lundi 31 décembre 2018

BATMAN, VOLUME 5 : RULES OF ENGAGEMENT, de Tom King, Joelle Jones, Clay Mann, Lee Weeks et Michael Lark


Ma dernière critique pour 2018 sera pour le Volume 5 de la série Batman écrite par Tom King et qui couvre les épisodes 33 à 37 + l'Annual #2. Le scénariste (qui sort d'une année riche) est accompagné par des dessinateurs de choix comme Joelle Jones, Clay Mann et le tandem Lee Weeks-Michael Lark. Maintenant que Selina Kyle a accepté d'épouser Bruce Wayne et en attendant les noces, voilà ce qui se passe...


 - Rules of Engagement (#33-35, dessinés par Joelle Jones) - Batman et Catwoman sont en route pour la cité de Khadym dans le désert. A Gotham, Alfred Pennyworth annonce à Dick Grayson, Jason Todd, Duke Thomas et Damian Wayne que Selia Kyle a accepté d'épouser Bruce Wayne. Aux abords de la citadelle, Batman négocie avec le Tigre du de Kandahar (ex-collègue de Dick Grayson au sein de l'organisation Spyral) un droit d'entrée.


Une fois dans la place, Talia Al Ghul, la maîtresse des lieux, attend le couple avec ses hommes en armes. Damian Wayne et Dick Grayson se rendent à leur tour à Khadym mais Superman leur interdit d'y pénétrer. Une fois l'armada de Talia éliminée, Batman comprend qu'elle ne voulait pas les tuer, lui et Catwoman mais les épuiser. Blessé, Batman ne peut que laisser les deux femmes s'affronter.


Dick et Damian discutent de celui qui est respectivement leur mentor et leur père et l'aîné explique au fils de Batman pourquoi il va se marier. Dans la citadelle, le duel entre Catwoman et Talia est âpre et se déroule sous les yeux de Holly Robinson. C'est elle qu'il sont venus chercher pour qu'elle disculpe Selina des meurtres dont elle est accusés. Catwoman vainc Talia et peut repartir avec Batman que Dick et Damian soutiennent à sa sortie.

Divisons cette critique en autant d'arcs que comprend ce recueil. Le précédent album (The War of Jokes and Riddles) se terminait par l'approbation de Selina Kyle pour épouser Bruce Wayne, malgré l'évocation d'une erreur de jeunesse (dont elle fut témoin durant le conflit ayant opposé le Joker et le Sphinx lors de la première année de carrière de Batman).

Et après ? Tom King va pendant dix-sept épisodes "meubler" avant les noces proprement dites. Le scénariste ne gagne pas du temps, il analyse les conséquences du "oui" de Catwoman. Pourquoi Batman, déjà, veut-il se marier ? Par amour bien sûr, mais aussi pour des raisons plus enfouies, plus tourmentées.

Les mariages dans les comics sont un thème qui mériteraient une thèse : ils ont quelquefois lieu, après bien des péripéties, mais ne durent guère et se terminent souvent mal, voire tragiquement. C'est que permettre au super-héros d'être heureux fragilise sa vocation même : parce qu'il devient justicier souvent suite à un drame personnel ou un accident, il compose ensuite avec les responsabilités que cela induit (le fameux "de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités" énoncé par Stan Lee). Or, lui accorder une compagne, c'est à la fois risquer de détourner le héros de sa mission mais aussi, surtout, faire courir le risque à cette compagne de devenir la cible des méchants (si ceux-ci apprennent -et ils finissent toujours par l'apprendre - quel lien unit le héros et sa bien-aimée).

Un "freak control" comme Batman peut-il seulement s'autoriser à être heureux ? Et si cela se sait ? Avec Catwoman, il a néanmoins choisi une compagne apte à se défendre. Mais King ausculte toutes les facettes du problème.

Parfois avec humour quand il montre la réaction des "Bat-boys", sidérés par la nouvelle que leur communique Alfred. Le plus bouleversé est Damian, le propre fils du héros, mais King déjoue le piège de la jalousie du garçon envers une femme appelée de facto à devenir sa belle-mère : au contraire, il comprend le premier qu'en faisant cela, Batman va s'attirer les foudres de Talia Al Ghul, sa mère biologique.

