dimanche 31 mars 2013

jeudi 28 mars 2013

Critique 387 : THE SIXTH GUN, BOOK 4 - A TOWN CALLED PENANCE, de Cullen Bunn, Brian Hurtt et Tyler Crook

The Sixth Gun, Book 4 : A Town Called Penance rassemble les épisodes 18 à 23 de la série créée et écrite par Cullen Bunn, et dessinée par Brian Hurtt (#18-22) et Tyler Crook (#23), publiée par Oni Press en 2012.
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Séparés après l'attaque du train dans lequel ils transportaient le cercueil du Général Hume avec l'aide de l'Orde de l'Epée d'Abraham, Becky Montcrief et Drake Sinclair sont désormais dans une situation compromise. La jeune femme a fui la protection de l'Ordre et arrive dans la bourgade de Penance, où l'ont conduite les visions du futur du 6ème pistolet en sa possession. De son côté, son acolyte est le prisonnier de l'Orde des Chevaliers de Salomon, auquel il a appartenu dans le passé et qui veulent les quatre pistolets en sa possession (mais qu'il a eu le temps avant d'être capturé de mettre à l'abri).
Quand à ce brigand de Kirby Hale, il accepte de louer ses services à Missy Hume pour récupérer les pistolets tout en espérant que Becky l'aime encore après qu'il l'ait trahie une première fois...
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Si Cullen Bunn s'en tient à son plan initial - une série d'une cinquantaine d'épisodes maximum - , alors ce 4ème tome de The Sixth Gun franchit presque la moitié du parcours et permet à la fois de mesurer le chemin parcouru tout en laissant de nombreuses pistes à explorer (j'enchaîne les métaphores spatiales...).
Les précédents épisodes du tome 3 coupaient l'intrigue en deux parties : on y assistait, d'un côté, à la séparation forcée (à la suite de l'attaque du train par les mercenaires de Missy Hume) de Becky et Drake ; puis, d'un autre côté, à la quête de Gord Cantrell pour trouver un moyen de neutraliser les pistolets magiques (qui, réunis, pourraient peut-être transformer toute la réalité, passée et présente).
Cullen Bunn exclut (pour le faire revenir dans les prochains chapitres) Gord Cantrell de son récit afin de mettre en scène la réunion de Becky et Drake. Il imagine un nouveau décor où arrive Becky et dont il a le secret et qui contribue à faire de The Sixth Gun ce mix détonant de western et de fantastique horrifique : un bled perdu du nom de Penance (Pénitence). Dans ce lieu vivent des habitants difformes, des proto-mutants, contaminés par l'eau empoisonnée par les Chevaliers de Salomon qui détiennent Drake. La trahison du shériff (à la mine, il est vrai, peu honnête) va achever de précipiter l'affrontement entre les Chevaliers et une partie de la population, résidant à la périphérie, et conséquemment sceller les retrouvailles de Becky et Drake dans un autre endroit étonnant.
L'épisode 21, qui se déroule dans le repère des Chevaliers, une cité souterraine, offre au scénariste - et son dessinateur - le prétexte pour un vrai défi narratif puisqu'il s'agit d'un chapitre muet, sans dialogues ni onomatopées, sur le principe des " 'Nuff Said" comme Marvel Comics en proposa il y a quelques années pour un épisode de toutes leurs séries le même mois. L'efficacité et la confiance acquises par l'auteur sur son projet sont désormais telles qu'il passe l'examen avec brio et produit un petit chef-d'oeuvre. C'est aussi cela qui rend The Sixth Gun si plaisant à lire, pour cette capacité non seulement à se jouer des codes des genres qu'il aborde mais aussi cet aspect ludique dans la relation des intrigues, ces "morceaux de bravoure" parfaitement exécutés.
L'action domine donc ce recueil, mais continue de développer des liens entre ses protagonistes : ainsi on apprendra de Drake Sinclair une révélation renversante sur son rôle vis-à-vis de l'usage des six pistolets dans le passé, un twist dramatique qui va sans doute impacter durablement la série. Le personnage de Jesup, un des Chevaliers avec lequel Drake a un sérieux contentieux, est destiné à revenir aussi, malgré ce qu'il subit à la fin du #22. Quant à Kirby Hale, son alliance avec la sinistre Missy Hume promet également beaucoup, même si les sentiments qu'il éprouve encore pour Becky interféreront certainement...
The Sixth Gun n'a pas fini de régaler ses fans. Pourquoi donc aucune maison d'édition française ne s'intéresse à la traduction de ce titre, alors qu'ici, où de Lucky Luke à Blueberry en passant par Les Tuniques Bleues (et d'autres), un tel western aurait toutes les chances de gagner des lecteurs ?!
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Brian Hurtt continue d'enchaîner les épisodes avec une régularité impressionnante. Son dessin n'est peut-être pas renversant au premier regard, mais il n'empêche que la série lui doit beaucoup car c'est assurément un storyteller bigrement doué. Son découpage est simple, sobre, mais redoutable, avec des effets bien dosés (voir la splash-page où a lieu un vrai feu d'artifices de dynamite, après des suites de séquences cadrées serré). Le flux de lecture est d'une souplesse telle qu'on engloutit les 150 pages de ce volume sans voir passer le temps.

