Tom King l'avait promis : ce huitième et avant-dernier numéro de Heroes in Crisis révélerait l'identité du meurtrier du Sanctuaire, tandis que le dernier épisode expliquerait son mobile et la résolution de l'intrigue. C'est donc l'heure de la première révélation et, avec Mitch Gerads et Travis Moore, l'auteur interroge à nouveau la réalité alors même que le coupable faisait partie des suspects les plus probables.
Wally West enregistre sa confession vidéo à l'attention de Lois Lane. Il avoue avoir commis le massacre au Sanctuaire, où il était admis depuis trois semaines. Rongé par la solitude, écrasé par le symbole de l'espoir qu'il incarnait, il revient sur son acte.
Une question taraudait le jeune homme. Pourquoi, dans cette structure, ne parvenait-il pas à guérir ? Pourquoi ces simulations thérapeutiques ne le soulageaient pas ? Et si tout n'était que façade, illusion ? Il fallait qu'il sache. Il a agi en conséquence.
Mais sans être prêt à ce qu'il allait apprendre en piratant l'ordinateur du Sanctuaire, en accédant aux témoignages des autres patients. Recevoir toute la souffrance des autres a achevé de le briser car, non, il n'était pas seul dans son cas.
Sortant du bâtiment en courant, il en déclencha l'alarme. Les patients s'approchaient de lui pour le réconforter. Ironiquement, lui qui souffrait de sa solitude ne souhaitait plus qu'être seul alors. L'énergie de la Force Véloce échappa à son contrôle et tua les résidents.
Il maquilla alors la scène de crime pour tromper Batman et Flash en détournant la technologie temporelle de Booster Gold afin que lui et Harley Quinn croient que l'autre était le meurtrier. Ainsi gagna-t-il cinq jours : le temps de réparer le mal fait. Et de se confesser.
Wally West était un des suspects dans l'affaire du massacre du Sanctuaire, au moins depuis que Booster Gold en compagnie de Blue Beetle avait remarqué, sur les vidéos de sécurité, que Flash II y apparaissait plus vieux de cinq jours que les autres victimes.
Tom King avait annoncé, à l'avance aussi, que le nom du coupable serait dévoilé pour le pénultième épisode de sa saga, juste avant le dénouement de l'intrigue. Il s'agit donc ici d'un homicide multiple involontaire. Mais surtout d'un cas qui évoque celui de celui de Scott Free dans la maxi-série Mister Miracle du même auteur.
Scott Free tentait de se suicider, soi-disant pour savoir s'il pouvait échapper même à la mort, en vérité parce qu'il souffrit d'une dépression profonde (à cause de la mort de son ami Oberon, des séquelles d'une enfance passée sur Apokolips, peut-être aussi de l'influence de l'équation d'antio-vie détenue par Darkseid). A mesure qu'il devait composer avec la guerre entre son monde, New Genesis, et celui de son père adoptif tyrannique, Apokolips donc, son existence était chamboulée par la naissance de son fils, Jacob, jusqu'à la démonstration par Metron de l'existence d'une réalité parallèle peuplée d'autres surhumains. Il préfera finalement y renoncer pour élever son enfant et chasser ses démons tout en assumant sa double vie de mari-père et de Haut-Père.
Wally West est entré au Sanctuaire pour une dépression aussi. Il souffrait à la fois de la perte de sa famille (sa femme Linda, leurs deux enfants) et du symbole de l'espoir qu'il incarnait pour la communauté super-héroïque (une situation tristement ironique). La thérapie consistait en des simulations en réalité virtuelle et des confessions pour localiser la source du malaise et le dépasser. Si parler a permis au speedster de se soulager en mettant des mots sur sa détresse, le reste n'a pas suffi.
En fait, Flash II restait perplexe sur le cadre du Sanctuaire et de ses procédures. On y garantissait l'anonymat du patient et les enregistrements des sessions étaient détruits au terme du protocole. Mais pourquoi, malgré tout, ce sentiment de solitude écrasant persistait ? Et si tout cela n'était qu'une gigantesque illusion ? Un dérivé de l'équation d'anti-vie comme pour Scott Free, semant le doute, incitant à croire qu'on allait mieux sans que cela soit effectif.
