vendredi 12 avril 2019

WINTER SOLDIER #5, de Kyle Higgins et Rod Reis


La mini-série Winter Soldier de Kyle Higgins et Rod Reis s'achève avec ce cinquième numéro. Un peu comme elle a débuté, en nous laissant un peu sur notre faim. Mais aussi en évoquant de manière poignante la parentalité, la filiation et, plus rare, l'échec d'un héros.


Richard Boyle, le père de RJ, est mort accidentellement en se battant contre Bucky Barnes. Celui-ci embarque le corps dans le coffre de sa voiture et l'emporte dans une forêt où il a l'intention de l'enterrer avec l'aide de Sharon Carter.


Mais cette dernière s'y oppose en expliquant que ce n'est ni la solution ni ce que mérite surtout RJ à qui la vérité est due, même si cela signifie qu'il ne pardonne pas à Bucky etle quitte.


Inquiet, le garçon se rend chez son père chez qui il tombe sur Mr. Colt, le recruteur de l'Hydra. Celui-ci lui montre des photos de vidéo-surveillance suggérant que Bucky a tué Richard Boyle et encourageant RJ à le venger.


Bucky et RJ se disputent et se battent au domicile de Sharon Carter. Le garçon ne rencontre pas de résistance de la part du Soldat de l'Hiver, qui pense expier sa faute en se laissant tuer. Mais RJ l'épargne et s'en va.


Mr. Colt, qui pensait récupérer le garçon, est éliminé par lui. Sharon Carter a fait jouer ses relations pour offrir une sépulture à Richard Boyle et éviter des poursuites contre Bucky. Miné par cet échec, ce dernier répond à un appel pour exfilter un nouvel agent.

Kyle Higgins avait conclu le précédent épisode sur un rebondissement dont il ne pouvait en vérité par revenir. Le scénariste s'est pour ainsi dire condamné à achever sa mini-série sur une note frustrante, aussi bien pour son héros que pour ses lecteurs. Le geste semble trop volontaire pour être accidentel.

De fait, on quitte Bucky Barnes un peu sur notre faim. Mais pour peu qu'on fasse l'effort de surmonter cette légère déception, on ressent ce que Higgins a sans doute voulu explorer au-delà d'une happy end convenue.

Pour ma part, il ne fait guère de doute que le scénariste a construit cette histoire du Winter Soldier sur les thèmes de la parentalité, de la filiation et de l'échec héroïque. A travers le personnage de RJ, on a pu observer un garçon qui n'avait plus de repères et se raccrochait successivement à Mr. Colt (le recruteur de l'Hydra), à Bucky (qui l'a tiré des griffes de l'organisation criminelle) et à Richard Boyle (son père biologique défaillant).

En creusant un peu plus profond, l'histoire de RJ fonctionne comme un écho à celle de Bucky lui-même : orphelin très trop (un peu plus jeune que RJ), il a formé par l'armée pour devenir un soldat aguerri, puis il est devenu le complice de Captain America (à la fois grand frère et père de substitution), avant d'être le jouet des russes, de remplacer Steve Rogers, et donc de devenir le sauveur d'individus en quête d'une nouvelle vie (dans cette mini-série).

Sharon Carter, selon Kyle Higgins, est devenue plus que la collaboratrice de Bucky dans ce programme d'exflitration-protection de témoins, c'est une mère pour le Soldat de l'Hiver, sur laquelle il peut s'appuyer (logistiquement mais aussi affectivement). Elle lui parle avec responsabilité (comme lorsqu'elle refuse de le laisser enterrer Richard Boyle dans une forêt) et bienveillance (lorsqu'elle distingue le fait d'être quelqu'un de bien et quelqu'un d'héroïque).

Le graphisme particulier de Rod Reis convient mieux que jamais à cette histoire. Souvent son dessin en couleurs directes mais appliquées numériquement offre au lecteur des visages et des silhouettes qui semblent inachevés, encore à l'état brut d'esquisses, avec un encrage lâche.

Mais cet aspect traduit remarquablement l'état des personnages, déchiré entre leurs souhaits et la réalité. Effectivement, ils ne sont pas finis, ils sont en construction, ou en reconstruction plus exactement. Ils attendent de trouver leur forme définitive.

Lorsque la violence éclate, elle devient alors plus viscérale, et Reis n'hésite pas à peindre entièrement l'image en rouge, qui devient alors la couleur du sang, de la passion, du drame. L'effet est saisissant et saisit parfaitement le sentiment de RJ en train de tabasser Bucky mais refusant in extremis de le tuer (cette solution, extrême, il la réservera à Colt, dont il a deviné le projet - le récupérer - et dont il souhaite se venger).

En dressant, fait exceptionnel pour un titre mainstream, le portrait d'un héros qui a, selon ses propres mots, "vraiment merdé", la série se clôt de façon très amère. On regrette qu'elle ne se poursuive pas, notamment pour développer les conséquences de l'échec de Bucky. Mais en l'état, sa brièveté lui confère une puissance atypique.  

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