vendredi 18 février 2022

X-MEN #8, de Gerry Duggan et Javier Pina


X-Men #8 est (un tout petit peu) meilleur que le #7, mais ça ne veut pas dire que c'est vraiment bon. Gerry Duggan fait simple et ça lui va mieux. Mais la série, honnêtement, mérite mieux que ça. D'autant, encore une fois, que le scénariste se montre incapable d'animer l'équipe des X-Men en tant que telle. En revanche, l'excellente surprise vient des des dessins de Javier Pina, qui en s'alignant sur le style de Pepe Larraz (qui ne signe que la couverture) réussit à produire des planches bien plus généreuses et solides.


L'équipe des X-Men (moins Sunfire) intervient sur un paquebot de crosière. Wolverine a intercepté sur le Net une vidéo d'un passager montrant qu'à bord une folie meurtrière règne. Le responsable est identifié : il s'agit de M.O.D.O.K. et l'A.I.M..


Les X-Men se séparent en trois : Captain Krakoa, Marvel Girl et Polaris sauvent les passagers tombés à l'eau, Malicia du vaisseau de l'AIM, et Synch et Wolverine de MODOK. Synch en profite pour évoquer avec Wolverine leur séjour dans la Voûte et ses sentiments pour elle.


Mais MODOK réussit à distraire Synch en écartant Wolverine et il prend la fuite. Captain Krakoa lui barre la route. Grâce à Synch et aux pouvoirs psi de Marvel Girl, il pénètre les pensées de MODOK pour tenter de le raisonner, puis l'intimider, avant de le remettre aux autorités.


De retour à New York dans leur QG, Synch aborde Cyclope pour lui avouer avoir effacer les souvenirs de Ben Urich au sujet de ses découvertes sur la résurrection des mutants. Mais cela l'a mis mal à l'aise : il demande à quitter l'équipe...

Je ne veux pas donner le sentiment de m'acharner sur Gerry Duggan et sa manière d'animer la série X-Men, à force je vais donner l'impression de radoter. Ce qui domine, c'est cette frustration. Parfois, et je suis sûr que cela vous est arrivé en suivant une série, vous avez le sentiment que celle-ci mérite mieux que les auteurs qui la pilotent. Vous rêvez même d'un autre scénariste (et/ou d'un autre dessinateur) pour s'en occuper, convaincu qu'ils s'en tireraient mieux, qu'ils auraient de meilleures idées, qu'ils seraient plus concernés, que sais-je.

J'ai une philosophie simple quand je rencontre ce genre de problème : j'arrête les frais et j'attends des jours meilleurs, une nouvelle équipe artistique, une nouvelle direction éditoriale. Simplement, par le jeu des précommandes, il me reste un certain nombre de numéros de la série à recevoir et je les lirai et les critiquerai, en toute honnêteté. Après... On verra si je poursuis l'aventure. Mais cela devrait me conduire jusqu'au début de l'event Judgment Day (dans lequel les X-Men tiendront un rôle déterminant).

La voie qu'a empruntée Gerry Duggan n'est pas déplaisante en soi, il a opté pour une série plus tournée vers l'action pure, plus classique dans le fond et la forme, et les X-Men sont devenus les champions de Krakoa, se comportant non pas en défenseurs de la cause mutante, mais en super-héros qui veulent mériter le respect et la considération des autres (des autres super-héros et des humains). C'est une direction qui n'est pas aberrante, c'est même l'étape logique dans une ère qui s'appelle Reign of X. Et surtout cela dispense le lecteur de lire des histoires où les X-Men sotn les éternels persécutés du Marvel Universe pour épouser une ligne plus proactive.

Le souci que j'ai, c'est que je ne trouve pas Gerry Duggan très inspiré. Il écrit ça sans souffle, sans grande imagination. La construction de sa série est d'ailleurs claire : elle ne fonctionne pas par arc narratif, mais par épisode self-contained, des one-shots, parfois un double épisode pour boucler une intrigue. Il y a un vague fil rouge, intermittent, avec Cordyceps Jones, le Dr. Stasis, Ben Urich, Feilong, mais rien qu'on puisse comparer à un subplot digne de ce nom, qui se développerait lentement mais sûrement pour occuper le devant de la scène et annoncer un combat crucial pour les X-Men. D'ailleurs, la plupart du temps, cette menace est reléguée en fin d'épisode, comme une note en bas de page, ce qui empêche le lecteur d'en ressentir le danger.

