Le rideau tombe sur une des séries les plus sympas, tous éditeurs confondus : ce dixième numéro de West Coast Avengers est le dernier. J'avais préparé un résumé, mais j'ai décidé de le zapper et de réfléchir à voix haute sur ce que dit cet échec et cette annulation.
Sachez néanmoins que nos héros ont raison des vampires en cheville avec Mme Masque (mais qui, elle, court toujours), que Kate a une explication avec sa mère (devenue une vampire) mais pas avec son père (lui aussi, toujours dans la nature), que Jeff le requin sur pattes de Gwenpool bave de satisfaction, que Fuse et Noh-Varr se trouvent mutuellement "hot"... Et que, ironiquement, les WCA ont enfin un quartier général flambant neuf, payé par la production de l'émission de télé-réalité qui les a filmés.
Kelly Thompson s'est bien amusée en bouclant, en totale roue libre, cet ultime chapitre. Mais on sent, dans le post-scriptum qu'adresse la jeune scénariste aux lecteurs, que le moral en a quand même pris un coup.
Rien ne lui aura été épargné : même le dessinateur de cet épisode a encore changé (et ce Moy R. n'est pas fameux) ! Thompson est fair-play en remerciant l'équipe éditoriale qui, pourtant, l'aura consciencieusement dépouillé en dix mois, lui retirant son artiste initial (Stefano Caselli), n'assurant aucune promotion à la série, promettant un nouvel intitulé ("Avengers West Coast" pour être plus visible dans les stands) puis arrêtant les frais.
La scénariste est-elle un talent incompris par son employeur et le public ? En tout cas, il est évident qu'elle a bien du mal à s'imposer malgré la fraîcheur de son style et sa connaissance de l'univers Marvel. Son run sur Hawkeye a également fini en eau de boudin, et elle a voulu développer West Coast Avengers comme sa suite déguisée (en animant à nouveau les deux archers, le passé des parents de Kate Bishop, et en intégrant des seconds rôles comme Fuse et sa soeur Ramona) - peut-être pas l'idée la plus judicieuse qui soit, mais le témoignage de l'affection que porte l'auteur à ces héros.
On peut s'interroger sur l'avenir de son autre série, Mr & Mrs X, dont le dessinateur (Oscar Bazaldua) est assigné à une nouvelle production dès Juillet et dont les vedettes (Rogue et Gambit) vont peut-être être absorbés par la refonte de la franchise "X" de Jonathan Hickman. Quant à Captain Marvel, si le futur de la série est assuré (avec le succès du film), il faudra attendre de connaître les plans de Thompson sur le deuxième arc pour savoir vraiment ce qu'elle va en faire (car l'histoire en cours est bine trop atypique et inégale pour juger).
Dans le message qu'elle a rédigé pour la postface de ce numéro, Thompson remercie les fans pour leur "ouverture d'esprit", car il en fallait pour accepter et soutenir cette équipe d'outsiders improbable. Cela interroge le goût du grand public, celui qui fait et défait les titres en les achetant ou pas. Les WCA avaient-ils sérieusement une chance dans ce contexte ? Le marché est saturé chaque mois et porter le mot "Avengers" dans son titre est à double tranchant car il oblige au succès. Or, cette série n'était pas conçue comme un hit imparable : au contraire, c'était un divertissement farfelu, qu'il aurait fallu produire comme quelque chose de quasi-indé, avec un artiste stable, et des ambitions moins commerciales qu'esthétiques. Mais Marvel veut-il encore investir dans un mensuel aussi spécial (comme le fut Hawkeye époque Fraction-Aja, bardé de prix sans être un best-seller) ?
A lire ce qu'écrit Thompson chez Marvel, on a de plus en plus l'impression d'un talent pris en étau entre les impératifs d'une major company, plus préoccupé d'inonder les bacs de séries que de concevoir une collection de mensuels moins prolifique mais plus intelligente (cela vaut aussi pour DC, même si ça me paraît mieux pensé), et ses désirs de raconter des histoires avec pep's. En vérité, la vraie Kelly Thompson se révèle davantage dans Sabrina the teenage witch, où son écriture espiègle s'épanouit, qu'avec les super-héros qu'on lui confie sans véritablement y croire (hormis Captain Marvel).
Il y a dans la conclusion de West Coast Avengers une nouveauté de la part de la scénariste : pour la première fois, elle semble vraiment découragée et, en toute logique, elle a terminé en faisant n'importe quoi (donner un pouvoir à Ramone, révéler la nature vampirique de la mère de Kate, etc). C'est à la fois drôle grotesque, et triste car le coeur n'y est visiblement plus. On peut le comprendre, car les échecs à répétitions et l'incertitude pour le futur minent. On peut aussi s'interroger sur le conformisme ambiant qui conditionne des lecteurs râlant souvent sur l'état des comics, la nature des histoires, mais refusant de donner leur chance à des titres moins stéréotypés.
L'échec et l'annulation de WCA, qui portait brillamment l'état d'esprit "Fresh Start" voulu par Marvel, prouve surtout que l'arrivée de C.B. Cebulski à la rédaction en chef des comics de l'éditeur n'a rien changé : toujours autant d'events en vue, toujours autant de mensuels dans les bacs, et, plus grave sans doute, le départ de talents, la condamnation de séries comme celles-ci, l'impression que le MCU est devenu plus agrèable et palpitant que les comics qui l'inspirent. Bref, bien des enseignements à tirer de la disparition d'une série sympa.
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