La mission à Khadym surprend aussi car Batman ne va pas chercher la bénédiction de Talia comme on pourrait le parier au début : en vérité, il accompagne Catwoman pour récupérer Holly Robinson qui se cache auprès de Talia et qui pourrait disculper Selina Kyle des meurtres dont on l'accuse. Inévitablement, cela va se règler entre l'ex et la future Mme Batman et le duel tient toutes se promesses (sur les plans intellectuel, sentimental et physiques) - il révèle aussi la lucidité de Catwoman sur les sentiments de Batman car elle a saisi qu'il la ferait toujours passer après sa croisade contre le crime. Parce qu'elle l'accepte, elle a dit "oui" pour l'épouser.

Enfin, le dialogue entre Dick Grayson et Damian Wayne (qui furent Batman et Robin un temps - quand Grant Morrison écrivait la série de ce nom) est touchant et intelligemment formulé. Le premier sidekick de Batman a lui aussi un avis pertinent sur la quête affective du héros et ce que cela représente comme défi pour lui de s'engager dans cette aventure (qui, sous-entendu, si elle échoue, risquerait de le traumatiser...).

Joelle Jones fait son entrée dans la bande des artistes de la série et on mesure ce qui sépare l'artiste encadrée par un scénariste rigoureux comme King de celle sans ce directeur sur sa relance ratée de la série Catwoman. Le trait sensuel et puissant de la dessinatrice associé au superbe travail de colorisation de Jordie Bellaire convient idéalement à ces épisodes dans le désert.

L'expressivité des personnages est essentielle dans cette histoire, qu'il s'agisse des émotions à traduire visuellement entre Talia et Selina ou entre Dick et Damian. Jones excelle aussi bien dans les scènes dialoguées (l'échange entre Jason Todd et Duke Thomas) que dans l'action (la chorégraphie du duel à l'épée dans la citadelle est digne d'un film de cape et d'épée).

On devine surtout qu'avec cette première étape suivant la demande en mariage, la suite ne va pas être de tout repos - parce que Batman est ce qu'il est (un taiseux aux valises bien chargées), parce que Catwoman est ce qu'elle est (une hors-la-loi qui trahit son milieu en se rangeant), et que leur romance devient par la force des choses, la nature de leur existence, matière à mélodrame.

*


- Superfriends (#36-37, dessinés par Clay Mann) - Batman doit maintenant annoncer son mariage à Superman, son plus ancien ami dans la communauté super-héroïque. Mais il hésite tout comme l'Homme d'Acier refuse d'avouer à son camarade qu'il sait déjà tout de son projet. Pour précipiter les événements, Lois Lane et Catwoman vont devoir intervenir.


Après avoir résolu une même affaire sur laquelle les deux couples travaillaient sans le savoir, ils conviennent de passer une soirée dans une fête foraine costumée. Pour ne pas risquer d'être reconnu, Batman échange sa tenue avec Superman et Catwoman avec Lois Lane. Les deux femmes deviennent amis tandis que les deux hommes échangent leurs points de vue sur le mariage. Avant de terminer la soirée par un petit jeu...

Le diptyque suivant est une pure merveille, plus pétillante tout en restant subtile et profonde sur les répercussions du tournant privé que prend la vie de Batman. Il doit désormais en faire part à son meilleur ami.

Tom King joue avec ironie sur ce ressort comique connu de n'importe quel couple : présenter sa petite amie, qui plus est si sa (mauvaise) réputation la précède, à son (ses) pote(s). Là encore, l'envergure anormale, disproportionée des protagonistes amplifie tout. Imaginez : c'est à Superman qu'on s'adresse.

Dans un premier temps, les deux héros s'évitent. Ombrageux et secret, Batman esquive la rencontre et les questions de Catwoman (a-t-il honte d'elle ?). Pudique et tolérant (mais prudent aussi), Superman estime (logiquement) que c'est à Batman de l'appeler.