Ce mois-ci, un nouveau vilain est opposé aux X-Men, c'est une figure connue et grotesque de l'univers Marvel, MODOK, acronyme pour Mental Organism Designed Only for Killing. Un savant fou (encore un...) qui est lié à l'A.I.M. (pour Advanced Idea Mechanics), qu'on sait être intègré à l'organisation Orchis. Il a empoisonne l'eau potable sur un paquebot de croisière, les passagers deviennent fous et violents. Les X-Men, qui ont déjà depuis sept épisodes vaincu plus fort que ça, vont, sans suspense, le mater. Zéro suspense. C'est déjà embêtant.

Ce qui l'est aussi, de façon tout aussi récurrente, c'est donc que Duggan n'écrit à aucun moment les X-Men comme une équipe. Malicia s'occupe du vaisseau (qu'on ne voit jamais !) de l'AIM, sans que le lecteur sache comment elle le neutralise. Captain Krakoa (Cyclope), Marvel Girl et Polaris sauvent des passagers jetés à l'eau sans que, là encore, on n'en voit rien. Sufnfire est absent (sans explication) de cette mission. Restent Wolverine (Laura Kinney) et Synch pour maîtriser MODOK, mais ils passent plus de temps à communiquer télépathiquement au sujet de leur séjour dans la Voüte (où Synch est tombé amoureux de sa camarade) qu'à vraiment se battre (d'ailleurs MODOK est vraiment neutralisé par Captain Krakoa).

C'est tout de même insensé d'être aussi incapable d'écrire un team-book avec aussi peu de dynamique de groupe, comme si Duggan ne trouvait pas le moyen (ou simplement l'adversaire) capable de mobiliser les efforts simultanés de tous les membres du groupe. Vita Ayala y parvient dans New Mutants, Tini Howard dans Excalibur, Benjamin Percy dans X-Force, mais pas Duggan dans X-Men. Pourtant, je me souviens de ses Uncanny Avengers qui étaient bigrement efficaces, et même ses Guardians of the Galaxy avaient plus d'allure que là.

L'épisode se termine sur la révélation concernant l'amnésie de Ben Urich qui était sur le point de sortir un article explosif sur la résurrection des mutants. Mais en vérité, on s'en fiche un peu car Duggan explique ça mollement et en employant un personnage accablé par son geste (alors que d'autres mutants avec des pouvoirs psi auraient agi avec bien moins de scrupules, mais plus logiquement dans le contexte établi par Hickman). Le fait que Everett Thomas veuillent quitter l'équipe et que ça lui soit refusé n'émeut pas davantage (s'il devait gicler bientôt, ce serait juste bon à son remplacement par le mutant élu lors du prochain Hellfire Gala, sinon il traînera ses remords dans une équipe où visiblement personne ne se soucie du bien-être collectif).

Puisqu'il faut dégager un point positif à tout ça, alors soignons-le. Et il s'agit de saluer le travail de Javier Pina. Remplaçant de Pepe Larraz sur la série, il m'avait déjà bien convaincu la fois précédente où ça s'était passé. Mais c'est encore mieux pour ce numéro.

Pina a aligné son style sur celui de Larraz, avec un encrage assez gras, qui lui convient très bien. Les couleurs de Marte Gracia sont exceptionnelles car elles unifient l'esthétique de la série, d'un épisode à l'autre, et l'illusion est quasiment parfaite. Au niveau du découpage, Pina est moins foufou que Larraz, mais en revanche, il apporte à ses cases un plus grand soin sur les décors, les arrières plans. Il donne l'impression de moins s'éparpiller, de mieux doser ses effets et ses efforts, du coup le ressenti est plus agréable car le résultat est plus constant.

Larraz a pour lui une facilité insolente mais un manque évident à se canaliser (qui expliquerait son incapacité chronique à enchaîner les épisodes), tandis que Pina, plus modeste et appliqué (voire laborieux), en garde sous le pied et peut produire des planches plus compactes et des épisodes plus réguliers, sans paraître essouflé. Ce serait intéressant de le voir à l'oeuvre sur trois ou quatre épisodes d'affilée pour voir si cela se vérifie (mais je doute qu'on en ait l'occasion car, evidemment, Larraz est désormais devenu un dessinateur plus attractif, les fans sont disposés à lui pardonner son irrégularité, même si Pina semble plus solide).

Je ne vois pas par quel miracle X-Men pourrait se redresser et opérer un changement qualitatif sur la durée avec Duggan au scénario. Il paraît incapable d'écrire correctement cette série, ces personnages comme une équipe, en tout cas pas de la manière qui me convaincrait. Ce n'est pas fait pour lui, et sans doute le staff éditorial doit veiller au grain pour que la recette ne soit pas trop modifié (après avoir dû composé avec un Hickman intouchable). Dommage pour les X-Men. Et pour Javier Pina, qui mériterait aussi mieux que de jouer les doublures.

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