La série a aussi trouvé avec Tyler Crook un fill-in artist parfait : il ne s'occupe ici que du #23, centré sur Kirby Hale, ce qui permet de bien distinguer les tâches dévolues aux deux dessinateurs. Son trait est plus relaché que celui de Hurtt, plus "cartoony" mais convient idéalement au titre, dont le visuel ne cultive pas un réalisme classique pour mieux faire passer les excentricités du script.

Et, encore une fois, la colorisation de Bill Crabtree est irréprochable. Quel plaisir, vraiment, de lire une série qui conserve une si bonne cohérence esthétique depuis ses débuts !
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Enocre une collection d'épisodes jubilatoires. Vivement la suite, qui promet d'être aussi délirante et palpitante !

mercredi 27 mars 2013

THE PRIVATE EYE, de Brian K. Vaughan et Marcos Martin

Je tiens ce blog pour y rédiger des critiques et poster des images de dessinateurs que j'apprécie. 
Mais, une fois n'est pas coutume, j'ai envie d'informer ceux qui me lisent d'une bonne nouvelle. Il s'agit ici de vous parler du nouveau projet d'une équipe artistique parmi les meilleures de ces dernières années, formée par le scénariste Brian K. Vaughan (Saga, Pride of Baghdad, Runaways...) et le dessinateur Marcos Martin (Batgirl : Year One, Spider-Man, Daredevil...) : ces deux-là avaient déjà collaboré ensemble sur la formidable mini-série Dr Strange : The Oath (Le Serment, en vf) et il était question depuis le retour de BKV aux affaires (avec Saga) qu'ils retravaillent ensemble. Mais rien ne filtrait de leur nouveau projet.
Et puis, il y a quelques jours de ça, enfin, les fans en ont appris davantage : Vaughan et Martin lançaient une nouvelle mini-série (prévue en dix épisodes) sous la forme d'un webcomic. Le titre : The Private Eye. L'histoire, qui se déroule en 2076 dans une société où Internet a disparu et où chaque citoyen aspirant à conserver sa vie privée porte un masque, met en scène un détective privé (qui se fait appeler Patrick Immelman) engagé par une jeune femme pour s'assurer que les secrets de sa vie passé le restent...
Pour lire le premier épisode de cette série, il faut se connecter à cette adresse :


Ensuite, le principe est simple : vous payez la somme que vous désirez pour découvrir les 32 pages du  chapitre inaugural de cette aventure. Vous pouvez aussi le lire gratuitement. Mais plus ce webcomic sera consulté et rémunéré, plus il y aura de chances qu'il soit ensuite publié sur papier (probablement chez Image Comics, où Saga de Vaughan est déjà édité).
Il y aura en tout dix épisodes - et quand on a fini le premier, aussi inventif narrativement (avec un concept épatant et un déroulement de l'action implacable) que visuellement superbe (la galerie des masques, les designs des décors et véhicules, l'allure des personnages sont fabuleuses), on a déjà hâte de découvrir le prochain.