Les deux compagnes vont alors intervenir de manière décisive : Catwoman en poussant Batman à se faire violence, Lois Lane en demandant à faire la connaissance du futur couple (et tant pis si Selina Kyle est une "délinquante"). C'est délicieux, et plus encore quand dans un building où les conduit une enquête commune (mais sans qu'ils l'aient anticipée) Batman et Superman se retrouvent avec leurs femmes.

Mais la seconde partie est encore plus savoureuse : les deux binômes vont dans une fête foraine se détendre et apprendre à se jauger. King profite que l'endroit organise une partie costumée pour que Batman et Superman ainsi que Lois et Catwoman échangent leurs vêtements pour ne pas être immédiatement identifiés. Les rôles s'inversent de manière ludique, comme dans un film de Billy Wilder : le déguisement permet alors étonnamment de tomber le masque.

La complicité qui se tisse entre Selina et Lois est aussi éclatante et rapide que la réserve entre Batman et Superman est tenace. Auparavant, King a rappelé l'estime que se portaient les deux héros mais surtout leurs passés semblables (des orphelins qui ont choisi le droit chemin malgré la souffrance). Il souligne aussi de belle manière une sorte de compétitivité entre eux quand Superman affirme à Batman qu'il ne pourrait frapper avec une batte une balle de base-ball qu'il lancerait.

Confier le dessin de ces chapitres à Clay Mann est une excellente idée : d'abord parce qu'il illustre remarquablement bien les personnages féminins, sachant les rendre belles sans être vulgaires, sexys sans être hyper-sexuées - ce qui convient parfaitement à Catwoman et Lois Lane, dont la force de caractère prédomine sur la beauté - , et ensuite parce qu'il réussit parfaitement à représenter Batman et Superman comme des presque jumeaux que des détails raffinés distinguent.

Sous son crayon et sa plume (aidé par son frère Seth Mann à l'encrage), Bruce a une tête et une carrure plus robuste que taillée, plus massive et grande, avec un visage au nez légèrement plus écrasé (comme un boxeur que les coups ont modelé), tandis que Clark a une majesté intacte, une classe naturelle mais humble, presque timide. Batman ne sourit jamais, est sur la défensive pour dissimuler le fait qu'il est troublé, intimidé même, alors que Superman avance constamment comme s'il marchait sur des oeufs, lui aussi impressionné par l'humain ordinaire mais se surpassant qu'est son ami.

Idem avec Catwoman et Lois Lane : naturellement, la première s'affiche, sûre d'elle, de son charme, avec une insolence joueuse qui cache mal son trac de s'engager ; quand la seconde, pourtant femme et mère de famille, s'abstient de toute condescendance, reconnaissant même la folie d'être liée à un justicier. Tout, dans leur attitude, leurs gestes, leurs sourires, leurs regards, trahit les émotions qu'elle ressentent. C'est un régal de voir le dessin si bien traduire le texte.

Bon, je ne vais pas reparler de l'Annual #2, dessiné par Lee Weeks et Michael Lark puisque j'y avais consacré une entrée lors de sa sortie en single issue. C'est juste un chef d'oeuvre, bondissant puis bouleversant sur la romance de Bat-Cat, magnifiquement mis en images. (Consultez les libellés du blog pour lire la critique, et jetez-vous sur l'album traduit en français par Urban Comics, qui a ajouté en complèment de programme le numéro spécial Batman/Elmer Feud, dont j'avais aussi parlé en son temps).

Si la version de Batman qu'en donne Tom King déroute souvent, voire même déplaît à certains fans du héros, son run brille en tout cas par son originalité et sa tenue - l'auteur suit un plan bien établi (qui courra sur cent épisodes) et s'y tient, ne sacrifiant jamais le portrait du dark knight à l'action. Quel que soit celui qui succédera à King sur la série, il sera intéressant de voir comment il achèvera son passage et ce qui en subsistera.

jeudi 27 décembre 2018

LUMIERE SUR... GREG SMALLWOOD

 Greg Smallwood

*

Le talent de dessinateur de Greg Smallwood parle pour lui. Je le considère comme un des meilleurs artistes actuels dans le domaine des comics. Son style est empreint de classicisme et d'inventivité, qui traduisent ses influences (revendiquées) : José-Luis Garcia-Lopez ou Mark Schultz.

