vendredi 8 mars 2019

GREEN ARROW #50, de Jackson Lanzing, Collin Kelly et Javier Fernandez


Une série, qui plus est une bonne série, qui s'arrête, ce n'est jamais jouasse. Mais une série qui s'arrête alors qu'elle vend bien (assez bien pour satisfaire l'éditeur), c'est peu banal et même parfaitement incongru. Green Arrow s'achève donc sur ce cinquantième numéro (avant un prochain relaunch), dont son équipe d'auteurs a fait un vrai feu d'artifices de quarante-quatre pages ! Une sortie pleine de panache donc.


Green Arrow effectue une patrouille nocturne dans Seattle et tombe sur Jayce, le gamin qui se prend pour un justicier et qu'il a déjà essayé récemment d'arrêter. Mais il lui échappe à nouveau. En rentrant chez lui, l'arche croise Black Canary.


Avant d'être une super-héroïne, celle-ci a été une espionne dont l'agence veut maintenant se débarrasser de Green Arrow pour lui subtiliser une boîte que lui a confié J'onn J'onzz, capable de détruire la Justice League. Il refuse et fuit.


Poursuivi par des motards, il plonge dans le lac Washington où il neutralise des hommes-grenouilles. Il rejoint son repaire où il récupère la boîte et active l'auto-destruction de l'endroit avant de s'envoler aux commandes de son jet.


Des avions de chasse le poursuivent et le touchent. Green Arrow s'éjecte et ouvre son parachute. Sa descente est amortie par le cri de Black Canary, qui met hors d'état de nuire un commando venu à leur rencontre.


Black Canary tente de convaincre Green Arrow de quitter Seattle et de se faire oublier. Il préfèrerait se battre, avec elle. Mais elle appelle alors Jayce qui agrippe l'archer et l'emmène au loin.


Jayce promet à Green Arrow de veiller sur Seattle en son absence. L'archer, seul, ouvre la boîte : elle est vide. Furieux, il promet de se venger de la Justice League puis, après avoir changé de vêtements, il s'éloigne à pied. La boîte s'illumine...

L'annonce de l'arrêt de la série a surpris tous ses fans, même si elle a eu lieu il y a trois mois. Certes, le remplacement des soeurs Benson par Jackson Lanzing et Collin Kelly trahissait une instabilité dans la conduite du titre, mais les scénaristes se succèdaient avec bonheur, enchaînant d'excellents histoires - Lanzing a mêmeexliqué récemment qu'il avait avec Kelly le projet d'une longue saga... Avant d'apprendre l'annulation de Green Arrow.

Depuis le lancement de "DC Rebirth"et le run de Benjamin Percy, les aventures d'Oliver Queen ont été parmi les grandes réussites du nouveau statu quo. Les ventes étaient bonnes (suffisamment pour l'éditeur). Alors pourquoi stopper ?

Officiellement, c'est pour donner à Green Arrow plus d'importance dans le futur, en faire un personnage qui compte et pèse davantage sur le reste du DC-verse. Soit. Mais cela ne justifie pas d'arrêter sa série, qui aurait très pu acter cette évolution.

A dire vrai, cette décision de Dan Didio et Jim Lee, les deux rédacteurs en chef de DC, reste incompréhensible, totalement incongrue. Et oblige donc Lanzing et Kelly à abréger leur formidable prestation, en liquidant leur projet de saga, et à laisser l'épatant Javier Fernandez sans série (même si j'ose espérer que l'éditeur lui trouvera vite un job à la hauteur de son talent).

Magnanime, DC a offert au trio un numéro double pour conclure. Maigre consolation, mais magnifiquement exécutée. Les scénaristes renvoient à la saga Justice League : No Justice au terme de laquelle J'onn J'onzz confiait à Green Arrow un mystérieux coffret hérité de Brainiac dont le contenu était susceptible de détruire la Justice League. Aujuourd'hui, les anciens employeurs-formateurs de Black Canary, une agence d'espionnage, lui ordonnent de la récupérer par tous les moyens nécessaires. Elle tente de négocier avec l'archer mais comprend que c'est en pure perte des deux côtés : Green Arrow est dans le collimateur de cette organisation.

