jeudi 30 septembre 2021

S.W.O.R.D. #8, de Al Ewing et Guiu Vilanova


Ce huitième épisode de S.W.O.R.D. ne dépareille pas avec les précédents : la série semble dépourvue d'une ligne claire, à part le fait qu'elle s'intéresse au rapport des mutants avec l'espace. Ce mois-ci, Al Ewing s'intéresse donc entièrement au nouveau rôle de régente d'Arakko de Tornade, sans que cela soit désagréable à lire mais sans qu'on sache bien een quoi ça fait avancer le schmilblick. Stefano Caselli occupé ailleurs, il est remplacé par Guiu Vilanova, qui s'en sort très bien.


Depuis qu'elle occupe la place de régente d'Arakko, Tornade doit composer avec une race de mutants ayant toujours vécu en guerre, ne connaissant que le conflit pour résoudre les problèmes et ne respectant que la force. Mais elle a l'avantage d'être aussi une mutante de niveau oméga.


Aussi quand le nommé Calderak s'impatiente de la voir se présenter et jure de la massacrer, Tornade n'a d'autre choix que de faire une démonstration. Frenzy assiste à la scène où elle gèle Calderak sur place dans une tempête de neige pour ramener le calme.


Toutefois, les épreuves ne sont pas terminées pour l'ancienne résidente de Krakoa. Testée à nouveau à la table du conseil d'Arakko, elle ne perd pas son sang-froid. Même quand Tarn avoue être allé l'île et compte y retourner, malgré l'interdiction convenue entre les deux peuples mutants.


Tornade prend les devants et défie Tarn en duel. Il accepte et ne retient pas ses coups, la privant de ses pouvoirs et lui infligeant de terribles déformations physiques. Tornade puise dans ses ressources et retourne la situation, gagnant le respect de son adversaire. Et impressionnant Wiz-Kid et Frenzy.

Comme je le relevais en préambule, S.WO.R.D. est une bien curieuse série. A mon sens, c'est une des plus originales et des plus réussies de la franchise, elle a su s'imposer en peu de numéros et malgré des contraintes qui auraient découragé plus d'un scénariste, obligé de faire avec un event (King in Black), un crossover (Hellfire Gala) et le départ de deux dessinateurs (Valerio Schiti, Stefano Caselli).

Al Ewing a donc du mérite. Mais c'est un auteur déroutant car il semble plutôt se satisfaire de ces contraintes (en tout cas il les embrasse sans souci apparent). En revanche, il faut plus que de l'indulgence et de la patience pour trouver à son entreprise un vrai fil conducteur, une vraie direction. Il se dégage de ces huit épisodes le sentiment prégnant que la série ne va nulle part alors qu'elle a un énorme potentiel, un terrain immense et des personnages jubilatoires.

La plupart du temps, ce qui en temps normal occuperait le devant de la scène se trouve ici relégué hors champ. Ce n'est pas dénué de charme et ça ne manque pas d'efficacité, d'une certaine manière SWORD ressemble plus à la CIA des mutants que X-Force dans la mesure où la bande d'Abigail Brand solutionne les problèmes galactiques risquant d'embêter les mutants sans que personne ne le sache ou n'y assiste. Elle agit comme un paravent, quitte à ce que cela lui explose un jour au visage, mais elle le fait avec une assurance qui frise l'arrogance, un côté badass assumé et irrésistible. 

Son équipe est au diapason, avec des canailles, des seconds couteaux, ce qui ne signifie pas qu'elle manque de puissance et de compétences. Mais enfin, bon, entre la pêche au Mystérium, la chasse au symbiote, les réunions avec le conseil galactique, l'audience de Fabian Cortez sur Krakoa, le gala Hellfire et un dîner avec Fatalis, bien malin qui peut relier tout ça en un tout cohérent, qui peut y lire une intention nette.

Ewing ne déroge pas à son absence de règles puisque cet épisode encore une fois n'en fait qu'à sa tête : le SWORD proprement dit en est carrément absent (hormis la présence de Frenzy, mais elle n'est que spectatrice des événements) ! Le récit est centré sur Tornade qui s'exerce à son nouveau rôle de régente d'Arakko. Et le scénario est découpé en deux actes qui se répondent symétriquement.

Dans un premier temps, Tornade doit calmer un excité arakki qui ne reconnaît pas son autorité. Elle calme rapidement et avec lui, le public assistant à la scène. Dans un second temps, plus conssistant, Tornade doit s'occuper de Tarn, un client plus sérieux puisqu'il siège autour du Cercle qui gouverne l'ancienne planète Mars où Arakko s'est établie. Ewing fait référence à des faits survenus dans la série Hellions (de Zeb Wells), que je n'ai pas lue, mais qu'importe : on comprend que Tarn a enfreint une loi qui interdit aux arakki de règler leurs comptes avec les krakoans sur l'île en vertu d'un pacte de non-agression mutuelle depuis la victoire de Krakoa lors du tournoi relaté dans le crossover X of Swords.