En Février 2017, son contrat d'exclusivité avec Marvel a expiré et n'a (inexplicablement) pas été renouvelé, alors que Smallwood achevait un run relativement court mais magistral sur Moon Knight (un arc écrit par Brian Wood, puis un autre plus conséquent sous la direction de Jeff Lemire). Depuis, il brille surtout comme cover-artist, character's designer et loue ses services à droite, à gauche (chez Archie pour la mini Vampironica, chez Marvel pour All-New Guardians of the galaxy ou ce mois-ci pour The Best Defense : Doctor Strange).

Mais qui sait que Smallwood a des ambitions scénaristiques ? Chez Marvel, en tout cas, on en a connaissance, mais sans estimer que notre homme mérite sa chance. C'est regrettable car son projet est alléchant : une reprise de Midnight Sons, un titre des 90's.


Smallwood n'est pas le premier à se voir refuser par Marvel le droit d'écrire ET dessiner une série (mini ou régulière) - Chris Samnee le sait (et lui aussi a mis les voiles). Juste avant que son contrat n'expire, le dessinateur poste sur les réseaux sociaux le dessin ci-dessus, représentant la formation des Fils de Minuit qu'il aimerait animer : Dr. Strange, Moon Knight, Ghost Rider, Hannibal King et Blade.


Quelque temps après, il diffuse un nouveau teaser avec une équipe plus fournie, à laquelle se sont greffés : le Punisher, Daimon Hellstrom (le Fils de Satan). Smallwood, dans une interview à Newsarama, explique que son histoire tourne autour du Ghost Rider, le premier du nom, Johnny Blaze, mais que "tous les autres ont l'occasion de briller".

Visiblement, l'affaire lui tient à coeur et il a une vision claire de ce qu'il souhaite en faire, même s'il précise que son projet n'est pas annoncé à cause de problèmes multiples concernant la disponibilité des personnages, de leur attrait commercial, de leur positionnement marketing.

Quand Marvel lance pourtant le crossover Damnation sur la base d'une mini-série Doctor Strange avec des tien-in impliquant Ghost Rider (Johnny Blaze) ou Iron Fist, on peut quand même raisonnablement se demander si l'éditeur ne se fiche pas de l'artiste (d'autant que les dessins de la mini avec Dr. Strange sont confiés à Rod Reis)...

Mais Greg Smallwood continue de faire rêver les fans...


Il poste des fiches signalétiques de ses Midnight Sons, établissant ce qui semble être leur formation définitive : Moon Knight, Dr. Strange...



... Daimon Hellstrom, Ghost Rider (Johnny Blaze)...



... Blade, Hannibal King (un détective privé néo-vampire, qui a envie de sang mais peut s'en priver)...


... Jennifer Kale (une sorcière) et le Punisher. Quelques âmes délicates s'émeuvent que Jennifer Kale soit vêtue légèrement et accusent Smallwood de sexisme. Le dessinateur redesigne sa belle de manière moins tendancieuse :


Mais Marvel ne donne toujours pas suite, ne passe pas commande auprès de l'artiste. Ni le statu quo "Marvel Legacy" (dans lequel une relance d'un titre comme celui-ci aurait été trouvé naturellement sa place) ni celui de "Fresh Start" (également un bon moment pour tenter l'aventure avec ce groupe) n'ont permis aux Midnight Sons du XXIème siècle de trouver leur place.

Bien entendu il ne faut pas présager des talents de scénariste de Greg Smallwood, mais en jouant la sécurité, il suffisait de lui adjoindre celui d'un scribe professionnel pour rassurer l'éditeur. Et, en ces temps où Marvel se montre prudent avec des mini-séries comme autant de ballons d'essai, Midnight Sons pourrait au moins avoir une opportunité de se concrétiser.