Lanzing et Kelly nous entraînent alors dans une course-poursuite trépidante où le rôle de Black Canary est d'abord équivoque - a-t-elle trahi Green Arrow (comme il le pense) ? Ou son échec pour avoir la boîte en douceur la condamne-t-elle aussi ? En tout cas, elle va mal prendre le fait d'avoir été doublée.

C'est un pur shot d'adrénaline auquel à droit le lecteur pendant près de trente pages où Green Arrow fait la démonstration de ses talents d'archer, d'acrobate, de nageur, de pilote, de parachutiste. L'action est effrenée, le rythme infernal, on ne souffle que quelques secondes avant qu'un nouvel obstacle se dresse et ne manque d'avoir la peau du héros. Et même si on se doute que l'objectif n'est pas de le tuer (puisque l'éditeur a des grandes ambitions pour lui), on souffre, on vibre pour lui - après tout, ce n'est qu'un type avec un arc et des flèches contre des commandos sur-armés et omniprésents.

La chute est double : les adieux du pretty bird et de l'emerald archer soulignent leur indéfectible alliance mais aussi leur inéluctable séparation. Puis la révélation concernant la boîte donne un aspect dérisoire et cruel qui légitime la colère de Green Arrow, estimant avoir été joué par la Justice League. Lorsqu'il reviendra, il y a fort à parier qu'il y aura de la revanche dans l'air. Même si la toute dernière image de la dernière page indique que Oliver Queen a abandonné une potentielle boîte de Pandore derrière lui...

Que dire sur Javier Fernandez ? Le dessinateur espagnol a vraiment ét, pour moi, ces derniers mois, la grande révélation de la série. J'avais déjà bien aimé sa contribution à Nightwing tout en déplorant le peu d'inspiration des scripts de Tim Seeley (visiblement à court d'idées après l'excellent Grayson durant les "New 52").

En passant après les très bons partenaires de Percy (Otto Schmidt et Juan Ferreyra principalement), Fernandez a brièvement accompagné les soeurs Benson (secondé par German Peeralta). Mais avec Lanzing et Kelly, il a véritablement explosé - et les auteurs ont salué, élégamment, tout ce que leurs épisodes lui devaient.

Il arrive, littéralement, qu'un artiste rencontre son personnage et c'est le sentiment que j'ai eu en voyant les dessins de Fernandez sur Green Arrow. Représenter un archer n'est pas facile : il faut savoir lui donner des attitudes réalistes avec son arme tout en produisant des images dynamiques. L'espagnol a comblé mes attentes au-delà du possible en livrant des pages époustouflantes, aux compositions très audacieuses mais toujours très claires, avec un trait nerveux, des effets variés.

Dans ce double épisode, on a l'impression d'avoir droit à une sorte de best of. La course-poursuite est un motif narratif dans lequel Fernandez donne sa pleine mesure : les pages défilent, étourdissantes, saisissant la vitesse, la tension, avec des changements d'angle, des valeurs de plan, toujours impeccables. Songez qu'il n'use qu'une fois d'une double-page et deux fois d'une pleine page. C'est dense, tonique, grisant.

A la fin, Fernandez structure le monologue rageux de Queen avec des pages en "gaufriers" très strictes, mais qui permettent d'apprécier l'expressivité du personnage en proie à des émotions longtemps retenues et à une parole qui se libère après des épreuves multiples. C'est magistral. Une vraie leçon. Définitivement, Javier Fernandez est un grand à suivre.

On quitte donc Green Arrow sur une drôle de note : frustré que ça se termine ainsi, déconcerté par le choix de DC, triste pour l'équipe artistique aux commandes qui était en pleine bourre. Mais aussi impatient de le retrouver (car il reviendra). Et aux aguets pour apprendre les prochains projets de Lanzing-Kelly et Fernandez. En tout cas, DC se met une drôle de pression car il sera compliqué de faire aussi bien (à moins que le trio ne soit reconduit pour le retour d'Oliver Queen, ce qui ne manquerait pas de piquant).

La variant cover d'Evan Shaner.

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