratives chères à son papa, avec des flash-backs dont le dénouement éclaire d'un jour surprenant le sort du personnage, ou les fameux travelling-avant/arrière pour signifier les transitions entre passé et présent. Le dessin de Shawn McManus n'a, lui, rien de bien enthousiasmant...

... Mais ce n'est rien comparé à la "contribution" d'Howard Chaykin dont les planches mochissimes agressent le regard dans le premier mini-épisode. Episode au demeurant peu inspiré de la part de Moore. Le seul faux pas de l'album (de la série ?).
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- Tom Strong #20 - How Tom Stone Got Started: Chapter One. (Avril 2003) Ecrit par Alan Moore et dessiné par Jerry Ordway.
Une mystérieuse femme investit le repaire de Tom Strong à qui elle raconte venir d'une réalité parallèle et prétend être sa propre mère, Susan. Dans son monde, elle a quitté son véritable amour, Foster Parallax, avant de perdre, en route pour Attabar Teru son mari Sinclair et de devenir l'amante du capitaine de leur bâteau, Tomas. Ensemble, ils ont un fils métisse, Tom....- Tom Strong #21 - How Tom Stone Got Started: Chapter Two - Strongmen In Silvertime. (Août 2003) Ecrit par Alan Moore et dessiné par Jerry Ordway.
Poursuivant son récit, Susan Strong raconte comment son fils Tom est devenu le partenaire de Paul Saveen avec qui il forma un tandem de justiciers à Millenium City. Tom épousa Greta Gabriel et Paul se maria avec Dahlua. Puis, après avoir vaincu leurs adversaires, ils réussirent à en faire des héros avec lesquels ils composèrent une équipe...- Tom Strong #22 - How Tom Stone Got Started: Chapter Three - Crisis In Infinite Hearts. (Octobre 2003) Ecrit par Alan Moore et dessiné par Jerry Ordway.
La fin de cette histoire est dramatique : Tom trompe Greta et Paul en ayant une liaison avec Dahlua. Lorsqu'ils sont surpris, une guerre oppose les amis du couple adultère à ceux des époux trompés. Et pour résoudre cette tragédie, il faudra employer des moyens terribles...

Avant de prendre longuement congé de la série (à la fois pour s'occuper d'autres projets comme Promethea ou La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, mais aussi parce que ses relations avec DC Comics vont se détériorer jusqu'au clash et aboutir à la fin de la ligne America's Best Comics), Alan Moore imagine cette version alternative de son héros. Le résultat est d'une remarquable densité : en trois épisodes, le scénariste ne se contente pas de réécrire les origines de son héros et d'en développer les conséquences, mais il construit une tragédie dont les étapes ont vraiment cet aspect inéluctable propre au genre. L'alliance entre cet autre Tom Strong et cet autre Paul Saveen pour bâtir le "meilleur des mondes", la réforme de leurs ennemis, mais surtout la logique des sentiments aboutissent à un final apocalyptique. le "remède" à cette solution sera aussi radicale que les dégâts engendrés par ses protagonistes. C'est du grand Moore qui, à partir d'un postulat a priori gadget (et si Tom Strong avait été black), revisite brillamment sa propre création en en explorant des possibilités insoupçonnées. Le scénariste se permet même un savoureux clin d'oeil à la saga Crisis on Infinite Earths, de Marv Wolfman, George Pérez et Jerry Ordway (retitrée Crisis on Infinite Hearts) qui refonda l'univers DC dans les années 80.

La boucle est bouclée car les dessins de ces trois épisodes sont réalisés par Jerry Ordway justement : son style rétro et solide, qui a influencé Sprouse, est encore très efficace. Son Tom Strong inspiré par Erroll Flynn et Billy Dee Williams est excellent.

Une parenthèse conséquente, étonnante et magistrale.
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- Tom Strong #23 - Moonday. (Novembre 2003) Ecrit par Peter Hogan et dessiné par Chris Sprouse.
Svetlana X demande l'aide de Tom Strong car elle a perdu le contact avec son amant, Dimi, parti en mission sur la Lune. Sur le satellite de la Terre, Tom, mais aussi Val, le fiancé de Tesla, rencontrent des sélénites et retrouvent le cosmonaute. Mais pour le héros, cette découverte suppose une vérité troublante...

Alan Moore confie les rênes de la série à son partenaire Paul Hogan, avec qui il a écrit Terra Obscura, spin-off de Tom Strong. La transition est parfaite, Hogan s'appropriant le titre sans difficulté en en respectant les éléments-clés et commençant par un épisode "self- contained".
C'est l'occasion de réunir Tom Strong et Svetlana X, son homologue féminine russe au verbe haut, tout en embarquant dans l'aventure le couple formé par Tesla et Val. L'intrigue est assez minimale mais possède une ambiance envoûtante, avec la présence des sélénites. Hogan suggère un rapport troublant entre Tom Strong et la reine du peuple de la Lune de manière subtile, et rend hommage malicieusement à la conquête spatiale.