Après, les projets avortés ou en suspens sont au moins un prétexte aux fantasmes de fans. On peut imaginer à quoi cela ressemblerait et Greg Smallwood permet à tous de bénéficier d'une base (avec ces characters designs et son embryon de pitch) pour extrapoler. L'industrie des comics est pleine de ces projets inaboutis et pourtant pleins de potentiel, portés par un auteur et/ou un artiste.

mercredi 26 décembre 2018

PEARL #5, de Brian Michael Bendis et Michael Gaydos


Ce pénultième épisode de Pearl ne présage pas de la fin de la série puisqu'on a appris que le titre se poursuivrait par un nouveau volume (mais sans renumérotation) en Février. Il semble que les creator-owned "Jinxworld" se vendent suffisamment pour que DC ait permis à leur scénariste Brian Michael Bendis, avec ici Michael Gaydos au dessin, de poursuivre.


Pearl Tanaka est prise en étau entre deux parties sur le pied de guerre : en n'ayant pas éliminé comme on le lui a ordonné Rick Araki, elle s'est attirée le courroux de Mr. Miike, mais aussi des jumeaux Endo, proche du garçon.


Aussi Pearl a-t-elle choisi de parler à Miike pour tenter de trouver un arrangement. Avant cela, elle met son amie Kimmy à l'abri - celle-là même qui découvrit la première l'incroyable tatouage sur tout le corps de Pearl et comment il apparaissait sous le coup d'une émotion vive.


L'heure de vérité approche et Pearl l'affronte en faisant bonne figure, à moins qu'elle ne cache sa peur. En tout cas, elle ne dissimule plus longtemps ses sentiments pour Rick qu'elle embrasse en contemplant avec lui le Golden gate bridge.


Les deux jeunes gens se rendent che Miike qui s'attendait à leur visite depuis la fusillade au night-club. Pearl lui tient tête pour négocier la vie sauve de Rick mais le chef yakusa estime qu'elle ne se rend pas compte de la situation.


Au moment où il s'apprête, pour la lui faire comprendre, à révéler un secret sur sa mère, les jumeaux Endo débarquent, armés, dans la résidence de Miike, prêts à en découdre...

C'est diablement intéressant d'avoir lu cet épisode après le dernier en date de Superman. Non pas que Pearl bascule dans le super-héroïsme et la baston cosmique, mais bien parce que Brian Michael Bendis s'amuse avec la narration d'une manière étonnamment similaire.

Pour ceux qui n'auraient pas lu Superman #6, l'épisode s'ouvrait sur plusieurs doubles pages où les dessins d'Ivan Reis étaient accompagnés d'un texte off (la voix intérieur du héros). Un procédé donc plus proche du récit illustré que de l'art séquentiel.

Bendis reconduit cette expérience ici en enchaînant plusieurs doubles pages qui reviennent sur le passé des jumeaux Endo : on apprend ainsi comment ils ont fait fortune et gagné le respect de leur clan yakusa, grâce au blanchiment d'argent via des night-clubs et la production de films pornos. On savait également qu'un de leurs locaux voisinait avec l'atelier de Rick Araki - raison pour laquelle le contrat sur le jeune tatoueur perturbait leur business et donc motivait leur ressentiment contre Pearl.

Cette partie est encore assez traditionnelle, avec des dialogues, mais elle permet à Michael Gaydos de briller dans cet exercice. Ses doubles pages, dominées par une couleur dominante (le rouge, le bleu...), sont superbes. Mais le meilleur reste à venir.

Car Bendis, une fois que Pearl écarte pour son bien Kimmy, met en scène un nouveau flash-back, antérieur à celui concernant les Endo : il s'agit du moment où Kimmy découvrit le tatouage intégral et fantastique de son amie après le décès de sa mère.

Comme dans Superman #6, le scénariste et son dessinateur ont recours à une forme de récit illustré puisque Gaydos représente Pearl et le texte de Bendis prend place à côté de l'image, avec une nouvelle police de caractère et une narration différente.