Tom King est passionné par la réalité, le rapport à la réalité, non seulement des personnages avec leur environnement, mais aussi dans la perception qu'ont les lecteurs de la situation vécue par les personnages. Dans Mister Miracle, il était impossible de démêler le vrai du faux. Dans Batman, le dark knight est éprouvé mentalement par un adversaire qui, méticuleusement, pulvérise tout possibilité pour lui d'être heureux. Ici, Wally West est ce héros confronté à une solitude si extrême que, lorsqu'il veut connaître la vérité sur le Sanctuaire, décide de savoir s'il y a vraiment d'autres patients, si oui est-ce que cela marche pour eux, et qui au final reçoit en pleine face la détresse de milliers de héros.
Wally West n'est pas/ n'est plus seul et cela le brise. Encore plus cruellement, celui qui était accablé par la solitude ne désire plus alors qu'être vraiment seul pour encaisser ce qu'il a appris. Et parce qu'il a un réflexe (sortir en vitesse du Sanctuaire, déclenchant son alarme), il sent que les autres patients vont le submerger (d'attentions, de questions). Il perd le contrôle de l'énergie source de son pouvoir et les tue sans pouvoir l'empêcher. Rattrapé par la réalité dont il a douté, il doit à présent la maquiller pour tromper les enquêteurs. Il est l'homme le plus rapide du monde, il gagne donc littéralement du temps pour accabler deux suspects parfaits, mettre en scène la scène du crime. Et réaliser quelque chose qui, sans l'innocenter, permettra, espère-t-il, de compenser ce qu'il a commis. Il gagne les cinq jours qu'a détecté Booster Gold avec Blue Beetle pour cela. Et pour se confesser.
On le voit : finalement, ce n'est pas si important de savoir si on a eu raison de soupçonner Wally West du massacre. Ce qui l'est, c'est ce qui a conduit au drame. Et ce qui reste à découvrir : qu'a-t-il fait pour "compenser" son acte, qu'a-t-il fait durant cinq jours, entre le massacre et l'enregistrement de sa confession ? Ce qu'on sait, c'est que c'est Lois Lane qui recevra ses aveux, qui en avisera qui de droit (la trinité - Superman, Batman, Wonder Woman - , Flash). Ce qu'on ignore encore, c'est comment ils réagiront. Et les réactions de Booster Gold (avec Blue Beetle) et Harley Quinn (avec Batgirl). Et les conséquences durables pour la communauté super-héroïque (à commencer par l'avenir du Sanctuaire).
Une nouvelle fois, Clay Mann n'a rien dessiné : on pourra le déplorer (et remarquer que Russell Dauterman a intégralement réalisé les cinq épisodes de War of the Realms, l'event Marvel actuel - mais, avec cette différence de taille, qu'il a eu un an pour le faire).
En revanche, on ne peut guère se plaindre de la manière dont DC a su anticiper l'incapacité de Mann à enchaîner huit épisodes (c'était couru d'avance), en ayant recouru à des suppléants de la classe de Lee Weeks, Jorge Fornes, et donc à nouveau Mitch Gerads (particulièrement à-propos pour cet épisode évoquant Mister Miracle) et Travis Moore (même s'il ne signe que le premier quart de l'épisode).
Gerads, puisque c'est tout de même lui qui s'acquitte du plus gros du numéro, réalise une production éblouissante. Son style se fait plus nerveux et son découpage plus aéré. La mise en couleurs, qu'il assure, participe aussi à la réussite du tout : il a parfaitement intégré et exploité les ressources d'un personnage hyper-rapide et trop fragile pyschologiquement comme Wally West. Grâce à lui, l'explication visuelle de l'énigme devient limpide et poignante.
Si l'on prend en compte que King a déclaré que leur prochaine maxi-série, à lui et Gerads, concernerait un personnage de Heroes in Crisis, alors s'il s'agit de Wally West, cela augure de quelque chose de très alléchant (même si je penche plutôt pour Booster Gold, et ce serait également prometteur).
Le plus fort, en fin de compte, c'est qu'alors que l'essentiel est désormais connu (Wally West coupable), la conclusion, le mois prochain, de cette saga, demeure passionnante à découvrir pour tout ce qu'elle induit. Il ne s'agit pas d'une simple affaire d'homicide, avec un super-vilain, mais d'un cas très épineux, relatif à un personnage très apprécié des fans. Non, ce n'est pas fini. Vraiment pas.
La variant cover de Ryan Sook.
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