mardi 12 juin 2018

SHADE THE CHANGING WOMAN #4, de Cecil Castellucci et Marley Zarcone


Shade the Changing Woman approche de sa fin (au mois d'Août avec le n°6) et est-ce à cause de cette échéance, intégrée par ses auteurs, mais son quatrième épisode accuse un peu le coup, comme si Cecil Castellucci et Marley Zarcone cherchaient un moyen d'en finir à la fois vite et dignement (ce qui n'a rien d'évident). Cette difficulté apparaît de manière évidente (et embarrassante) ce mois-ci aux vues de la solution choisie pour orienter la conclusion.


En se séparant (littéralement) de son coeur, Shade a provoqué une castatrophe (et l'ire de son mentor, le poète Rac Shade) : une race extraterrestre, the Cray, est désormais en capacité d'envahir la Terre en semant la folie dont a héritée la native de Meta. Impuissante à prévenir la population et dans l'incapacité d'alerter les autorités (qui font la chasse aux aliens), elle doit tout de même trouver un moyen de se faire entendre.
   

Brouillés avec River depuis qu'il a intégré la faculté de Floride et son programme contre les extraterrestres, Teacup accepte néanmoins de se réconcilier avec lui lorsqu'il lui parle de l'invasion qui se prépare et du danger qu'ils encourent avec leur amie Shade.
  

La conviction de River est fondée sur le fait qu'il a surpris un scientifique originaire de Meta, en relation avec les autorités militaires terriennes, conseiller d'envoyer des satellites pour localiser l'ennemi et des missiles pour les anéantir ensuite.


Teacup et River assistent également, chacun de leur côté, à un autre événement traumatisant : lors de la retransmission télévisée d'un concours de natation synchronisée auquel participent deux de leurs camarades de lycée, celles-ci sont agressées par une force ressemblant à celle produite par Shade - mais en vérité diffusée par le tueur des parents de Megan Boyer, également venu de Meta.
  

Shade répond à l'appel désespéré de Teacup et va agir, quitte à se sacrifier pour ce monde qui la traque. Mais pour réussir, elle doit récupérer son coeur, ce qui n'est pas évident car elle l'a enterré dans un désert...

Pour une série plutôt intimiste comme Shade, voir le scénario soudain basculer dans une histoire d'invasion, avec la notion de grand spectacle que cela induit, a de quoi dérouter. On peut considérer que ce n'est pas contradictoire avec un titre qui a toujours tout fait pour désarçonner son lecteur, à commencer par féminiser la version du héros créé par Steve Ditko puis repris par Peter Milligan.

Il n'empêche qu'on se pose la question de savoir si la direction empruntée par la scénariste Cecil Castellucci relève d'un choix assumé et mûri depuis le début de ce volume, ou s'il est dicté par l'imminence de l'annulation de la série et donc la nécessité de conclure rapidement grâce à une idée expéditive.

Cette incertitude brouille la lecture et gâche le plaisir qu'on prend habituellement à lire cette série. Mais elle permet aussi d'apprécier la qualité réelle de Shade the Changing Woman en considérant qu'elle est honnêtement moins bonne que Shade the Changing Girl. En voulant élargir le spectre de son récit, la scénariste a perdu ce qui en faisait la magie, la singularité : la chronique presque policière sur les affres de l'adolescence via le transfert de l'esprit d'une extraterrestre dans le corps d'une vraie peste que ses souffre-douleurs avaient laissée pour morte, noyée dans un lac, séduisait par son étrangeté quasi-Lynchienne. En lançant son héroïne hors de ce milieu vicié du lycée, en souligant sa relation avec Rac Shade, en mettant en scène son rejet par ses deux meilleurs amis, puis en orchestrant des subplots moyennement accrocheurs (un tueur en série venu de Meta, une invasion extraterrestre en possession des pouvoirs fous de Shade), l'intérêt s'est dilué à force de courir plusieurs (trop) de lièvres à la fois.

Il reste la beauté graphique de la série et de ce côté-ci Marley Zarcone épate par son incroyable constance à réaliser des images bizarres et belles à la fois, à jouer avec le découpage, la composition des images, tout ça avec ce trait clair, épuré, soutenu par les couleurs de Kelly Fitzpatrick.

C'est désormais l'artiste qui semble porter vraiment le titre et accrocher le lecteur un peu las, un peu perdu. On est toujours étonné de l'imagination visuelle de Zarcone quand Castellucci semble s'essouffler ou ne plus y croire. Mais reste alors le sentiment d'une BD coupée en deux alors que la complicité entre la dessinatrice et sa scénariste faisait autrefois toute la différence. Dommage.

On ne va pas totalement cesser d'y croire - qui sait, le dénouement peut encore épater. Mais les deux derniers épisodes risquent hélas ! d'être plus laborieux et les adieux à Shade moins émouvants que prévus.
*

A la fin de cet épisode, on trouve (en plus de la back-up story, toujours aussi dispensable, mais qui semble être la dernière) un petit bonus : les études graphiques de Marley Zarcone pour figurer l'évolution de Shade d'adolescente à jeune femme, en soulignant son changement de garde-robe notamment.
  

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