Chris Sprouse est également de retour et signe des planches magnifiques, exploitant merveilleusement le décor, en découpant l'action d'une manière différente (plus de cases horizontales simulant l'effet "plan-séquence", cadres plus grands et donc lecture plus rapide).
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- Tom Strong #24 - Snow Queen. (Janvier 2004) Ecrit par Peter Hogan et dessiné par Chris Sprouse.
Tom découvre que son premier amour, Greta Gabriel, qu'il croyait tuée par le malfaisant Dr. Permafrost, a survécu en ayant été considérablement transformée. Il travaille à la guérir tandis qu'elle lui fausse compagnie pour se rendre à un mystérieux rendez-vous.

Peter Hogan ramène sur le devant de la scène un autre personnage évoqué dans les premiers épisodes de Moore et place Tom Strong dans une situation encore plus dérangeante qu'après son voyage sur la Lune. Les efforts du héros pour rendre à Greta son aspect originel sont-ils dictés par ses sentiments envers cette femme qu'il a aimé avant Dahlua ? Ou agit-il encore comme le bon samaritain, mari et père de famille, au secours d'une amie revenant d'entre les morts ? L'énigme demeure intact puisque le volume s'achève avec cet épisode et un cliffhanger terriblement frustrant.

Chris Sprouse illustre ça magiquement : la méticulosité de ses compositions, la clarté de son trait, la fluidité de son découpage, tout est admirable. C'est d'une beauté et d'une efficacité formidables.
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L'album est enrichi d'un très beau sketchbook, avec des work-in-progress, des couvertures et des croquis inédits.
Un troisième "Deluxe" (qui rassemblerait les 12 derniers épisodes de la série) n'est pas à l'ordre du jour : en effet, depuis l'an dernier, DC Comics est en pleine restructuration et le label Wildstorm, qui hébergeait Tom Strong, n'existe plus, sans compter qu'Alan Moore est définitivement fâché avec l'éditeur. Pour lire la suite, il faudra donc que je me procure les tpb, en particulier le 6ème (le Book 5 contient des histoires écrites par d'autres scénaristes comme Ed Brubaker ou Brian K. Vaughan).
Moore a, quant à lui, annoncé qu'il se retirerait du monde des comics une fois terminé La Ligue des Gentlemen Extraordinaires (il reste encore deux tomes avant cette triste échéance). Chris Sprouse, lui, n'a pas renoncé à Tom Strong, un nouveau recueil intitulé Tom Strong and The Robots of Doom sortira en Octobre prochain, écrit par Peter Hogan.
En attendant, ce deuxième Deluxe est un investissement hautement recommandable : amateurs de comics US ou de bédés en général, Tom Strong est un pur régal.

mardi 3 mai 2011

Critiques 225 : Revues VF Mai 2011

MARVEL STARS 4 :

- Les Vengeurs Secrets 4 : Histoires secrètes (4).

Sur Mars, Nova est sous l'emprise de la couronne du serpent et Steve Rogers doit se coiffer du casque de son camarade pour acquérir ses pouvoirs et espérer le raisonner - au risque d'y laisser la vie. Le combat qui suit est titanesque... Cependant, l'Homme-Fourmi, qui a pénétré dans la citadelle du Conseil de l'Ombre via le portail dimensionnel de la base martienne de la Roxxon company, réussit à joindre Sharon Carter, sur la piste de Nick Fury, et empêche un commando-suicide d'aller tuer les Vengeurs Secrets.




C'est déjà la fin de ce premier arc de la série et Ed Brubaker conclut la "mission sur Mars" avec une bataille homérique entre Steve Rogers, investi des pouvoirs de Nova, et Nova, possédé par la couronne du serpent. L'action est omniprésente et garantit une lecture jubilatoire. Le scénariste a surpris ses fans (habitué à le lire dans des séries plus urbaines comme Captain America, Daredevil, Incognito) avec ce "team-book" galactique musclé. Mais Brubaker étonne aussi avec les scènes plus humoristiques dans lesquelles apparaît l'Homme-Fourmi, qui sauve ses acolytes à leur insu - et qui, en retour, ne le croit évidemment pas.



Mike Deodato illustre cet épisode avec énergie : la bataille opposant Rogers à Nova est percutante et ses planches où abondent les vignettes décadrées dans une ambiance clair-obscur très marquée ajoutent au dynamisme du récit.

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- Thunderbolts 147 : Tumultes au Raft.

A peine les T-Bolts en ont-ils décousu avec les agents du SHIELD transformés en monstres par les cristaux tératogènes que le Raft, la prison pour super-vilains où ils retournent entre chaque mission, est victime d'une panne suivie d'une mutinerie. John Warden, le directeur de l'établissement, Luke Cage et Songbird sont aux premières loges pour contenir les malfrats, et la situation va permettre à la fois au Fléau de choisir son camp et à l'Homme-Chose de filer...