Graphiquement, c'est renversant de beauté, et à l'écrit, c'est une manière synthétique et très stylisée de revenir sur un fait sans toutefois dissiper son mystère. C'est un de ces moments où une BD bascule dans autre chose, une autre forme, une autre façon de raconter, qui dépasse le tout-venant.

Mais l'épisode ne vaut pas que pour ce morceau de bravoure. Il comprend aussi un passage troublant où Pearl et Rick, surplombant le Golden gate bridge, révélent leurs sentiments amoureux. Toutefois, on remarquera que le garçon voit la jeune femme autant comme telle que comme une oeuvre d'art : il est presque davantage fasciné par son tatouage que par sa beauté ou son amour. Rick est en un sens plus mystique alors que Pearl est pragmatique (elle cherche à le sauver et à se tirer d'un mauvais pas - mais c'est normal, logique : elle a intégré sa particularité depuis longtemps).

Reste à connaître le secret que Mr. Miike était sur le point de révéler au sujet de a mère de Pearl : ce sera sans doute le climax du prochain épisode, et la lampe de lancement du prochain arc (même si, pour être tout à fait honnête, je ne suis pas certain de prolonger l'aventure). 

THE LIFE OF CAPTAIN MARVEL #5, de Margaret Stohl, Carlos Pacheco et Marguerite Sauvage


C'est enfin fini ! La retconla plus inutile et la plus ratée depuis un bail arrive à son terme avec ce cinquième chapitre, sorti avec du retard, mais juste à temps avant le relaunch de la série en Janvier. Bilan sans appel : The Life of Captain Marvel aura été jusqu'au bout une purge totale.


Harpswell, Maine. La tueuse kree appelée sur Terre a pris Joe Jr. en otage pour forcer Marie Danvers, sa mère, à se rendre et être exécutée sur-le-champ comme l'a décidé l'impératrice Pam'a.


Pour éviter d'avoir à combattre Carol et sa mère en même temps, la tueuse utilise ses drones pour diviser l'adversité. Séparée de Mari-Ell, Carol se souvient de sa liaison avec Walt Lawson alias Captain Marv-Ell quand elle était pilote à la NASA.


Elle ignorait alors qu'il était un espion kree et qu'elle ne devrait pas ses pouvoirs au fait qu'il lui transmis les siens en la protégeant du Psyché-Magnétron de Yon-Rogg, mais bien au fait qu'elle-même avait du sang kree par sa mère.


Le plan de la tueuse kree fonctionne puisqu'elle tue Mari-Ell et disparaît en se téléportant. Carol recueille le dernier soupir de sa mère, qui ne regrette rien de sa vie passée sur Terre, convaincue d'avoir élevée sa fille comme sa digne héritière.


Pour Joe Jr. en revanche, la mort de sa mère le résoud à partir vivre ailleurs. Carol prend congé de son ami d'enfance (et prétendant) Lou pour rejoindre les Avengers. Elle se jure d'honorer la mémoire de sa mère en tant que super-héroïne.

Je dédie cette critique à Xavier Fournier qui, pour ceux qui l'ignorent, est le fondateur de "Comic Box", défunt bimestriel consacré à la "culture comics" et dont subsiste maintenant la trace sur une page Facebook. J'ai eu le malheur de commenter son propre avis sur cet épisode en exprimant mon désaccord avec ce qu'il en pensait, et ce charmant personnage m'a en retour traité de "troll de Noël".

Je ne vais pas céder à l'insulte comme il l'a fait - peut-être s'est-il simplement fâché parce que le Père Noël ne lui a pas offert les cadeaux qu'il souhaitait après tout : il faut être indulgent, moi-même j'aurai été déçu et me serai peut-être laissé emporter...

En revanche, je ne passe pas mes nerfs sur qui a l'audace de me laisser un commentaire contraire à ma critique. Mais qu'ai-je dit, au juste, de si polémique ?