Pour vous mettre l'eau à la bouche, en voici quelques pages (disponibles sur www.scans-daily.dreamwidth.com) :









mardi 26 mars 2013

Critique 386 : MARVEL TALES, de Alan Davis

Marvel Tales by Alan Davis rassemble l'Annual 33 de la série Fantastic Four (Septembre 2012), l'Annual 1 de la série Daredevil (Octobre 2012) et l'Annual 1 de la série Wolverine (Octobre 2012), écrits et dessinés par Alan Davis, plus la reprise d'un one-shot consacré à Thor, publiés en 2013 par Marvel Comics.
Les trois premiers récits sont connectés par une intrigue impliquant le ClanDestine, héros créés par Alan Davis.
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- Fantastic Four Annual 33 : Through a dark glass paradoxically. Sue (la Femme Invisible) et Reed Richards (Mr Fantastic) partis en vacances, le Baxter building est gardé par Ben Grimm (la Chose) et Johnny Storm (la Torche Humaine), mais ces deux-là en profitent surtout pour prendre du bon temps. Leur repos est troublé subitement par une alerte : un des engins de Reed a repéré une faille dimensionnelle. Le Dr Strange surgit alors, lui aussi inquiet par ce évènement. Les trois héros sont alors séparés dans le temps et l'espace et confrontés aux manipulations que fait subir au continuum spatio-temporel Vincent Destine. Problème : celui-ci est présumé mort, tué par son propre père qui craignait que sa puissance ne soit un danger pour l'humanité et sa famille...



- Daredevil Annual 1 : A tourist in Hell. Durant une patrouille nocturne (la même nuit où Ben Grimm et Johnny Storm ont été dérangés au Baxter building), Daredevil est intrigué par une scène de meurtre et une jeune femme télépathe présente sur place qui les mystifie, lui et les policiers. Il la poursuit à travers la ville, suivi par Dominic Destine, et découvre que Jasmine Destine traque Vincent, dont l'esprit aurait investi le corps d'un robot, semant la mort sur son passage. Le Dr Strange intervient à nouveau à la fois pour aider les Destine et Daredevil...
 