Le moins qu'on puisse dire, c'est que Jeff Parker conduit sa série pied au plancher, si vite qu'on se demande en vérité combien de temps il va tenir à un tel rythme. A peine ses (anti) héros ont-ils bouclé une mission qu'ils enchaînent une autre. C'est toujours aussi déjanté, mais Parker est un scénariste diaboliquement efficace et ses T-Bolts sont enthousiasmants, avec de la baston quasiment non-stop, des dialogues lapidaires et un humour noir jouissif.



Kev Walker n'affiche pas un bilan aussi accompli que son scénariste, néanmoins ses planches dégagent une force brute qui convient bien à ce style de série. Les décors sont toujours aussi pauvrement traîtés (alors que le cadre de l'action mériterait plus d'attention), c'est dommage car Walker évoque Mike Mignola et pourrait donner au titre une qualité bien supérieure.

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- Incredible Hulk 610 : Libre.

Et là, on attaque la partie moins emballante de la revue. La bonne nouvelle, c'est que le mois prochain, ce sera la fin de cette histoire et que le titre dégagera du sommaire pour un bon moment. La mauvaise nouvelle, c'est que c'est toujours aussi affligeant, avec cette impression que le scénariste (Greg Pak) et le dessinateur (Paul Pelletier) cherchent constamment à vous abrutir à coups de scènes grossières, aux rebondissements téléphonés, au fil de planches confuses. On en sort lessivé.

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- Secret Warriors 19 : La dernière chevauchée des Howling Commandos (3).

Tout comme Incredible Hulk, cette série est une vraie purge. Si encore, ce n'était pas aussi laidement dessiné, ce serait supportable, mais en l'état, c'est un vrai calvaire et une fois arrivé à la dernière page, on ne peut que se demander, interloqué : "tout ça pour ça ?!"

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Bilan : toujours aussi partagé - c'est simple, la moitié de la revue est excellente (Secret Avengers, Thunderbolts), l'autre est imbuvable. MARVEL ICONS 4 :

- Les Nouveaux Vengeurs 3 : Possession (3).


La disparition d'Iron Fist avec l'Oeil d'Agamotto a provoqué l'apparition de démons pleuvant littéralement sur New York dont le ciel est désormais d'un rouge inquiétant. Tandis que les Nouveaux Vengeurs font face, le Dr Strange, Daimon Hellstrom et le Dr Vaudou se téléportent dans le sanctuaire de ce dernier à la Nouvelle-Orléans pour tenter de trouver un moyen de remédier à cette situation. Pendant ce temps, Iron Fist découvre qui est justement l'auteur de ces troubles, quelque part dans une dimension parallèle...


Brian Bendis ne ralentit pas dans ce troisième volet où la situation, déjà bien délicate, devient franchement dantesque pour ses héros. La bagarre contre les démons fournit au scénariste l'occasion de dialogues savoureux entre Spider-Man et la Chose, qui vannent Ms Marvel car elle n'a jamais vu le film Ghostbusters ou qui discutent de l'opportunité pour Ben Grimm de changer de cri de guerre maintenant qu'il a intégré l'équipe. Ce genre de scènes ravira les fans de l'auteur autant qu'il hérissera ses détracteurs : pour ma part, c'est une des raisons qui me font aimer Bendis et sa manière décomplexée et décalée de jouer avec les codes super-héroïques.


Stuart Immonen a de quoi s'amuser également avec des planches à la figuration fournie et le dessinateur s'en acquitte avec le brio qu'on lui connaît. Nul doute qu'avec un autre que lui, ce serait bien moins jubilatoire.


Un bémol tout de même : Panini devrait soigner l'impression de cette série car les couleurs sublimes de Laura Martin sont étrangement matifiées par rapport à l'édition originale (c'est le cas depuis le début de cet arc d'ailleurs).


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- Iron Man 28 : Stark Résistance (4).


Zappons, zappez !


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- Captain America 607 : Sans issue (2).


A peine Bucky a-t-il conduit le Faucon blessé à l'hôpital que le Baron Zémo lui envoie Hauptman Main de Fer aux trousses. Durant le combat qui les oppose, le héros est victimes d'hallucinations et s'en prend à des policiers. Examiné par le Dr Foster, Bucky, en compagnie de Steve Rogers, a la confirmation qu'on l'a drogué dans le bar où il a pris un verre avec Sam Wilson. Il y retourne avec la Veuve Noire et tous deux sont alors pris à partie par une version féminine de Beetle... Cependant que Zémo récupère un film d'archives sur le Soldat de l'Hiver, l'ex alias de Bucky Barnes...


