mardi 13 septembre 2011

Critique 263 : FABLES 15 - ROSE RED, de Bill Willingham, Mark Buckingham et Inaki Miranda

Fables : Rose Red est le 15ème tome de la série créée et écrite par Bill Willingham, rassemblant les épisodes 94 à 100, publiés en 2010 et 2011 par DC Comics dans la collection Vertigo. Les dessins sont signés Mark Buckingham (#94-98, 100), Inaki Miranda (#99), Chrissie Zullo, Joao Ruas, Bill Willingham, Dave Johnson, Kate McElroy, Adam Hughes et J.H. Williams III ont également illustrés les bonus spéciaux accompagnant le 100ème épisode.
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- Rose Red (#94-98) : La Bête s'interpose entre la Fée Bleue (convoquée par Ozma) et Gepetto ; King Cole, Snow White et Bigby Wolf s'emploient à contenir les ambitions d'Ozma pour la direction de la Ferme ; le chat Maddy surveille Mr Dark à Bullfinch Street à New York ; Frau Totenkinder (re)devenue Bellflower convainc Dunster Happ de l'aider à vaincre Mr Dark ; et Rose Red visitée par l'esprit de sa mère apprend pourquoi Snow White l'a abandonnée durant leur enfance.

- Dark City (#99) : Mr Dark étend son emprise démoniaque sur New York lorsqu'il reçoit la visite de Mr North venu lui annoncer que Bellflower le défie en combat singulier à mort.

- Single Combat (# 100) : Bellflower et Mr Dark s'affrontent pendant que la Belle accouche. Snow White, excédée, remet la Nurse Pratt à sa place. Les Fables préparent leur départ pour le royaume de Haven où Flycatcher les reçoit...
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Dans ce 15ème tome de la série, les péripéties et les révèlations se succèdent sur un tempo soutenu pour culminer avec le 100ème épisode : c'est une date dans l'histoire de cette production et un exploit pour un titre hors du genre super-héroïque à l'heure où l'industrie des comics est en crise. Pour fêter dignement cette étape, les auteurs ont mis les bouchées doubles, avec un "single issue" de 64 pages plus trois courts récits supplémentaires, des guest-stars posant et répondant aux questions, un théâtre de papier, un jeu de société et un sketchbook !
Le premier mérite de cette nouvelle salve d'épisodes est de procurer un intense plaisir où la majorité des protagonistes sont présents sans que leur multitude ne ralentisse la course du récit. Celui-ci connaît deux climax avec d'abord le "retour aux affaires" de Rose Red, dont on découvre le passé (et subséquemment celui de Snow White, dans une version plus acide que la tradition), et ensuite avec le face-à-face entre Frau Totenkinder/Bellflower et Mr Dark, dont le dénouement déjoue tous les pronostics (la preuve que même avec un exercice aussi convenu, on peut encore surprendre).
Bill Willingham donne donc un conséquent coup d'accélèrateur sans sacrifier ni les rapports entre les personnages ni l'ambiance particulièrement dramatique de l'histoire entamée depuis le tome 12 (Fables : The Dark Ages). Bien que la série atteigne les 100 épisodes, elle ne s'essoufle pas et dispose même de nombreux subplots qui vont alimenter des histoires futures (l'exil à Haven, les manigances de Gepetto et Ozma, la mission assignée par King Cole à Bigby, la révèlation faîte à Mr North par Bellflower sur son 7ème petit-fils, les vengeances de la Nurse Pratt et de Mr Dark, l'ultimatum de la Fée Bleue, le sort de Briar Rose la Belle au Bois Dormant, la condition de l'enfant de la Belle et la Bête, la transformation de Reynard, etc).
En privilégiant l'action aux métaphores, Willingham a abandonné avec bonheur ses prétentions philosophiques et revient aux sources des fables, dont le contenu souvent horrifique est déjà un beau défi narratif pour être adapté et prolongé. Par contre, il sait toujours aussi bien faire évoluer ses personnages, ne revenant jamais à un statu quo antérieur, suggérant des prolongements excitants, dénouant des intrigues pour mieux en préparer de nouvelles. Combien de séries sont aussi denses et épiques tout en animant de manière attachante ses héros ?
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Mark Buckingham dessine 6 épisodes sur les 7 que compte ce recueil et il produit parmi ses meilleures et plus belles planches - je sais, je dis ça à chaque fois mais c'est un enchantement perpétuel, et quel plaisir de lire une série où l'artiste tient la cadence et ne cède pas sa place à chaque arc !
Il est aussi à l'aise dans les séquences intimistes, où les protagonistes dialoguent, se rappellent, rusent à qui mieux-mieux, que dans le spectacle des combats. Il illustre avec génie la démonstration des pouvoirs magiques ou l'aspect à la fois inconiques et décalés des personnages.
Bien qu'il soit encré par trois partenaires différents, avec Steve Leialoha, Andrew Pepoy et Dan Green, son trait n'en souffre jamais. De même, la colorisation parfois un peu terne de Lee Loughridge gagne en nuances et en luminosité. C'est un vrai bonheur pour les yeux.
Inaki Miranda supplée "Bucky" durant le 99ème épisode, où son trait fin et méticuleux fait merveille pour représenter le sinistre Mr Dark et son emprise sur le défunt quartier de Fabletown mais aussi Mr North et le vent qui balaie tout ce qui l'entoure.
Le 100ème épisode comporte de nombreux et merveilleux bonus : Chrissie Zullo et Joao Ruas (le cover-artist de la série) dessinent deux épilogues charmants et drôles, Willingham et Buckingham échangent leurs places pour un segment mettant en scène Pinocchio et Gepetto (dont le dénouement appelle des développements), et enfin Dave Johnson, Kate McElroy, Adam Hughes (le temps d'une splendide page !) et JH Williams III mettent en images des réponses aux questions posées par trois célèbres fans de Fables.
Et comme si ça ne suffisait pas un théâtre de papier, un jeu de société et un sketchbook bouclent l'album !
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C'est un festin de roi, un "must-have" absolu. Vivement Décembre maintenant et le tome 16 : Super Team !

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