Simplement, ma foi, que je trouvais ce cinquième chapitre aussi mauvais que les quatre précédents, qu'il ne s'agissait sûrement pas d'une bonne idée de retcon, que cela ne me semblait pas correspondre avec les origines de Captain Marvel telles qu'utilisées dans le film à venir et que je fondais plus d'esspoir sur la relance de la série par Kelly Thompson. Voyez comme j'ai été méchant...

On pourrait reprendre point par point tout ce qui ne fonctionne pas dans cet épisode : l'aspect hyper-convenu du dénouement (avec la mort de Mari-Ell), le mauvais psychodrame familial employée pour nuancer l'histoire des Danvers, le sort fait à Joe Jr. (otage de la tueuse kree, il disparaît du paysage à la fin sans un mot d'explication à part qu'il souhaite changer de vie - on notera aussi son rétablissement express : au début de ce numéro il est encore en chaise roulante, à la fin il pilote une péniche...), l'absence totale de charisme de la tueuse (qui, elle aussi, se volatilise une fois son job terminé et dont je parie qu'on ne la reverra jamais), le copain d'enfance de Carol qui l'a draguée et qu'elle laisse dans son patelin du Maine sans plus de considération (même pas un petit "je préfère qu'on reste amis, tu comprends, j'ai le monde à sauver avec les Avengers").

C'est incroyablement mauvais, à un point que ç'en est risible. Comment supporter ce récit lent, long, qui veut rendre les origines de l'héroïne moins passives tout en les décalant (Carol tient toujours au final ses pouvoirs d'un accident : le fait que sa mère soit une alien et plus d'un transfert entre elle et Marv-Ell), cette caractérisation à la truelle, ces péripéties lourdingues (n'oublions pas quand même que si la tueuse kree débarque, c'est parce que... Carol a activé par mégarde l'appareil qui l'a appelée ! Mais ça, à la fin, elle ne semble plus s'en rappeler, c'est commode !), cette voix-off qui cherche à donner du liant à des scènes au présent et des flash-backs au bout du compte bien dispensables (mais qui auront permis à Pacheco de fournir ses planches sans trop de retard)... C'est indigeste, c'est médiocre. C'est impossible à défendre : tout est surligné, surjoué.

Visuellement, Carlos Pacheco tire ostensiblement la langue : ses planches ont perdu de leur surperbe alors qu'il s'en tirait bien jusque-là. Il est évident que cinq épisodes, même avec des scènes passées dessinées par une autre, est désormais le maximum qu'il peut enchaîner en conservant un certain niveau de qualité.

La réussite de Pacheco doit aussi au fait qu'il a (enfin) trouvé un encreur capable de respecter son trait en la personne de Rafael Fonteriz, moins rond, moins souple que Jesus Merino à la grande époque, mais très compétent, trés propre (au point que le coloriste en profite pour se faire mousser).

Contre toute attente (alors qu'elle est maintenant l'artiste de la série Archie), Marguerite Sauvage est de retour. Pas pour grand-chose, trois-quatre pages grand maximum, mais très bien.

Je crois avoir bien dit tout ce qui n'allait pas dans ce projet. Surtout c'est son inutilité, du moins son absence de correspondance avec sa version filmée (où tous les trailers ne font aucune allusioon au fait que Carol Danvers serait une hybride mi-humaine, mi-kree), qui frappent. On atteint bien là une forme d'absurdité dans la volonté d'actualiser un personnage. Qu'on puisse être sensible à l'écriture de l'ensemble, bon, pourquoi pas, mais qu'on défende l'intérêt de la manoeuvre, ça, c'est un vrai mystère.

lundi 24 décembre 2018

LUMIERE SUR... CHRIS SAMNEE

 Chris Samnee

*

Cette entrée est, en quelque sorte, mon cadeau de Noël pour ceux qui suivent mes articles sur ce blog. Vous savez alors que je suis un grand fan de Chris Samnee et j'espère vous faire plaisir en partageant quelques dessins de cet artiste, réalisés cette année.