Ed Brubaker produit un script vraiment captivant en malmenant son héros aux prises avec un adversaire dont il ignore encore l'identité mais qui a toujours un coup d'avance sur lui, blessant ses proches, écornant son image publique. Mené sur un rythme soutenu, le récit ne laisse pas de répit au lecteur et c'est un régal (sadique).


Graphiquement, l'épisode est débuté par Mitch Breitweiser, dont le trait nerveux fait merveille, avant de céder la place à Butch Guice, toujours aussi bon. Le mix n'est pas déplaisant mais curieux.


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- Les 4 Fantastiques 578 : Eléments premiers (4).


Après avoir été séduit par une fille, Johnny Storm l'emmène au Baxter building pour finir la soirée entamée dans un night club. Mais il découvre alors qu'elle sert d'enveloppe à des insectes robots et l'entraîne dans la Zone Négative où la prison construit par Red Richards durant la Guerre Civile est devenue une cité au coeur d'une guerre entre Annihilus et Blastaar. La situation parvient jusqu'aux Inhumains sur la Lune qui décident d'envoyer leur Brigade Légère dans ce no man's land. Et pour corser le tout, l'émissaire de Namor, le Prince des Mers, vient réclamer des comptes aux Atlantes qui ont fait de Jane Richards leur ambassadrice. La guerre des 4 cités annoncée par la version future de Franklin Richards à sa soeur Valeria semble sur le point d'éclater...


Jonathan Hickman avance ses pions avec une lenteur certaine, qui peut parfois être irritante, mais son intrigue devient captivante et je suis curieux d'en connaître les développements, notamment comment les FF vont se mêler à la guerre. Il semble également acquis que l'imprudence de Johnny va obliger ce dernier à une vraie remise en question, ce qui peut profiter à un personnage le plus souvent traîté comme un "adulescent".


Dale Eaglesham continue de livrer des planches impressionnantes. Il compense la progression mesurée de l'histoire par un découpage à la Kirby, souvent avec peu de cases par pages (3-4 jusqu'à 7 maximum), ce qui garantit une lecture rapide.


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Bilan : toujours aussi favorable - "Icons" est assurèment la meilleure revue de sa catégorie, avec trois séries sur quatre d'un excellent niveau. MARVEL SAGA 10 :



- Franken-Castle vs Dark Wolverine (1/2) : Pièces manquantes - Adieu, Lady Gorgone ! - Punition (1 & 2).

Après avoir été transformé par le Dr Morbius en cyborg et avoir aidé la Légion des Monstres, recluses dans les sous-sols de New York, à se débarrasser du chasseur Hellsgaard, Frank Castle, le Punisher, reçoit la Pierre de Sang pour se régénèrer. Il repart traquer ses ennemis, en commençant par la tueuse Lady Gorgone, mais surtout Daken, le fils de Wolverine, responsable de son état actuel : ça va saigner !



La saga de Franken-Castle, traduite dans "Marvel Saga" 8, avait été une des meilleures surprises de la fin 2010, le scénariste Rick Remender y réinventait de manière radicale et délirante le Punisher et l'entraînait dans une histoire de monstres à la fois drôle et violente.


La suite de cet arc commence dans ce "Marvel Saga" 10 (et s'achèvera dans le n° 11, en Août). Trois des quatre épisodes au sommaire de la revue sont issus de la série Franken-Castle auxquels vient s'ajouter l'épisode 88 de la série Dark Wolverine puisque le Punisher se lance aux trousses de Daken.


La trame classique sur le thème de la vengeance donne de fait un ton plus convenu au récit et déçoit un peu après le délire des précédents chapitres. Néanmoins, le scénariste imprime un rythme soutenu à l'histoire et le volet écrit par Marjorie Liu et Daniel Way ne dépareille pas. Seul l'épisode avec Lady Gorgone est vraiment dispensable.


Le combat final entre le fils de Wolverine (le X-Man n'est d'ailleurs pas loin et le cliffhanger promet un dénouement dantesque avec ces trois personnages parmi les plus brutaux de Marvel) et Franken-Castle ne fait pas dans la dentelle mais Remender s'en (et nous) amuse tant les moyens utilisés par les belligérants sont outranciers (le Punisher dégaine même une scie circulaire électrique !).







La partie graphique est également plus inégale que dans les précédents épisodes : on retrouve Terry Moore, très en forme, et surtout Roland Boschi, formidable. Mais les prestations de Jefte Palo et de Stephen Segovia en tandem avec Paco Diaz (dans un style plagiant éhontèment Leinil Yu) sont moins convaincantes et nuisent à l'unité esthétique de l'ensemble. 5 artistes pour 4 épisodes, c'est trop.




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Bilan : une lecture agrèable, mais il faut espérer que la conclusion de cette histoire saura renouer avec la qualité de son jubilatoire début.