Tarn ne s'en laisse pas compter et avoue qu'il répétera ses voyages tant qu'il ne s'estimera pas satisfait. Tornade se trouve dans la situation inverse du premier acte : c'est elle qui doit lancer un défi. L'affrontement est rude, prétexte à la démonstration des pouvoirs effrayants de Tarn mais aussi à la force de caractère exceptionnelle d'Ororo. Qui prouvera qu'elle mérite son titre de reine.

C'est intéressant parce que Ewing montre bien et rapidement à quel point la nature des arakki est spéciale : ils n'ont connu que la guerre, donc ils ne résolvent leurs différends qu'en se battant, et une fois dans l'arène seules la victoire, la mort ou la reddition sont acceptables. Pourtant Tornade veut imposer une autre loi, une quatrième alternative. Et elle doit l'accomplir en se faisant accepter par un peuple uniquement composé de mutants de niveau oméga. Heureusement, elle est de ce calibre-là elle aussi. Mais quand même, ça donne une idée de l'ampleur de la tâche.

Par contre, une fois encore, hormis le fait de nous présenter plus avant les arakki, de montrer qu'ils ne sont pas oubliés maintenant qu'ils ont tous été déplacés sur Mars, que Tornade est leur chef légitime, quel véritable rapport avec le SWORD ? Tornade n'est pas membre de l'équipe d'Abigail Brand, elle ignore tout des manigances de cette dernière, cela n'a aucune raison de changer. On peut surtout dire que ce que Ewing nous raconte ici aurait par ricochet eu davantage sa place dans la série X-Men telle que l'écrivait Hickman et donc cela confirme que le champ des histoires explorées par Hickman reste vacant. En l'état, cet épisode est un bon one-shot, qui s'intègre à la logique de SWORD, sans pour autant appartenir au corps de la série de manière essentielle. Pour que SWORD marche mieux, il faudrait un arc, une intrigue qui court sur plusieurs chapitres, un fil rouge (plus tendue que simplement le programme spatial mutant, trop vague), avec les personnages du SWORD (et pas une guest-star comme Tornade).

Il semble acquis que Stefano Caselli ne reviendra pas dessiner les pages intérieures de la série (en tout cas pas avant 2022, mais même l'an prochain, j'en doute). Il n'aura donc signé qu'un épisode (le #7) et les couvertures. Du coup, comme Marauders, SWORD doit s'en remettre, faute de mieux, à des intérims, souvent des artistes moins (ou pas) connus, au  niveau inconnu. Là, on a de la chance, le remplaçant du mois est bon.

Je ne connaissais pas Guiu Vilanova mais il s'acquitte fort bien de ce qu'on lui a confié. Son trait est expressif, précis. C'est utile quand on doit illustrer un récit intense, où les personnages expriment des émotions fortes, dans des ambiances tendues. Par ailleurs, il doit prendre en compte que la majorité du casting est à créer puisque, en dehors de quelques arakki notables qui siègent dans le Cercle (comme Isca, Lactica, Tarn...), tous les autres n'ont jamais été vus auparavant. Calderak bénéficie ainsi d'un design simple mais efficace, parfaitement raccord avec son pouvoir et l'impression de puissance qu'il doit dégager.

Tornade est également bien servie : Vilanova sait lui donner une vraie majesté, il la maîtrise bien. Son face-à-face avec Tarn a du contraste : on sent bien la force de ce dernier, son caractère vicieux et sadique, mais aussi la détermination d'Ororo, sa vaillance. L'artiste peut s'appuyer là-dessus puisque les décors sont réduits, mais ça colle avec Arakko qui n'est pas un lieu sophistiqué, à l'image de ses résidents. Bien entendu, si la série devait y revenir (ou un autre titre), il faudra penser à designer un peu plus cet environnement car même si les arakki sont plus bruts de décoffrage, ce ne sont pas non plus des sauvages vivant dans la rusticité - toutefois, je souhaite bien du courage à celui qui s'en occupera car on ne trouve pas un Pepe Larraz, capable de s'investir dans la création de décors avec le talent qu'on sait, facilement. Et comme Schiti est parti...

Bref, je ne peux pas dire du mal de SWORD #8, que j'ai aimé lire et sur lequel il y a de quoi écrire. Simplement, j'aimerai que cette série aille plus loin qu'une vague note d'intention et des histoires de un ou deux épisodes max. Al Ewing en a sous le capot, qu'il se lâche !    

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