dimanche 3 juin 2018

DAREDEVIL #603, de Charles Soule et Mike Henderson


La (superbe) couverture de Chris Sprouse ne ment pas : cet épisode est étouffant et poursuit un arc narratif captivant. Le run de Charles Soule, dont on pouvait craindre qu'il s'essouffle après le départ de son dessinateur (Ron Garney), gagne au contraire en ampleur et entraîne Daredevil dans une direction à la fois très urbaine et fantastique, sur un tempo soutenu. On oublie presque que la partie graphique est en deçà.


Elektra tente de fuir New York assiégé par la Main lorsqu'elle tombe, sur les docks, dans un guet-apens tendu par les ninjas de l'organisation qu'elle dirigea autrefois. Elle affronte ses adversaires, résolue à ne pas les épargner, jusqu'à l'arrivée de Daredevil qui provoque, contre toute attente, leur retrait.


En échange du nom de celui qui, il y a quelques mois, l'a manipulée mentalement au point qu'elle ait cru avoir une fille, Daredevil convainc Elektra de l'aider à libérer New York de la Main même si elle sait comme lui que la situation est orchestrée par la Bête, dont la puissance les dépasse.
  

Daredevil téléphone ensuite à Foggy Nelson, resté à la Mairie, pour savoir si ses amis héros (Luke Cage, Iron Fist, Jessica Jones, Spider-Man, Moon Knight, Echo, Mysty Knight) maîtrisent la situation en ville. Mais cela ne suffit pas au justicier pour être rassuré et il demande à être mis en contact avec le pénitencier de Ryker's. Il négocie alors avec Hammerhead, Diamondback Black Cat et le Hibou une remise de leurs peine en échange de leurs renforts.


Au temple de la Bête, celle-ci, repue de la terreur qu'il a semée en ville, lâche un gaz toxique dans le ciel. Les civils encore dehors sont pris de malaise tout comme Matt Murdock sur le toit de la Mairie en compagnie de Foggy et Blindspot.


Un médecin ausculte le Maire à l'intérieur sans savoir diagnostiquer son mal. C'est alors qu'un homme équipé d'une combinaison frappe à la porte de la Mairie et prouve, pour qu'on le laisse entrer, qu'il peut dissiper le gaz. Foggy l'accueille tandis qu'il se démasque et se présente comme étant le Père Jordan, confesseur de Matt !

La situation que Charles Soule a mise en place depuis le 600ème épisode atteint un point culminant dans ce numéro et évoque directement un grand classique du western, Rio Bravo d'Howard Hawks. New York est encore sous la menace de la Main, les amis héros de Daredevil tentent de contrer les ninjas, Elektra rejoint cette résistance, jusqu'à ce que Matt Murdock tombe à son tour, victime d'un empoisonnement massif provoqué par la Bête. 

Enfermés dans la Mairie, Foggy et les adjoints de Matt sont comme John Wayne et Dean Martin dans leur bureau de shérifs dans l'attente d'un nouvel assaut, sans savoir s'ils y survivront.

Le scénariste à ceci de spécial qu'il donne souvent le sentiment de ne pas savoir où il va, d'improviser au fur et à mesure, montant en régime jusqu'au point où le lecteur s'interroge sur la manière dont il va dénouer tout cela. Mais que cette impression soit justifiée ou pas, le résultat est vraiment efficace car nul ne peut effectivement anticiper la suite, le prochain épisode, et, au-delà, le terme de cette aventure.

Cette façon de procéder est évidemment périlleuse car il exige de l'auteur une chute aussi impressionnante que la progression narrative qui l'a précédée. En attendant de vérifier cela, l'épisode se termine sur un cliffhanger et un twist vraiment inattendus, ramenant un personnage secondaire du run de Soule dans un rôle imprévisible (en espérant qu'il ne soit pas un deus ex machina).

L'écriture, qui, à défaut d'être renversante, est donc très addictive, compense une partie graphique un peu moins pêchue. Non pas que Mike Henderson démérite mais son découpage manque trop de punch pour servir ce que l'histoire raconte. L'expressivité des personnages est parfois improbable. Tout ça n'a pas la puissance de Garney ni l'application de Sudzuka et freine l'enthousiasme qu'on éprouverait si le récit disposait d'illustrations à sa hauteur.

Inégal visuellement, cet arc narratif prouve que Soule est un conteur intense, peut-être plus roublard qu'inspiré, mais au moins on ne s'ennuie pas. 

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