Ce week-end, j'ai reçu la dernière newsletter de 2018 de Samnee dans laquelle il revient sur sa carrière. Au Printemps dernier, son contrat d'exclusivité avec Marvel a expiré et n'a pas été renouvelé. Alors qu'il semblait évident que le dessinateur allait rapidement rebondir ailleurs, sans doute chez DC à qui il faisait les yeux doux, il s'avère qu'il a pris du repos - un break nécessaire pour lui et sa famille, même s'il reconnaît que c'est étrange de ne plus avoir un de ses comics dans les bacs ni de ne plus être soumis aux deadlines mensuelles.

Qu'a-t-il donc fait puisque, contre attente, DC ne l'a pas recruté ? Samnee révèle qu'il a tâté de l'animation, ce qu'il souhaitait essayer depuis longtemps. Puis il a commencé à réfléchir à de futurs projets : pour l'instant, il ne peut rien annoncer, mais il se déclare très excité par ce qu'il prépare et que l'année 2019 sera bien remplie.

Il a signé la variant cover de Shazam ! #2, et dessinera celles de Batman Beyond du #30 au 35. Il a aussi réalisé dix illustrations originales pour la réédition de The Amazing Adventures of Kavalier and Clay de Michael Chabon dans la prestigieuse collection de la Folio Society. Tout cela avec son ami coloriste Matt Wilson.

Bref, Chris Samnee a mis à profit cette pause pour préparer son come-back. Je suis impatient de voir à quoi il ressemblera, mais c'est une excellente nouvelle. En attendant, donc, voici quelques pin-ups de ces derniers mois, toutes superbes, dans laquelle on lit son affection pour les personnages de DC, mais aussi ceux qu'il anima chez Marvel.

 Catwoman
 Batman vs. le Joker
 Big Barda et Mister Miracle
 Wonder Woman et Captain America
 Daredevil
 Captain America vs. MODOK
 Superman et Flash
 Steve Rogers et Tony Stark
 Daredevil et She-Hulk
 Melinda May (agent du SHIELD) et Black Widow
 Elektra et Daredevil
 Daredevil et Captain America
 Captain America vs. HYDRA
 Zatoichi et Daredevil
 Le Joker vs. Batman
 La Comtesse Valentina De Fontaine et Nick Fury
 Captain America vs. Diamondback
 Batman vs. Deathstroke
 La Chose (ah ! Quel regret que Samnee n'ait jamais dessiné
Fantastic Four...)
 John Constantine et le Phantom Stranger
 Catwoman (version Julie Newmar) et Batman
 Daredevil et Foggy Nelson
Magik et Kitty Pryde/Shadowcat
 Nightcrawler et Kitty Pryde
(qu'est-ce que j'aurai aimé voir Samnee
sur un titre X-Men ou, mieux, une relance d'Excalibur...)
 Lois Lane et Clark Kent


 Batman (x2)
 Captain America et Nick Fury WWII
 Lila Cheney et Alison Blaire/Dazzler
 Star-Lord et Nova
 Edward aux mains d'argent
 Gwen Stacy et Mary-Jane Watson
 Spider-Man vs. Mysterio
 Daredevil (Silver Age) et Captain America

World's Finest

 le Winter Soldier (Bucky Barnes)

Samnee a dessiné plusieurs images du couple Bucky Barnes-Black Widow
(un autre dream project ?)

(Regardez la fenêtre brisée au second plan
qui forme un coeur : magnifique !)
(On dirait qu'ils dansent tout en combattant :
Samnee est un vrai chorégraphe.)

*

Et enfin, comme j'en dis un mot plus haut, 
une des illustrations de The Amazing Adventures of Kavalier and Clay,
de Michael Chabon (couleurs : Matt Wilson)
(Le livre est superbe à ce que j'ai vu, mais coûte un bras,
et n'est disponible qu'en anglais dans cette version.)

*

Et enfin, son dernier dessin de l'année :

Batman et le commissaire James Gordon

Je vous souhaite, à tous, fidèles comme visiteurs de passage, d'excellentes fêtes, et j'espère que Santa Claus vous aura gâtés. See you soon ! Stay tuned !