Justice League Dark serait-elle en train de se reveiller (enfin !) au bout de son dixième épisode ? C'est ce que laisse espérer ce numéro, très dense, mais où James Tynion IV répond à beaucoup d'interrogations et anime certains personnages. Sublimée par Alvaro Martinez en état de grâce, la série atteint une envergure inédite.
Khalid Nassour raconte comment il a surpris une conversation entre Nabu et les Seigneurs de l'Ordre dans le royaume mystique de ces derniers. Le Dr. Fate y exposait son plan pour purger la Terre de la magie en piégeant du même coup l'Autre Genre.
Menacé actuellement, le Royaume de Myrra doit choisir entre un combat désespéré contre les Seigneurs de l'Ordre et la retraite sur Terre, malgré la menace de l'Autre Genre. Bobo veut lutter, mais Blue Devil ordonne l'évacutation.
Cependant, sur l'île d'Aerea, Circé explique à Wonder Woman et surtout à Zatanna que son père, Giovanni Zatara, avait prévu ces événements avant sa mort. Pour le suppléer, il avait formé John Constantine et scellé un accord avec Mordru, le Seigneur du Chaos.
Bouleversée, Zatanna se téléporte avec Wonder Woman là où Circé lui indique la position de Mordru. La magicienne reçoit alors la visite de l'Homme Inversé, commandant de l'Autre Genre, à qui elle a promis une guerre à leur avantage.
A Myrra, l'évacuation va débuter. Mais soudain la réalité de cette dimension cesse de s'effacer et Soeur Symétrie apparaît et soumet la propostion de Nabu : s'ils renoncent à la magie, ils vivront encore comme de simples humains mais protégés de l'Autre Genre. Ou bien ils mourront tout de suite.
James Tynion IV ne m'a guère convaincu depuis le début de son run sur Justice League Dark, comme s'il maîtrisait mal son sujet alors qu'il avait déclaré qu'il s'agissait du projet de ses rêves. Avec un casting mal exploité, une intrigue alambiquée, des enjeux mal exposés, on était loin de la construction experte de ses arcs de Detective Comics.
J'avais donc décidé le mois dernier d'aller jusqu'au terme de cette histoire pour ne rien regretter mais surtout pour vérifier si le scénariste en tirerait quelque chose de valable ou sombrerait complètement. Autant dire que c'était quitte ou double, ma patience étant sérieusement entamée.
Et puis voilà qu'une sorte de miracle se produit avec cet épisode, très dense, encore imparfait (Man-Bat reste toujours le caillou dans ce jardin, inutile), mais qui présente l'avantage de remettre quasiment tout à plat, comme si l'auteur avait soudain prise conscience qu'il ne suffisait plus d'avancer, sûr de son fait, mais de convaincre enfin.
Donc, le numéro est découpé en blocs distincts mais bien pratiques. On a le sentiment étonnant que la série redémarre presque, comme si nous avions enfin le plan de l'intrigue sous les yeux. C'est encore très touffu, mais plus compréhensible et plus dynamique, avec chacune des parties concernées détaillées. Et vraiment, ça fait un bien fou.
Soit donc : Dr. Fate/Nabu convainc les Seigneurs de l'Ordre (ses semblables) de détruire la magie car il estime que son usage a été dévoyé (spécialement par les terriens) mais aussi parce que son emploi est devenu dangereux depuis la brêche ouverte dans le Mur de la Source (qui sépare le Multivers du Dark Multivers - ce qui renvoie à la saga Justice League : No Justice). Ce plan aboutira à la disparition des Seigneurs de l'Ordre, mais Nabu/Fate considère que c'est un sacrifice pour le bien commun.
Pour terrasser l'Autre Genre, la menace du Dark Multiverse, conduite par l'Homme Inversé, Nabu/Fate veut le laisser avec ses congénères consommer la magie terrestre puis en profiter pour sceller le passage avec le Multivers, ce qui condamnera donc toute la magie noire ou "blanche". Les Seigneurs de l'Ordre ont déjà "nettoyé" plusieurs dimensions magiques, ils s'apprêtent à raser le royaume de Myrra où se sont réfugiés les sorciers et mages terrestres, dont Bobo et Swamp Thing de la JLD.
Pendant ce temps, Wonder Woman et Zatanna apprennent par Circé que Giovanni Zatara, le père de Zatann, avait tout prévu depuis longtemps, formant son remplaçant (John Constantine) et s'attachant l'aide de Mordru, le Seigneur du Chaos, seul capable de vaincre Nabu. Mais Circé, marquée par la déesse Hécate, joue sur deux tableaux car elle a conclu une alliance avec l'Homme Inversé : elle compte sur les défaites de Mordru et Fate pour devenir la seule gardienne de la magie de tout le Multivers.
C'est donc tout cela que Tynion IV a, selon moi, totalement échoué à raconter proprement, clairement, depuis neuf numéros, et que, de manière imprévisible, il arrive à résumer ce mois-ci, relançant complètement mon intérêt pour la série. Si seulement il avait commencé par là, au lieu d'empiler (à la façon de son mentor Scott Snyder) les mystères, les rebondissements fumeux, un crossover foireux (entre les séries Wonder Woman et Justice League Dark)... Invraisemblable méthode de la part d'un auteur qui avait démontré une science architecturale impressionnante dans Detective Comics, sur la base d'un arc/un personnage en avant, pour aboutir à un climax tragique et l'auto-destruction logique de l'équipe de "Gotham knights".
Au moins maintenant, on sait où on en est, qui est qui, pourquoi fait-il ça... Il ne reste plus à Tynion IV qu'à ne pas rater l'entrée en scène de Mordru (surtout que l'option représentée par ce personnage est délicate : s'en remettre au Seigneur du Chaos pour sauver la magie, c'est comme demander à un fou de rétablir l'ordre), puis à animer la JLD comme une vraie équipe (et non deux groupes), sans omettre de réhabiliter Fate (mais de ce côté-là, il y a aussi de l'espoir puisqu'on voit Kent Nelson se rebeller contre Nabu).
Tynion IV pourra en tout cas s'appuyer sur le talent de son dessinateur pour le soutenir car Alvaro Martinez sort le grand jeu dans cet épisode, qui est sans doute également son meilleur (même s'il a, lui, rarement, déçu). Fort d'idées de découpage insensées, l'espagnol transcende l'exercice pour éblouir le lecteur sans toutefois le noyer sous des effets tape-à-l'oeil.
On est saisi par la précision de ses compositions, affolé par le soin apporté aux détails (le casque de Fate qui fond à mesure que Nabu déchaîne son pouvoir, la manière dont Circé manipule le lasso de WW, le sort - car oui, enfin là aussi, Zatanna lance un sort - de Zatanna contre un démon de l'Autre Genre), et la qualité de l'encrage et de la colorisation ajoute à l'enchantement. A ce niveau, JLD devient une des plus belles séries DC actuelles.
On sort de là repu, rincé aussi, mais redirigé, confiant : exemple rare d'un moment où série et lecteur sont à nouveau alignés.
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