jeudi 18 août 2011

Critique 253 : FABLES 10 - THE GOOD PRINCE, de Bill Willingham, Mark Buckingham et Aaron Alexovich

Fables : The Good Prince est le 10ème recueil de la série créée et écrite par Bill Willingham, rassemblant les épisodes 60 à 69, publiés en 2007 et 2008 par DC Comics dans la collection Vertigo. Mark Buckingham signe les dessins, à l'exception de l'épisode 64 (The Birthday Secret) illustré par Aaron Alexovich.
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- The Good Prince (#60-63, 65-69) : Flycatcher (Gobe-Mouche), l'humble balayeur de la mairie de Fabletown, a reçu du Père Noël un cadeau cruel : il se souvient de la mort de sa bien-aimée lors de l'exil des Fables. Depuis, il est prostré, terrassé par le chagrin et Red Riding Hood (le Chaperon Rouge), qui s'est éprise de lui, ne supporte cet accablement. Cependant, le singe volant Bufkin, qui veille sur les pièces administratives de la mairie, brise l'armure pendue du Chevalier Parjure après qu'elle lui ait adressé la parole. Flycatcher sort de sa torpeur pour aller demander à Boy Blue, à la Ferme, de lui apprendre à se servir de la cape magique et de l'épée Vorpale avec lesquelles il compte à son tour retourner dans les Royaumes défier l'Adversaire. Mais il se heurte au refus de son ami. Peu après, Flycatcher en découvrant les débris de l'armure du Chevalier Parjure voit apparaître le fantôme de son porteur, Lancelot, qui lui offre de l'initier. Ensemble, ils gagnent l'Empire par le puits magique où ont été jetés les Fables maudits après la marche des soldats de bois. A la tête de cette armée de morts, Flycatcher redevenu le Prince Ambrose restaure son domaine de Haven et attire l'attention de l'Adversaire. Contre toute attente, il défait toutes les hordes venant tenter de le soumettre et porte même un rude coup à l'ennemi, tandis que, via le miroir magique, les Fables à New York suivent ses aventures et continuent de préparer la guerre...

- The Birthday Secret (#64) : Au milieu du périple de Flycatcher, les Fables exilés continuent de s'organiser en vue de la guerre contre l'Adversaire. Rose Red (Rose Rouge) et Boy Blue s'occupent de la formation de soldats à la Ferme. Dans la Vallée des Loups, Bigby Wolf (le grand méchant loup) et Snow White (Blanche Neige) décident pour l'anniversaire de leur progéniture de leur révèler l'existence de leur 7ème enfant...
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C'est une saga inattendue et de grande ampleur (pas moins de neuf épisodes !) qu'entreprend Bill Willingham avec ce 10ème tome de sa série. Inattendue car le scénariste donne le premier rôle à un personnage jusqu'à présent secondaire, Flycatcher, et de grande ampleur car l'histoire propose une voie alternative au conflit qui continue de se préparer entre les Fables exilés et l'Adversaire.
En marge de l'aventure de Flycatcher, les manigances dans les deux camps des belligérants continuent de plus belle et le Prince Charmant roule de manière savoureuse Hansel dans la farine, tout d'abord en jouant le jeu de la diplomatie courtoise avant de l'envoyer, lui et par conséquent Gepetto, dans les cordes avec un ultimatum qui confirme qu'il n'y aura pas de quartier. Les Fables de Bagdad sont également mis à contribution et Bigby officie comme un général pour former des troupes qui devront être prêtes rapidement, en achetant les services de militaires humains. Cette partie du scénario est un vrai régal et en même temps souligne deux points importants : d'abord, les Fables sont déterminés à en découdre, leur affrontement contre l'Adversaire sera impitoyable et définitif, on sent que la série va tourner une page, que vraiment plus rien ne sera comme avant ; et ensuite, Willingham adresse à l'évidence un clin d'oeil appuyé à Astérix en racontant que les Fables exilés n'ont rien de gentils gaulois isolés mais sont devenus une force ayant gagné en grandeur (avec leurs homologues orientaux), dont les méthodes se sont radicalisées.
Le récit principal se focalise donc sur Flycatcher dont la métamorphose est sidérante et marque là encore un bouleversement dans la continuité de la série. L'aspect de cette intrigue évoque bien sûr Homelands (Fables 6) et le voyage de Boy Blue, mais en vérité Willingham va plus loin cette fois-ci car Flycatcher retourne pour s'installer à nouveau dans l'Empire et faire de son domaine une place forte aussi importante que celle de l'Adversaire, des Fables de New York ou de Bagdad.
The Good Prince est l'histoire d'une résurrection, celle d'un homme qui avait tout oublié de son douloureux passé, qui accepte d'y faire face, de reprendre son titre (celui du Prince Ambrose), d'accorder une seconde chance à ses semblables qui se sont fourvoyés et ont été punis pour cela, et enfin d'aimer à nouveau une femme (le Chaperon Rouge).
Willingham emprunte au récit de chevalerie en convoquant Lancelot du Lac, chevalier tombé en disgrâce pour avoir trahi le roi Arthur et qui a fini par se donner la mort pour s'excuser. Les péripéties sont autant d'étapes classiques du genre : la traversée du pays des morts, la renaissance du domaine de Haven, la reconnaissance de traîtres dans les rangs du héros, la succession de défis relevés face aux hordes envoyées par l'Adversaire, l'usage de la malice et de la magie comme armes imparables. Il y a des trouvailles poétiques comme lorsque Flycatcher/Ambrose chasse ses ennemis avec les esprits de ses partisans ou quand il vainc les soldats de bois en les retransformant en arbres, condamnant ainsi le bois sacré de Gepetto.
Bref, cette fresque est passionnante de bout en bout, d'une inventivité épatante, et influençant clairement le cycle en cours. Même l'intermède de l'épisode 64 passe comme une lettre à la poste, offrant une respiration amusante et bienvenue (jusque dans le graphisme déroutant d'Aaron Alexovich).
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Les 9 épisodes de The Good Prince sont illustrés par Mark Buckingham (encré par Steve Leialoha et Andrew Pepoy, sans que le résultat n'en souffre - bel exploit). L'artiste y affiche une forme olympique, excellant aussi bien dans les scènes dominées par le dialogue que dans de véritables tableaux ponctuant le voyage de Flycatcher. C'est alors l'occasion de splendides doubles-pages, à la figuration et aux décors conséquents.
Mais les morceaux de bravoure de la saga résident réellement dans les séquences de bataille, en duel ou contre des troupes entières : l'influence de Jack Kirby dans le trait de Buckingham est alors manifeste et donne lieu à des planches épiques, avec force trolls, géants et monstres mémorables.
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Un des story-arcs les plus ambitieux de la série, qui tient toutes ses promesses. La suite des évènements s'annonce aussi grandiose et va conclure un pan entier de l'oeuvre de Willingham.

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