jeudi 2 septembre 2021

NEW MUTANTS #21, de Vita Ayala et Rod Reis


Quel régal que cet épisode ! Je vais vous dire : New Mutants est certainement le meilleur titre de la franchise X actuellement, grâce au talent phénoménal de sa scénariste, Vita Ayala, mais aussi lorsque Rod Reis est au dessin, come ce mois-ci. Tout est impeccablement produit, ça se lit tout seul et c'est dense et c'est fluide. C'est... Parfait !


Warpath emmène quelques élèves faire un peu de ménage aux abords de la Maison Summers sur la Lune pour continuer à leur enseigner les vertus du travail collectif. Mais la séance dégénère lorsqu'un Brood attaque le groupe et blesse Warpath.


Cependant, sur Krakoa, Cosmar, Anole, Rain Boy et No-Girl convainquent Tempus et Felina de ressuciter Scout. Les Cinq agissent sans attendre la permission du Conseil, estimant être dans leur bon droit. Mais une fois revenue à elle, Scout accuse Felina de l'avoir tuée.


Sur la Lune, les élèves de Warpath, contre l'ordre de leur professeur, ripostent et font des dégâts parmi la bande de Broods qui est venue appuyer l'attaque du premier. Warpath se déchaîne puis Broo arrive en expliquant qu'il s'agissait de rebelles mais qu'il s'en expliquera avec le Conseil de Krakoa.


Et justement, sur l'île, Karma et Mirage obtiennent l'aide de Magik pour interroger le Roi d'Ombre. Felina les rejoint pour leur expliquer que Farouk l'a manipulée. Mais ce dernier attend les mutantes de pied ferme...

De toutes les séries mutantes que je lis, New Mutants s'est faite une place à part au fil des derniers mois. Plus exactement depuis que Vita Ayala l'a prise en main. Souvenez-vous : Ed Brisson avait jeté l'éponge, incapable d'assurer dignement la succession de Jonathan Hickman, et l'avenir s'assombrissait pour les Nouveaux Mutants.

Puis, contre toute attente, Vita Ayala a bâti patiemment une intrigue captivante avec le Roi d'Ombre comme antagoniste, tout en gérant un casting fourni, en donnant un objectif aux héros, bref en structurant le titre comme il ne l'avait pas été depuis sa relance. 

Mois après mois, j'ai été franchement épaté par ce que Vita Ayala construisait : la densité de ses épisodes n'avait d'égale que la fluidité de leur lecture. Tout y était clairement exposé, d'une facilité étonnante, et la tension, les enjeux montaient crescendo. Les protagonistes étaient attachants, mus par une dynamique unique. Plus que X-Force, Excalibur, Marauders ou même X-Men, c'était la série la plus sympathique et la plus solide, la plus régulière en qualité.

Même quand elle a dû composer avec les events mutants comme X of Swords ou dernièrement Hellfire Gala, Vita Ayala ne s'est pas démonté, elle a habilement su tirer parti des situations qu'on lui imposait, acceptant le mariage de Cypher (qu'elle n'utilisait de toute façon pas) avec Bei, pour se concentrer sur un noyau dur, avec une formation pleine d'allure (Warlock - un peu - et surtout Mirage, Karma, Felina, Warpath, et parfois Magik). La scénariste semblait ne jamais être prise de court et avoir toujours la parade.

Son récit filait de façon parfois sinueuse mais sans jamais perdre son fil directeur (le Roi d'Ombre et ses manipulations auprès de Nouveaux Mutants influençables). Surtout, ce qui impressionnait le plus, c'était l'adresse avec laquelle Vita Ayala faisait se répondre en permanence subplots et intrigue principale, comme si les (més)aventures des uns éclairaient sur celles des autres. Une vraie leçon de storytelling par une auteur qui ne jouait pourtant parmi la cour des grands (Hickman, Percy, Duggan, Howard). Mais c'est justement cette discrétion qui a permis à Ayala de bâtir son ouvrage sans faire de vagues, de s'imposer doucement mais sûrement auprès des fans.

Et avec ce vingt-et-unième épisode, Ayala retrouve son compère, le dessinateur Rod Reis. Le moment est idéalement choisi car ce chapitre marque un vrai tournant, un vrai pic. Tout ce qui a été mis en place, tout ce que le Roi d'Ombre a commis remontent à la surface et éclatent aux visages des héros et du lecteur. Le prochain numéro va être explosif - et plus encore si on en croit Rod Reis qui a prévenu que nous n'étion pas prêt pour ce qui allait arriver !

Krakoa est peuplé de héros mais aussi d'infâmes crapules, d'assassins, de vraies ordures et le Roi d'Ombre est certainement un des pires spécimens dans cette catégorie. Son passé avec les New Mutants a engendré des épisodes dramatiques, et Vita Ayala le rappelle de manière subtilement suggestive via Karma ou Felina. La menace désormais avérée qu'il représente, malgré les apparences de repentir qu'il a montrées ne laisse plus place aux initiatives isolées : l'équipe doit faire bloc, du moins les filles. Et c'est là que c'est particulièrement fort.

Car Vita Ayala à travers cette intrigue finement développée traite des abus des hommes commis contre les femmes, de la toxicité des relations entre un abuseur et ses victimes. A sa façon, redoutable, le Roi d'Ombre a violé Felina comme avant elle Krama. Il s'en est pris à des enfants en la personne de leurs élèves. Et son modus operandi est particulièrement abject car il a fait tout cela sans avoir l'air d'y toucher, sous le masque de la bienveillance, celui du mentor, du confident, tel un serpent étranglant ses proies.

Suivant les indications de sa scénariste mais aussi sa propre vision, Rod Reis a insisté sur la représentation de ce méchant qui ressemble de prime abord à un personnage de cartoon, avec sa silhouette d'ogre, ses moustaches finement taillées, ses lunettes fumées, sa chechia, son costume blanc. C'est une figure orientale, presque caricaturale. Et Reis a accentué ces traits comme le sourire éternellement carnassier qu'il arbore pour embrouiller notre lecture, nous faire douter de sa malfaisance. Mais aujourd'hui, cette ignominie nous submerge : il n'y a rien de drôle chez Amahl Farouk, c'est un manipulateur, un pervers, et les Nouveaux Mutants sont ses cibles, ses jouets, ses pantins.

Le dégoût qu'on peut désormais lire sur leurs visages est lui aussi parfaitement traduits par le dessin expressioniste et les couleurs saturées de Rod Reis. Qu'il s'attarde sur la confusion de Rahne Sinclair ou la rage d'Yliana Rasputin, le regard noir de Dani Moonstar ou l'inquiétude de X'ian Coy Manh, on comprend parfaitement la palette de sentiments qui émanent de ces jeunes femmes. Le parallèle entre Farouk et Harvey Weinstein et ses victimes sautent aux yeux et donne à la série un air de manifeste qui renvoie aux origines même des séries mutantes, variation sur l'oppression des minorités. C'est puissant.

Alors que les prochains mois verront la fin du "règne" de Jonathan Hickman sur la franchise, on sait au moins une chose : tant que New Mutants sera dirigé par Vita Ayala et Rod Reis, les fans n'auront aucun souci à se faire, la série est entre d'excellentes mains, vivant sa vie presque à l'écart du reste mais avec une maestria que peuvent lui envier les autres titres.

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