- Wolverine Annual 1 : The greater evil. Il y a bien longtemps, Wolverine a croisé la route d'Adam Destine, puis celle de Jasmine sa fille. Celle-ci l'entraîne dans un musée où Vincent Destine a entrepris de refaçonner la réalité. Samantha, Walter, Newton, Pandora et Rory ne sont pas loin derrière, tout comme le Dr Strange qui propose une nouvelle fois son aide à la famille...
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19 ans après leur première apparition et 7 ans après leurs dernières aventures, le ClanDestine fait son retour sous la plume de leur créateur, le grand Alan Davis. Ces personnages atypiques, en marge de l'univers Marvel (bien qu'intégrés à la continuité), surhumains préférant qu'on les ignore pour se préserver plutôt que d'utiliser leurs pouvoirs pour combattre le Mal, n'ont jamais eu le succès espéré par le scénariste-dessinateur britannique (il n'a pu les animer que lors de trois mini-séries, dont un crossover avec les X-Men, en tout en pour tout).
Aussi quand Marvel a offert à Davis d'écrire et dessiner les Annuals de Fantastic Four, Daredevil et Wolverine, il a saisi l'occasion de ressortir ses créatures fétiches en transformant cette commande en un projet plus ambitieux : au lieu d'imaginer trois récits distincts où les Destine joueraient les guest-stars, il a conçu une histoire en trois volets qui permettrait de résoudre une des énigmes des séries précédentes, et il a convoqué le Dr Strange (qu'il avait utilisé dans un one-shot hilarant où le sorcier suprême rencontrait Stan Lee) pour relier les parties.
Comme scénariste, Alan Davis a les défauts de ses qualités : son imagination débridé rend souvent ses récits un peu complexes à suivre, ça part dans tous les sens, et il faut vraiment attendre les ultimes pages pour que tout s'éclaircisse. Ces "Marvel Tales" ne font pas exception et sont inégales en qualité : le segment avec les 4F (ou plutôt les 2F, puisque seules la Chose et la Torche Humaine sont présents) est le plus faible même s'il est très animés. Brodant sur les voyages temporels et séparant les protagonistes rapidement, il faut s'accrocher pour ne pas perdre le fil. Par ailleurs, si Vincent Destine, le fils maudit de la lignée (dont on savait seulement qu'il avait été tué par son propre père car il était jugé incontrôlable et dangereux - un choix dramatique, étonnant dans une série mainstream et plutôt légère, qui avait divisé les autres enfants d'Adam Destine), est tout de suite désigné comme la menace, Davis sème le trouble en suggérant que c'est peut-être aussi un démon ayant pris son apparence. Les autres Destine à l'oeuvre dans ce chapitre sont Gracie et Albert et ne font que de la figuration. On a l'impression que ces 40 pages (par ailleurs très énergiquement menées) sont un peu un coup d'épée dans l'eau, et que la suite, avec les deux Annuals suivants, sera plus intéressante.
Et effectivement, avec Daredevil, le projet est déjà plus digeste. L'intrigue est beaucoup plus simple, avec une structure plus aisée (une course-poursuite ponctuée par un bel affrontement entre DD et Dominic Destine, puis la lutte finale contre le Plastoïde). En même temps, le changement de braquet qu'opère Davis est un peu abrupte qu'il peut désorienter, mais on ne va pas bouder son plaisir, d'autant que l'auteur anime à merveille ce cher tête à cornes, et surtout les Destine (au moins deux d'entre eux, Jasmine et Dominic) impactent plus l'histoire, sont plus présents à l'image.
Cependant, le bouquet final était à l'évidence réservé pour l'Annual de Wolverine, un personnage qu'a déjà écrit et dessiné Davis il y a longtemps (dans le récit complet Bloodlust) et dont il va à nouveau illustrer les aventures (avec Paul Cornell au scénario). Walter, Samantha, Newton, Rory et Pandora rejoignent Dominic tandis que Jasmine et Wolverine sont dans le feu de l'action avec Vincent (ou son avatar) se déchaîne. C'est un vrai festival, où la folie du premier épisode et le dynamisme du deuxième sont combinés. Qu'importe, presque, si le dénouement est un peu expédié et que la toute dernière image laisse planer un doute sur cette résolution : c'est jubilatoire, et l'on se dit que l'objectif de Davis est atteint avec ces trois récits pleins de rebondissements, où les Destine même un peu en retrait sont bien revenus (en attendant d'autres apparitions, voire une nouvelle mini-série ?).
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Visuellement, Alan Davis est accompagné par Mark Farmer à l'encrage et Javier Rodriguez aux couleurs. Je préfère personnellement quand Paul Neary finit les dessins, mais le résultat est quand même extraordinaire de vitalité, de puissance, avec un découpage ahurissant, des personnages expressifs, des compositions renversantes, une amplitude dans le trait comme peu de graphistes en possèdent aujourd'hui.
Et la colorisation est somptueuse, comme rarement Davis en a eu le privilège : Rodriguez (qui occupe aussi ce poste sur le Daredevil de Mark Waid) y prouve l'excellence de sa contribution, avec une palette nuancée et éclatante tour à tour. On en prend plein les yeux aussi grâce à lui.
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Un peu laborieux pour se mettre en route mais de plus en plus jouissif, avec le plaisir intact de retrouver ces personnages cultes, voilà un bel album (qui se clôt par un voyage de Thor et les trois guerriers en Egypte, où les Asgardiens ont modifié à tout jamais le célèbre Sphinx - divertissant, même si ce n'est pas indispensable).
Et, pour finir, ci-dessous, l'image composée par la réunion des trois variant covers des Annuals, formant une chouette fresque :